Par son arrêt du 28 octobre 2019 (F-20191028-1 / C.18.0586.F), la Cour de cassation rappelle les conséquences d’un manquement commis, avec intention frauduleuse, par l’assuré lors de la déclaration d’un sinistre.
A la suite d’un sinistre incendie, consistant en la perte d’étables et de bétail, l’assuré n’a pas déclaré à l’assureur qu’une partie des bovins avait fait l’objet d’un ordre d’abattage des autorités compétentes. Il est condamné pénalement, notamment pour escroquerie au préjudice de l’assureur qui avait commencé à indemniser sans être averti des ordres d’abattage intervenus.L’assuré contestait la décision du tribunal de première instance du Luxembourg et sollicitait que l’assureur ne soit pas autorisé à décliner sa garantie pour l’ensemble du sinistre – bâtiment et bétail – alors que l’inexactitude ne portait que sur quelques têtes de bétail (7 bovins sur 63 ayant péris dans l’incendie).
La Cour d’appel de Liège rappelle que l’assureur peut décliner sa garantie si, dans une intention frauduleuse, l’assuré n’a pas exécuté les obligations énoncées aux articles 19 et 20 [articles 74 et 75 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances], à savoir fournir tous renseignements utiles, répondre aux demandes d’informations relatives au sinistre et prendre toutes les mesures raisonnables pour prévenir et atténuer les conséquences du sinistre. Elle considère que « l’intention frauduleuse de l’assuré est établie par sa condamnation pénale et autorise l’assureur à décliner son intervention pour l’ensemble du sinistre, concrètement à récupérer les sommes qui apparaissent comme indues ».
L’assuré se pourvoit en cassation en considérant qu’ il ne suffit pas de constater l’absence de respect (dans une intention frauduleuse) d’une seule des obligations visées aux articles 74 et 75 pour que l’assureur soit autorisé à décliner sa garantie pour l’ensemble du sinistre : « la sanction légale la plus grave (la déchéance) doit être interprétée de manière restrictive et elle implique que, dans une intention frauduleuse, l’assuré n’a pas exécuté toutes les obligations énoncées aux articles 74 et 75 ».
Selon l’assuré, le législateur n’a pas voulu que l’assureur puisse décliner la garantie pour l’ensemble du sinistre en cas de violation d’une seule « obligation vénielle ».
Cette lecture des dispositions concernées a pour origine une confusion entre le sinistre et le préjudice déjà soulignée par la Cour d’appel : « le sinistre, c’est-à-dire la réalisation du risque, est frappé de déchéance justifiée par les déclarations frauduleuses de l’assuré, sans qu’il soit nécessaire dans le cadre de l’application de l’article 21, § 2, de la loi [articles 76, § 2, de la loi du 4 avril 2014] de décomposer le préjudice et d’apprécier l’incidence de la fausse déclaration sur le caractère indemnisable de celui-ci ; il ne s’agit pas d’une réduction de prestations » (1).
On retiendra de cet arrêt que peu importe la disproportion entre la partie du dommage sur lequel porte la déclaration frauduleuse et le reste du dommage correctement déclaré : si dans une intention frauduleuse (ce que l’assureur doit démontrer), l’assuré n’a pas déclaré avec sincérité toutes les circonstances du sinistre, l’assureur est fondé à décliner sa garantie pour l’ensemble du sinistre.
(1) Voy. dans le même sens Pol. Liège, 26 novembre 2015, J.L.M.B., 2016, p. 467 ; D. Wuyts, « Verzekeringsfraude: burgerrechtelijke neutralisatie en strafrechtelijke beteugeling », R.W. 2013-14, p. 1300 et sur l’analyse de l’obligation de l’assuré dans la cadre de la déclaration de sinistre sous l’angle de l’ « obliegenheit »/« incombance » : M. Fontaine, « Obliegenheit, incombance ? » in Liber Amicorum Hubert Claassens, Maklu, 1998, p.151 et M. Houbben, « La déclaration de sinistre au sens de la loi du 25 juin 1922 sur le contrat d’assurance terrestre : nature juridique et sanction », R.G.D.C., 2010, p. 184).