Article

Tribunal de commerce Hainaut (div. Charleroi), 26/04/2017, C/17/00004, R.D.C.-T.B.H., 2019/9, p. 1116-1140

Tribunal de commerce du Hainaut (div. Charleroi)26 avril 2017

ARBITRAGE
Procédure - Clause d'arbitrage - Compétence du juge des référés - Déclinatoire de juridiction
En présence d'une clause d'arbitrage qui mentionne que les parties ont le droit d'exiger des mesures provisoires de la part du président du tribunal de commerce de Charleroi ou de tout autre tribunal compétent, le juge des référés conserve son pouvoir de juridiction.
RÉFÉRÉ
Conditions - Urgence
La condition d'urgence s'apprécie par référence à la durée de la procédure au fond qui a ou qui aurait pu être introduite par le demandeur en référé. La possibilité de solliciter des mesures provisoires à l'audience d'introduction ou dans un délai rapproché devant le juge du fond, sur pied des articles 19, alinéa 3 et 735, § 2, du Code judiciaire ne supprime pas l'accès au juge des référés lorsque l'affaire est complexe et nécessite d'importants développements écrits et oraux.
PREUVE DES OBLIGATIONS
Général - Preuve illégale - Ecartement
La sanction naturelle de l'illégalité de la preuve est, en règle, son écartement de sorte que la pièce ne peut pas être prise en considération dans le cadre de la procédure. La question se pose de savoir si les critères tirés de la jurisprudence dite « Antigone » peuvent être purement et simplement transposés aux litiges de droit privé. Il est incontestable que l'extension sans limite de cette jurisprudence aux relations contractuelles de pur droit privé n'est pas souhaitable, en ce qu'elle risquerait d'aboutir à une transgression systématique des dispositions sanctionnées pénalement qui protègent la vie privée. Dès lors, le juge est amené à procéder à la balance des droits et intérêts en présence: d'une part, le droit à la preuve du demandeur, d'autre part, le droit du défendeur au respect de sa vie privée.

ARBITRAGE
Rechtspleging - Arbitragebeding - Bevoegdheid van de kortgedingrechter - Afwijzing van bevoegdheid
In geval van een arbitragebeding waarin wordt bepaald dat de partijen het recht hebben om voorlopige maatregelen te eisen van de voorzitter van de rechtbank van koophandel van Charleroi of een andere bevoegde rechtbank, behoudt de rechter in kort geding zijn bevoegdheid om voorlopige maatregelen te nemen.
KORT GEDING
Voorwaarden - Spoed
De spoedeisendheid wordt beoordeeld in het licht van de duur van de procedure ten gronde die door de eiser in kort geding is of had kunnen worden ingesteld. De mogelijkheid om voorlopige maatregelen te vragen tijdens de inleidende zitting of binnen een korte termijn voor de bodemrechter, overeenkomstig de artikelen 19, derde lid en 735, tweede lid van het Gerechtelijk Wetboek, staat de toegang tot de kortgedingrechter niet in de weg wanneer de zaak ingewikkeld is en belangrijke schriftelijke en mondelinge discussies vereist.
BEWIJS VAN VERBINTENISSEN
Algemeen - Onrechtmatig bewijs - Wering
De natuurlijke sanctie voor de onrechtmatigheid van het bewijs is in de regel de wering ervan, zodat het bewijs in de procedure niet in aanmerking kan worden genomen. De vraag rijst of de criteria uit de zogenaamde “Antigoon”-rechtspraak eenvoudigweg kunnen worden overgebracht naar privaatrechtelijke geschillen. Het staat buiten kijf dat de onbeperkte uitbreiding van deze rechtspraak tot zuiver privaatrechtelijke contractuele relaties onwenselijk is, in die zin dat dit zou kunnen leiden tot een systematische schending van de strafbepalingen die de privacy beschermen. De rechter moet dus een afweging maken tussen de betrokken rechten en belangen: enerzijds het recht van de eiser op bewijs en anderzijds het recht van de verweerder op eerbiediging van zijn privéleven.

S.B. et SPRL Sunshine Factory / SA Airspace et J.V.W.

D. Gol (présidente)
Pl.: Mes Ph. Van Den Broecke, G. Rulkin et Ph. Bossard et S. Lemiegre, F. Demaj et V. Dusaucy
Affaire: C/17/00004

Le tribunal a constaté la production en formes régulières des pièces de procédure prévues par la loi.

Les conseils des parties ont été entendus à l'audience de la chambre des référés du 5 avril 2017.

Après avoir délibéré, le tribunal prononce l'ordonnance suivante:

Exposé du litige
a) Exposé des faits

La SA Airspace (ci-après, la « société ») est active dans le domaine du « indoor skydiving ».

Elle exploite un « windtunnel » (simulateur de chute libre) dans un complexe sis à proximité de l'aéroport de Charleroi.

Cette société a été constituée par acte du notaire Matagne, le 27 juin 2012, par monsieur S.B. et la SPRL Flyteam (société de monsieur E.V.V.).

Le capital social, souscrit à concurrence de 150.000 EUR et libéré à concurrence de 61.500 EUR à la constitution, était initialement représenté par 7.500 actions de catégorie A détenues par monsieur S.B. et 7.500 actions de catégorie B détenues par la SPRL Flyteam.

Les statuts prévoient que la société est administrée par un conseil composé de 3 administrateurs au moins mais qu'« aussi longtemps que la société ne comprend que 2 actionnaires, un administrateur est nommé sur proposition des actionnaires de catégorie A et un administrateur sur proposition des actionnaires de catégorie B » (art. 11).

Messieurs S.B. et E.V.V. ont été nommés administrateurs et délégués à la gestion journalière au terme de l'acte constitutif.

2. Le 29 août 2012, monsieur S.B. et la SPRL Flyteam ont conclu avec monsieur K.V.W. et son fils, monsieur J.V.W., une convention d'investissement et d'actionnaires (ci-après, la « convention d'actionnaires »), dont le préambule expose qu'après sa constitution, « soucieuse de trouver (i) une source de financement des besoins liés à l'ouverture et au développement du windtunnel, ainsi que (ii) des partenaires solides, capables de lui apporter un soutien nécessaire dans sa stratégie de croissance, Airspace est entrée en contact avec K.V.W. et J.V.W.

Dans le contexte décrit ci-dessus, J.V.W. s'est montré intéressé par une prise de participation dans le capital d'Airspace et K.V.W. par l'octroi de prêts à la société afin de développer Airspace.

Les parties souhaitent formaliser leurs accords relativement à leurs participations respectives dans le capital de la société, leurs droits respectifs en qualité d'actionnaires de celle-ci et relativement à l'organisation des affaires de la société ».

Selon l'article 4.1 de cette convention d'actionnaires, monsieur J.V.W. s'engageait à souscrire à une augmentation de capital à concurrence de 500.000 EUR, laquelle donnerait lieu à l'émission de nouvelles actions de catégorie C, à la suite de quoi monsieur S.B. et la SPRL Flyteam céderaient respectivement à monsieur J.V.W. des actions de la société afin de parvenir à une répartition égalitaire des titres entre les 3 associés.

Simultanément, monsieur K.V.W. s'engageait à consentir deux ouvertures de crédit à la société, pour un montant total de 2.500.000 EUR (art. 4.2 de la convention d'actionnaires).

Les articles 6 à 9 de la convention d'actionnaires organisent la gestion de la société en prévoyant notamment que la société est administrée par un conseil d'administration composé de 3 membres, nommés chacun sur proposition d'une catégorie d'actionnaires (art. 6) et que les administrateurs A et B exerceront le mandat d'administrateur-délégué (art. 8).

L'article 9 énumère une série de décisions de gestion qui, par dérogation à la règle de la majorité simple, ne pourront être adoptées par le conseil d'administration que moyennant le vote favorable des administrateurs A et B.

L'article 11 prévoit la conclusion par la société de deux conventions de prestation de services, avec d'une part, la SPRL Sunshine Factory, représentée par monsieur S.B. et, d'autre part, la SPRL Flyteam, représentée par monsieur E.V.V.

Enfin, la convention organise la cessibilité des titres en prévoyant un mécanisme de préemption, des engagements de non-concurrence dans le chef des actionnaires, la politique de distribution de dividendes ainsi que des mécanismes de résolution des différends.

3. Suite à la réalisation des opérations d'augmentation de capital et de cession d'actions décrites à l'article 4.1 de la convention d'actionnaires, le capital social de la société, porté à 650.000 EUR, est entièrement libéré et représenté par 18.750 actions, actuellement réparties à concurrence d'un tiers entre monsieur S.B. (actionnaire A), la SPRL Flyteam (actionnaire B) et monsieur J.V.W. (actionnaire C).

4. En exécution de l'article 11 de la convention d'actionnaires, la société a conclu le 29 août 2012 deux conventions de prestations de services, respectivement avec la SPRL Sunshine Factory et la SPRL Flyteam, ayant pour objet d'encadrer, notamment, l'exercice par ces sociétés de la gestion journalière de la SA Airspace (art. 1er de ces conventions de prestation de services).

Ces conventions prévoient qu'il pourra y être mis fin par chacune des parties moyennant le respect d'un délai de préavis de 6 mois (art. 3.1.2), sauf manquement grave, étant expressément précisé que cette notion doit « être interprétée de manière restrictive ».

5. La SA Airspace bénéficie également de crédits auprès de la SA Fonds de capital à risque et de la banque KBC. Les conventions d'octroi de crédit comportent notamment des clauses permettant à l'organisme prêteur de mettre fin au crédit en cas de modification au sein de l'actionnariat.

6. Depuis le 3 avril 2013, le conseil d'administration de la société était composé de:

- la SPRL Sunshine Factory, représentée par monsieur S.B. (administrateur A);

- la SPRL Flyteam représentée par monsieur E.V.V. (administrateur B);

- monsieur J.V.W. (administrateur C).

7. La SPRL Flyteam a démissionné de son mandat de délégué à la gestion journalière en date du 28 octobre 2014.

Par convention de transaction du 24 décembre 2014, il a été mis fin à sa convention de prestation de services, moyennant paiement d'une indemnité correspondant à 6 mois de préavis.

Le mandat d'administrateur de la SPRL Flyteam a été révoqué par décision de l'assemblée générale du 11 novembre 2014, monsieur K.V.W. (père de monsieur J.V.W.) ayant été nommé pour le remplacer.

8. Depuis la cessation des fonctions de la SPRL Flyteam, la SPRL Sunshine Factory a exercé seule la gestion journalière de la société.

9. Le 3 mars 2015, la société a conclu deux nouvelles conventions de prestation de services: l'une avec la SPRL Sunshine Factory et l'autre avec la SA Kabofin, société de monsieur J.V.W., par l'intermédiaire de laquelle celui-ci exerce ses fonctions d'administrateur.

10. Par décision de l'assemblée générale extraordinaire de la société du 1er septembre 2015, le mandat d'administrateur B de monsieur K.V.W. a été révoqué et madame A.L. a été nommée pour le remplacer.

Jusqu'au 30 janvier 2017, le conseil d'administration de la société était composé de:

- la SPRL Sunshine Factory (représentée par monsieur S.B.), également administrateur-délégué;

- madame A.L.;

- la SA Kabofin, représentée par monsieur J.V.W.

11. Madame A.L. a démissionné de son mandat d'administrateur B par lettre du 15 décembre 2016.

12. Par courrier du 2 janvier 2017 adressé à monsieur S.B. en sa qualité de président du conseil d'administration, la SPRL Flyteam invitait ce dernier, sur la base de son « droit de proposition contraignante en vertu de l'article 11 des statuts » à convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de délibérer sur la nomination d'un administrateur B, et proposait pour ce poste deux candidats, en l'occurrence la SPRL Flyteam ayant pour représentant permanent monsieur E.V.V. ou la SA Deminor ayant pour représentant permanent monsieur P.-A.L.

Par courriel du 18 janvier 2017, la SPRL Sunshine Factory a convoqué une assemblée générale extraordinaire à la date du 23 janvier 2017, avec l'ordre du jour suivant:

- prise d'acte de la démission de madame A.L. en qualité d'administrateur B;

- nomination d'un nouvel administrateur B;

- pouvoirs.

Cette assemblée a été reportée, de commun accord, au 30 janvier 2017.

13. En date du 26 janvier 2017, une entrevue a eu lieu entre monsieur S.B. et monsieur E.V.V., dont le contenu non contesté est retranscrit au dossier de ce dernier, dont il ressort que monsieur S.B. a appris l'existence d'une relation extraconjugale entre son épouse M., également active au sein de la société, et monsieur J.V.W., et soupçonnait par ailleurs monsieur K.V.W. d'avoir formulé une offre à monsieur E.V.V. afin de s'allier à celui-ci pour prendre le contrôle de la société.

Dans le cadre de cette entrevue, monsieur S.B. a proposé à monsieur E.V.V. d'évincer monsieur J.V.W. et de prendre sa place au sein de la société.

Le même jour, monsieur S.B. a adressé à monsieur J.V.W. un courriel l'invitant d'une part à prendre ses distances avec son épouse et d'autre part indiquant que:

« Par ailleurs, et plus essentiel pour Airspace SA, plusieurs sources concordantes m'informent que, certainement lié au point supra, tu (avec l'appui de ton papa et une alliance circonstancielle avec E.) prépares un plan visant ma mise à l'écart (et/ou celle de M.) de la gestion (quotidienne) d'Airspace. Cet agenda caché, dont le premier acte serait l'assemblée générale prévue lundi, ne serait en aucune manière basé sur des considérations objectives (mismanagement, mauvais résultats, réorientation stratégique, etc.) mais viserait uniquement à assouvir tes ambitions personnelles pour Airspace (et M.?), un projet que j'ai monté d'A à Z et que je développe, certes avec l'argent de ton papa (crédit remboursé à 80%) et l'assistance d'une équipe dévouée, au premier rang de laquelle figure M.

Mes avocats ont dès lors été mandatés pour prendre sans nouvel avertissement toutes les mesures qui s'imposent, en vue de sauvegarder tout d'abord le projet 'Airspace' et ce faisant mes droits. En effet, ma mise à l'écart serait, en plus d'une violation flagrante des engagements intervenus, le début de la fin d'un projet extrêmement rentable, qui fédère passionnés du skydiving, grand public, partenaires locaux et internationaux, au profit des actionnaires (dont toi) et des autres parties intéressées au projet. (...) ».

Toujours le 26 janvier 2017, monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory ont adressé, par l'intermédiaire de leurs conseils cette fois, à la SA Airspace, messieurs J.V.W. et K.V.W., la SPRL Flyteam et monsieur E.V.V., Deminor et madame A.L., un courrier accompagné d'une citation en exclusion dirigée contre monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam, fondée essentiellement sur les griefs formulés aux termes du courriel précité, soit en substance, les prétendues manoeuvres de monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam, soupçonnés de « préparer la mise à exécution, à court terme, d'un coup de force » visant à évincer la SPRL Sunshine Factory de la gestion d'Airspace « pour des motifs non liés à l'intérêt social » mais pour satisfaire les ambitions personnelles de monsieur J.V.W. et d'autre part le comportement de ce dernier à l'égard de l'épouse de monsieur S.B.

Dans le cadre de cette citation, les demandeurs sollicitent également, avant dire droit, la suspension immédiate des droits de vote des parties citées en application de l'article 638, § 2, du Code des sociétés.

