Les faits du litige soumis à la Cour de cassation ressortent du pourvoi: le preneur d’assurance remplit un bulletin de souscription à l’entête de l’assureur pour un produit d’investissement. Il remet un chèque du montant de la prime au courtier et est débité de cette somme. Une « offre réalisée pour (le preneur d’assurance) » à l’entête de l’assureur, mentionnant le courtier comme « conseiller » et reprenant les caractéristiques du produit, indique la date de prise d’effet du contrat et de son terme ainsi que le montant de la prime. Il s’avérera que ce document a été établi par le courtier.
Ni le bulletin de souscription ni le chèque ne sont transmis à l’assureur qui expliquera, interrogé par le preneur d’assurance sur le montant de la réserve constituée, qu’aucun contrat n’a été conclu à son nom.
Le preneur d’assurance interjette appel de la décision rendue en première instance en faisant valoir que le paiement fait à un intermédiaire est libératoire, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si la théorie du mandat apparent s’applique et qu’il importe peu que l’intermédiaire n’ait pas transféré la prime à l’assureur (voy. sur la question du mandat apparent, A. Pütz, « Intermédiation: l’apparence de représentation du courtier d’assurances », For. Ass., 2012/2, n° 121, p. 27).
La cour d’appel condamne l’assureur à payer au preneur d’assurance un montant correspondant à celui du chèque, à majorer des intérêts compensatoires puis moratoires.
L’arrêt énonce que « [l’assureur] n’ayant jamais reçu le bulletin de souscription, ni la prime, le contrat d’assurance ne s’est pas formé » et que « le fait que [l’assureur] a mis à disposition d’un courtier des bulletins de souscription libellés à son nom n’était pas de nature à créer l’apparence que [le courtier] avait été mandaté par l’assureur pour conclure des contrats en son nom », qu’ « il s’agissait clairement d’une proposition que [le courtier] devait transmettre à [l’assureur] une fois qu’elle était signée par le preneur d’assurance, ce qu’il n’a pas fait » et que « les fautes [du courtier] n’ont […] pas eu pour effet de nouer le contrat » car celui-ci « n’avait pas le pouvoir d’engager la compagnie à cet égard et cette dernière n’ayant jamais reçu la proposition signée, le délai de 30 jours au terme duquel le contrat est censé conclu en l’absence de réaction de l’assureur n’a jamais commencé à courir ».
Toutefois, après avoir ainsi exclu l’existence d’un contrat d’assurance engageant l’assureur, l’arrêt, énonce que, « quant au paiement de la prime », l’article 13, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 « est une application de la théorie du mandat apparent » et considère que, « dès lors que [le courtier] avait remis [au preneur d’assurance] un bulletin de souscription libellé au nom de [l’assureur] sur lequel le nom du courtier était repris dans la case ‘conseiller’ avec un compte producteur, que le bulletin était numéroté […] et prévoyait le paiement de la première prime, [le preneur d’assurance] a légitimement pu croire que le courtier avait été mandaté par l’assureur pour percevoir les primes, ce qui correspond du reste à la pratique habituelle. » (Bruxelles (4e ch.), 18 novembre 2014, R.G.A.R., 2015/4, p. 15.178).
L’article 13, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre (art. 67, al. 2, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances) dispose qu’à défaut d’être fait directement à l’assureur, est libératoire le paiement de la prime fait au tiers qui le requiert et qui apparaît comme le mandataire de l’assureur pour le recevoir.
Par un moyen unique, l’assureur argumente en cassation que ce n’est que si le contrat existe que le paiement de la prime peut être valablement fait à un tiers qui apparaît comme le mandataire de l’assureur pour recevoir ce paiement. Le paiement de la prime consiste en effet en l’exécution, par le preneur d’assurance, d’une obligation découlant d’un contrat existant (M. Fontaine, Droit des assurances, Larcier, 5e éd., 2016, p. 238).
La Cour de cassation rappelle que conformément à l’article 1, e), de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre (art. 5, 19°, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances), la prime est la rémunération demandée par l’assureur en contrepartie de ses engagements.
Il s’ensuit, selon la Cour de cassation, que « pour que le paiement de la prime fait au mandataire apparent soit libératoire, un contrat d’assurance engendrant l’obligation pour le preneur de payer cette prime en contrepartie de l’engagement de l’assureur doit exister entre ces parties ».
Elle constate que l’arrêt attaqué décide que ce contrat n’existe pas mais qu’au même moment l’arrêt se fonde sur l’article 13, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre et sur l’existence d’un mandat apparent du courtier « pour percevoir les primes » pour justifier la condamnation de l’assureur au paiement au preneur d’assurance du montant remis au courtier.
La Cour de cassation casse dès lors l’arrêt en raison de la violation de l’article 13, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre (art. 67, al. 2, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances).