Article

Débats succincts et arbitrage, R.D.C.-T.B.H., 2019/2, p. 158-173

Débats succincts et arbitrage

Yves Herinckx [1]

TABLE DES MATIERES

(1) Les débats succincts en procédure judiciaire

(2) Les jugements sommaires en droit comparé et en arbitrage

(3) L'arbitrage accéléré

(4) Les droits de la défense

(5) L'article 1704 du Code judicaire

(6) Les règlements d'arbitrage

(7) Pertinence de la question et proposition

(8) Conclusion

RESUME
La procédure arbitrale, dont l'un des objectifs est la rapidité, peut-elle avoir recours aux « débats succincts » utilisés par les tribunaux judiciaires pour trancher rapidement des affaires simples? L'article 735 du Code judiciaire prévoit un circuit court pour ces affaires, qui respecte néanmoins le principe des droits de la défense. Le monde de l'arbitrage utilise d'autres formes de circuits courts: les décisions sommaires inspirées des summary judgments anglo-américains et les procédures accélérées prévues par des règlements d'arbitrage. Les droits de la défense font l'objet d'une attention particulière en arbitrage international; ils ne s'opposent pas à la technique des débats succincts. Le Code judiciaire et les principaux règlements d'arbitrage ne permettent toutefois pas aux tribunaux arbitraux de faire application d'une procédure de débats succincts proprement dite - ce qui est regrettable.
SAMENVATTING
Kan er in een arbitrageprocedure, die onder meer gericht is op snelheid, gebruik worden gemaakt van een “korte debatten”-regeling zoals deze gehanteerd wordt door rechtbanken om snel eenvoudige geschillen te beslechten? Artikel 735 Ger.W. voorziet voor dergelijke geschillen in een snelle behandeling die desalniettemin de rechten van de verdediging eerbiedigt. De arbitragewereld kent andere vormen van snelle behandeling: de door de Anglo-Amerikaanse summary judgments geïnspireerde summiere beslissingen, en de door arbitragereglementen georganiseerde spoedprocedures ten gronde. De rechten van de verdediging maken het voorwerp uit van bijzondere aandacht in internationale arbitrage; zij beletten geenszins de korte debatten-techniek. Het Gerechtelijk Wetboek en de voornaamste arbitragereglementen laten scheidsgerechten echter niet als dusdanig toe korte debatten toe te passen. Dit valt te betreuren.

1.La procédure de débats succincts permet d'obtenir une décision judiciaire en peu de temps. L'arbitrage est un mode de résolution des conflits qui vise notamment à la rapidité. Ces deux procédures paraissent prédestinées à se rencontrer. Or cela n'est pas le cas en pratique: les arbitres n'utilisent généralement pas la technique des débats succincts et les affaires simples prennent souvent plus de temps devant un tribunal arbitral que devant un juge judiciaire.

La présente note examine les raisons de cet état de fait et analyse si et comment les arbitres peuvent s'inspirer de la pratique des débats succincts pour améliorer l'efficacité de leurs procédures lorsque les circonstances s'y prêtent. La majorité des affaires soumises à arbitrage sont bien entendu trop complexes pour que l'idée de débats succincts y ait la moindre pertinence. Mais il arrive que des arbitres doivent traiter un contentieux relativement simple, ou qu'une affaire plus complexe donne lieu à certaines questions préliminaires qui, si elles se posaient devant une juridiction étatique, seraient résolues après des débats succincts. L'enjeu de la question est donc réel [2].

(1) Les débats succincts en procédure judiciaire

2.Le mécanisme des débats succincts devant les tribunaux judiciaires consiste à plaider brièvement l'affaire concernée dès l'audience d'introduction ou après une remise à bref délai. Il n'y a généralement pas de conclusions écrites, les plaidoiries tenant lieu de conclusions [3]. L'affaire est prise en délibéré après les plaidoiries et le jugement est rendu rapidement. Le jugement est définitif; si l'enjeu ne dépasse pas 2.500 € (ou 2.000 € devant le juge de paix ou de police) il n'y a pas de possibilité d'appel [4].

Cette procédure est régie par l'article 735 du Code judiciaire en premier ressort et par l'article 1066 en degré d'appel [5]. La doctrine la qualifie de « circuit court », par opposition au « circuit long » du calendrier de mise en état classique. Nous nous concentrerons sur les règles applicables en première instance, l'appel n'offrant pas d'analogie utile avec la procédure d'arbitrage.

L'article 735 dispose:

« § 1er. A l'égard de toute partie comparante, les causes qui n'appellent que des débats succincts sont retenues à l'audience d'introduction ou remises pour être plaidées à une date rapprochée, pour autant que la demande motivée en a été faite dans l'acte introductif d'instance ou par la partie défenderesse.

§ 2. En cas d'accord des parties, la procédure en débats succincts doit être admise. Le juge retient l'affaire à l'audience d'introduction, ou la renvoie pour être plaidée à une date rapprochée, et fixe la durée des débats.

Sauf accord des parties, la cause sera traitée sous le bénéfice de la procédure prévue pour les débats succincts dans les cas suivants:

    • le recouvrement des créances incontestées;
    • les demandes visées à l'article 19, alinéa 3;
    • les changements de langue régis par l'article 4 de la loi du 15 juin 1935;
    • le règlement des conflits sur la compétence;
    • les demandes de délais de grâce.

    § 3. Dans les causes visées aux § 1er et 2, il peut être statué même s'il n'est pas déposé de conclusions.

    Si les parties prennent des conclusions, celles-ci doivent être remises au juge, qui les vise. Il est fait mention de ce dépôt à la feuille d'audience.

    § 4. Les autres causes sont renvoyées au rôle particulier ou distribuées à d'autres chambres, comme il est dit à l'article 726.

    § 5. Les dispositions du présent article ne portent pas préjudice aux règles du défaut.

    Toutefois, en cas d'indivisibilité du litige, lorsqu'une ou plusieurs parties font défaut et qu'une partie au moins comparaît, le présent article est applicable moyennant convocation de la ou des parties défaillantes sous pli judiciaire par le greffier à une audience fixée à une date rapprochée, à laquelle un jugement contradictoire pourra être requis. La convocation reproduit le texte du présent paragraphe.

    § 6. Les décisions relatives à la procédure en débats succincts ne sont susceptibles d'aucun recours. »

    3.La notion de cause qui n'appelle que des débats succincts, au sens de cette disposition, s'apprécie par référence à la simplicité de l'affaire. Elle « suppose que l'affaire puisse être plaidée brièvement et les arguments de chaque partie développés verbalement ou dans de courtes conclusions débouchant sur un délibéré lui-même succinct et excluant dès lors une complexité qui exigerait des plaidoiries et des conclusions substantielles » [6], « en manière telle que le dépôt de conclusions ne paraît pas objectivement nécessaire, même si une partie en prend l'initiative » [7]. Le seul critère est celui de l'absence de complexité de la cause. L'urgence de l'affaire ne joue en principe aucun rôle [8], de même que le montant de la demande [9]. La réalité des salles d'audience introduit toutefois un facteur d'appréciation supplémentaire, celui de l'encombrement du rôle et de la disponibilité du juge devant qui l'affaire est introduite. La brièveté d'une plaidoirie est un concept relatif: des débats d'une quinzaine de minutes sont brefs si le juge a le temps de les entendre, mais peuvent être excessivement longs à la fin d'une audience surchargée ...

    4.Le demandeur qui veut bénéficier de débats succincts - c'est souvent lui qui y a intérêt - doit l'indiquer dans sa citation et motiver expressément cette demande [10]. Il est de bonne pratique qu'il communique immédiatement ses pièces à son adversaire; ceci était précédemment une obligation déontologique expresse pour les avocats bruxellois francophones [11]. Si les pièces ont été communiquées, le Code de déontologie de l'OBFG interdit à l'avocat du défendeur de solliciter à l'audience d'introduction, hors la présence de l'avocat du demandeur, que la cause soit appelée ou remise [12]. Le recours aux débats succincts peut également être sollicité par le défendeur, par exemple pour faire valoir une exception d'incompétence. Des pièces peuvent encore être communiquées à l'audience, jusqu'à la clôture des débats [13]. Les éventuelles conclusions sont simplement remises au juge et ne doivent pas être déposées au greffe.

    Si les parties sont d'accord, l'article 735, § 2, du Code judiciaire prévoit que « la procédure en débats succincts doit être admise ». Ce texte ne doit pas être pris au pied de la lettre. Les parties ne peuvent imposer cela au juge en charge des audiences d'introduction que si elles se conforment à l'exigence de brièveté de leurs plaidoiries et éventuelles écritures. Le juge conserve le pouvoir, s'il considère que l'affaire appelle plus de développements, de refuser de l'entendre en débats succincts et de la renvoyer à une chambre de fond [14]. Ceci est le corollaire du pouvoir de fixer la durée des débats que lui accorde l'article 735, § 2.

    En cas de contestation, il appartient à la partie qui s'oppose à l'application de la procédure de débats succincts de convaincre le juge que la complexité de l'affaire exige une mise en état classique ou des plaidoiries d'une certaine ampleur [15]. Le juge décide souverainement et peut, le cas échéant, passer outre à l'objection.

