A la différence des services d’intermédiation ayant pour objet de mettre en relation des chauffeurs non professionnels utilisant leurs propres véhicules et des personnes souhaitant effectuer un déplacement urbain (arrêts Asociación Profesional Elite Taxi (CJUE, 20 décembre 2017, C-434/15) et Uber France (CJUE, 10 avril 2018, C-320/16)), l’avocat général Szpunar a qualifié dans ses conclusions du 30 avril 2019 (C-390/18) les services fournis par la plateforme Airbnb, à savoir la mise en relation de locataires potentiels avec des loueurs proposant des prestations d’hébergement de courte durée, de « services de la société de l’information » au sens de la directive 2000/31 sur le commerce électronique.
Une plainte avait été déposée, en France, contre Airbnb Irlande UC, plateforme qui gère les services de mise en relation de loueurs et locataires pour tous les utilisateurs établis hors des Etats-Unis, pour la violation d’un certain nombre de dispositions prévues par la « loi Hoguet » (loi française posant certaines conditions à l’exercice des activités relatives, entre autres, à l’immobilier).
Le tribunal de grande instance de Paris a saisi la Cour de justice de deux questions préjudicielles : (i) les services Airbnb constituent-ils des services de la société de l’information et doivent-ils, à ce titre, bénéficier de la libre circulation des services assurée par les articles 2 et 3 de la directive 2000/31 et, (ii) la loi nationale (en l’espèce la « loi Hoguet ») est-elle opposable à Airbnb Irlande UC ?
L’avocat général rappelle d’abord le principe selon lequel il incombe à chaque Etat membre de veiller à ce que les prestataires établis sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet Etat et relevant du domaine coordonné (à savoir les dispositions nationales relatives à l’accès à et à l’exercice de l’activité d’un service de la société l’information). Les Etats membres autres que celui sur le territoire duquel le prestataire est établi ne peuvent pas, sauf exceptions, restreindre en vertu de leur loi nationale la libre circulation des services de la société de l’information.
Concernant la première question préjudicielle, les positions des parties furent diamétralement opposées. Airbnb et al. soutenaient que les services qu’elle preste relèvent de la directive 2000/31, alors que le gouvernement français et al. estimaient que conformément au raisonnement suivi par la Cour de justice dans les arrêts Elite Taxi et Uber France (précités), les services d’intermédiation d’Airbnb, combiné aux autres services proposés, constitue un service global dont l’élément principal est un service lié à l’immobilier ; il ne s’agirait dès lors pas d’un service de la société de l’information.
Sur la base de l’enseignement des arrêts Elite Taxi et Uber France, l’avocat général estime qu’il s’agit d’un service de la société de l’information uniquement à la condition que le prestataire, s’il rend des services matériels en sus des services rendus par des dispositifs électroniques, n’exerce pas l’influence décisive sur les conditions de prestation de ces services matériels ; ils doivent être dissociables des services rendus au moyen de dispositifs électroniques pour ne pas affecter la qualification de ceux-ci de « services de la société de l’information » au sens de la directive 2000/31.
En l’espèce, l’avocat général constate qu’Airbnb fournit des services matériels d’hébergement en sus des services rendus via des dispositifs électroniques. Contrairement à Uber concernant l’activité de transport, Aibnb n’exerce cependant pas de contrôle sur les aspects économiquement pertinents du service d’hébergement (par exemple sur la localisation de l’hébergement, le standard etc.). Les services d’hébergement ne sont pas indissociables des services accomplis via des dispositifs électroniques : ils peuvent être fournis indépendamment de la plateforme et maintiennent leur intérêt économique propre.
Les services Airbnb constituent par conséquent des services de la société de l’information.
Concernant la seconde question, l’avocat général rappelle que la directive 2000/31 autorise les Etats membres à restreindre, sous certaines conditions, la libre circulation de services provenant d’un autre Etat membre (mesures nécessaires à l’ordre public, à la protection des consommateurs etc.). Ces restrictions doivent faire l’objet d’un examen de proportionnalité. Un tel examen n’avait pas été réalisé en l’espèce. L’avocat général propose à la Cour de répondre à la seconde question qu’un Etat membre autre que celui sur le territoire duquel le prestataire de services est établi ne peut restreindre, pour des raisons relevant du domaine coordonné, la libre circulation des services en invoquant, à l’égard du prestataire, d’office et sans examen de fond, des exigences telles que celles relatives à la profession d’agent immobilier, prévues par la « loi Hoguet ».