Le courrier accompagnant cette citation indiquait par ailleurs que: « Plus particulièrement, et selon les informations communiquées par notre client, l'assemblée générale fixée ce lundi 30 janvier 2017 (...) serait l'occasion de forcer la convocation immédiate d'un conseil d'administration visant à mettre un terme au contrat de prestation de services de notre mandant et à la délégation à la gestion journalière à son profit, avant différentes manoeuvres visant à l'exclure du conseil d'administration et à terme de l'actionnariat, à bas prix. »

Enfin, les auteurs de ce courrier contestaient la régularité de la convocation à l'assemblée générale du 30 janvier 2017 et proposaient le report à quinzaine de cette assemblée afin de permettre de réinstaurer une discussion sereine entre parties.

14. La citation précitée a été signifiée, sans autre avertissement, par exploit d'huissier du 27 janvier 2017 à monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam.

15. Monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam ont refusé le report de l'assemblée générale extraordinaire de la société fixée au 30 janvier 2017.

Celle-ci s'est réunie, sous la présidence de monsieur S.B., en présence de monsieur V.V., monsieur J.V.W. étant représenté par monsieur K.V.W., certaines parties étant en outre assistées d'un conseil.

La demande formulée à nouveau par monsieur S.B. de postposer la réunion ayant été rejetée par monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam, il a été procédé à la délibération sur les points à l'ordre du jour et l'assemblée générale a pris acte de la démission de madame A.L.

Ensuite, par les voix de monsieur J.V.W., représenté via procuration par monsieur K.V.W., et de la SPRL Flyteam, monsieur S.B. ayant quant à lui quitté l'assemblée en cours de séance, l'assemblée générale a nommé la SPRL Flyteam, avec pour représentant permanent monsieur E.V.V., en qualité d'administrateur B avec effet immédiat et donné tous pouvoirs aux administrateurs B et C de procéder à la publication de ces décisions.

Ces décisions ont été publiées aux annexes du Moniteur belge du 1er février 2017.

16. Le 31 janvier 2017, monsieur S.B. adressait un courriel à monsieur J.V.W., lui reprochant d'avoir pour la première fois usé de sa procuration sur les comptes de la société pour payer ses propres prestations, ce alors qu'il ne disposait pas des pouvoirs de gestion journalière et que ce paiement, n'ayant fait l'objet d'aucune facturation à la société, était contesté eu égard à l'absence de prestation effectuées par monsieur J.V.W. pour la société, ce dernier étant alors absent pour maladie.

A la suite de cet événement, monsieur S.B. a invité la banque KBC à révoquer la procuration dont disposait monsieur J.V.W. sur les comptes de la société.

17. Par courrier du 3 février 2017 adressé à monsieur S.B., le département crédit commerciaux de la banque KBC a fait part de ses inquiétudes eu égard essentiellement au contenu du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 janvier 2017, indiquant que « tenant compte du procès-verbal précité et plus spécifiquement de l'annonce que des démarches juridiques ont été prises par monsieur S.B. contre les autres actionnaires, à savoir monsieur J.V.W. et Flyteam, nous éprouvons en tant que banque de sérieuses inquiétudes.

La situation de la société ne permet en effet pas à notre avis de laisser les querelles mutuelles entre actionnaires et administrateurs prendre place. Airspace SA est momentanément confrontée à une sérieuse baisse du chiffre d'affaires à imputer à la concurrence émergente. Cette baisse de chiffre d'affaires met la rentabilité de la société sous pression, plus précisément sa capacité à rembourser les dettes échues. Dans ce cadre, nous répétons notre demande faite précédemment par mail à monsieur S.B. de nous transmettre par retour les chiffres détaillés au 31 décembre 2016.

En outre, nous souhaitons en tant que banque souligner que toute modification dans la structure de l'actionnariat doit nous être annoncée au préalable et peut même en principe donner lieu à l'exigibilité des crédits. Dans ce cadre, la participation de la famille V.W. dans l'actionnariat, plus particulièrement J.V.W., est essentielle pour notre banque pour maintenir notre confiance dans Airspace SA.

Nous demandons que clarté soit faite aussi vite que possible en ce qui concerne la manière de restaurer la rentabilité de l'activité aussi rapidement que possible et en ce qui concerne d'éventuelles modifications dans l'actionnariat afin que nous puissions délibérer sur les prochaines démarches (juridiques) à prendre (...) »

Monsieur S.B. a répondu à ce courrier par un courriel du 8 février 2017 en confirmant, en substance, l'existence d'un conflit, né selon ses propres termes « en conséquence de l'attitude de J. et K.V.W. » et en indiquant par ailleurs qu'un plan marketing était en cours concernant l'amélioration du chiffre d'affaires.

18. Le 3 février 2017, monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory ont lancé citation en référé contre la SA Airspace afin, notamment, d'entendre ordonner la suspension des décisions adoptées lors de l'assemblée générale du 30 janvier 2017.

Le 8 février 2017, monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory ont cité monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam en intervention forcée et déclaration de jugement commun dans le cadre de cette procédure.

19. Le 9 février 2017, monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam en leur qualité d'administrateurs, ont convoqué un conseil d'administration pour le 14 février 2017, avec l'ordre du jour suivant:

- nomination de Flyteam SPRL en qualité d'administrateur-délégué de catégorie B;

- discussion du courrier du 3 février 2017 à la banque KBC;

- instructions à donner à Me Bossard dans le cadre (i) de la procédure en annulation des décisions de l'assemblée générale du 30 janvier 2017 initiée par monsieur S.B. et Sunshine Factory SPRL et (ii) de la procédure en exclusion initiée par monsieur S.B.;

- comportement de Sunshine Factory en tant que « manager » dans le courant du mois de janvier 2017 et mesures à prendre;

- divers.

Ce conseil d'administration s'est déroulé en partie le 14 et le 16 février 2017.

20. A l'audience de référé du 13 février 2017, la cause a été fixée pour plaidoiries au 22 février 2017 et les parties se sont engagées à ne pas révoquer le mandat de délégué à la gestion journalière de la SPRL Sunshine Factory jusqu'à cette date, sauf manquement grave.

21. Le conseil d'administration s'est réuni en partie le 14 février 2017, en présence de la SPRL Sunshine Factory, représentée par monsieur S.B., de la SPRL Flyteam, représentée par monsieur E.V.V. et de monsieur J.V.W., ainsi que des conseils de chacun des administrateurs et de maître Bossard, en qualité de conseil de la société.

Monsieur S.B. a déposé une note annexée au procès-verbal de cette réunion énonçant les motifs pour lesquels il marquait son désaccord quant à la nomination d'un second administrateur-délégué et subsidiairement, formulant diverses propositions de fonctionnement de la gestion journalière, dans l'hypothèse où cette nomination serait votée.

Après avoir décidé de nommer la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur-délégué B par deux voix (celle de la SPRL Flyteam elle-même et de monsieur J.V.W.) contre une (celle de la SPRL Sunshine Factory), le conseil d'administration a décidé d'organiser la gestion journalière de façon concurrente et planifié une réunion d'information à destination du personnel afin de l'informer de la situation.

Le conseil d'administration a par ailleurs décidé à l'unanimité de « donner mandat à maître Bossard de résister, pour compte de la société, aux procédures initiées par monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory, sans pour autant épouser les intérêts personnels des autres administrateurs et en ayant pour seul objectif la préservation de l'intérêt de la société », et « qu'il reviendra à maître Bossard d'apprécier quel est l'intérêt de la société dans ces procédures ».

Le conseil d'administration a, enfin, décidé à l'unanimité de se réunir, jusqu'à nouvel ordre, de façon hebdomadaire.

Le 16 février 2017, le conseil d'administration a, à l'unanimité, déterminé le contenu de la communication à adresser au personnel concernant le fonctionnement de la gestion journalière.

Cette communication a eu lieu le jour même.

Le procès-verbal du conseil d'administration relate que « à l'unanimité, les administrateurs se réjouissent de la communication faite au personnel qui semble avoir été bien accueillie et n'a pas suscité de questions révélant une inquiétude particulière du personnel ».

Monsieur J.V.W. a déposé une note, annexée au procès-verbal, contenant une série de griefs à l'égard de monsieur S.B.

22. Le conseil d'administration s'est à nouveau réuni en date des 21 et 28 février ainsi que le 7 mars 2017.

Lors de la réunion du 28 février, une longue discussion a eu lieu à l'initiative essentiellement de la SPRL Flyteam quant à l'attribution des bureaux à l'un ou l'autre des administrateurs, cette dernière exigeant dans un premier temps de pouvoir s'installer dans le bureau jusqu'alors occupé par monsieur S.B. et son épouse. Aucun accord n'ayant été dégagé, le point a été reporté.

Monsieur S.B. a quitté la séance.

Quelques questions ont ensuite été abordées, en l'absence de monsieur S.B. donc, par monsieur J.V.W. quant à des inexactitudes relevées par celui-ci dans la comptabilité, à la suite de quoi les administrateurs présents ont décidé à l'unanimité de solliciter un audit externe de la comptabilité dont la mission serait de collaborer avec le comptable externe de la société afin de faire rapport au conseil d'administration sur l'exactitude de la comptabilité et les points qui méritent l'attention du conseil d'administration. Les administrateurs se sont également accordés sur le choix de l'auditeur et ont donné mandat à monsieur V.V. de préparer un rendez-vous avec celui-ci.

23. Le 6 mars 2017, veille de la prochaine réunion du conseil d'administration, monsieur E.V.V. (Flyteam) a communiqué une liste de points qu'il souhaitait voir ajoutés à l'ordre du jour du conseil d'administration du lendemain, en l'occurrence:

- rupture pour manquement grave du contrat de prestation de services (management) conclu entre la société et Sunshine Factory;

- révocation de Sunshine Factory du poste d'administrateur-délégué de la société pour manquement grave;

- situation de madame M.B. et vérification des montants qui lui ont été indûment versés -fixation d'un entretien;

- révocation de Sunshine Factory du poste de président du conseil d'administration;

- nomination de Flyteam au poste de président du conseil d'administration.

Le même jour, monsieur J.V.W. a également communiqué une liste de points dont il demandait l'ajout à l'ordre du jour du conseil d'administration du lendemain, soit:

- convention de prestation de services à conclure entre la société et Flyteam;

- communication au personnel de la société;

- audit IT;

- audit de la comptabilité de la société;

- tâches de Kabofin (J.V.W.);

- paiement de la facture de Kabofin pour les prestations du mois de février 2017;

- remboursement des frais à Flyteam et Kabofin.

Finalement, maître Bossard, en qualité de conseil de la société, a préparé un canevas d'ordre du jour reprenant les points suivants:

- rupture pour manquement grave du contrat de prestation de services (management) conclu entre la société et Sunshine Factory;

- révocation de Sunshine Factory du poste d'administrateur-délégué de la société pour manquement grave;

- situation de madame M.B. et vérification des montants qui lui ont été indûment versés -fixation d'un entretien;

- révocation de Sunshine Factory du poste de président du conseil d'administration;

- nomination de Flyteam au poste de président du conseil d'administration;

- convention de prestation de services à conclure avec Flyteam;

- définition des tâches de Kabofin (J.V.W.);

- paiement de la facture de Kabofin pour les prestations du mois de février 2017;

- audit comptable de la société;

- communication au personnel de la société;

- courrier officiel de Me V. Dusaucy du 23 février 2017;

- préparation du rendez-vous KBC;

- situation financière de Sunshine Factory BVBA;

- taxe motrice ville de Charleroi;

- subsides (Situation - A recevoir? A rembourser?);

- PEB, FT;

- révocation du mandat de maître Philippe Bossard comme conseil de la SA Airspace.

24. Lors de la réunion du conseil d'administration du 7 mars 2017, le mandat de délégué à la gestion journalière de Sunshine Factory a été révoqué, de même que la fonction de président du conseil d'administration et il a été mis fin à sa convention de prestation de services, pour manquement grave, donc sans préavis, pour les motifs listés dans un projet de courrier repris en annexe au procès-verbal, chaque fois par les voix de monsieur J.V.W. et de la SPRL Flyteam.

Ces griefs ont été contestés de façon circonstanciée par monsieur S.B. le jour même.

La SPRL Flyteam a été nommée par les voix de ces deux mêmes administrateurs en tant que président du conseil d'administration, en remplacement de Sunshine Factory.

La SPRL Flyteam et monsieur J.V.W. ont, enfin, voté en faveur de la signature d'une convention de prestation de services avec la SPRL Flyteam, dont le projet a été proposé en cours de séance. La SPRL Sunshine Factory a voté contre la signature de cette convention.

Cette dernière a communiqué une note à joindre au procès-verbal de la réunion, contenant une série de griefs à l'égard de monsieur J.V.W.

b) Antécédents de la procédure et objet des demandes

25. Par exploit d'huissier du 3 février 2017, monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory ont cité la SA Airspace devant le président du tribunal de commerce, siégeant en référé, afin d'entendre, vu l'urgence, en application de l'article 584, alinéa 3, du Code judiciaire et jusqu'au prononcé, par le tribunal de commerce du Hainaut, division Charleroi, d'un jugement au fond quant à la demande à intervenir en annulation des décisions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 30 janvier 2017:

- ordonner la suspension erga omnes des décisions de l'assemblée générale extraordinaire d'Airspace SA tenue le 30 janvier 2017 portant sur la nomination de Flyteam SPRL (représentée par son représentant permanent, monsieur E.V.V. au poste d'administrateur d'Airspace SA);

- interdire au(x) partie(s) citée(s) de procéder à la publication, ainsi qu'à la communication en général, des décisions de l'assemblée générale extraordinaire d'Airspace SA tenue le 30 janvier 2017 portant sur la nomination de Flyteam SPRL (représentée par son représentant permanent monsieur E.V.V.) au poste d'administrateur d'Airspace SA, sous peine d'une astreinte de 250.000 EUR par violation;

- autoriser chaque requérant, en cas de publication au Moniteur belge ou de communication à tout tiers des décisions querellées qui seraient intervenues dans l'entre-temps, à publier au Moniteur belge ou à communiquer à qui de droit leur suspension judiciaire selon l'ordonnance à intervenir du juge de céans;

- interdire le remplacement, la révocation ou toute autre forme de limitation de Sunshine Factory SPRL, représentée par son représentant permanent monsieur S.B., de son mandat d'administrateur et/ou de délégué à la gestion journalière d'Airspace SA sous peine d'une astreinte de 250.000 EUR par violation;

- condamner la (les) partie(s) citée(s) aux entiers frais et dépens de l'instance et entendre déclarer l'ordonnance à intervenir exécutoire par provision, nonobstant tous recours et sans caution nonobstant toute offre de cantonnement.

Par exploit d'huissier du 8 février 2017, monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory ont cité en intervention forcée et déclaration de jugement commun monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam.

Selon le dispositif de leurs dernières conclusions déposées le 8 mars 2017, l'action mue par monsieur S.B. et la SPRL Sunshine Factory a pour objet:

Vu l'urgence, en application de l'article 584, alinéa 3, du Code judiciaire,

- à titre principal, jusqu'au prononcé, par le tribunal de commerce du Hainaut, division Charleroi, d'un jugement au fond dans le cadre de l'action en exclusion lancée par monsieur S.B. à l'encontre de monsieur J.V.W. et de Flyteam SPRL et à titre subsidiaire, jusqu'au prononcé, par le tribunal de commerce du Hainaut, division Charleroi, d'un jugement au fond quant à la demande à intervenir en annulation des décisions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 30 janvier 2017, du conseil d'administration des 14 et 16 février 2017 et du 7 mars 2017:

° ordonner la suspension erga omnes des décisions de l'assemblée générale extraordinaire d'Airspace SA tenue le 30 janvier 2017 portant sur la nomination de Flyteam SPRL (représentée par son représentant permanent, monsieur E.V.V.) au poste d'administrateur d'Airspace SA;

° ordonner la suspension erga omnes des décisions du conseil d'administration des 14 et 16 février 2017 d'Airspace SA relatives à la désignation de Flyteam SPRL (représentée par son représentant permanent, monsieur E.V.V.) au poste de délégué à la gestion journalière d'Airspace SA;

° ordonner la suspension erga omnes des décisions du conseil d'administration du 7 mars 2017 d'Airspace SA relatives à la révocation de Sunshine Factory SPRL (représentée par son représentant permanent, monsieur S.B.) de son poste de délégué à la gestion journalière ainsi que de son poste de président du conseil d'administration d'Airspace SA;

° ordonner la suspension erga omnes des décisions du conseil d'administration du 7 mars 2017 d'Airspace SA relatives à la rupture pour prétendus manquements graves du contrat de prestation de services de Sunshine Factory SPRL (représentée par son représentant permanent, monsieur S.B.);

° autoriser chaque demandeur à publier au Moniteur belge ou à communiquer à qui de droit la suspension judiciaire de la (des) décision(s) précitée(s), selon l'ordonnance à intervenir du juge de céans;

° interdire toute convocation et/ou toute tenue de toute assemblée générale et/ou de tout conseil d'administration d'Airspace SA ayant pour objet, directement ou indirectement, de révoquer et/ou de limiter le mandat d'administrateur et/ou de délégué à la gestion journalière d'Airspace SA de Sunshine Factory SPRL et/ou de monsieur S.B., sous peine d'une astreinte de 250.000 EUR par infraction.

En toute hypothèse:

- à titre principal, désigner un mandataire de justice conformément à l'article 14 de la loi sur la continuité des entreprises, ayant pour mission (i) de procéder à une médiation entre les parties, aux frais partagés de celles-ci, chacune supportant les frais de provision du médiateur à part égale, et fixer pour cette médiation une durée initiale de 60 jours et/ou (ii) toute autre mission à déterminer par le président du tribunal de céans au regard des faits de la cause, en vue de préserver la continuité de l'entreprise d'Airspace SA;

- à titre subsidiaire, désigner un conciliateur conformément à l'article 10 de la convention d'investissement et d'actionnaires du 29 août 2012, aux frais partagés des parties, chacune supportant les frais de provision du conciliateur à part égale, et fixer pour cette conciliation une durée initiale de 60 jours;

- à titre infiniment subsidiaire, désigner un administrateur provisoire, en vue d'assurer la gestion de la société, dans l'attente de la décision au fond relative à l'annulation des décisions de l'assemblée générale extraordinaire et des conseils d'administration précités d'Airspace, aux frais de la société.

En toute hypothèse:

- écarter les pièces IV.I,.3,.4,.5,.6,.8,.10,.14,.19,.22 et.23 du dossier de monsieur J.V.W., pour non-respect de l'article 1er de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire;

- condamner les parties défenderesses aux entiers frais et dépens de l'instance et assortir l'ordonnance de l'exécution provisoire.

26. Selon le dispositif de ses dernières conclusions déposées le 14 mars 2017, la SA Airspace sollicite du tribunal:

- à titre principal, moyennant l'accord de toutes les parties, conformément à l'article 1734 du Code judiciaire qu'il ordonne une médiation et désigne en qualité de médiateurs messieurs Grégoire de Wilde d'Estmael, avocat et Daniel Rozenberg, administrateur de sociétés exerçant ensemble leurs fonctions à 1400 Nivelles, Rue de la Procession, 25, fixe à 3 mois la durée de leur mission et reporte la cause à la première date utile après l'expiration de ce délai;

- à titre subsidiaire:

° sur la demande de suspension des décisions de l'assemblée générale du 30 janvier 2017 et des conseils d'administration des 14 et 16 février 2017, qu'il déclare la demande non fondée, en déboute les demandeurs;

° sur demande de suspension de certaines décisions du conseil d'administration du 7 mars 2017, qu'il donne acte à la SA Airspace qu'elle s'en réfère à justice en tenant compte des remarques émises au paragraphe 39 de ses conclusions;

° sur la demande d'interdiction de toute assemblée générale ayant pour objet la révocation du mandat d'administrateur-délégué de Sunshine Factory sous astreinte, qu'il déclare la demande non fondée et en déboute les demandeurs;

° sur la demande de désignation d'un mandataire de justice ou d'un conciliateur qu'il donne acte à la SA Airspace qu'elle s'en réfère à justice;

° sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire, qu'il déclare la demande non fondée et en déboute les demandeurs;

- qu'il condamne les demandeurs aux frais et dépens de l'instance, liquidés dans son chef au montant de l'indemnité de procédure de base de 1.440 EUR.

27. Selon le dispositif de ses dernières conclusions déposées le 13 mars 2017, monsieur J.V.W. sollicite du tribunal:

- qu'il se déclare incompétent;

- à titre subsidiaire, qu'il écarte les conclusions et pièces déposées par les parties demanderesse en date du 8 mars 2017 en ce compris les pièces 51 à 65 du dossier des parties demanderesses ou à titre subsidiaire les pièces 53 et 54 du dossier de pièces des parties demanderesses ou à titre infiniment subsidiaire qu'il remette l'affaire à 15 jours et demande l'avis du bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Charleroi quant à l'admissibilité des pièces 53 et 54 du dossier de pièces des parties demanderesses;

- qu'il déclare l'ensemble des demandes non fondées de même que les demandes introduites à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire;

- à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait accueillir la demande de suspension des décisions de l'assemblée générale du 30 janvier 2017 de même que de celle des différents conseils d'administration, qu'il détermine une date rapprochée de réunion du conseil d'administration en vue de coopter un administrateur de catégorie B sur base d'une liste fournie par l'actionnaire B, suivi de la convocation d'une assemblée générale ayant à l'ordre du jour la nomination d'un administrateur B;

- qu'il condamne les parties demanderesses aux dépens, en ce compris l'indemnité de procédure liquidée dans son chef à 1.440 EUR.

28. Selon le dispositif de ses dernières conclusions déposées le 14 mars 2017, la SPRL Flyteam sollicite du tribunal:

- à titre principal, qu'il se déclare sans juridiction pour connaître des éléments de la cause, au profit des juridictions arbitrales;

- avant dire droit, qu'il ordonne l'écartement des pièces 53 et 54 produites par les parties demanderesses;

- à titre subsidiaire, qu'il se déclare incompétent;

- qu'il dise l'ensemble des demandes irrecevables;

- à titre plus subsidiaire, qu'il déclare les demandes non fondées;

- à titre plus subsidiaire encore, qu'il tienne compte de la position de la SPRL Flyteam exprimée par ses conclusions concernant les chefs de demande relatifs à un mandataire judiciaire, à un conciliateur et à un administrateur provisoire;

- qu'il déclare la demande reconventionnelle recevable et fondée, et, en conséquence condamne les défenderesses sur reconvention à lui restituer, et/ou à la SA Airspace, les éléments suivants sous peine d'une astreinte journalière de 250 EUR à dater de la signification de l'ordonnance à intervenir jusqu'à parfaite restitution:

° tous éléments de nature à permettre d'ajouter monsieur E.V.V. comme administrateur sur la page Facebook d'Airspace Indoor Skydiving;

° login/password administrateur pour gérer « planday », l'application par laquelle on gère les horaires du personnel;

° accès développeur du programme filemaker (programme de gestion des réservations des vols/factures/shop);

- qu'il condamne les parties demanderesses aux entiers frais et dépens de l'instance, liquidés dans son chef à l'indemnité de procédure fixée à la somme de 1.440 EUR.

29. Par ordonnance sur incident prononcée le 17 mars 2017, le président du tribunal siégeant en référé a dit pour droit que les dernières conclusions déposées pour les demandeurs n'ont pas été déposées ni communiquées tardivement, et qu'il n'y a dès lors pas lieu de les écarter des débats pour ce motif et réservé à statuer pour le surplus.

30. Les conseils des parties ont été entendus à l'audience publique de la chambre des référés du 5 avril 2017, les débats ayant été, à l'issue des plaidoiries, déclarés clos.

31. Le 14 avril 2017, monsieur J.V.W. a déposé une requête en réouverture des débats.

Discussion
a) Quant à la réouverture des débats

32. La requête en réouverture des débats déposée par monsieur J.V.W. est fondée sur les éléments suivants:

- une situation provisoire de la société au 31 décembre 2016;

- une plainte avec constitution de partie civile déposée par la société en mains d'un juge d'instruction près le tribunal de première instance du Hainaut, division Charleroi, le 30 mars 2017, pour des faits de sabotage informatique.

33. Conformément à l'article 772 du Code judiciaire; la partie comparante qui sollicite la réouverture des débats doit rapporter la preuve de l'existence d'une pièce ou d'un fait nouveau et capital découvert en cours de délibéré.

34. Le caractère de nouveauté implique que la partie sollicitant la réouverture des débats n'ait pas ou n'ait pas pu avoir connaissance du fait ou de la pièce avant la clôture des débats. Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation afin de déterminer « si l'élément invoqué est réellement nouveau ou était antérieurement connu (ou aurait pu l'être) mais n'a pas été invoqué en temps utile » (notamment D. Mougenot, Principes de droit judiciaire privé, tiré à part du Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2009, p. 226).

Ne remplit pas cette condition de nouveauté la plainte avec constitution de partie civile déposée par la SA Airspace en mains d'un juge d'instruction en date du 30 mars 2017, s'agissant d'un élément antérieur à l'audience de plaidoiries du 5 avril 2017.

35. Le juge doit également vérifier si la pièce ou le fait nouveau revêt un caractère « capital » au sens où « il est susceptible de modifier l'appréciation que le tribunal peut avoir sur le litige » (ibid.; voy. égal. J. Van Compernolle, G. Closset-Marchal, J.-F. Van Drooghenbroeck, A. Decroes et O. Mignolet, « Examen de jurisprudence. Droit judiciaire privé (1991 à 2001) », R.C.J.B., 2002, p. 669, n° 572; P. Knaepen, « Le point sur ... la réouverture des débats », J.T., 2016, p. 491).

Monsieur J.V.W. expose que la situation provisoire de la SA Airspace corrigée au 31 décembre 2016, dont il a pu prendre connaissance le 12 avril 2017, montre que le chiffre d'affaires de la SA Airspace a diminué au cours de l'année 2016.

Monsieur J.V.W. considère que cet élément est capital au motif qu'il s'en déduirait un comportement fautif dans le chef de la SPRL Sunshine Factory.

Cette position ne peut être suivie.

Tout d'abord, contrairement à ce qu'indique monsieur V.W. dans sa requête en réouverture des débats, la gestion de la société n'était pas exclusivement aux mains de la SPRL Sunshine Factory (et monsieur S.B.) au cours de l'année 2016. Le conseil d'administration, sous la surveillance duquel la gestion journalière s'exerçait (étant rappelé à cet égard que la gestion de la société, en ce compris la gestion journalière, est exercée sous la responsabilité du conseil d'administration, les administrateurs - en ce compris leurs éventuels représentants permanents (conformément à l'art. 61, § 2, C. soc.) - pouvant, le cas échéant, être appelés à répondre personnellement d'un éventuel manquement à l'exercice du devoir de surveillance), était composé à la fois de la SPRL Sunshine Factory et la SA Kabofin, ayant pour représentant permanent monsieur J.V.W.

Ensuite, de nombreux facteurs sont susceptibles d'influencer le chiffre d'affaires d'une entreprise, de telle sorte que ce paramètre ne constitue pas, en tant que tel, une obligation de résultat dans le chef des organes de gestion. Le demandeur en réouverture des débats n'invoque aucun élément précis, nouveau et capital au sens de l'article 772 du Code judiciaire, de nature à démontrer que cette diminution du chiffre d'affaires de la société procéderait d'une faute commise dans le cadre de l'exercice par la SPRL Sunshine Factory de son mandat de délégué à la gestion journalière.

Enfin, la diminution du chiffre d'affaires de la société au cours de l'année 2016, telle qu'elle ressort de la situation provisoire arrêtée au 31 décembre 2016 ne figure pas parmi les motifs ayant justifié, selon monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam, la révocation du mandat de délégué à la gestion journalière et la résiliation de la convention de prestation de services de la SPRL Sunshine Factory décidées lors de la réunion du conseil d'administration du 7 mars 2017 (voir la lettre de résiliation adressée à la SPRL Sunshine Factory annexée au procès-verbal du conseil d'administration du 7 mars 2017).

La situation provisoire au 31 décembre 2016 corrigée, dont monsieur V.W. expose avoir eu connaissance en date du 12 avril 2017, ne peut être prise en considération pour justifier, a posteriori, la validité des décisions adoptées plus d'un mois auparavant.

En conséquence, les éléments invoqués par monsieur V.W. dans le cadre de la requête en réouverture des débats ne peuvent, en tant que tels, être considérés comme capitaux pour la solution du litige.

Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la réouverture des débats.

b) Quant au déclinatoire de juridiction

36. La SPRL Flyteam soulève un déclinatoire de juridiction au motif que les parties à la cause auraient convenu de recourir à l'arbitrage pour le règlement de leurs litiges.

La clause compromissoire à laquelle il est fait référence se trouve à l'article 25, alinéas 3 et 4, de la convention d'actionnaires.

Cette clause prévoit qu': « A défaut de règlement à l'amiable, les éventuelles contestations entre parties seront définitivement réglées par et selon les règles du CEPANI par un collège de 3 arbitres désignés par application de ces règles d'arbitrage (le lieu de l'arbitrage sera Bruxelles et la langue de l'arbitrage sera le français), a moins que les parties y renoncent expressément, auquel cas les parties s'accordent pour confier la résolution de tout litige aux cours et tribunaux de Charleroi.

Ce qui précède ne préjudicie pas au droit pour les parties d'exiger des mesures provisoires de la part du président du tribunal de commerce de Charleroi ou de tout autre tribunal compétent. »

L'action mue par les demandeurs, en tant qu'elle a pour objet d'entendre ordonner des mesures provisoires, s'inscrit dans le cadre de l'exception clairement libellée par l'alinéa 4 de la disposition précitée.

Le déclinatoire de juridiction n'est pas fondé.

c) Quant à l'urgence et au provisoire

37. En vertu de l'article 584, alinéa 2, du Code judiciaire, le président du tribunal de commerce est compétent pour statuer au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, dans les matières qui sont de la compétence du tribunal de commerce.

38. L'article 179, § 1er, du Code des sociétés prévoit, après avoir énoncé les conditions de l'action en nullité des décisions de l'assemblée générale, que « si des motifs graves le justifient, le demandeur en nullité peut solliciter en référé la suspension provisoire de l'exécution de la décision attaquée.

L'ordonnance de suspension et le jugement prononçant la nullité produisent leurs effets à l'égard de tous ».

39. Contrairement à ce que pourraient laisser penser les termes de cette disposition, l'action en suspension d'une décision d'assemblée générale est soumise, conformément au droit commun, aux conditions résultant des articles 584 et 1039 du Code judiciaire (voy. not. D. Willermain, « L'annulation et la suspension des décisions des organes des sociétés », in Actualités en droit des sociétés, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 90; B. Tilleman, « Commentaar bij artikel 179 W.Venn. », in Vennootschappen en verenigingen. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer , spéc. n° 2 et n° 9), de sorte que le tribunal doit vérifier, en l'espèce, si la demande présente un caractère d'urgence et si elle se limite au provisoire.

40. La Cour de cassation, dans deux arrêts intervenus le 11 mai 1990, a décrit la double fonction de l'urgence dans le cadre de la procédure de référé, dont chacune impose au juge une démarche particulière (Cass., 11 mai 1990 (deux arrêts), Pas., I, 1045 et 1050; Comm. Courtrai (réf.), 25 juin 2001, R.W., 2003-2004, p. 476).

D'une part, il appartient au magistrat de vérifier que l'urgence, condition de sa compétence d'attribution, est effectivement invoquée dans l'acte introductif d'instance, tandis que d'autre part, il doit reconnaître le caractère concrètement urgent de la demande, élément constitutif du fondement de celle-ci (not. J. Englebert, « Le référé judiciaire: principes et questions de procédure », in Le référé judiciaire, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2003, pp. 6 et s.).

(i) Quant à l'urgence en tant que condition de compétence matérielle

41. En l'espèce, l'urgence a été invoquée dans la citation introductive d'instance, en sorte que notre tribunal est compétent pour connaître de la demande.

(ii) Quant à l'urgence en tant que condition de fondement de la demande

42. Il y a par ailleurs lieu de vérifier si la demande présente un caractère concrètement urgent.

Au sens de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, il y a urgence dès que la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable (not. Cass., 21 mai 1987, R.W., 1987-1988, p. 1425; Bruxelles, 29 juin 1994, R.W., 1994-1995, p. 259; Civ. Bruxelles (réf.), 10 novembre 2003, R.G. 2003/1211/C, inédit).

La voie du référé - qui doit demeurer un recours exceptionnel pour le justiciable - n'est légitimement entreprise par celui qui se prévaut de droits apparents menacés que lorsqu'il démontre qu'à défaut d'obtenir rapidement la mesure efficace qu'il sollicite, ses droits seraient, sinon irrémédiablement compromis, du moins gravement menacés en sorte qu'il lui serait intolérable d'attendre l'issue d'une procédure au fond (not. Cass., 21 mai 1987, R.W., 1987-1988, p. 1425; Bruxelles, 4 mai 2001, Rev. prat. soc., 2001, p. 91; Bruxelles, 29 juin 1994, R.W., 1994-1995, p. 259; H. Boularbah et X. Taton, « Les procédures accélérées en droit commercial (référé, comme en référé, avant dire droit, toutes affaires cessantes): principes, conditions et caractéristiques) », in X., Le tribunal de commerce: procédures particulières et recherche d'efficacité, actes du colloque du Jeune Barreau de Bruxelles du 5 octobre 2006, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2006, p. 13).

La condition d'urgence s'apprécie ainsi par référence à la durée de la procédure au fond qui a ou aurait pu être introduite par le demandeur en référé; la voie du référé n'est ouverte que quand la procédure ordinaire serait de nature à résoudre le différend en temps voulu (not. H. Boularbah et X. Taton, o.c., p. 13).

43. En l'espèce, les demandeurs considèrent que l'urgence ressort, d'une part, du fait que le fonctionnement de la société serait gravement altéré par les décisions dont la suspension est sollicitée, dans la mesure où leur éviction de la gestion quotidienne de la société entraînerait une importante désorganisation de celle-ci et, d'autre part, par le fait que leurs propres droits apparents seraient gravement menacés par les décisions ayant conduit à leur éviction de la gestion journalière de la société.

44. Monsieur J.V.W. conteste l'urgence, considérant que les demandeurs avaient la possibilité de solliciter les mesures provisoires à l'audience d'introduction ou dans un délai rapproché devant le juge du fond, sur pied des articles 19, alinéa 3 et 735, § 2, du Code judiciaire.

Cette position participe d'une conception trop restrictive de l'urgence; les potentialités offertes par les articles 19, alinéa 3 et 735, § 2, du Code judiciaire ne peuvent avoir pour effet de supprimer l'accès au juge des référés en particulier lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'affaire est complexe et nécessite d'importants développements écrits et oraux.

45. Monsieur J.V.W. soutient ensuite que l'urgence ferait défaut dès lors que les demandeurs auraient lancé citation en annulation au fond des décisions litigieuses postérieurement à la citation en référé et, selon lui, tardivement.

Cette position ne peut être suivie.

En effet, d'une part, s'il est admis que l'urgence ne peut être reconnue lorsque le demandeur a trop tardé à introduire son action, ou s'il a provoqué lui-même la situation d'urgence dont il se prévaut, tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que la citation en référé a été signifiée le 3 février 2017 et porte sur la suspension de décisions adoptées par les organes de la société à partir du 30 janvier 2017.

D'autre part, l'action en suspension des décisions des organes de la société n'est pas subordonnée à l'introduction préalable d'une action au fond, en annulation de ces décisions. En effet, il est unanimement admis que les termes « décision attaquée » employés par l'article 179, § 1er, du Code des sociétés n'impliquent pas que le demandeur ait introduit une demande au fond préalablement à sa demande en référé (D. Willermain, o.c. p. 92; F. De Bauw, Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, Bruylant, 1996, p. 342, n° 837; B. Tilleman, o.c., n° 5; O. Caprasse et R. Aydogdu, Les conflits entre actionnaires, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 223).

Les demandeurs ne peuvent en tout état de cause être taxés d'inertie dès lors que l'action au fond a été introduite par citation du 10 mars 2017, et concerne des décisions adoptées par les organes de la société, respectivement entre le 30 janvier 2017 et le 7 mars 2017.

46. Monsieur J.V.W. conteste enfin l'urgence en remettant en cause le bien-fondé des griefs formulés par les demandeurs à l'égard des décisions attaquées.

Cette approche procède d'une confusion entre l'urgence en tant que condition procédurale à l'intervention du juge des référés et l'examen de l'apparence de droit qui sert de fondement à la demande en référé.

47. L'urgence se mesure également à l'aune des intérêts ou des préjudices en présence: sous cet angle, l'urgence existe là où le fait de laisser les choses en l'état entraînerait un préjudice plus grand que celui provoqué, au détriment du défendeur, par l'accueil de la demande en référé (not. P. Marchal, Les référés, Bruxelles, Larcier, 1992, n° 14, p. 47; J. Englebert, o.c., p. 5, spéc. nos 11 et s.).

En l'espèce, c'est à juste titre que les demandeurs soutiennent que leurs droits apparents sont gravement menacés par les décisions qui ont conduit à leur éviction totale de la gestion journalière de la société, par la révocation avec effet immédiat et sans préavis des fonctions que la SPRL Sunshine Factory, et monsieur S.B. par l'intermédiaire de celle-ci, exerçaient depuis la constitution de la société et dont ils tiraient des revenus professionnels.

Pour le surplus, les dissensions relatives aux décisions querellées créent un climat délétère au sein de la société, qui, sans aboutir à un véritable blocage des organes sociaux, perturbe néanmoins son fonctionnement. Ainsi, le conseil de la société indique que: « S'il est vrai que les organes ont continué de fonctionner lors des conseils d'administration des 14 et 16 février 2017, la situation est néanmoins particulièrement fragile et précaire, comme l'ont montré divers échanges entre messieurs S.B. et V.V. durant le week-end des 18 et 19 février 2017. » (p. 13 des conclusions de la SA Airspace).

Enfin, les demandeurs font état de comportements qui, à les supposer établis, seraient constitutifs de manquements dans le chef de ses associés, en l'occurrence, la violation des statuts et du pacte d'actionnaires et/ou l'exercice d'une gestion abusive qui, à les supposer établis, justifieraient, le cas échéant, que des mesures provisoires soient adoptées afin de suspendre leurs effets de manière à limiter le préjudice des demandeurs (par les mesures de suspension sollicitées) ou prévenir leur réitération (en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la désignation d'un administrateur provisoire).

Ces éléments justifient l'intervention du juge des référés afin d'aménager provisoirement la situation des parties, en proie à un conflit persistant, dans l'attente des décisions à intervenir au fond.

L'urgence est dès lors établie au regard de ces éléments.

(iii) Quant au provisoire

48. Le juge des référés ne peut statuer qu'au provisoire; le caractère provisoire de l'ordonnance qui est ainsi rendue n'est pas déterminé par son contenu, ne dépend pas de son objet mais réside dans la nature particulière de l'autorité qui est la sienne, à savoir qu'elle ne lie pas le juge au principal. La règle qu'édicte l'article 1039 du Code judiciaire limite non pas la compétence du juge des référés mais l'autorité de son ordonnance.

Il est aujourd'hui admis en doctrine et en jurisprudence que la précision de l'article 584, alinéas 1er et 2, du Code judiciaire, selon laquelle le juge des référés statue au provisoire, signifie uniquement que l'ordonnance de référé n'est pas revêtue de l'autorité de chose jugée à l'égard du juge du fond (H. Boularbah et X. Taton, o.c., p. 17).

Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, la défense faite par l'article 1039 du Code judiciaire aux ordonnances sur référé de porter préjudice au principal n'interdit pas de prendre une mesure conservatoire s'il y a des apparences de droit suffisantes pour justifier une telle décision; le juge des référés peut examiner les droits des parties, à la condition qu'il n'ordonne aucune mesure susceptible de porter définitivement et irrémédiablement atteinte à ceux-ci (Cass., 31 janvier 1997, Pas., I, 148; Cass., 9 septembre 1982, Pas., 1983, I, 48. Voy. égal. la remarque de X. Dieux, selon laquelle « il eut été sans intérêt de prévoir que le juge du fond n'est pas lié par les appréciations du juge des référés, s'il était interdit à ce dernier de se pencher sur les droits des parties » (X. Dieux, « La formation, l'exécution et la dissolution des contrats devant le juge des référés » (note sous Civ. Liège (réf.), 2 février 1984), R.C.J.B., 1987, pp. 250 et s., spéc. p. 254)). En d'autres termes, les effets de l'ordonnance de référé doivent pouvoir être anéantis pour le futur, fût-ce par le biais d'une réparation par équivalent (H. Boularbah et X. Taton, o.c., p. 20).

49. En l'espèce, les mesures sollicitées par les demandeurs ne posent pas de difficultés au regard de cette exigence, qu'il s'agisse des mesures de suspension de décisions des organes de la société ou de désignation d'un médiateur, conciliateur ou administrateur provisoire.

d) Examen des demandes
(i) Quant aux demandes d'écartement de pièces 50. Diverses demandes sont formulées, de part et d'autre, afin d'entendre écarter des débats certaines pièces déposées.
- Quant à la demande d'écartement des pièces non traduites

51. Les demandeurs sollicitent l'écartement des pièces déposées par monsieur J.V.W. en langue néerlandaise et non traduites, sur pied de l'article 1er de la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Cette sanction n'est pas prévue par l'article 1er de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire. La demande d'écartement des pièces telle que formulée par les demandeurs n'est dès lors pas fondée.

L'article 8 de cette même loi prévoit en revanche que: « Si les pièces ou documents produits dans une instance sont rédigés dans une autre langue que celle de la procédure, le juge peut, à la demande de la partie contre laquelle ces pièces ou documents sont invoqués, ordonner par décision motivée la traduction de ceux-ci dans la langue de la procédure. (...) ».

Aucune demande n'est toutefois formulée en ce sens par les parties (les demandeurs déposant eux-mêmes un certain nombre de pièces en langue néerlandaise, non traduites) de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner cette traduction.

- Quant à la demande d'écartement des pièces nos 53 et 54 du dossier des demandeurs

52. Monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam sollicitent l'écartement des pièces nos 53 et 54 du dossier des demandeurs, au motif que ces pièces auraient été obtenues illégalement.

Bien que les demandeurs entretiennent une certaine confusion à ce sujet, il n'est pas sérieusement contesté que les pièces litigieuses constituent effectivement des courriels que monsieur S.B. a copiés depuis la boîte mail personnelle de monsieur K.V.W. (...).

53. L'administration des preuves est encadrée par des lois et principes qui en délimitent le champ.

Ainsi, les courriers électroniques sont assimilés à des communications privées.

A ce titre, ils sont protégés par:

- le principe du droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 22 de la Constitution;

- le secret de la correspondance consacré par l'article 314bis du Code pénal, qui érige en infraction toute violation de ce principe;

- la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques, dont l'article 124 prévoit que: « s'il n'y est pas autorisé par toutes les personnes directement ou indirectement concernées, nul ne peut:

1° prendre intentionnellement connaissance de l'existence d'une information de toute nature transmise par voie de communication électronique et qui ne lui est pas destinée personnellement;

2° identifier intentionnellement les personnes concernées par la transmission de l'information et son contenu;

3° sans préjudice de l'application des articles 122 et 123, prendre connaissance intentionnellement de données en matière de communications électroniques relatives à une autre personne;

4° modifier, supprimer, révéler, stocker ou faire un usage quelconque de l'information, de l'identification ou des données obtenues intentionnellement ou non ».

Cette disposition, qui couvre les communications électroniques tant privées que professionnelles, est également sanctionnée pénalement (suivant l'art. 125 de la même loi).

Qui plus est, en l'espèce, la pièce n° 53 du dossier des demandeurs est un projet d'accord joint en annexe à un courriel adressé à son destinataire par son conseil, en l'occurrence le cabinet d'avocats Notius, et portant, sur chaque page, l'en-tête de ce cabinet d'avocats. Il s'agit dès lors d'une correspondance entre avocat et client, également protégée à ce titre par le secret professionnel.

54. La question de la régularité de la preuve se confond avec celle de sa recevabilité au regard de la loi, et notamment de l'interdiction de recourir à des preuves violant des règles telles que le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances ou la législation relative aux communications électroniques.

B. Allemeersch et P. Schollen distinguent à cet égard les preuves constituées de manière illégale (p. ex. par la violation du secret professionnel) qui ne peuvent être utilisées par personne et les preuves constituées légalement mais recueillies illégalement (un courriel copié sur l'ordinateur d'un tiers p. ex.), qui ne peuvent être utilisées que par leur détenteur légitime (B. Allemeersch et P. Schollen, « Behoorlijk bewijs in burgerlijke zaken. Over de geoorloofdheidsvereiste in het burgerlijk bewijsrecht », R.W., 2002-2003, pp. 41 et s.). Dans les deux cas, on parlera de preuve illégale car son obtention se réalise par une violation de la loi (D. Mougenot, « Antigone au milieu du gué », in La preuve en droit privé: quelques questions spéciales, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 129).

Le caractère illégal des pièces litigieuses n'est, en l'espèce, pas sérieusement contesté par les demandeurs qui produisent en pièce 61 de leur dossier une consultation du professeur J. Dumortier, dont la conclusion, quant à la légalité des preuves produites, est que: « l'utilisation des e-mails en tant que preuve dans cette affaire, au vu de l'article 124 de la loi relative aux communications électroniques n'est pas légale ».

En l'espèce, l'illégalité des preuves litigieuses est effectivement avérée en ce qui concerne les courriels copiés à partir de l'ordinateur d'un tiers, peu importe que les demandeurs en aient pris connaissance intentionnellement ou non, vu les termes exprès de l'article 124 de la loi du 13 juin 2005 précité (« (...) modifier, supprimer, révéler, stocker ou faire un usage quelconque de l'information, de l'identification ou des données obtenues intentionnellement ou non », supra, n° 49).

La question de savoir si l'accès à la boîte mail a été réalisé par le biais d'une connexion effectuée à partir des locaux de la société ou d'un ordinateur appartenant à celle-ci n'est pas non plus pertinente pour apprécier le caractère illicite de la preuve dès lors que le destinataire des courriels, en l'occurrence monsieur K.V.W. n'est ni employé ni administrateur de la société et qu'en toute hypothèse, l'espace professionnel fait également l'objet de la protection garantie par les articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et 22 de la Constitution dans la mesure où les activités qui y sont développées revêtent un caractère privé et où la correspondance confidentielle y est préservée (not. Cass., 19 février 2002, www.cass.be; C. trav. Liège, 7 août 2007, R.G. 8041/2006, inédit).

Les pièces nos 53 et 54 du dossier des demandeurs constituent des preuves illégales.

55. Les parties sont en désaccord quant à la sanction de cette illégalité.

La sanction naturelle de l'illégalité de la preuve est, en règle, son écartement, de sorte que la pièce ne peut pas être prise en considération dans le cadre de la procédure (D. Mougenot, o.c., p. 133).

Les demandeurs invoquent, quant à eux, le fait que cette sanction ne présente pas un caractère automatique, se référant à la consultation du professeur J. Dumortier, qui renvoie lui-même aux critères d'admissibilité des preuves irrégulières développés par la jurisprudence dite « Antigone », en examinant l'admissibilité des courriels litigieux sous l'angle de la question de savoir si l'obtention de la preuve est entachée (i) d'une cause de nullité, (ii) d'un vice préjudiciable à sa crédibilité ou (iii) qui porte atteinte au droit à un procès équitable.

La question se pose de savoir si les critères tirés de la jurisprudence dite « Antigone » peuvent être purement et simplement transposés aux litiges de droit privé et dans l'affirmative, si ces critères sont en l'espèce rencontrés.

56. Bien que la portée de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 2008, et en particulier la question de l'application de cet arrêt en dehors de la sphère pénale ne fasse pas l'unanimité, la majorité des commentateurs considère qu'il s'agit d'un arrêt de principe, appelé à s'appliquer de manière générale en droit civil (D. Mougenot, « Antigone face aux juges civils. L'appréciation de preuves recueillies de manière illicite ou déloyale dans les procédures civiles », D.A.O.R., 2013, pp. 240 et s.; O. Rijckaert, « Antigone, en arrière toute? », Chron. D.S., 2013, pp. 111 et s.; H. Buyssens, « Ontslag om dringende reden », in M. Rigaux et W. Rauws (éds.), Actuele problemen van het arbeidsrecht, t. 8, Antwerpen, Intersentia, 2010, pp. 222 et s.).

S'il est incontestable que l'extension sans limite de cette jurisprudence aux relations contractuelles de pur droit privé n'est pas souhaitable, en ce qu'elle risquerait d'aboutir à une transgression systématique des dispositions sanctionnées pénalement qui protègent la vie privée, dans le seul but d'établir des fautes ou des comportements qui ne relèvent pas de la sphère pénale (en ce sens, C. trav. Bruxelles, 4 août 2016), cette approche n'est pas incompatible avec les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 2008 dans la mesure où, dans le cadre de cet arrêt, la Cour de cassation, après avoir indiqué que « sauf en cas d'une violation d'une formalité prescrite à peine de nullité, la preuve illicitement recueillie ne peut être écartée que si son obtention est entachée d'un vice qui est préjudiciable à sa crédibilité ou qui porte atteinte au droit à un procès équitable », précise que « le juge qui procède à cette appréciation peut notamment tenir compte d'une ou plusieurs des circonstances suivantes: le caractère purement formel de l'irrégularité, sa conséquence sur le droit ou la liberté protégée par la règle violée, (...), la circonstance que la gravité de l'infraction excède manifestement celle de l'irrégularité et le fait que l'irrégularité qui a précédé ou contribué à établir l'infraction est hors de proportion avec la gravité de l'infraction » (Cass., 10 mars 2008, Pas., 2008, p. 652; R.C.J.B., 2009, p. 325, note F. Keper; J.L.M.B., 2009, p. 580, note R. De Baerdemaeker).

Dès lors que ces critères complémentaires ne se rattachent ni à la détermination de la crédibilité de la preuve ni de la violation du procès équitable, « on ne peut s'empêcher de penser que les vrais critères Antigone en matière civile se trouvent dans cette liste de critères complémentaires, correctement reformulée, plutôt que dans les trois critères principaux, vagues et souvent peu pertinents » (D. Mougenot, « Antigone au milieu du gué », o.c., p. 141).

Le juge est ainsi amené à « procéder à la balance des droits et intérêts en présence: d'une part, le droit à la preuve du demandeur, c'est-à-dire son droit à produire les preuves dont il dispose, et le droit du défendeur au respect de sa vie privée.

(...)

En définitive, la question de l'application de la jurisprudence Antigone dans des matières d'ordre privé pourrait être examinée sous cet angle. Plutôt que de décréter que cette jurisprudence ne peut trouver place que dans les matières d'ordre public, on pourrait raisonner de manière plus nuancée. Il n'y aurait plus d'interdiction de principe d'appliquer le test Antigone dans des matières d'ordre privé mais le caractère privé des intérêts pourrait ressurgir comme critère d'appréciation dans la balance des droits et intérêts » (ibid., p. 157).

Ainsi, dans le cadre de la balance entre les droits des parties, le juge est invité à examiner si le droit d'une partie de présenter au tribunal des preuves recueillies de manière illégale doit ou non l'emporter sur le droit de son adversaire au respect de ses droits fondamentaux.

57. En l'espèce, cet examen doit conduire à l'écartement des pièces litigieuses.

En effet, s'il est admis que le respect de la vie privée n'est pas absolu, toute ingérence doit respecter les limites que sont la légalité, la légitimité et la proportionnalité.

Quant au premier critère, l'ingérence commise par les demandeurs contrevient, comme indiqué ci-avant, de façon flagrante aux dispositions qui garantissent le secret de la correspondance électronique (art. 124 de la loi relative aux communications électroniques et 314bis C. pén.), s'agissant de dispositions pénalement sanctionnées, et méconnaît de surcroît le secret professionnel qui s'attache à la correspondance entre l'avocat et son client.

La violation de ces dispositions n'est ni légitime ni proportionnée dans le chef d'une partie qui poursuit la protection d'intérêts purement privés, dans le seul but d'établir des fautes ou des comportements qui, quant à eux, ne sauraient laisser prise à la qualification d'infraction pénale.

Les pièces nos 53 et 54 du dossier des demandeurs doivent dès lors être écartées des débats.

(ii) Examen du fondement des demandes - Rappel des principes applicables

58. Dans le cadre de l'action en référé, le demandeur en suspension doit établir que sa demande présente une apparence de droit.

Autrement dit, dans le contexte de l'article 179 du Code des sociétés, il doit démontrer qu'il dispose de moyens sérieux qui lui permettront d'obtenir, devant le juge du fond, l'annulation de la ou des décision(s) dont il postule la suspension.

Le juge des référés apprécie le bien-fondé apparent de ces moyens, sur la base de l'article 64 du Code des sociétés (ou d'une application analogique de cette disposition en ce qui concerne les décisions du conseil d'administration (not. D. Willermain, o.c., p. 83 et les nombreuses références citées), qui prévoit qu': « est frappée de nullité, la décision prise par une assemblée générale:

1° lorsque la décision prise est entachée d'une irrégularité de forme, si le demandeur prouve que cette irrégularité a pu avoir une influence sur la décision;

2° en cas de violation des règles relatives à son fonctionnement ou en cas de délibération sur une question étrangère à l'ordre du jour lorsqu'il y a intention frauduleuse;

3° lorsque la décision prise est entachée de tout autre excès de pouvoir ou de détournement de pouvoir;

4° lorsque des droits de vote qui sont suspendus en vertu d'une disposition légale non reprise dans le présent code, ont été exercés et que, sans ces droits de vote illégalement exercés, les quorums de présence ou de majorité requis pour les décisions d'assemblée générale n'auraient pas été réunis;

5° pour tout autre cause prévue dans le présent code ».

59. Par ailleurs, sur un plan substantiel, en droit des sociétés, le principe de l'immixtion minimale du juge dans la vie des sociétés conduit à ce que, « dans l'exercice de son pouvoir juridictionnel, le juge (...) doit toujours veiller à conserver à son intervention un caractère exceptionnel au regard de l'autonomie de la société et de ses associés » (not. O. Caprasse et R. Aydogdu, o.c., p. 155, n° 264).

Dès lors que le fonctionnement autonome de la société doit être privilégié, le contrôle judiciaire de la régularité du fonctionnement de la société au regard du Code des sociétés ou de la convention des parties est essentiellement technique (not. E. Pottier et A. Coibion, « Le règlement des conflits entre actionnaires: mesures provisoires », Guide juridique de l'entreprise, Livre 27, Bruxelles, Kluwer, 2002, pp. 33-34, n° 420) et marginal (O. Caprasse et R. Aydogdu, o.c., p. 155, n° 265. Voy. égal. X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », in Legal tracks I. Essays on contemporary corporate and finance law, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 468-469; P.-A. Foriers, « Abus de majorité - abus de minorité - abus d'égalité. Conditions et sanctions », in Prévenir ou régler les différends entre actionnaires, Séminaire Vanham, 12 octobre 2000, pp. 17 et s.).

60. Enfin, conformément au principe de proportionnalité, le juge n'ordonnera la suspension des décisions que s'il est démontré que l'exécution d'une décision, si elle est contraire à l'intérêt social, causerait un préjudice plus grand à la société que le retard d'exécution de la décision ensuite de la suspension (not. O. Caprasse et R. Aydogdu, o.c., p. 223, n° 412).

61. C'est à l'aune de ces dispositions et principes qu'il convient d'examiner les demandes formulées.

(iii) Quant à la demande de suspension des décisions adoptées lors de l'assemblée générale du 30 janvier 2017

62. Les demandeurs sollicitent, à titre principal, la suspension des décisions adoptées par l'assemblée générale du 30 janvier 2017 de la société au motif que:

- l'assemblée générale aurait été convoquée irrégulièrement par la SPRL Sunshine Factory seule, alors qu'elle aurait dû être convoquée par le conseil d'administration dans son ensemble;

- la décision aurait été adoptée en violation de l'article 11, alinéa 4, des statuts qui prévoit le mécanisme de cooptation d'un administrateur en cas de vacance en cours de mandat. Les demandeurs considèrent qu'en vertu de cette disposition, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder à la cooptation d'un administrateur en cas de vacance au sein du conseil d'administration, à l'exclusion de l'assemblée générale;

- la décision adoptée par l'assemblée générale de nommer la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur à deux voix contre une serait contraire à l'intérêt social et, partant, procéderait d'un abus de majorité.

Il convient d'examiner ci-après les différents griefs formulés.

- Quant au moyen tiré de l'irrégularité de la convocation

63. En l'espèce, l'assemblée générale a été convoquée par la SPRL Sunshine Factory, qui exerçait alors les fonctions à la fois d'administrateur-délégué et de président du conseil d'administration, à la demande de la SPRL Flyteam (actionnaire B) et de monsieur J.V.W. (actionnaire C).

Conformément à l'article 532 du Code des sociétés, le pouvoir de convoquer l'assemblée générale appartient au conseil d'administration; il résulte de sa mission de gestion. Ce pouvoir s'exerce collégialement; un administrateur seul ne peut convoquer l'assemblée générale de sa propre initiative, sauf clause statutaire expresse (not. P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, « La société anonyme », Rép. not., t. XII, Bruxelles, Larcier, 2005, n° 458).

Une telle clause n'est pas prévue par les statuts de la SA Airspace dont l'article 22 renvoie à la règle légale précitée.

Cette règle est également applicable lorsque la convocation de l'assemblée générale est devenue obligatoire, par exemple, comme c'est le cas en l'espèce, parce que des actionnaires représentant 1/5 des voix en ont fait la demande.

La convocation émise par un administrateur, sans avoir été précédée d'une décision collégiale, est par conséquent formellement irrégulière.

64. Il est toutefois admis qu'en vertu de l'article 64, 1° et 2°, du Code des sociétés, une irrégularité de forme n'est susceptible d'entraîner la nullité de la décision prise que s'il est établi (i) qu'elle a pu influencer la décision ou (ii) s'il y a eu intention frauduleuse.

Quant au premier critère, il s'impose de constater que l'irrégularité n'a, en l'espèce, eu aucune incidence sur la décision adoptée dès lors que tous les actionnaires, en ce compris monsieur S.B. (actionnaire A), ont pu participer à la délibération et prendre part au vote.

65. Quant au second critère, l'article 64, 1° et 2°, sanctionne de nullité le cas de l'irrégularité qui, bien que n'ayant pas eu d'incidence sur la décision adoptée, résulte d'une intention frauduleuse. Cette disposition vise le cas d'une formalité intentionnellement méconnue avec le dessein, dans le chef de son auteur, de nuire ou de réaliser un gain (not. D. Willermain, o.c., p. 70).

Il est pour le moins singulier qu'en l'espèce, le grief d'irrégularité émane de son auteur lui-même, soit la SPRL Sunshine Factory.

Les motifs qui ont conduit les actionnaires B et C à demander la convocation d'une assemblée générale extraordinaire sont quant à eux, en tout état de cause, sans lien avec l'irrégularité formelle affectant la convocation à cette assemblée.

C'est au demeurant de façon contraire aux éléments du dossier que les demandeurs prétendent avoir été surpris par l'objet de l'assemblée générale, dès lors que l'ordre du jour et la liste des candidats présentés figuraient dans le courrier de la SPRL Flyteam du 2 janvier 2017, cité supra (n° 12).

66. En conséquence, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale ne peut être accueilli.

- Quant au moyen tiré de la violation des règles répartitrices de pouvoirs entre les organes

67. La SPRL Flyteam a été nommée en qualité d'administrateur B en remplacement de madame A.L., laquelle avait démissionné en cours de mandat en date du 15 décembre 2016 (supra, n° 11).

68. L'article 11, alinéa 4, des statuts de la société prévoit que: « Dans le cas d'une vacance d'un poste au sein du conseil d'administration à la suite d'un décès, d'une révocation ou d'un autre motif, le conseil d'administration pourvoira à cette vacance en se fondant sur une liste d'un ou de plusieurs candidats présentée par les propriétaires d'actions de la catégorie à laquelle l'administrateur devant être remplacé appartenait. Dans un tel cas, la nomination définitive est entérinée par l'assemblée générale suivante. Le nouveau membre ainsi nommé termine le mandat de l'administrateur qu'il remplace. »

Cette disposition est une reproduction de l'article 519 du Code des sociétés qui prévoit qu'« en cas de vacance d'une place d'administrateur et sauf disposition contraire dans les statuts, les administrateurs restant ont le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas, l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive ».

Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, cette disposition n'a pas pour effet de soustraire à l'assemblée générale, qui reste à cet égard l'organe souverain (art. 518, § 2, C. soc.), le pouvoir de nommer et révoquer les administrateurs.

En effet, si « le but poursuivi par l'article 519 du Code des sociétés (anc. art. 55, al. 5, LCSC), qui prévoit le droit de cooptation en cas de vacance, est de donner les moyens d'assurer le fonctionnement régulier à une société dont le conseil d'administration serait privé d'un de ses membres. Il s'agit d'une exception au principe de désignation des administrateurs par l'assemblée générale, justifiée par cet impérieux objectif de bon fonctionnement de la société » (not. P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, o.c., n° 374), il s'agit toutefois d'une faculté dans le chef des administrateurs qui conservent le choix, en cas de vacance d'un poste d'administrateur, d'y pourvoir soit par la procédure de cooptation, soit en convoquant l'assemblée générale (ibid.).

69. En conséquence, la nomination par l'assemblée générale du 30 janvier 2017 de la SPRL Flyteam en tant qu'administrateur ne viole pas les statuts de la société.

- Quant au moyen tiré de l'abus de droit de vote ou du détournement de pouvoir

70. Enfin, les demandeurs soutiennent que la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur, votée à la majorité des voix par les actionnaires B et C serait constitutive d'un abus de droit de vote, cette nomination étant contraire aux intérêts de la société.

Les demandeurs exposent à cet égard que les candidats proposés pour ce poste par l'actionnaire B (soit Flyteam SPRL, ayant pour représentant permanent monsieur E.V.V. ou Deminor SA, ayant pour représentant permanent monsieur P.-A.L.) n'étaient pas des candidats valables.

Concernant monsieur E.V.V., les demandeurs soulignent, d'une part, que son mandat d'administrateur a été révoqué par le passé, notamment pour « mauvaise gestion », et que sa réintégration a été refusée en 2015, de l'avis commun de monsieur S.B. et de monsieur J.V.W. pour les mêmes motifs et, d'autre part, que sa nomination serait potentiellement préjudiciable à la réputation d'Airspace SA dès lors que son image serait associée à un grave accident d'avion lié au Paraclub de Namur.

Concernant Deminor, les demandeurs exposent que cette société n'intervient que comme mandataire des défendeurs en intervention forcée, et que leur représentant n'avait pas vocation à exercer effectivement son mandat au sein de la société.

Les demandeurs considèrent, en outre, et sans doute plus fondamentalement à leurs yeux, que cette nomination s'inscrit dans le cadre d'une stratégie (ou selon leurs termes d'un « agenda caché ») poursuivie par les autres actionnaires de la société, visant à les évincer de la gestion de la société, et à prendre le contrôle de celle-ci.

71. L'article 64 du Code des sociétés déjà cité (supra, n° 58) énumère les causes de nullité des décisions de l'assemblée générale, parmi lesquelles figure le détournement de pouvoir, notion à laquelle les travaux parlementaires donnent un contenu précis.

Selon l'exposé des motifs de la loi du 29 juin 1993 qui a introduit l'article 190bis dans les lois coordonnées sur les sociétés commerciales (en partie repris à l'actuel art. 64 C. soc.), le détournement de pouvoir désigne en effet « toute irrégularité d'une décision d'assemblée générale quant à son but » (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, 1214/1, p. 34). Autrement dit, le détournement de pouvoir vise l'hypothèse où la décision de l'assemblée générale a été guidée par d'autres intérêts que l'intérêt de la société (not. F. De Bauw, Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, o.c., p. 32; B. Tilleman, « Commentaar bij artikel 64 W.Venn. », o.c., n° 19). Le critère du détournement résulte donc dans l'absence de conformité de la décision de l'assemblée générale à l'intérêt social.

Comme rappelé ci-avant, le contrôle de conformité à l'intérêt social opéré par le juge est marginal; il s'agit là de l'une des expressions du principe d'immixtion minimale du juge qui domine la matière des conflits dans les sociétés (supra, n° 59).

Il « n'y aura par conséquence détournement de pouvoir que si l'associé exerce son droit de vote d'une manière qui ne fait pas partie des options qui s'ouvraient à un associé ou mandataire normalement prudent et diligent chargé de poursuivre l'intérêt social » (O. Caprasse et R. Aydogdu, o.c., p. 213).

L'abus de droit de vote est une notion distincte, qui transpose la théorie de l'abus de droit dans le domaine des sociétés.

Il est admis que le droit de vote de l'actionnaire présente un caractère mixte: l'actionnaire est à la fois investi d'un droit « fonction » destiné à assurer le fonctionnement de la société au sein de l'assemblée générale, mais également d'un droit prérogatif visant à protéger ses intérêts patrimoniaux propres. Si l'actionnaire doit dès lors exercer son droit dans l'intérêt social, il ne lui est pas interdit de tenir compte, dans une certaine mesure, de ses intérêts propres.

L'exercice de ce droit de vote peut toutefois être jugé abusif lorsqu'un ou plusieurs actionnaires, sans nécessairement léser l'intérêt social, exerce(nt) son/leur droit d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par un actionnaire prudent et diligent; à cet égard, la disproportion entre l'intérêt servi et l'intérêt lésé, ou le choix, entre différentes façons d'exercer son droit, même avec une utilité différente, de celle qui procure un avantage disproportionné aux charges corrélatives de l'autre partie, caractérise l'abus de droit (ibid.; P.-A. Foriers, « Abus de majorité - abus de minorité - abus d'égalité. Conditions et sanctions », o.c., pp. 27 et s.; X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », o.c., pp. 468 et s.).

72. Eu égard aux principes rappelés ci-avant, la question se pose, en l'espèce, de savoir s'il ressort des circonstances concrètes de la cause que la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur devrait être considérée, en tant que telle, comme portant atteinte à l'intérêt social d'Airspace ou aux intérêts des demandeurs au point de constituer un détournement de pouvoir ou un abus de droit de vote.

Les demandeurs se prévalent essentiellement, à cet égard, des circonstances qui ont précédé la révocation du mandat d'administrateur et la cessation des fonctions de délégué à la gestion journalière de la SPRL Flyteam en 2014.

Ces éléments appellent les observations suivantes:

- contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, les griefs formulés à l'égard de la SPRL Flyteam, ont été contestés par Flyteam à l'époque (voir le procès-verbal du conseil d'administration de la société du 28 octobre 2014 - pièce 32 du dossier des demandeurs);

- en définitive, la société n'a pas mis fin à la convention de prestation de services de la SPRL Flyteam pour manquement(s) grave(s) mais par une convention de transaction du 24 décembre 2014 au terme de laquelle la SPRL Flyteam a perçu une indemnité correspondant à 6 mois de rémunération (soit le délai de préavis normal prévu par la convention en cas de résiliation hors hypothèse de manquement grave);

- les circonstances de prétendue « mauvaise gestion » invoquées par les demandeurs dans le cadre de la présente procédure n'ont, en tout état de cause, pas empêché monsieur S.B. de proposer à E.V.V., en janvier 2017, d'évincer monsieur J.V.W. du poste d'administrateur d'Airspace et de prendre sa place (pièce 3 du dossier de la SPRL Flyteam). Cette proposition faite par monsieur S.B. à la SPRL Flyteam démontre qu'aux yeux de monsieur S.B., l'exercice par la SPRL Flyteam de fonctions de gestion au sein de la SA Airspace n'est pas, en soi, contraire à l'intérêt social de celle-ci ;

- le conseil d'Airspace souligne quant à lui la qualité des membres des organes de gestion de la société, en ce compris de la SPRL Flyteam.

Pour le surplus, les demandeurs ne démontrent pas en quoi, concrètement, la réputation personnelle de monsieur E.V.V. serait effectivement compromise en raison de l'accident d'avion de Gelbressee, pas plus qu'ils n'établissent que la SPRL Flyteam aurait effectivement fait l'objet d'une assignation par l'ONSS.

Il ressort de ce qui précède que les demandeurs ne démontrent pas que la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur de la SA Airspace devrait être considérée, en tant que telle, comme contraire à l'intérêt social.

73. Il n'apparaît pas non plus que cette décision porte atteinte, en tant que telle, aux intérêts de la SPRL Sunshine Factory dès lors que la nomination d'un administrateur B correspond à l'équilibre voulu par les statuts et la convention d'actionnaires, décidé de commun accord entre les associés, dont les dispositions prévoient que la société sera administrée par un conseil d'administration composé de 3 membres au moins (sauf si la société ne compte que deux actionnaires), nommés sur proposition de chaque catégorie d'actionnaires (art. 11 des statuts et 6 de la convention d'actionnaires).

En ce sens, la nomination de la SPRL Sunshine Factory ne peut être considérée comme l'expression d'un abus de majorité de la part des actionnaires B et C.

74. En conclusion, que ce soit au regard du moyen tiré de l'irrégularité de la convocation, de la violation des statuts et/ou des règles de répartition des pouvoirs au sein de la société voire du détournement de pouvoir ou de l'abus de droit de vote, la demande de suspension de la décision adoptée par l'assemblée générale du 30 janvier 2017 n'est pas fondée.

(iv) Quant à la demande de suspension des décisions des conseils d'administration des 14 et 16 février 2017

75. Les demandeurs sollicitent ensuite la suspension des décisions adoptées par les conseils d'administration des 14 et 16 février 2017, se référant, quant aux motifs justifiant cette demande, à une note annexée au procès-verbal de ces réunions du conseil d'administration, contenant une série de griefs qui peuvent être résumés comme suit:

- le conseil d'administration aurait été irrégulièrement convoqué;

- la convocation et la tenue d'un conseil d'administration ayant pour objet la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur-délégué serait, compte tenu du conflit entre associés et des procédures judiciaires pendantes, constitutive d'un abus de majorité;

- la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur-délégué serait contraire à l'intérêt social.

Il convient d'examiner ci-après les griefs formulés.

- Quant au moyen tiré de l'irrégularité de la convocation

76. Les demandeurs considèrent que le conseil d'administration était irrégulièrement convoqué par (i) un administrateur (Flyteam SPRL) dont la désignation est contestée en justice et par (ii) un administrateur (monsieur J.V.W.) en congé maladie depuis le 26 janvier 2017.

Cet argument ne peut être suivi.

En effet, l'article 13 des statuts de la société prévoit que « le conseil d'administration se réunit sur convocation de son président ou, en cas d'empêchement, de celui qui le remplace. Il doit être réuni chaque fois que deux administrateurs au moins le demandent.

(...)

Un administrateur peut renoncer à la convocation et, en tout cas, sera considéré comme ayant été régulièrement convoqué s'il est présent ou représenté à la réunion ».

Or, la SPRL Sunshine Factory, représentée par monsieur S.B. était présente lors des réunions des 14 et 16 février 2017.

Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 16 février 2017 précise qui plus est que « le présent conseil d'administration a été convoqué de l'accord de tous les administrateurs-délégués, consigné au point 'DIVERS' du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 14 février 2017.

Le conseil d'administration a donc été régulièrement convoqué ».

Il ressort de ce qui précède que la SPRL Sunshine Factory a renoncé à se prévaloir de l'irrégularité de la convocation.

Le moyen n'est dès lors pas fondé.

- Quant au moyen tiré du détournement de pouvoir ou de l'abus de majorité

77. Les demandeurs remettent en cause l'opportunité de convoquer un conseil d'administration avec, à l'ordre du jour, la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur-délégué et considèrent que cette convocation, ainsi que le refus de reporter la réunion seraient constitutifs d'un abus de majorité dans le chef des autres administrateurs.

Ils estiment en effet que la nomination de la SPRL Flyteam, majorité contre minorité, n'était ni nécessaire ni opportune et que cette décision s'inscrit dans le cadre d'une stratégie poursuivie par les autres administrateurs et actionnaires de la société, visant à évincer la SPRL Sunshine Factory de la gestion quotidienne, afin de prendre le contrôle de celle-ci, dans le but de satisfaire les ambitions personnelles et le désir de revanche de monsieur J.V.W. et non l'intérêt social.

78. Bien que la recherche d'un consensus au sein de l'organe de gestion soit un objectif louable (au demeurant consacré, en l'espèce, par l'art. 9 de la convention d'actionnaires), il convient de rappeler que l'adoption de décisions majorité contre minorité est en principe conforme au fonctionnement majoritaire de l'organe de gestion qui est de règle, sauf disposition statutaire ou conventionnelle contraire.

A cet égard, l'article 14 des statuts prévoit que les décisions sont en principe adoptées au sein du conseil d'administration à la majorité des voix, à l'exception des décisions énumérées à l'alinéa 3, qui devront être prises à l'unanimité des voix, parmi lesquelles: « la conclusion de tous contrats (au sens large du terme) avec des personnes physiques ou des sociétés qui ont, directement ou indirectement, des liens ou des intérêts avec les parties, les administrateurs ou leurs sociétés liées » (16e tiret).

Cette disposition statutaire reproduit, mutatis mutandis, l'article 9.2 de la convention d'actionnaires qui énumère les décisions du conseil d'administration requérant, par exception au principe de la majorité simple, un vote favorable des administrateurs A et B, parmi lesquelles: « la conclusion de tous contrats (au sens large du terme) avec des personnes physiques ou des sociétés qui ont, directement ou indirectement, des liens ou des intérêts avec les parties, les administrateurs ou leurs sociétés liées ».

Dès lors qu'en droit des sociétés, la gestion journalière est considérée, dans l'ordre interne, comme un mandat conféré par le conseil d'administration, la question se pose de savoir si la nomination d'un délégué à la gestion journalière est ou non visée par les articles 14, alinéa 3, 16°, des statuts et 9.2 de la convention d'actionnaires qui instaurent en faveur des administrateurs A et B un véritable droit de veto à l'égard de « conclusion de tous contrats (au sens large) » entre la société et les parties à la convention d'actionnaires, dont la SPRL Flyteam fait partie.

Autrement dit, la question se pose en l'espèce de savoir si la décision de conférer un mandat de gestion journalière à la SPRL Flyteam pouvait être adoptée sans le vote favorable de l'administrateur A.

Le tribunal ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur cette question, dont la réponse est susceptible d'avoir une incidence sur la validité de la décision adoptée.

Il sera par conséquent réservé à statuer quant à la demande de suspension des décisions du conseil d'administration des 14 et 16 février 2017.

(v) Quant à la demande de suspension des décisions du conseil d'administration du 7 mars 2017

79. Les demandeurs considèrent que la décision de révoquer le mandat de délégué à la gestion journalière et de résilier la convention de prestations de services de la SPRL Sunshine Factory, votée par les administrateurs Flyteam et monsieur J.V.W., viole les statuts, la convention d'actionnaires et les engagements pris par les parties devant le tribunal, dans le cadre de la présente procédure.

Selon les demandeurs, en effet, les décisions adoptées par le conseil d'administration le 7 mars 2017 sont contraires à l'article 14, alinéa 3, 16e tiret, des statuts, qui prévoit que la conclusion ou la résiliation de contrats (au sens large du terme) avec tout associé ou personne(s) liée(s) à ceux-ci requiert le vote favorable des administrateurs A et B, ainsi qu'à l'article 8 de la convention d'investissement et d'actionnaires qui prévoit que l'administrateur A (soit la SPRL Sunshine Factory) est investi de la gestion journalière.

Par ailleurs, cette décision serait, toujours selon les demandeurs, contraire à l'engagement acté par le président du tribunal de commerce du Hainaut, division Charleroi, au plumitif de l'audience du 13 février 2017 selon lequel ces points ne seraient pas mis à l'ordre du jour du conseil d'administration de la société dans l'attente de l'audience initialement fixée pour plaidoiries, soit le 22 février 2017.

Les demandeurs exposent enfin que l'éviction de la SPRL Sunshine Factory de son mandat de délégué à la gestion journalière a et aura des conséquences catastrophiques pour la société dès lors que monsieur S.B., représentant permanent de cette société, est au centre de la gestion quotidienne de la société et que c'est à lui que se réfèrent le personnel, les fournisseurs et les clients.

80. Contrairement aux administrateurs de sociétés anonymes, les délégués à la gestion journalière ne sont révocables ad nutum que sauf stipulation statutaire ou conventionnelle contraire.

L'article 17, 3°, des statuts d'Airspace, relatif aux délégués à la gestion journalière, prévoit que « le conseil d'administration peut révoquer en tout temps les personnes mentionnées aux alinéas précédents ».

Cette faculté de révocation ne signifie pas que les circonstances qui entourent la mise en oeuvre de ce droit de révocation ne puissent être fautives. Comme toute décision prise par le conseil d'administration, celle de révoquer un délégué à la gestion journalière doit être justifiée par l'intérêt social et est susceptible, le cas échéant, de faire l'objet d'un détournement de pouvoir ou d'un abus de majorité.

En l'espèce, il faut par ailleurs tenir compte des dispositions de la convention de prestation de services conclue entre la SA Airspace et la SPRL Sunshine Factory, dont l'article 3 détermine les modalités de résiliation. Cette disposition prévoit que chaque partie peut y mettre fin moyennant préavis d'au moins 6 mois, sous réserve d'un manquement grave. L'article 3.2 précise à cet égard que « chaque partie peut mettre fin à la convention sans aucune indemnité en cas de manquement grave commis par l'autre partie.

Le terme manquement grave doit être interprété de manière restrictive (ci-après 'manquement grave').

La partie lésée peut mettre fin immédiatement à la convention si le manquement grave est irréparable et/ou rend toute collaboration ultérieure absolument impossible (ex. en cas de fraude manifeste, de vol, etc.).

Dans les autres cas de manquement grave (p. ex., mais de manière non exhaustive, en raison d'une confiance fondamentalement brisée ou d'une animosité manifeste), la partie lésée peut mettre fin à la convention si la partie qui a commis un manquement grave n'a pas, dans les 8 jours suivant l'invitation qui lui en a été faite par la partie lésée, remédié à la violation commise ».

81. Le raisonnement des demandeurs selon lequel l'article 14, alinéa 3, 16e tiret, des statuts devrait être interprété en ce sens qu'il imposerait l'accord des administrateurs A et B, en ce compris en cas de résiliation pour manquement grave de la convention de prestation de services ne peut être suivi, dès lors que cette interprétation aurait pour effet de priver, concrètement, la société de la possibilité de résilier cette convention en cas de manquement grave.

Il convient toutefois de s'assurer que la faculté de révoquer le mandat de gestion journalière et de résilier la convention de prestation de services pour manquement grave n'a pas été mise en oeuvre de façon manifestement déraisonnable par le conseil d'administration, avec pour objet et/ou effet de contourner les engagements contractuels souscrits à l'égard de la SPRL Sunshine Factory et son représentant permanent tels qu'ils ressortent des conventions d'actionnaires et de prestation de services.

82. Les demandeurs soutiennent que leur éviction était en réalité planifiée de commun accord entre les parties Flyteam et monsieur J.V.W. au moins depuis le mois de janvier 2017, et que les prétendus manquements graves développés par les défendeurs en intervention à l'appui de la révocation de la délégation à la gestion journalière et de la résiliation de la convention de prestation de services intervenus le 7 mars 2017 sont purement artificiels.

Les parties Flyteam et monsieur J.V.W. contestent l'existence d'un accord intervenu entre eux en vue d'évincer les demandeurs de la gestion journalière de la société et soutiennent au contraire que cette éviction s'appuie sur une série de griefs concrets et précis.

Le fait que l'existence matérielle d'un accord écrit ne soit pas régulièrement établie n'empêche pas le tribunal d'examiner, sur la base de l'apparence de droit, si cette éviction n'est pas manifestement abusive au regard des dispositions conventionnelles et principes applicables, rappelés au point 80 ci-avant.

83. Monsieur J.V.W. et la SPRL Flyteam justifient la décision de décharger la SPRL Sunshine Factory de la gestion journalière et de résilier la convention de prestation de services pour manquement(s) grave(s) par les motifs suivants (s'agissant des motifs énumérés dans le courrier de résiliation figurant en annexe au PV du conseil d'administration du 7 mars 2017):

- non-respect des engagements pris lors de la réunion du conseil d'administration du 16 février 2017 relatifs à la répartition des tâches entre administrateurs-délégués;

- désintérêt quant à la conduite opérationnelle d'Airspace;

- instrumentalisation des membres du personnel, étant reproché à monsieur S.B. d'avoir tenté de faire signer une pétition en sa faveur aux membres du personnel et usé de représailles à l'égard des membres qui ont refusé de signer;

- atteinte à la réputation de Flyteam et de monsieur V.W.;

- conduite unilatérale d'Airspace et dépassement de pouvoirs;

- consommation de cannabis dans les locaux d'Airspace;

- modification du planning de madame M.F. et paiement d'heures non prestées;

- la citation lancée en référé contre les décisions adoptées par l'assemblée générale.

84. Ces griefs ont été contestés de façon circonstanciée par les demandeurs.

Ils appellent les observations suivantes.

85. Tout d'abord, la SPRL Sunshine Factory a exercé la gestion journalière de la SA Airspace depuis sa constitution en 2012, d'abord conjointement avec la SPRL Flyteam, puis seule à partir de la fin 2014, cette situation n'ayant posé aucune difficulté aux parties.

Monsieur J.V.W., qui exerce directement ou par l'intermédiaire de la SA Kabofin, la fonction d'administrateur de la SA Airspace depuis le 3 avril 2013, a le plus large accès aux comptes de la société. Il a, en cette qualité, participé à leur élaboration. Il répond enfin, comme indiqué ci-avant, d'un devoir de surveillance à l'égard de l'exercice de la gestion journalière (supra, n° 35). En sa qualité d'actionnaire, la SPRL Flyteam a approuvé sans réserve les comptes, dont les derniers comptes au 31 décembre 2015.

86. Dans le cadre de la présente procédure, et sur la base des éléments actuellement soumis au tribunal, ni la SPRL Flyteam ni monsieur J.V.W. ne caractérisent de manquements précis et déterminants de nature à démontrer que la gestion journalière exercée par la SPRL Sunshine Factory serait désastreuse.

Au contraire, sous l'angle de la situation financière d'Airspace SA, seule une diminution du chiffre d'affaires au cours du dernier exercice social clôturé au 31 décembre 2016 est signalée, sans que cette situation ne soit mise en relation avec de quelconques fautes de gestion dans le chef de la SPRL Sunshine Factory. A cet égard, la banque KBC dans son courrier du 3 février 2017, indique que la baisse du chiffre d'affaires s'explique par la concurrence accrue à laquelle la SA Airspace doit, depuis peu, faire face dans son secteur d'activités (supra, n° 17).

87. Les actions judiciaires menées par les demandeurs ne peuvent être considérées comme un motif d'éviction de la gestion journalière.

Le fait que les demandeurs fassent valoir des droits qu'ils estiment violés, au besoin par la voie judiciaire, ne peut être considéré, en soi, comme un comportement fautif dans leur chef dès lors qu'il n'est pas établi que les procédures diligentées par les demandeurs présenteraient un caractère téméraire et vexatoire.

88. Le fait que monsieur S.B. ait été amené à formuler des reproches personnels à l'égard de ses associés est inhérent au conflit entre associés. Ce comportement s'observe également en sens inverse.

89. Il est inexact de soutenir que monsieur S.B. se focaliserait, au sein du conseil d'administration, sur les points en rapport avec le litige entre associés, à l'exclusion des points relatifs à la conduite opérationnelle de la société. S'il peut effectivement être fait grief à un administrateur, qui revêt en outre la qualité de président du conseil d'administration, de quitter le conseil d'administration en cours de réunion, le fait que monsieur S.B., s'estimant systématiquement minorisé dans le cadre du litige entre associés, ait quitté certaines réunions du conseil d'administration ne peut être interprété comme un désintérêt pour la conduite opérationnelle de la société.

Le grief est en l'occurrence malvenu de la part des parties Flyteam et V.W., qui ont refusé toute proposition de médiation et sont elles-mêmes à l'origine de l'ajout de nombreux points à l'ordre du jour des réunions du conseil d'administration centrés sur le conflit entre associés (voy. également, notamment, la liste de points ajoutés par Flyteam à l'ordre du jour du conseil d'administration du 7 mars 2017). Ainsi, par exemple, la longue discussion provoquée lors de la réunion du 28 février 2017 par la SPRL Flyteam qui exigeait que lui soit attribué le bureau jusqu'alors occupé par monsieur S.B. et son épouse, est incontestablement éloignée de la conduite opérationnelle de la société et ne pouvait avoir pour effet que d'alimenter les dissensions entre parties.

Il est également inexact de soutenir que monsieur S.B. refuse de répondre aux questions des autres administrateurs et d'en débattre collégialement, dès lors que ces questions sont abordées après son départ.

Le tribunal constate par ailleurs que monsieur S.B., bien qu'étant à l'origine des procédures judiciaires pendantes, et nonobstant son désaccord avec les positions adoptées par les autres associés, a manifesté à plusieurs reprises une attitude constructive.

Ainsi, lors des réunions des 16 et 21 février 2017, monsieur S.B. a voté en faveur de la proposition de médiation formulée par le conseil de la société. Cette proposition a par contre été systématiquement rejetée par les parties Flyteam et J.V.W.

Monsieur S.B. ne tente pas de bloquer le fonctionnement des organes de la société; ceux-ci sont encore en mesure d'adopter des décisions de façon consensuelle, nonobstant le conflit entre associés, telles que la décision d'organiser un rendez-vous commun entre l'ensemble des administrateurs et KBC.

En ce sens, lors de la réunion du conseil d'administration du 14 février 2017, nonobstant son désaccord exprimé quant à la nomination de la SPRL Flyteam en qualité d'administrateur-délégué, monsieur S.B. a formulé, subsidiairement, diverses propositions en vue d'organiser l'exercice concurrent de la gestion journalière avec la SPRL Flyteam.

Le 16 février 2017, monsieur S.B. a également participé à l'élaboration de la communication à adresser au personnel concernant le fonctionnement commun de la gestion journalière (les administrateurs s'étant réjouis, de façon unanime, de la manière dont cette communication au personnel s'est déroulée) (supra, n° 21).

90. Le reproche lié à la conduite unilatérale d'Airspace ne résiste pas à l'analyse.

Le fait que monsieur S.B. ait choisi de répondre seul au courrier de KBC du 3 février 2017, sans en parler préalablement au conseil d'administration, ne peut être considéré comme un dépassement manifeste des pouvoirs de gestion journalière dès lors que ce courrier, qui avait été adressé nommément à monsieur S.B. en sa qualité d'administrateur-délégué, nécessitait une réponse urgente.

Le tribunal observe par ailleurs que, lors de la réunion du conseil d'administration du 14 février 2017, le conseil d'administration a décidé à l'unanimité, en ce compris donc de l'accord de monsieur S.B., de planifier un rendez-vous en présence de tous les administrateurs avec les représentants de KBC, de sorte que l'incident soulevé par Flyteam et monsieur V.W. pouvait raisonnablement être considéré comme clos.

Il ne peut être reproché à monsieur S.B. d'avoir révoqué la procuration bancaire de monsieur J.V.W. dès lors que le comportement de ce dernier, consistant à se verser sa propre rémunération à partir du compte de la société alors qu'il ne dispose d'aucun mandat de gestion journalière et sans que ce paiement n'ait fait l'objet d'aucune décision préalable du conseil d'administration était, quant à lui, irrespectueux des règles relatives à la répartition des pouvoirs au sein de la société.

91. Il est également reproché aux demandeurs de ne pas respecter les modalités convenues avec la SPRL Flyteam concernant l'exercice concurrent de la gestion journalière.

La SPRL Flyteam renvoie à cet égard aux éléments repris dans un courrier du 23 février 2017, par lequel le conseil de Flyteam mettait les demandeurs en demeure de mettre à disposition de Flyteam les éléments destinés à lui permettre d'exercer ses fonctions (accès aux locaux, à l'informatique, ainsi qu'à la documentation sociale et comptable de la société).

Ce grief, à le supposer établi, serait effectivement constitutif d'un manquement dans le chef de la SPRL Sunshine Factory. Dès lors que la SPRL Flyteam a été nommée en qualité de délégué à la gestion journalière par le conseil d'administration, cette décision s'impose, à tout le moins tant qu'elle n'a pas été suspendue ou annulée, à la SPRL Sunshine Factory, qui n'a aucun droit à revendiquer l'exercice exclusif de la gestion journalière.

Le tribunal renvoie également à l'article 3.2, alinéa 4, de la convention de prestation de services qui énumère, parmi les manquements graves susceptibles de donner lieu à résiliation moyennant mise en demeure non suivie d'effet dans les 8 jours, le cas de l'« animosité manifeste ».

Toutefois, en l'espèce, ce grief n'est pas établi.

Il ressort en effet du dossier qu'un certain flottement a d'abord entouré la répartition des tâches de gestion journalière dès lors que dans un premier temps, les parties avaient convenu que, nonobstant la nomination de la SPRL Flyteam en qualité de délégué à la gestion journalière, la gestion journalière serait essentiellement maintenue telle quelle, entre les mains de la SPRL Sunshine Factory (voy. les PV du conseil d'administration du 14 février 2017 et du 28 février 2017).

C'est également à tort que Flyteam indique, en termes de conclusions, qu'« aucune suite généralement quelconque » n'aurait été réservée à son courrier du 23 février 2017.

Les demandeurs ont au contraire déposé une note explicative détaillée lors de la réunion du conseil d'administration du 28 février 2017, dont il ressort que, bien que contestant la validité de la désignation de la SPRL Flyteam en tant que délégué à la gestion journalière, monsieur S.B. a néanmoins tenté de répondre dans la mesure du possible aux demandes de la SPRL Flyteam dans un délai qui ne peut être qualifié de déraisonnable. Monsieur S.B. produit notamment la copie de deux courriels adressés à monsieur V.V. le 16 février 2017, en réponse à des demandes émises par ce dernier le 15 février 2017.

Enfin, monsieur S.B. expose sans être contredit que, conformément aux indications données dans les courriels du 16 février 2017, il appartenait à monsieur V.V. de prendre contact avec lui afin de prendre possession de certains éléments, ce qu'il s'est abstenu de faire.

Il ressort du procès-verbal de cette réunion que la SPRL Flyteam reconnaît effectivement qu'un certain nombre d'éléments lui ont été transmis. Il apparaît que seules certaines informations resteraient manquantes, tandis que l'un des codes communiqués étaient incorrects.

Rien ne permet toutefois de soutenir que cette situation résulterait d'un comportement intentionnel dans le chef des demandeurs.

Monsieur S.B. a du reste ajouté, dans la note précitée du 28 février, un certain nombre d'informations en réponse aux demandes complémentaires formulées dans le courrier du conseil de la SPRL Flyteam du 23 février 2017.

Enfin, au vu du libellé de la demande reconventionnelle, il apparaît que les demandeurs ont satisfait à la plupart des demandes de la SPRL Flyteam.

Il ressort de ce qui précède que, sur la base des éléments actuellement soumis au tribunal, le grief adressé aux demandeurs de ne pas respecter la répartition des tâches de gestion journalière n'est pas établi.

92. L'encodage d'heures non prestées par l'épouse de monsieur S.B. a été abordée pour la première fois lors de la réunion du conseil d'administration du 7 mars 2017; il est alors question de fixer « un entretien afin de pouvoir éclaircir la question relative aux prestations déjà rémunérées pour le mois de février 2017 » (...). La décision adoptée étant « de mandater Flyteam afin que cette dernière puisse fixer l'entretien convenu avec madame M.B. » (p. 9 du PV).

Il ressort de ce PV de la réunion que ce grief n'était pas établi à la date du 7 mars 2017, dès lors que l'objet de l'entretien à fixer était, selon les termes précités du procès-verbal, d'éclaircir la question.

93. Enfin, le grief lié à la consommation de cannabis au sein des locaux d'Airspace, au demeurant contesté, apparaît fantaisiste. Le grief lié à l'instrumentalisation du personnel n'est pas établi, s'agissant en l'occurrence des prétendues « de rétorsion » dont certains employés auraient fait l'objet de la part de monsieur S.B.

94. En conclusion quant à ces griefs, Flyteam et monsieur J.V.W. ne sont pas en mesure de caractériser des comportements qui apparaissent, prima facie, manifestement déraisonnables dans le chef des demandeurs.

95. Dans la balance des intérêts en présence et compte tenu des développements exposés supra, il y a lieu de tenir compte, sur base des apparences de droit, des éléments suivants:

- l'absence de tout grief exprimé quant à la gestion exercée par monsieur S.B. (via sa société) depuis la constitution d'Airspace contraste avec le caractère quasi-systématique des reproches formulés à son égard à partir de la mi-février 2017, et la rapidité avec laquelle ceux-ci ont mené à son éviction de la gestion journalière de la société;

- plus concrètement, Flyteam et monsieur J.V.W. n'avancent à ce stade guère d'éléments précis, concrets et déterminants permettant de déduire que la gestion exercée par la SPRL Sunshine Factory serait désastreuse pour la société;

- si Flyteam et monsieur J.V.W. insistent sur certains constats, tels le fait que monsieur S.B. ait été amené à quitter le conseil d'administration en cours de séance, ou ait diligenté des procédures ou formulé des reproches personnels à leur encontre, encore n'établissent-ils pas que ces éléments démontreraient un comportement fautif de la SPRL Sunshine Factory quant à l'exercice de son mandat d'administrateur-délégué. Autrement dit, Flyteam et monsieur J.V.W. ne démontrent aucun comportement de la SPRL Sunshine Factory et qui, en soi, caractériserait une faute de gestion dans son chef;

- la plupart des griefs formulés à l'égard des demandeurs ne constituent en réalité que l'expression de positions adoptées par ceux-ci dans le cadre d'un conflit entre associés, qui s'est manifesté au sein de la société dès le mois de janvier 2017, opposant monsieur S.B. aux autres actionnaires, dont l'origine s'explique probablement par les ambitions respectives des parties à l'égard de la société, et dont les effets ont sans doute été amplifiés par l'inimitié récente entre messieurs S.B. et J.V.W., pour des motifs purement personnels, de sorte que les tensions actuelles ne peuvent, sur la base des éléments actuellement en possession du tribunal, être imputées exclusivement ni à l'une ni à l'autre des parties;

- il s'observe du reste qu'au stade actuel, ce conflit n'entrave pas réellement le fonctionnement des organes de la société dès lors qu'un certain nombre de décisions sont encore adoptées de façon consensuelle, nonobstant les tensions entre associés;

- dans ce contexte, eu égard aux éléments précités, il apparaît que la sauvegarde des intérêts de la SA Airspace ne commandait nullement de procéder à l'éviction brutale des demandeurs de la gestion journalière, en passant outre le droit de veto octroyé à ceux-ci par les statuts et la convention d'actionnaires et au mépris du délai de préavis garanti à ceux-ci par la convention de prestation de services en cas de rupture de celle-ci;

- que l'éviction des demandeurs de la gestion journalière de la société dans ces circonstances n'apparaît pas guidée par des motifs de protection de l'intérêt social;

- en considération de ces éléments, les mesures adoptées à l'encontre de la SPRL Sunshine Factory, et via celle-ci, de monsieur S.B., à savoir le retrait immédiat de la gestion journalière, sans préavis ni indemnité, sont disproportionnées par rapport au but poursuivi, d'autant plus qu'elles rompent avec l'équilibre mis en place depuis la constitution de la société et garanti par les conventions conclues entre parties.

96. Compte tenu de l'ensemble des éléments ci-avant exposés, soit, notamment, l'absence de griefs graves et déterminants justifiant la mesure d'éviction totale de la SPRL Sunshine Factory de la gestion journalière de la société et l'absence de proportion entre cette mesure et le but poursuivi, il y a lieu, dans l'intérêt de la société Airspace en ce compris ses travailleurs, d'aménager une situation d'attente en rétablissant la SPRL Sunshine Factory, représentée par monsieur S.B., en sa qualité de délégué à la gestion journalière de la société.

(vi) Quant à la demande d'interdiction de toute convocation et/ou toute tenue de toute assemblée générale et/ou de tout conseil d'administration d'Airspace SA ayant pour objet la révocation du mandat d'administrateur et/ou de délégué à la gestion journalière d'Airspace SA de Sunshine Factory SPRL et/ou de monsieur S.B., sous peine d'une astreinte de 250.000 EUR par infraction

97. Les demandeurs sollicitent du tribunal qu'il interdise la convocation et/ou toute tenue de toute assemblée générale et/ou de tout conseil d'administration d'Airspace SA ayant pour objet la révocation du mandat d'administrateur et/ou de délégué à la gestion journalière d'Airspace SA, de Sunshine Factory SPRL et/ou de monsieur S.B., sous peine d'une astreinte de 250.000 EUR par infraction.

Les parties défenderesses contestent cette demande, qu'ils estiment contraire à la révocabilité ad nutum du mandat d'administrateur, au demeurant d'ordre public.

98. En l'espèce, aucun élément régulièrement établi par les demandeurs ne permet de démontrer l'existence d'indices précis et concrets de nature à justifier la mesure sollicitée.

Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à cette demande.

(vii) Quant à la demande de désignation d'un mandataire de justice sur pied de l'article 14 de la LCE

99. L'article 14 de la loi sur la continuité des entreprises (« LCE ») prévoit que: « Lorsque des manquements graves et caractérisés du débiteur ou de ses organes menacent la continuité de l'entreprise en difficulté et que la mesure sollicitée est de nature à préserver cette continuité, le président du tribunal, saisi par tout intéressé selon les formes du référé, peut désigner à cet effet un ou plusieurs mandataires de justice. L'ordonnance qui désigne le mandataire de justice justifie et détermine de manière précise l'étendue et la durée de la mission de celui-ci. »

En l'espèce, les demandeurs ne justifient pas que la société soit exposée à des difficultés de nature à considérer qu'elle relèverait du champ d'application de la LCE; ils n'invoquent aucun élément concret à cet égard.

La demande doit être déclarée non fondée.

(viii) Quant à la demande de désignation d'un conciliateur sur pied de l'article 10 de la convention d'actionnaires

100. Les demandeurs sollicitent l'application de l'article 10 de la convention d'actionnaires qui prévoit ce qui suit: « Au sens de la présente disposition, on entend par 'blocage persistant', l'impossibilité pour un organe d'adopter une décision au cours de deux réunions consécutives ayant ce point à l'ordre du jour en raison d'une opposition entre les administrateurs.

A la requête écrite de l'une des parties notifiée aux autres parties dans un délai de 30 jours suivant la constatation du blocage persistant, le différend pourra être soumis à un conciliateur choisi de commun accord par les parties. A défaut d'accord entre celles-ci sur l'identité du conciliateur dans les 15 jours de la notification écrite visée ci-avant, le président du CEPANI désignera un conciliateur dans les 8 jours de la requête qui lui aura été adressée en ce sens par la partie la plus diligente.

En cas d'échec de la conciliation dans le mois de la nomination du conciliateur, le différend pourra être soumis à un arbitre choisi de commun accord par les parties. A défaut d'accord entre celles-ci sur l'identité de l'arbitre dans les 15 jours de l'expiration du délai visé à l'alinéa précédent, les parties s'adresseront au CEPANI afin qu'on leur désigne un arbitre. »

101. En l'espèce, dès lors que les organes de la société continuent de fonctionner, la situation de blocage persistant conditionnant la mise en oeuvre de la disposition précitée n'est pas établie.

(ix) Quant à la demande de désignation d'un administrateur provisoire

102. Les demandeurs sollicitent la désignation d'un administrateur provisoire, avec, si l'on comprend le dispositif de leurs dernières conclusions, la mission de se substituer totalement aux organes de gestion de la société.

Cette demande est contestée par les autres parties, en ce compris par la SA Airspace qui juge celle-ci contraire à l'intérêt social eu égard à la publicité négative qui pourrait en résulter pour la société.

Seule la SPRL Flyteam nuance sa position en indiquant que cette mesure se justifierait dans l'hypothèse où le tribunal ordonnerait la suspension des décisions du conseil d'administration du 7 mars 2017 de révoquer le mandat de gestion journalière et de résilier la convention de prestation de services de la SPRL Sunshine Factory, dès lors que dans cette hypothèse, la gestion journalière se trouverait confiée, à tout le moins provisoirement, tant à la SPRL Sunshine Factory qu'à la SPRL Flyteam.

103. Comme indiqué ci-avant, l'action du juge des référés est notamment guidée par le principe d'immixtion minimale du juge dans le fonctionnement des sociétés.

Ainsi que le rappellent O. Caprasse et R. Aydogdu, ce principe conduit à ce que « le juge des référés saisi lorsque la société est frappée par une mésintelligence au sein des organes sociaux, par exemple pour désigner un administrateur provisoire, devra limiter son intervention aux cas de mésintelligence 'caractérisée' qui présentent une gravité suffisante. La mésintelligence est en effet réglée, en principe, par la loi de la majorité et l'équilibre des pouvoirs entre organes sociaux, mécanismes qui doivent permettre la solution de la plupart des situations de mésintelligence » (O. Caprasse et R. Aydogdu, o.c., p. 156).

En l'espèce, le tribunal a égard aux éléments suivants:

- si l'existence d'un conflit entre associés est indéniable, ce conflit n'entrave actuellement pas le fonctionnement des organes sociaux au point de conduire à une situation de blocage;

- si certains manquements ont été commis, ceux-ci ne présentent pas en l'espèce une gravité suffisante ou un caractère systématique qui justifierait que l'organe de gestion soit, dès à présent, dessaisi de ses pouvoirs;

- la présence, lors des réunions des organes de la société, d'un conseil chargé par l'ensemble des parties de représenter la société et d'apprécier l'intérêt social (sans que celui-ci ne soit dicté par l'une ou l'autre partie au conflit) est de nature à apaiser les tensions et prévenir la commission d'éventuels abus. Le tribunal précise à cet égard que la manière dont le conseil de la société s'est acquitté jusqu'à présent de cette mission ne peut faire l'objet d'aucun grief de parti pris;

- il ressort de la position exprimée par les demandeurs mais également par la SPRL Flyteam que ces parties craignent essentiellement un manque de dialogue qui serait préjudiciable au fonctionnement de la société. A cet égard, le tribunal relève que ce n'est qu'à titre infiniment subsidiaire, et comme ils l'indiquent en termes de conclusions « si le dialogue ne peut être initié entre parties », que les demandeurs sollicitent la désignation d'un administrateur provisoire;

- afin de rencontrer ces craintes, le tribunal ordonne la désignation d'un mandataire ad hoc, chargé de définir les modalités d'exercice de la gestion journalière les plus à même d'assurer la continuité de l'entreprise, et de surveiller leur mise en oeuvre. A cette fin, le mandataire de justice pourra assister aux réunions des organes de gestion. Le mandataire ad hoc aura également pour mission de tenter de concilier les parties;

- la désignation du mandataire ad hoc n'a pas à être publiée dès lors que celui-ci n'est pas investi, à ce stade, de pouvoirs de gestion et de représentation de la société.

Le tribunal estime en effet que, dans l'état actuel des choses, les administrateurs, conscients de leurs droits et devoirs respectifs, tels que notamment rappelés dans le cadre de la présente ordonnance, doivent être capables, dans l'intérêt de la société et de ses travailleurs, de dépasser leurs dissensions personnelles pour assurer le fonctionnement de la société, à tout le moins provisoirement, jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la validité des décisions litigieuses;

- la mission sera également étendue à l'examen de la gestion de la SA Airspace au cours des dernières années.

(x) Quant à la demande reconventionnelle formée par la SPRL Flyteam

104. Dès lors qu'il est réservé à statuer quant à la demande de suspension des décisions des conseils d'administration des 14 et 16 février 2017 par lesquels la SPRL Flyteam a été nommée en qualité de délégué à la gestion journalière, il sera également réservé à statuer quant à la demande reconventionnelle formée par la SPRL Flyteam en cette qualité.

Par ces motifs

Nous, Déborah Gol, juge délégué à la fonction de président du tribunal de commerce du Hainaut, séant à Charleroi, assistée de Céline Vermeulen, greffier assumé,

Statuant contradictoirement en matière de référé, tous droits saufs et réservés des parties, déclarons les demandes principales recevables et fondées dans la mesure déterminée ci-après:

- suspendons, jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne à cet égard, dans le cadre de la procédure en annulation, la décision du conseil d'administration du 7 mars 2017 en ce qu'elle révoque le mandat de délégué à la gestion journalière et en ce qu'elle résilie pour manquement grave la convention de prestation de services de la SPRL Sunshine Factory;

- ordonnons la réouverture des débats aux fins précisées dans le cadre de la présente ordonnance et fixons comme suit les délais de dépôt et communication des conclusions et pièces:

- le 8 mai 2017, pour les parties demanderesses;

- le 18 mai 2017, pour les parties défenderesses et défenderesses en intervention;

- fixons les plaidoiries consacrées à l'objet de la réouverture des débats à l'audience de la chambre des référés du 31 mai 2017, à 9h30 précises, pour 30 minutes;

- désignons, en qualité de mandataire ad hoc, maître Pierre-Emmanuel Cornil, avocat à 6110 Montigny-le-Tilleul, rue de Gozée, 137 B, lequel aura pour mission:

- de définir les modalités d'exercice de la gestion journalière et la répartition des tâches entre la SPRL Sunshine Factory et la SPRL Flyteam et de surveiller leur mise en oeuvre;

- d'assister aux réunions du conseil d'administration, avec voix consultative, afin de veiller au respect par les parties de l'intérêt social;

- de convoquer, chaque fois que l'intérêt de la société l'exige, une réunion du conseil d'administration;

- d'examiner la gestion accomplie depuis le 1er janvier 2015 jusqu'au 31 décembre 2016 et établir un rapport; dans ce cadre, examiner notamment les causes expliquant la diminution des résultats de la société;

- de tenter de concilier les parties et formuler toutes suggestions utiles à cet égard;

- sans préjudice à tout rapport verbal qu'il nous ferait de l'exécution de sa mission et des difficultés éventuelles qu'il aurait à l'exercer, dresser rapport écrit de sa mission en vue de l'audience du mercredi 31 mai 2017 à 9h00 heures précises;

- fixons la durée de la mission jusqu'à cette date, sans préjudice de la faculté d'en ordonner le renouvellement et l'extension;

- disons que l'état de frais et honoraires du mandataire ad hoc est provisoirement mis à charge de la SA Airspace;

- réservons à statuer quant à la demande de suspension des décisions des conseils d'administrations des 14 et 16 février 2017, quant à la demande reconventionnelle ainsi que quant aux frais et dépens;

- déboutons pour le surplus;

- autorisons l'exécution provisoire de la présente ordonnance.

Il a été fait application de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

(...)