    L'alinéa 2 de l'article 735, § 2, énumère quelques types de causes habituellement simples - récupération de créance incontestée, par exemple - et impose pour celles-ci la procédure de débats succincts, sauf accord contraire des parties. Cette disposition est parfois impraticable: certaines affaires visées dans la liste peuvent en réalité être trop complexes pour que le juge des introductions ait matériellement le temps de s'en occuper. Un moyen d'incompétence, par exemple, ou une demande de mesure provisoire, peuvent ainsi dépasser très largement les limites d'une brève plaidoirie. Le juge refusera dans ces hypothèses de retenir l'affaire en débats succincts même si une partie le lui demande. Un tel refus n'est peut-être pas conforme au texte de la loi mais il est en pratique imparable vu l'absence de recours [16].

    5.Il est unanimement admis que l'usage des débats succincts doit respecter les droits de la défense [17]. La cour d'appel d'Anvers a dû rappeler que le juge ne peut se prononcer sans avoir laissé au défendeur l'occasion et le temps de prendre connaissance des pièces à l'appui de la demande et de s'expliquer à cet égard, ni ignorer simplement l'existence d'une contestation qui lui est présentée [18]. La même cour d'appel a considéré qu'il y avait eu violation des droits de la défense dans une affaire où le premier juge avait prononcé après débats succincts une condamnation au paiement de factures prétendument incontestées, alors que ces factures n'étaient qu'un élément d'un contentieux plus large portant sur la rupture d'une concession exclusive de vente et sur une action en garantie contre des réclamations d'un client [19]. La cour d'appel de Liège a de même vu une violation des droits de la défense dans le refus d'une remise à quinzaine sollicitée par le défendeur en vue d'examiner un rapport technique communiqué à la barre, dans une affaire portant sur une facture relative à un chantier où la qualité des travaux était contestée [20].

    Mais ce sont les droits de chacune des parties qui doivent être respectés et l'article 735 vise à empêcher que des moyens dilatoires ne retardent le jugement d'affaires relativement simples [21]. S'il est fréquent qu'un défendeur confronté à une demande d'application de l'article 735 obtienne, s'il le souhaite, une remise à bref délai pour préparer sa défense et éventuellement déposer des conclusions, les droits de la défense n'exigent pas nécessairement que ceci soit toujours le cas [22]. Le juge de paix de Bruges a ainsi considéré que le respect des droits de la défense exige une mise en balance des intérêts et imposait, dans une affaire simple où le défendeur avait disposé de 23 jours entre la signification à personne de la citation et l'audience d'introduction, de rejeter sa demande de remise [23]. La déontologie des avocats va dans le même sens; l'ancien règlement bruxellois du 29 septembre 1981 prévoyait que « La confraternité recommande à l'avocat de la partie demanderesse de consentir à une demande de remise contradictoire à date fixe pour autant qu'elle soit formulée dans des conditions loyales et qu'une date rapprochée puisse être obtenue », et le commentaire d'accompagnement précisait qu'« une remise est demandée dans des conditions loyales, par exemple, lorsque le conseil du défendeur n'a pu, objectivement, être consulté qu'en dernière minute, lorsqu'il n'a pu rencontrer son client avant l'audience d'introduction, lorsqu'il ne peut, in extremis, se libérer, etc. Une remise contradictoire intervient à bref délai lorsque la cause est reportée, au maximum, à quinzaine » [24].

    Un éminent auteur enseigne même que « lorsque la cause n'appelle effectivement que des débats succincts et que le demandeur a fait preuve de toute la diligence requise pour mettre le défendeur en mesure de conclure dans un délai raisonnable, les conclusions ou les pièces déposées par ce dernier la veille de l'audience de remise ou le jour même de celle-ci peuvent concrétiser une obstruction injustifiée [...] Dans ce cas, il doit être permis au demandeur de solliciter l'écartement de ces conclusions ou pièces lorsqu'elles sont manifestement produites in extremis afin de différer le jugement de la cause qui s'avère pourtant simple » [25].

    6.La décision du juge de prendre ou non l'affaire en débats succincts est une mesure d'ordre et n'est pas susceptible de recours. Un demandeur à qui le juge refuse le bénéfice des débats succincts ne peut pas interjeter appel contre la décision de refus, qui prend d'ailleurs le plus souvent la forme d'une simple déclaration verbale notée à la feuille d'audience plutôt que d'un jugement.

    Inversement, la partie contre laquelle un jugement est rendu après débats succincts alors qu'elle s'opposait à l'utilisation de cette procédure ne peut pas obtenir en appel la réformation de la mesure procédurale consistant à prendre l'affaire en débats succincts. Une telle réformation n'aurait de toute manière plus aucun intérêt puisque le jugement a entretemps été rendu et que l'effet dévolutif de l'appel empêche le juge d'appel de renvoyer l'affaire au premier juge afin que celui-ci la réentende après une mise en état classique. Mais cette partie peut invoquer devant le juge d'appel la violation de ses droits de la défense; si cette violation est établie, c'est le jugement lui-même qui sera annulé [26]. L'annulation par le juge d'appel porte sur le jugement qui résulte des débats succincts, pas sur la décision procédurale de retenir l'affaire en débats succincts.

    C'est en ce sens qu'il y a lieu de comprendre la règle de l'article 735, § 6, selon laquelle « Les décisions relatives à la procédure en débats succincts ne sont susceptibles d'aucun recours. » [27]. La lecture que nous en proposons est conforme à la jurisprudence récente de la Cour de cassation relative à la mise en oeuvre par le juge d'appel du principe du procès équitable:

    « En vertu de l'article 6, § 1er, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un juge indépendant et impartial qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense requiert de même que le juge d'appel, qui dispose d'un contrôle de pleine juridiction et qui peut statuer lui-même sur la cause, examine la régularité de la procédure suivie en première instance lorsqu'une des parties le lui demande [28]. »

    7.L'intensité du recours à la technique des débats succincts varie assez fort d'un tribunal à un autre. A Bruxelles, le tribunal de première instance francophone en fait un usage important [29]. C'est moins le cas au tribunal de commerce francophone, où une chambre dédiée aux débats succincts a été constituée il y a quelques années mais n'a eu qu'une existence éphémère.

    Les types d'affaires concernées en premier lieu sont bien entendu les récupérations de créances non contestées ou contestées seulement à la marge, par exemple quant à l'application d'une clause pénale ou au calcul des intérêts. Ce sont des litiges auxquels les tribunaux arbitraux peuvent également être confrontés.

    (2) Les jugements sommaires en droit comparé et en arbitrage

    8.Le monde de l'arbitrage s'est beaucoup interrogé sur la possibilité d'importer dans ses procédures la technique des summary judgments des pays de common law ou celle des motions to dismiss du droit américain. Il s'agit, comme les débats succincts du droit judiciaire belge, de mécanismes qui dérogent au déroulement normal d'une procédure judiciaire en vue d'en améliorer la rapidité et d'en réduire le coût. Ils s'expliquent par les méthodes traditionnellement utilisées devant les tribunaux de common law pour établir la preuve des faits allégués par les parties.

    En procédure civile belge, les moyens de preuve des éléments de fait d'une affaire sont généralement assez simples: chaque partie dépose son dossier de pièces écrites et les choses s'arrêtent là; si l'affaire l'exige, le tribunal désigne un expert qui remettra un rapport, écrit également. Il existe bien entendu des variantes - audition de témoins ou d'experts, ordre de production de documents, interrogatoire des parties, descente sur les lieux, etc. - mais en pratique, elles sont relativement rares. La procédure de common law, en revanche, est beaucoup plus lourde à cet égard: la preuve des faits s'appuie en premier lieu sur des témoignages, souvent fournis par les parties elles-mêmes ou par leurs préposés, qui sont analysés et vérifiés en détail à l'audience par le biais de cross-examinations; la procédure américaine fait un usage intensif de la discovery et des depositions, qui permettent à chaque partie de forcer l'adversaire à divulguer les documents et témoignages susceptibles d'être utiles à celle-ci. La recherche de la vérité factuelle y est plus approfondie mais le coût du processus est important.

    Le summary judgment vise à éviter la phase onéreuse d'établissement des faits de la cause lorsque celle-ci serait en toute hypothèse superflue. Ceci peut être le cas si une demande manque de toute manière en droit, même si les faits allégués sont exacts, par exemple parce qu'elle est prescrite, ou si la demande paraît manifestement fantaisiste. En droit anglais, le critère est fixé à l'article 24.2 des Civil Procedure Rules: « The court may give summary judgment against a claimant or defendant on the whole of a claim or on a particular issue if (a) it considers that (i) that claimant has no real prospect of succeeding on the claim or issue; or (ii) that defendant has no real prospect of successfully defending the claim or issue; and (b) there is no other compelling reason why the case or issue should be disposed of at a trial. » Le trial vise ici l'audience ou l'ensemble des audiences où les témoins sont entendus. Un considérant d'un arrêt de la Chambre des Lords rendu en 2003 explique parfaitement la justification de ce mécanisme - éviter un gaspillage de temps et d'argent:

    « (...) it may be clear as a matter of law at the outset that even if a party were to succeed in proving all the facts that he offers to prove he will not be entitled to the remedy that he seeks. In that event a trial of the facts would be a waste of time and money, and it is proper that the action should be taken out of court as soon as possible. In other cases it may be possible to say with confidence before trial that the factual basis for the claim is fanciful because it is entirely without substance. It may be clear beyond question that the statement of facts is contradicted by all the documents or other material on which it is based. » [30].

    La motion to dismiss du droit américain, de même, est une requête soumise au juge in limine litis par le défendeur, qui soutient que la demande devra être rejetée en droit même si le demandeur est capable de prouver les faits qu'il allègue - par exemple parce que le juge est sans juridiction pour en connaître [31].

    La Cour européenne des droits de l'homme a confirmé la compatibilité de cette procédure avec le principe du procès équitable dans son arrêt Z c Royaume-Uni [32]:

    « Si la prétention n'était pas fondée en droit, l'administration des preuves aurait entraîné un gaspillage de temps et d'argent sans pour cela fournir en définitive un remède aux requérants. Il n'y a aucune raison de considérer que la procédure de radiation du rôle, qui permet de statuer sur l'existence d'un motif défendable d'agir en justice, enfreint en soi le principe de l'accès à un tribunal. »

    Les summary judgments et les motions to dismiss, comme les débats succincts de droit belge, constituent un « circuit court » par rapport au déroulement normal d'une procédure. Pour le reste, les deux mécanismes se ressemblent peu: un summary judgment n'a souvent rien de sommaire et peut trancher des questions particulièrement complexes débattues lors de longues plaidoiries.

    9.L'administration de la preuve devant les tribunaux arbitraux implique fréquemment le recours à des témoignages et à des productions de documents [33]. Il n'est donc pas surprenant que des arbitres soient parfois confrontés à une demande de trancher une affaire par le biais d'une summary decision qui permette de faire l'économie de cette partie de la procédure [34].

    Le pouvoir d'un tribunal arbitral de rendre une summary decision lorsque les circonstances s'y prêtent ne devrait pas donner lieu à difficultés. La plupart des législations nationales et des règlements d'arbitrage donnent aux arbitres le pouvoir d'organiser la procédure comme ils le jugent approprié, moyennant le respect des éventuels accords conclus entre parties et des droits de la défense. Le recours à une summary decision n'est rien d'autre que l'exercice de ce pouvoir: les arbitres choisissent de ne pas passer par une phase d'audition de témoins ou de production de documents parce qu'ils considèrent que ce qui pourrait en résulter n'est de toute manière pas pertinent ou que le coût en est disproportionné. Ce faisant, les arbitres s'inscrivent dans le cadre qui leur est donné, par exemple, par l'article 19 de la loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international:

      • sous réserve des dispositions de la présente loi, les parties sont libres de convenir de la procédure à suivre par le tribunal arbitral;
      • faute d'une telle convention, le tribunal arbitral peut, sous réserve des dispositions de la présente loi, procéder à l'arbitrage comme il le juge approprié. Les pouvoirs conférés au tribunal arbitral comprennent celui de juger de la recevabilité, de la pertinence et de l'importance de toute preuve produite.

      C'est la position qui semble être actuellement défendue par la majorité de la doctrine, non sans controverses toutefois [35]. La doctrine d'inspiration anglaise, en particulier, reste étonnamment hésitante. L'absence dans l'Arbitration Act 1996 d'une disposition expresse qui conférerait aux tribunaux arbitraux le pouvoir de statuer par la voie de summary decisions fait craindre que ce pouvoir n'existe pas, et l'exigence de donner à chaque partie la possibilité de faire valoir ses droits fait craindre qu'une sentence résultant d'une procédure sommaire soit susceptible d'annulation ou de refus d'exequatur [36]. Une récente décision de la Haute Cour dans l'affaire Travis Coal, concernant une demande d'exequatur d'une sentence arbitrale CCI rendue à New York à la suite d'une procédure analogue à un summary judgment, permet d'écarter ce second motif d'inquiétude. La Cour a décidé que, dans les circonstances de l'espèce, « the Tribunal made every effort to conduct the arbitration in an expeditious and cost-effective manner, having regard to the nature of the dispute it had to decide. In doing so, it gave each party a fair opportunity to present its case » [37]. Des hésitations de ce type ne semblent pas exister aux Etats-Unis, où les cours et tribunaux acceptent couramment de reconnaître des sentences arbitrales faisant application de la technique des summary judgments [38]. Une sentence CCI de 2012, toutefois, considère encore que « summary judgment or summary disposition of claims is not a concept known in international arbitration » [39].

      10.La Cour internationale d'arbitrage de la CCI a récemment pris un parti très clair dans la controverse. Sa Note aux parties mise à jour le 30 octobre 2017 prévoit dorénavant que « Chacune des parties peut demander au tribunal arbitral la détermination rapide d'une ou plusieurs demandes ou défenses, au motif que ces demandes ou défenses sont manifestement dénuées de tout fondement ou qu'il est manifeste que celles-ci ne relèvent pas de la compétence du tribunal arbitral. » [40]. Cette introduction expresse des summary decisions dans la procédure CCI - la Cour a toutefois préféré utiliser les termes expeditious determination dans la version anglaise de sa note - est expressément fondée sur l'article 22 du règlement d'arbitrage CCI, relatif aux pouvoirs et devoirs du tribunal arbitral quant à la conduite de la procédure.

      11.Le droit français utilise une méthode originale et efficace pour traiter rapidement certaines affaires simples: le référé-provision devant le juge étatique. S'agissant d'une mesure provisoire, elle n'est pas incompatible avec une convention d'arbitrage, de telle sorte qu'un créancier peut s'adresser au juge étatique des référés pour obtenir un ordre de paiement d'une provision - qui peut en réalité être égale à l'intégralité de sa créance - ou une injonction d'exécuter une obligation de faire, si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Deux conditions doivent toutefois être remplies: le tribunal arbitral ne peut pas encore être constitué et le demandeur doit démontrer l'urgence [41].

      (3) L'arbitrage accéléré

      12.Outre les techniques inspirées des summary judgments, l'arbitrage connaît plusieurs types de procédures raccourcies.

      L'arbitrage fast-track, ou arbitrage accéléré, consiste à convenir d'un calendrier serré pour la mise en état de l'affaire, la tenue de l'audience et la rédaction de la sentence [42]. La formule est simple et efficace mais ne fonctionne que si les parties et les arbitres sont disposés à se mettre d'accord - ce qui devient souvent illusoire une fois que les parties sont en litige.

      13.La CCI a récemment introduit dans son règlement d'arbitrage le mécanisme de la procédure accélérée [43]. Cette procédure s'applique en principe automatiquement à tous les arbitrages dont l'enjeu ne dépasse pas 2.000.000 $, sauf accord contraire des parties ou si la Cour de la CCI décide pour des raisons d'opportunité d'appliquer la procédure ordinaire - par exemple en raison de la complexité de l'affaire. Approximativement un tiers des dossiers introduits à la CCI n'excèdent pas le seuil de 2.000.000 $ et ont donc vocation à être traités selon cette procédure accélérée [44].

      Le tribunal est constitué d'un arbitre unique, même si la clause d'arbitrage prévoit trois arbitres [45]. L'article 30, paragraphe 1, du règlement d'arbitrage CCI dispose qu'« En convenant d'avoir recours à un arbitrage selon le règlement, les parties acceptent que le présent article 30 et les règles relatives à la procédure accélérée qui figurent à l'appendice VI (collectivement les 'Dispositions relatives à la procédure accélérée') prévalent sur toute stipulation contraire de la convention d'arbitrage. » Cette formulation vise à assurer que la désignation d'un arbitre unique puisse, même en présence d'une clause prévoyant trois arbitres, être considérée comme étant conforme à la volonté des parties - qui ont accepté la primauté du règlement et sont ainsi convenues d'une dérogation à leur choix d'un tribunal tricéphale au cas où l'enjeu de leur litige ne dépasserait pas 2.000.000 $. Un mécanisme similaire est utilisé par le règlement d'arbitrage du SIAC (le Singapore International Arbitration Centre), qui dispose que les litiges d'une valeur inférieure à cinq millions de dollars de Singapour seront tranchés par un arbitre unique selon une procédure accélérée. La Haute Cour de Singapour a refusé d'annuler une sentence arbitrale rendue par un arbitre unique alors que la clause d'arbitrage prévoyait trois arbitres, au motif que le règlement d'arbitrage du SIAC a été incorporé par les parties dans leur convention d'arbitrage et qu'une interprétation « commercially sensible » de cette convention exige dès lors de reconnaître le pouvoir du président du SIAC de désigner un arbitre unique lorsque le litige n'atteint pas le seuil prévu [46]. La Cour a conclu que la procédure suivie devant l'arbitre unique était bien conforme à la convention des parties - « in accordance with the parties' agreement » [47], la loi singapourienne est basée sur la loi type de la CNUDCI et contient à cet égard le même critère d'annulation des sentences que l'article 1717, § 3, a), v), du Code judiciaire belge. Certains auteurs restent néanmoins sceptiques et craignent qu'une sentence CCI rendue par un arbitre unique dans de telles circonstances soit annulable [48]. Un tribunal de Shanghai a ainsi annulé une sentence singapourienne rendue par un arbitre unique selon le règlement du SIAC, malgré une clause d'arbitrage qui prévoyait trois arbitres, en adoptant un raisonnement inverse à celui suivi par la Haute Cour de Singapour dans l'affaire mentionnée ci-dessus et en donnant priorité à la volonté exprimée des parties [49].

      La procédure accélérée se déroule sans établissement d'un acte de mission. L'arbitre et les parties doivent tenir une première conférence sur la gestion de la procédure dans les 15 jours de la remise du dossier à l'arbitre. L'arbitre peut décider qu'il n'y aura pas de phase de production de documents, il peut imposer une limite de pages aux écritures des parties et il peut statuer par procédure écrite sans tenir d'audience. Le recours à la procédure écrite est conforme au droit belge de l'arbitrage: si le principe est que chaque partie a le droit d'exiger la tenue d'une audience, l'article 1705, § 1er, du Code judiciaire précise que cette règle ne vaut qu'« à moins que les parties n'aient convenu qu'il n'y aurait pas de procédure orale » [50]. Les travaux préparatoires confirment que: « La liberté des parties quant au caractère oral ou écrit de la procédure est ainsi pleinement garantie. » [51]. La disposition du règlement de la CCI autorisant l'arbitre à ne pas tenir d'audience, qui est intégrée par référence dans la convention d'arbitrage conclue par les parties [52], constitue un accord dérogatoire au principe de l'oralité de la procédure.

      La sentence doit être rendue dans les six mois, à compter de la conférence initiale sur la gestion de la procédure. Le délai peut être prolongé par la Cour de la CCI mais son intention est que ce délai de six mois soit effectivement respecté [53]. Compte tenu du temps requis pour l'examen préalable de la sentence par la Cour, l'arbitre doit en pratique remettre son projet de sentence dans les cinq mois [54].

      14.Le CEPANI applique depuis 1997 un règlement accéléré aux arbitrages d'importance pécuniaire limitée [55]. Il s'agit d'un règlement autonome mais publié dans les mêmes brochures que le règlement de droit commun; le règlement de droit commun forme la « Section 1 » de ces brochures, le règlement d'arbitrage d'importance pécuniaire limitée en forme la « Section 2 ». Les clauses d'arbitrage prévoyant, selon la formule canonique, que d'éventuels différends « seront tranchés définitivement suivant le règlement d'arbitrage du CEPANI » doivent se lire comme visant l'application de l'un ou l'autre de ces deux règlements, selon l'enjeu financier du différend au moment où il surgit [56].

      Le seuil financier est fixé à 25.000 €. Le Rapport annuel 2017 du CEPANI indique que 16% de ses arbitrages portent sur un montant inférieur à ce seuil. Approximativement un arbitrage CEPANI sur six est donc organisé selon la procédure simplifiée. Le secrétariat du CEPANI fait application d'office de cette procédure chaque fois que le seuil n'est pas dépassé, même si la demande d'arbitrage n'y fait pas expressément référence [57].

      La valeur du litige se mesure, selon les termes de l'article 3, paragraphe 1er, du règlement, par rapport au total des montants de la demande principale et de l'éventuelle demande reconventionnelle. En pratique, toutefois, le secrétariat détermine s'il y a lieu d'appliquer la procédure ordinaire ou la procédure simplifiée dès la réception de la demande d'arbitrage, c'est-à-dire à un moment où l'on ignore encore s'il y aura une demande reconventionnelle. Si une demande reconventionnelle est ensuite introduite, le secrétariat fait application de l'article 3, paragraphe 2, du règlement qui prévoit que: « Si, au cours de la procédure, le montant total de la demande principale ou la demande reconventionnelle dépasse le montant de 25.000 €, le règlement d'arbitrage d'importance pécuniaire limitée reste d'application sauf si les parties en conviennent autrement. » En réalité, c'est donc le montant de la demande principale qui est déterminant: si celle-ci ne dépasse pas 25.000 €, la procédure sera entamée selon le régime simplifié et ne basculera plus vers la procédure ordinaire que si les parties en conviennent ainsi [58].

      Le tribunal est composé d'un arbitre unique. Lorsque la clause d'arbitrage prévoit un tribunal de trois arbitres, la question de la conformité de cela à la volonté des parties est susceptible de se poser dans les mêmes termes qu'à la CCI ou au SIAC (voir supra, n° 13). La difficulté se résout ici de manière très pragmatique: lorsque le secrétariat est confronté à la situation dans le cadre d'un litige ne dépassant pas 25.000 € - soit que le demandeur sollicite d'initiative un tribunal de trois arbitres, soit que la clause d'arbitrage le prévoie expressément - il signale aux parties l'existence de la procédure simplifiée et l'économie de coût qu'elle représente; les parties sont systématiquement réceptives à l'argument et disposées à convenir d'un arbitre unique. Reste l'hypothèse où le défendeur ne participe pas à la procédure et où un accord dérogatoire à la clause d'arbitrage n'est donc pas possible; le secrétariat prévoit dans ce cas de faire application de la procédure ordinaire, avec un tribunal de trois arbitres - mais il semble que le cas ne se soit jamais présenté.

      L'arbitre unique ne doit pas établir d'acte de mission. Un calendrier de la procédure est fixé par le règlement: 21 jours pour la réponse, deux fois 21 jours pour les mémoires en réplique, puis deux fois 14 jours pour les derniers mémoires. En pratique, les arbitres établissent dans la plupart des cas, en concertation avec les parties, un calendrier adapté à l'affaire. Les délais courent dès le dépôt de la demande d'arbitrage - moyennant paiement des frais d'enregistrement de 750 € (plus TVA) - et n'attendent pas la nomination de l'arbitre, ce qui peut représenter un gain de temps considérable par rapport à la procédure ordinaire.

      Sauf si une partie demande une audience, la procédure est écrite. La sentence doit être rendue dans les 21 jours du dépôt du dernier mémoire ou de la date de l'éventuelle audience.

      (4) Les droits de la défense

      15.La célérité d'une procédure arbitrale, aussi souhaitable fût-elle, ne peut jamais être telle qu'elle aboutisse à ne plus respecter les droits de la défense. L'exigence est essentielle. L'article 1717, § 3, a), ii), du Code judiciaire permet à une partie d'obtenir l'annulation de la sentence s'« il lui a été impossible [...] de faire valoir ses droits » dans le cadre de la procédure d'arbitrage. L'article 1721, § 1er, a), ii) permet dans le même cas à cette partie de faire refuser la reconnaissance ou l'exequatur de la sentence. L'article V, § 1er, (b), de la Convention de New York [59] inclut dans la liste exhaustive des motifs de refus de reconnaissance et d'exécution d'une sentence étrangère le cas où il « a été impossible [à une partie] de faire valoir ses moyens ». La même formule figure à l'article IX, § 1er, b), de la Convention de Genève [60], où elle permet de refuser la reconnaissance et l'exécution d'une sentence qui a été annulée pour cette raison dans son pays d'origine. La notion d'impossibilité de faire valoir ses droits ou ses moyens correspond à la notion de violation des droits de la défense.

      Le respect des droits de la défense est en outre considéré comme une exigence d'ordre public [61]. Les parties ne peuvent pas y déroger. Malgré le principe fondamental de l'autonomie des parties en droit de l'arbitrage, les parties ne sont pas libres de conclure un accord procédural qui empêcherait l'une d'elles de faire valoir ses droits dans le respect du contradictoire. C'est ce qu'exprime l'article 1699 du Code judiciaire lorsqu'il impose le respect des droits de la défense « nonobstant toute convention contraire » [62]. Le principe est internationalement reconnu [63] et a été réaffirmé par la CNUDCI lors de l'élaboration de la loi type [64].

      Une violation de ces droits constitue à ce titre également un motif d'annulation et de refus de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale [65]. Nous ne tenterons pas de trancher ici la controverse qui en résulte quant à savoir si une violation inoffensive des droits de la défense, c'est-à-dire une violation qui n'a en fin de compte eu aucune incidence sur la sentence, doit ou non être sanctionnée par une annulation et un refus de reconnaissance ou d'exequatur de la sentence arbitrale; la condition d'une incidence effective est en effet prévue aux articles 1717 et 1721 du Code judiciaire dans les paragraphes relatifs à l'impossibilité de faire valoir ses droits mais pas dans ceux relatifs à l'ordre public.

      16.L'article 1699 du Code judiciaire dispose que « les parties doivent être traitées sur un pied d'égalité et chaque partie doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits, moyens et arguments dans le respect du contradictoire ». La formule est reprise de l'article 18 de la loi type de la CNUDCI (les mots « dans le respect du contradictoire » sont un ajout belge) et exprime le principe des droits de la défense [66].

      Les mots « toute possibilité » (« a full opportunity » dans la version anglaise de la loi type) s'interprètent comme visant une « possibilité raisonnable » [67]. Les travaux préparatoires de la loi type confirment qu'une partie ne peut pas invoquer de manière dilatoire la possibilité de faire valoir ses droits [68]. Le règlement d'arbitrage de la CNUDCI, qui provient de la même source que la loi type mais est plus récent, utilise d'ailleurs l'expression « une possibilité adéquate de faire valoir ses droits et proposer ses moyens » (« a reasonable opportunity of presenting its case ») [69].

      17.La possibilité de faire valoir ses droits ou moyens suppose bien entendu que le tribunal donne aux parties l'occasion de s'exprimer. Il faut en outre que chaque partie dispose du temps suffisant pour ce faire [70]. Le temps, toutefois, est relatif: un délai de réponse extrêmement bref peut être raisonnable dans une affaire urgente, mais il peut être injustifiable de presser les parties dans une affaire déjà ancienne et non urgente [71]. Tout est question d'espèce à cet égard.

      La Cour de cassation a récemment confirmé, dans une affaire pénale, que la mesure du temps requis par les droits de la défense dépend des circonstances [72]:

      « Le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense est lié aux droits de la défense et au droit à un procès équitable. Ces droits impliquent que le prévenu a le droit d'organiser et de préparer sa défense afin de contredire utilement les preuves présentées contre lui.

      Il s'ensuit que le prévenu peut demander un ajournement de la cause lorsque cela s'avère nécessaire à la présentation de sa défense. Le juge peut refuser cet ajournement s'il estime que le prévenu a disposé du temps et des facilités nécessaires pour contredire utilement les preuves présentées. »

      La Cour européenne des droits de l'homme a été confrontée à la question dans l'affaire Adorisio. Il s'agissait de la nationalisation par l'Etat néerlandais de SNS Bank et SNS Reaal, un groupe financier sur le point de s'effondrer. Le ministre des Finances néerlandais avait décidé le 1er février 2013 d'exproprier sans indemnité les actionnaires et les porteurs d'obligations subordonnées du groupe afin d'en assurer le sauvetage, dans un but de stabilité financière. Plusieurs investisseurs expropriés ont introduit devant le Conseil d'Etat un recours contre la décision d'expropriation le 11 février 2013, dernier jour du délai. Le 13 février, ils ont été convoqués à une audience tenue le 15 février et le Conseil d'Etat a rendu son arrêt (de rejet pour la plupart des requérants) le 25 février 2013. La Cour, devant laquelle les investisseurs se plaignaient d'une violation du droit à un procès équitable en raison de la brièveté des délais, a constaté qu'ils avaient en fait soumis au Conseil d'Etat une requête de bonne qualité (« a very effective challenge »), avaient eu l'occasion de présenter oralement tous leurs arguments à l'audience et n'avaient pas été pris par surprise par le contenu des conclusions de l'Etat déposées la veille de l'audience. La Cour a conclu, compte tenu du contexte d'extrême urgence, que la brièveté des délais n'a pas en l'espèce porté atteinte au principe du procès équitable: « Against the background set out above, which is characterised by amongst other things the need for a very speedy decision, the Court accordingly cannot find that the applicants were put at an unfair disadvantage » [73].

      La cour d'appel de Paris a en revanche annulé une sentence en raison du refus par le tribunal arbitral d'accorder à la défenderesse, la république d'Irak qui invoquait sa désorganisation due à la guerre, un délai supplémentaire de deux ou trois mois pour déposer un mémoire alors que le demandeur avait attendu 15 ans avant d'entamer la procédure [74].

      18.La doctrine en matière d'arbitrage international soutient parfois que la tenue d'une audience sur la preuve, c'est-à-dire une audition de témoins ou d'experts, serait une composante indispensable du respect des droits de la défense [75]. La thèse est d'inspiration anglo-saxonne et ne peut pas être suivie en droit belge. Un tribunal arbitral a le pouvoir d'apprécier la pertinence des offres de preuve qui lui sont faites et n'est pas tenu - pour autant qu'il motive son refus, le cas échéant - d'entendre des témoins ou des experts qui lui paraissent superflus [76].

      19.Plusieurs analyses doctrinales approfondies de droit comparé de l'arbitrage ont démontré que le moyen de la violation des droits de la défense, s'il est souvent invoqué avec enthousiasme par des plaideurs déçus, n'est que très rarement accueilli [77]. Les cours et tribunaux n'y font en réalité droit - sauf quelques exceptions qui confirment la règle [78] - que dans des cas extrêmes et laissent aux tribunaux arbitraux la maîtrise de leurs procédures [79].

      Doctrine et jurisprudence reconnaissent de plus en plus distinctement que les tribunaux arbitraux sont soumis à un principe de diligence [80]. Il leur appartient de combiner droits de la défense et diligence; c'est à eux qu'il revient de déterminer le point d'équilibre entre ces deux principes, lorsqu'ils sont concrètement en conflit l'un avec l'autre. Les cours et tribunaux n'exercent qu'un contrôle - très - marginal à cet égard [81].

      (5) L'article 1704 du Code judicaire

      20.Les deux premiers alinéas de l'article 1704, § 1er, du Code judiciaire disposent:

      « Dans le délai et selon les modalités convenues par les parties ou fixées par le tribunal arbitral [82], les parties développent l'ensemble de leurs moyens et arguments à l'appui de leur demande ou de leur défense ainsi que les faits au soutien de celle-ci.

      Les parties peuvent convenir ou le tribunal arbitral peut décider l'échange de conclusions complémentaires, ainsi que de ses modalités, entre les parties. »

      Ceci exclut la possibilité pour le demandeur de solliciter, ou pour le tribunal arbitral d'imposer, que le litige soit plaidé sans dépôt préalable de conclusions (ou de « mémoires », selon le vocabulaire habituellement utilisé en procédure arbitrale), comme cela aurait pu se faire à l'audience d'introduction d'un tribunal judiciaire en application de l'article 735 [83]. Le premier alinéa cité ci-dessus donne au défendeur en arbitrage le droit de déposer des conclusions. La référence faite par l'alinéa 2 à une possibilité de « conclusions complémentaires » suppose nécessairement qu'il y ait eu des premières conclusions. Certes, un défendeur peut renoncer au droit de conclure, mais ce droit ne peut pas lui être retiré contre son gré. Le tribunal arbitral garde toutefois le pouvoir, en l'absence d'accord des parties, de fixer les délais de remise des conclusions - et ceux-ci peuvent être brefs, moyennant le respect des droits de la défense compte tenu des circonstances de l'espèce - ou de refuser le dépôt de conclusions additionnelles.

      Le Conseil d'Etat avait recommandé d'insérer au début de l'alinéa 2 les mots « Outre les conclusions principales du défendeur et les conclusions en réponse du demandeur » [84]. Son avis n'a pas été suivi, sans explication particulière toutefois, ce qui suggère que le législateur a considéré que l'insertion suggérée n'ajoutait rien à la portée du texte. L'exposé des motifs indique seulement que: « L'article 1704 en projet reprend l'article 23 de la loi type en le précisant. Il correspond à la pratique actuelle et ne suscite à ce titre pas de difficulté. Il a une portée essentiellement pédagogique » [85]. Or l'article 23 de la loi type donne un caractère obligatoire aux mémoires [86]. La loi type et le Code judiciaire ne font toutefois pas de distinction entre la « réponse » à une demande d'arbitrage et les « conclusions » et n'imposent ainsi pas nécessairement que le défendeur puisse déposer plus qu'un unique jeu d'écritures.

      L'article 1704 requiert le dépôt de conclusions par le demandeur également. L'article 1706, a), ajoute que si « le demandeur ne développe pas sa demande conformément à l'article 1704, § 1er, le tribunal arbitral met fin à la procédure arbitrale ». La clôture de la procédure est obligatoire dans un tel cas et le tribunal arbitral n'a pas de pouvoir d'appréciation [87]. Ceci n'empêche toutefois pas le demandeur de déclarer que sa demande d'arbitrage tiendra lieu de conclusions, lorsque celle-ci est suffisamment complète pour satisfaire aux exigences de l'article 1704, c'est-à-dire lorsqu'elle contient les « moyens et arguments à l'appui de [la demande] ainsi que les faits au soutien de celle-ci » [88]. Une telle manière de faire est particulièrement utile lorsque le défendeur est défaillant; elle permet de faire l'économie d'un jeu de conclusions et d'obtenir plus rapidement une décision. Les arbitres devront être attentifs, dans un tel cas, à obtenir du demandeur une déclaration en ce sens et à la mentionner dans leur sentence, afin de ne pas s'exposer à un risque d'annulation pour violation de l'article 1706, a).

      (6) Les règlements d'arbitrage

      21.Les principaux règlements d'arbitrage usités en Belgique imposent, de même que l'article 1704 du Code judiciaire, le dépôt de mémoires par les parties. Ils prévoient en outre certains délais incompressibles.

      L'article 4 du règlement du CEPANI prévoit, après la demande d'arbitrage, une réponse du défendeur. Cette réponse est de droit et le demandeur ne pourrait pas solliciter la suppression de cette phase de la procédure au motif que l'affaire serait simple ou que ses prétentions ne seraient pas sérieusement contestables. Le défendeur dispose pour cela d'un délai d'un mois; ce délai peut éventuellement être prolongé mais le demandeur ne peut pas en obtenir une abréviation [89]. Le tribunal doit ensuite être constitué, le dossier lui est remis puis un acte de mission doit être établi, dans un délai de deux mois suivant la transmission du dossier au tribunal [90]. Ici encore, ce délai peut éventuellement être prolongé mais ne peut pas être raccourci sans l'accord des parties. Le règlement implique en outre, sans le dire expressis verbis, que les parties puissent ensuite déposer un mémoire et des pièces [91], dans un délai fixé dans le calendrier de procédure établi par le tribunal [92]. Une affaire régie par le règlement du CEPANI, fût-elle extrêmement simple, exigera donc au minimum près de quatre mois pour aboutir à une décision si le défendeur utilise en totalité les délais auxquels il a droit, sans même recourir à aucune manoeuvre dilatoire.

      Lorsque l'enjeu du litige ne dépasse pas 25.000 €, le règlement d'arbitrage d'importance pécuniaire limitée décrit au n° 14 ci-dessus est applicable. Le calendrier qu'il établit par défaut couvre une période d'approximativement trois mois et demi.

      22.Le règlement d'arbitrage de la CCI est similaire à celui du CEPANI en ce qui concerne la séquence de déroulement de la procédure. La réponse à la demande d'arbitrage est de droit également, dans un délai de 30 jours [93]. Le défendeur ne peut solliciter une extension de délai qu'en communiquant déjà le nom de l'arbitre qu'il lui appartient, le cas échéant, de désigner, ce qui permet de ne pas retarder le processus de constitution du tribunal. Suit la constitution du tribunal, la remise du dossier à celui-ci et l'établissement d'un acte de mission dans les 30 jours [94]. L'acte de mission est une composante essentielle des arbitrages CCI et la simplicité de l'affaire ne permet pas au tribunal ou aux parties de s'en dispenser [95]. La possibilité pour les parties de déposer ensuite des mémoires et des pièces, selon le calendrier établi par le tribunal, résulte implicitement de plusieurs dispositions du règlement [96].

      La procédure accélérée applicable aux litiges dont l'enjeu ne dépasse pas 2.000.000 $ est décrite ci-dessus au n° 13. Rappelons qu'elle prévoit la désignation d'un arbitre unique, ce qui raccourcit sensiblement la phase de constitution du tribunal, et supprime l'acte de mission.

      23.La CNUDCI, au contraire du CEPANI et de la CCI, n'est pas une institution d'arbitrage et son règlement peut être choisi par les parties pour organiser un arbitrage ad hoc. Ici aussi, une réponse à l'acte introductif d'instance - la « notification » d'arbitrage - est de droit, dans un délai de 30 jours [97]. Selon que les parties se soient ou non préalablement accordées sur le choix d'une autorité de nomination, la phase de constitution du tribunal peut ensuite être plus ou moins longue. Une fois constitué, le tribunal établit dès que possible un calendrier prévisionnel [98]. Un acte de mission n'est pas requis. Le calendrier doit prévoir la remise d'un mémoire en demande et d'un mémoire en réponse, pour lesquels le règlement suggère que les délais ne devraient pas dépasser 45 jours [99]. Le demandeur peut toutefois déclarer que sa notification d'arbitrage tiendra lieu de mémoire en demande et le défendeur peut à son tour déclarer que sa réponse à la notification tiendra lieu de mémoire en réponse [100].

      Conformément à l'article 24 du règlement, « Le tribunal arbitral décide quelles sont, outre le mémoire en demande et le mémoire en défense, les autres pièces écrites que les parties doivent ou peuvent lui présenter ». Cette disposition permet au tribunal, si les circonstances le justifient, d'arrêter là les écritures et de ne pas autoriser le dépôt d'autres conclusions [101]. Le défendeur aura déjà eu le droit de déposer deux jeux d'écritures, étant sa réponse à la notification d'arbitrage et son mémoire en défense.

      (7) Pertinence de la question et proposition

      24.L'absence d'un mécanisme de débats succincts en arbitrage est-elle problématique? La flexibilité de l'arbitrage, et la possibilité d'y adopter chaque fois une procédure « sur mesure », ne rendraient-elles pas un tel mécanisme totalement superflu?

      La plupart des litiges soumis à arbitrage ne se prêteront jamais à des débats succincts: ils ne sont pas suffisamment simples pour se passer d'une véritable mise en état, fût-elle accélérée. Mais il est des exceptions. Certaines affaires sont simples et se réduisent à une récupération de créance pas vraiment contestée. Une telle situation ne signifie pas, ou pas nécessairement, que les parties ont fait un mauvais choix en insérant une clause d'arbitrage dans leur convention et qu'elles auraient mieux fait de donner compétence aux tribunaux judiciaires, qui sont en effet plus appropriés lorsqu'il s'agit pour le demandeur de simplement obtenir un titre exécutoire. Une convention peut donner lieu à des conflits très divers et il est impossible de savoir à l'avance quel sera l'objet d'un éventuel futur contentieux. En matière de construction par exemple - et personne ne soutiendrait qu'une clause d'arbitrage n'est pas à sa place dans un contrat portant sur un grand projet de construction - le cas de figure du simple défaut de paiement par le maître d'ouvrage de la dernière facture émise par l'entrepreneur à la fin du chantier n'a rien d'exceptionnel. Les opérations les plus complexes peuvent donner lieu à de très anodins recouvrements de factures.

      Il est vrai aussi que rien n'empêche les parties et les arbitres de s'accorder le moment venu sur une procédure de débats succincts lorsque leur affaire s'y prête. Le principe de l'autonomie des parties, consacré à l'article 1700, § 1er, du Code judiciaire, leur permet d'adapter comme elles l'entendent la procédure aux spécificités de l'affaire, sous la seule réserve du respect des droits de la défense. Mais en pratique un tel accord est souvent inatteignable une fois que les parties sont en litige, et ce d'autant plus lorsque seule l'une d'entre elles a intérêt à une résolution rapide du litige. Les conseils des demandeurs n'ont en outre pas le réflexe, en l'absence d'un régime organisé dans les règlements d'arbitrage, de demander l'application de débats succincts. Les arbitres n'ont de même pas le réflexe de le proposer.

      25.Or il est des cas où une procédure succincte serait souhaitable. Ceci inclut en premier lieu tous les recouvrements de créances pas vraiment contestées: ces dossiers ne sont pas plus rares dans les domaines où les clauses d'arbitrage sont courantes qu'ailleurs - l'on a évoqué ci-dessus le cas de la dernière facture impayée en fin de chantier. Il y a également les cas où l'une des parties refuse d'exécuter une prestation incontestablement due afin de faire pression sur l'autre dans le cadre d'un conflit dont l'objet réel se situe ailleurs: refus de main-levée d'une garantie bancaire d'achèvement malgré la réception des travaux dans le contexte d'un litige portant sur le prix de travaux supplémentaires réalisés par l'entrepreneur, refus de paiement de commandes livrées à un distributeur dans le contexte d'un litige portant sur la rupture subséquente du contrat-cadre de distribution, par exemple. Ce sont des cas où le demandeur, s'il se trouvait devant les tribunaux judiciaires, pourrait selon les circonstances obtenir une décision rapide en débats succincts sur la partie non contestable du litige et la dissociation du reste [102].

      La lenteur relative d'une procédure arbitrale par rapport à une procédure judiciaire dans ce type d'hypothèses n'est peut-être pas dramatique - elle ne provoquera au pire que quelques mois de retard - mais elle porte atteinte à l'image d'efficacité que le monde de l'arbitrage souhaite légitimement projeter. Le demandeur qui aura subi ce retard relatif en retiendra qu'on ne l'y prendra plus et que, la prochaine fois, il inclura dans ses contrats une clause de juridiction plutôt qu'une clause d'arbitrage. Et l'on sait que les mauvaises expériences se retiennent et se racontent plus souvent que les bonnes ...

      26.La solution du problème gît principalement dans les règlements d'arbitrage institutionnels. Nous recommandons d'y prévoir le mécanisme suivant, largement inspiré de l'article 735 du Code judiciaire.

      Le demandeur devrait pouvoir invoquer dans sa requête d'arbitrage que l'affaire est simple et justifie d'être traitée en débats succincts. Le défendeur disposerait dans ce cas d'un délai assez bref - une dizaine de jours - pour s'opposer à l'usage des débats succincts. L'institution d'arbitrage procéderait ensuite à un examen superficiel de la question. Si l'institution considère qu'il n'y a pas lieu à débats succincts (ce qu'elle peut faire même si le défendeur n'a pas réagi), l'arbitrage se poursuit selon son cours ordinaire. Si elle admet les débats succincts, en revanche, l'arbitrage démarre sous ce régime, ce qui implique la désignation par l'institution d'un arbitre unique (même si la clause d'arbitrage prévoyait un tribunal de trois arbitres) et un délai abrégé - disons encore une dizaine de jours - pour le dépôt d'un mémoire unique par le défendeur, suivi d'une audience si une partie le demande et d'une décision rapide par l'arbitre. L'arbitre a le pouvoir d'autoriser un tour de mémoires supplémentaire, ou de décider que tout ou partie de l'affaire mérite mieux que des débats succincts et doit basculer vers la procédure ordinaire. Dans ce dernier cas, l'arbitre désigné par l'institution reste en place comme arbitre unique ou comme président du tribunal arbitral, et deux coarbitres lui sont adjoints, le cas échéant.

      Le régime proposé serait facultatif, en ce sens que les parties peuvent toujours en exclure l'application dans leur clause d'arbitrage ou ultérieurement.

      Ce mécanisme serait en réalité assez similaire aux procédures accélérées actuellement prévues par de nombreux règlements d'arbitrage. La principale différence serait son critère de mise en oeuvre: plutôt qu'un seuil purement financier (2.000.000 $ à la CCI, 25.000 € au CEPANI), il s'agirait d'un critère de simplicité dont l'invocation est laissée à la discrétion du demandeur et qui est évalué prima facie par l'institution d'arbitrage puis réévalué, le cas échéant, par l'arbitre. L'on pourrait imaginer de donner également au défendeur la possibilité de susciter l'application de ce régime mais cela ne nous paraît pas vraiment nécessaire. Une deuxième différence serait la durée de la procédure: quelques semaines ici, plutôt que quelques mois dans le cas d'une procédure accélérée. Une troisième différence, enfin, serait que notre proposition permet de dissocier l'affaire entre ce qui est simple et peut être réglé rapidement, d'une part, et ce qui l'est moins et doit suivre une procédure ordinaire, d'autre part - anticipant qu'en pratique une décision rapide sur la première partie suscitera souvent une transaction ou un désistement quant au reste.

      27.Dans les arbitrages ad hoc, l'initiative revient au conseil du demandeur, qui peut, le cas échéant, invoquer la simplicité de l'affaire dans sa requête d'arbitrage et y demander un calendrier de procédure serré, qui n'accorde au défendeur qu'un seul dépôt de mémoire auquel le demandeur ne répondra pas par écrit, sa requête tenant lieu de conclusions. Le tribunal arbitral est libre d'accorder cela ou non, après avoir recueilli les observations du défendeur.

      (8) Conclusion

      28.La procédure de débats succincts permet aux tribunaux judiciaires de traiter rapidement les affaires simples. Elle est toujours subordonnée au respect des droits de la défense mais, lorsque les choses sont simples, les droits de la défense n'exigent pas nécessairement de donner aux parties l'occasion de conclure par écrit ou de leur laisser plus qu'un bref délai pour ce faire.

      Les divers types de « circuits courts » utilisés en procédure arbitrale - décisions sommaires ou procédures accélérées - ne constituent pas un substitut adéquat aux débats succincts de la procédure judiciaire, d'une part, parce que leurs critères de mise en oeuvre ne sont pas basés sur l'absence de complexité de l'affaire et, d'autre part, parce qu'ils restent comparativement assez lents. Paradoxalement, ce n'est pas le principe des droits de la défense qui empêche les tribunaux arbitraux de transposer à leurs procédures le mécanisme des débats succincts lorsque les circonstances s'y prêteraient, mais bien les dispositions de l'article 1704 du Code judiciaire et des principaux règlements d'arbitrage: l'article 1704 donne au défendeur en arbitrage le droit de déposer au moins un jeu d'écritures, les règlements lui donnent le droit d'en déposer au moins deux.

      C'est regrettable. Le monde de l'arbitrage s'impose ainsi une contrainte qui le déforce inutilement. Une entreprise qui aura vu la récupération d'une facture incontestée prendre plusieurs mois à partir de l'introduction de sa demande d'arbitrage, alors qu'un tribunal de commerce aurait réglé cela en quelques semaines, hésitera à encore insérer des clauses d'arbitrage dans ses contrats. Or rien n'empêcherait les règlements d'arbitrage de permettre aux demandeurs d'invoquer la simplicité de leur affaire pour demander l'application d'une procédure de débats succincts où le défendeur ne pourrait déposer, dans un délai court, qu'une seule réponse écrite à la demande d'arbitrage, l'institution ou le tribunal arbitral ayant toujours le pouvoir de déclarer que l'affaire paraît moins simple que ce que le demandeur en dit et de refuser les débats succincts.

      [1] Avocat (Bruxelles), Solicitor (England and Wales). Conseiller suppléant à la cour d'appel de Bruxelles.
      [2] Voy. M. McIlwrath, « The Future of Arbitration: 5, 10, 25 Years and Beyond », Kluwer Arbitration Blog, 20 juin 2018: « The most significant development in the next five years will be the emerging divide between procedures for resolving low value/low complexity disputes on one end, and high value/complexity on the other. »
      [3] Le juge est tenu de répondre aux moyens développés verbalement dans le cadre de débats succincts: C.C., 31 mai 2018, n° 62/2018, pt. B.52.1.; S. Sobrie, « Het pleidooi in burgerlijke zaken: meer dan praat voor de vaak », R.W., 2017-2018, p. 1341, n° 5.
      [4] C. jud., art. 617. Il n'y a jamais de possibilité d'opposition lorsqu'il y a eu débats succincts parce que le jugement est contradictoire à l'égard de la partie qui a plaidé ainsi, même sans déposer de conclusions: Cass., 13 décembre 2012, Pas., 2012, I, p. 2490.
      [5] Ces dispositions sont abondamment commentées en doctrine. Voy. en particulier H. Boularbah et V. Pire, « Les débats succincts et les mesures avant dire droit », Les lois de procédure de 2007... revisited!, Bruges, la Charte, 2009, p. 1; D. Mougenot, « Principes de droit judiciaire privé », Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2008, nos 250 et s.; E. Boigelot, « Les débats succincts et les mesures avant dire droit » in J. Englebert (dir.), Le procès civil accéléré?, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 45; G. de Leval et D. Pire, « La loi Onkelinx du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire » in G. de Leval et F. Georges (dirs.), Le droit judiciaire en mutation, Liège, Anthemis, 2007, p. 129, nos 50 à 69; E. Brewaeys et al., « Nieuwe regels inzake behandeling en berechting van de vordering », R.D.J.P., 2007, p. 225; H. Boularbah, « Questions d'actualité relatives aux débats succincts » in H. Boularbah (dir.), Actualités et développements récents en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 83; A. Debrule, « Les débats succincts », Le nouveau droit judiciaire privé, Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 1994, p. 47.
      [6] Civ. Bruxelles, 18 février 1993, J.T., 1993, p 503. La formule est régulièrement citée par la doctrine et reste d'actualité. M. Storme écrivait à la même époque: « Il est question de débats succincts [...] lorsque le litige peut être exposé oralement, ou oralement et par écrit en peu de mots » (« La procédure des débats succincts: une hirondelle peut faire le printemps », Le droit judiciaire rénové, Bruxelles, Kluwer, 1992, p. 93, spéc. p. 94).
      [7] Civ. Nivelles, 1er juin 1993, J.T., 1994, p. 547.
      [8] La pratique est parfois différente et le juge sera plus facilement enclin à trouver du temps à l'audience pour une affaire manifestement urgente. Pour une prise en considération expresse du facteur d'urgence, voy. Liège, 29 mars 2001, J.L.M.B., 2002, p. 344.
      [9] Gand, 2 décembre 2015, T.G.R., 2016, p. 50; Gand, 30 juin 2014, T.G.R., 2015, p. 52; H. Boularbah, P. Moreau et L. Frankignoul, « La procédure de droit commun - l'instance » in G. de Leval (dir.), Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, n° 3.136; J. Laenens et al., Handboek gerechtelijk recht, 4e éd., Anvers, Intersentia, 2016, n° 893.
      [10] C. jud., art. 735, § 1er.
      [11] Règlement du 25 mai 1993, cité dans P. Lambert, Règles et usages de la profession d'avocat du barreau de Bruxelles, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 587: « La confraternité oblige l'avocat qui entend se prévaloir de l'article 735 ou 1066 du Code judiciaire à communiquer sans délai les pièces de son dossier à son confrère. »
      [12] Code de déontologie de l'avocat, art. 6.8.
      [13] C. jud., art. 740.
      [14] A. Debrule, o.c., p. 48; D. Mougenot, o.c., n° 251; J. Laenens et al., o.c., n° 899. Contra, sous réserve des cas d'abus caractérisé, G. Closset-Marchal, « Les accords procéduraux et le procès civil », R.G.D.C., 2012, p. 126, n° 24.
      [15] Comm. Termonde, 15 mars 2012, R.W., 2013-2014, p. 111; contra mais à tort selon nous: Civ. Nivelles, 23 juin 1987, R.G.D.C., 1988, p. 501.
      [16] D. Mougenot, o.c., n° 254; H. Boularbah, o.c., n° 5; H. Boularbah et V. Pire, o.c., n° 6.
      [17] B. Maes et E. Brewaeys, « Overzicht van rechtspraak. Het in staat stellen van de zaak (1993-1999) », R.D.J.P., 2000, p. 99.
      [18] Anvers, 11 février 1987, R.W., 1986-1987, col. 2640, note J. Laenens.
      [19] Anvers, 9 octobre 2006, R.W., 2007-2008, p. 1414.
      [20] Liège, 13 mai 1993, J.T., 1994, p. 127.
      [21] Comm. Termonde, 15 mars 2012, R.W., 2013-2014, p. 111.
      [22] L'on rapprochera ceci de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, dans le contexte du circuit long, « le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n'exclut pas que la loi puisse légitimement fixer un moment où les parties seront contraintes de mettre un terme à leurs écritures » (Cass., 22 mai 2003, Pas., 2003, I, p. 1050; Cass., 14 novembre 2017, P.16.0973.N).
      [23] J.P. Bruges, 7 mai 2015, T.G.R., 2015, p. 339. Voy. égal. Prés. Comm. Gand (div. Bruges), 31 octobre 2016, R.D.J.P., 2018, p. 35, note C. Daniels, « Over aanhangigheid, onsplitsbaarheid en het eerlijk proces », qui précise que le droit de déposer des conclusions n'est pas absolu (n° 11).
      [24] Règlement du conseil de l'Ordre du 29 septembre 1981, cité dans P. Lambert, Règles et usages de la profession d'avocat du barreau de Bruxelles, 2e éd., Bruxelles, Nemesis, 1988, pp. 525 et s.
      [25] H. Boularbah, o.c., n° 25.
      [26] Voy. les arrêts cités aux notes 18 à 20.
      [27] Contra: A. Debrule, o.c., p. 55; voy. aussi H. Boularbah, o.c., n° 14.
      [28] Cass., 23 juin 2017, C.15.0351.N.
      [29] « Les règles actuelles de fonctionnement de la première chambre du tribunal de première instance francophone de Bruxelles », J.T., 2015, p. 699.
      [30] Three Rivers District Council v Bank of England (No 3) [2003] 2 AC, discours de Lord Hope of Craighead, § 95.
      [31] Federal Rules of Civil Procedure, art. 12(b).
      [32] C.E.D.H., 10 mai 2001, Z c Royaume-Uni, req. n° 29392/95, § 97. Il s'agissait en l'espèce d'une application to strike out plutôt que d'un summary judgment, mais les deux procédures sont similaires.
      [33] Les Règles de l'IBA sur l'administration de la preuve dans l'arbitrage international (Londres, International Bar Association, 2010) constituent une bonne description des pratiques habituelles.
      [34] Le vocabulaire peut être source de confusion et les termes « summary proceedings » sont parfois utilisés dans une toute autre acception. C'est le cas aux Pays-Bas, où les summary arbitral proceedings visées par les articles 35 et 36 du règlement du NAI correspondent dans la version néerlandaise du même règlement à l'arbitraal kort geding, c'est-à-dire à l'octroi de mesures provisoires en référé par les arbitres. Voy. à ce propos St. Kröll, « The Non-Enforceability of Decisions Rendered in Summary Arbitral Proceedings pursuant to the NAI Rules under the New York Convention », Am. Rev. Intl. Arb., 2012, p. 75; N. Beale, L. Bench Nieuwveld et M. Nieuwveld, « Summary Arbitration Proceedings: A Comparison Between the English and Dutch Regimes », Arb. Intl., 2010, p. 139.
      [35] D. Ryan et K. Dharmananda, « Summary Disposal in Arbitration: Still Fair or Agreed to be Fair », J. Intl. Arb., 2018, p. 31 (« The weight of recent authority shows a trend towards courts upholding the use of summary dispositions, despite the source of arbitral tribunal power for summary dispositions remaining a point of contention. », p. 32); Cl. Morel de Westgaver et I. Tymczyszyn, « Summary Judgment in International Arbitration - No Longer Dismissed? », Kluwer Arbitration Blog, 19 September 2014; G. Born et K. Beale, « Party Autonomy and Default Rules: Reframing the Debate over Summary Disposition in International Arbitration », ICC ICArb. Bull., 2010/2, p. 19 (les auteurs notent l'absence de consensus sur la question); J. Gill, « Applications for the Early Disposition of Claims in Arbitration Proceedings », 50 Years of the New York Convention, ICCA Congress Series, Vol. 14, sous la direction de A.J. van den Berg, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2009, p. 513 (l'auteur considère que « tribunals generally do not possess the powers of summary disposition conferred on national courts », p. 516); T. Giovannini, « Comments on Judith Gill's Report on Applications for the Early Disposition of Arbitration Proceedings », 50 Years of the New York Convention, o.c., p. 526.
      [36] E. Gloster, « Symbiosis or Sadomasochism? The relationship between the courts and arbitration », Arb. Intl., 2018, p. 321, spéc. p. 337 (« Arbitrators themselves report a fear that, if they act decisively, the resultant arbitral award will be challenged for due process. A paradigm example of this is the conspicuous hesitancy to embrace any form of summary determination. »); C. Partasides et B. Prewett, « Rediscovering the Lost Promise of International Arbitration », Expedited Procedures in International Arbitration, sous la direction de L. Levy et M. Polkinghorne, Paris, ICC, 2017, p. 110 (les auteurs notent que « Despite the broad procedural discretion long conferred on arbitral tribunals, it is uncommon for arbitral tribunals to make use of such discretion to entertain summary disposition », p. 113, mais concluent en faveur de la compatibilité du mécanisme avec le droit anglais); P. Chong et B. Primrose, « Summary judgment in arbitrations in England », Arb. Intl., 2016, p. 1 (« there is a real risk that a summary award will be unenforceable or will be set aside », p. 2).
      [37] Travis Coal Restructured Holdings LLC v Essar Global Fund Limited [2014] EWHC 2510 (Comm), § 50.
      [38] Par exemple: Sherrock Brothers v DaimlerChrysler Motors 260 Fed. Appx. 497 (3d Cir. 2008); Hamilton v Sirius Satellite Radio Inc., 375 F. Supp. 2d 269 (S.D.N.Y. 2005); Weirton Medical Center Inc.v Community Health Systems Inc. (N.D.W.Va., 12 décembre 2017). Voy. J.P. Duffy, « Dispositive Motions and the Summary Disposition of Claims in International Arbitration », in L. Shore et T.-H. Cheng (dirs.), International Arbitration in the United States, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2017, p. 275; A. Raviv, « No More Excuses: Toward a Workable System of Dispositive Motions in International Arbitration », Arb. Intl., 2012, p. 487, spéc. p. 501.
      [39] Sentence finale de septembre 2012, ICC ICArb. Bull., 2016/1, p. 135.
      [40] Note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l'arbitrage selon le règlement d'arbitrage CCI, version du 30 octobre 2017, § 59 et s. Voy. aussi M. Kartikey et R. Raheja, « Recognition of Summary Procedures under the ICC Rules: Considerations, Comparisons and Concerns », Kluwer Arbitration Blog, 4 décembre 2017.
      [41] Code de procédure civile, art. 809 et 1449; Toulouse, 30 avril 2018, Cah. arb., 2018, p. 372; Chr. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l'arbitrage interne et international, Paris, Lextenso, 2013, n° 693.
      [42] A. Carlevaris, « L'accélération des procédures arbitrales », L'arbitre international et l'urgence, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 159; E. Gaillard et J. Savage, Fouchard, Gaillard, Goldman on International Commercial Arbitration, La Haye, Kluwer Law International, 1999, n° 1248; J. Lew, L. Mistelis et al., Comparative International Commercial Arbitration, La Haye, Kluwer Law International, 2003, nos 21-84 à 21-89; J. Fry, S. Greenberg et Fr. Mazza, The Secretariat's Guide to ICC Arbitration, Paris, ICC, 2012, nos 3-1510 et 3-1511.
      [43] Règlement d'arbitrage, version en vigueur à partir du 1er mars 2017, art. 30 et appendice VI.
      [44] J.R. Feris, « The 2017 ICC Rules of Arbitration and the New ICC Expedited Procedure Provisions, A View from Inside the Institution », ICC Disp. Res. Bull., 2017/1, p. 63, spéc. p. 65.
      [45] Sur la tension que ceci crée avec le principe d'autonomie des parties, voy. K.P. Berger, « Institutional arbitration: harmony, disharmony and the 'Party Autonomy Paradox' », Arb. Intl., 2018, p. 473, n° 3.4.
      [46] AQZ v ARA [2015] SGHC 49, § 132. Une complication particulière à l'affaire venait du fait que la version du règlement du SIAC en vigueur lors de la conclusion de la convention d'arbitrage ne contenait pas encore les dispositions relatives à la procédure accélérée, celles-ci figurant toutefois dans la version du règlement en vigueur lors du commencement de la procédure arbitrale.
      [47] Ibid., § 137.
      [48] M.S. Abdel Wahab, « Expedited Institutional Arbitral Proceedings Between Autonomy and Regulation, Procedural Efficiency and Enforcement Challenges », Expedited Procedures in International Arbitration, o.c., p. 133, spéc. p. 140; M. Bühler et P. Heitzmann, « The 2017 ICC Expedited Rules: From Softball to Hardball? », J. Intl. Arb., 2017, p. 121, n° 2.1.
      [49] Tribunal populaire intermédiaire n° 1 de Shanghai, 11 août 2017, Noble Resources International Pte. Ltd. v Shanghai Xintai International Trade Co., Ltd., Y.B. Com. Arb., 2017, vol. XLII, p. 367. Voy. aussi: Lin Yifei, Judicial Review of Arbitration: Law and Practice in China, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2018, § 6.02[D]; Chr. Seraglini et P. Baeten, « Expedited Rules and the Possibility of Immediate Measures once a Tribunal is Constituted », Expedited Procedures in International Arbitration, o.c., p. 34, n° 47.
      [50] L'art. 1694, al. 3, ancien, du Code judiciaire, applicable aux procédures antérieures à la réforme de 2013, prévoyait déjà que: « La procédure est écrite lorsque les parties l'ont prévu ou dans la mesure où elles ont renoncé à des débats oraux. »
      [51] Projet de loi modifiant la Sixième Partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage, exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 53-2743/1, p. 31; D. Matray et G. Matray, « La conduite de la procédure arbitrale sous l'empire du nouveau droit belge de l'arbitrage », b-Arbitra, 2014, p. 81, nos 8 et 35.
      [52] G. Keutgen et G. A. Dal, L'arbitrage en droit belge et international, t. I, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2015, n° 163; Ph. de Bournonville, L'arbitrage, Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2017, nos 46 et 49.
      [53] Note aux parties..., o.c., § 89.
      [54] Ibid., § 98.
      [55] D. De Meulemeester et H. Verbist, Arbitrage in de praktijk, Gand, Bruylant, 2013, nos 801 à 813; D. Struyven, « CEPINA: een specifieke arbitrageprocedure voor de snelle regeling van kleine geschillen », R.W., 1996-1997, p. 997; H. Verbist et K. Dhondt, « Règlements modifiés du CEPANI en vigueur depuis le 1er janvier 2005 », R.D.I.D.C., 2005, p. 375, nos 10 et 30.
      [56] D. Struyven, o.c.
      [57] La procédure simplifiée est « trop souvent ignorée » selon M. Dal, « Le nouveau règlement d'arbitrage du Cepani », J.T., 2013, p. 349, n° 19.
      [58] A noter que les frais d'enregistrement dus au CEPANI - dont le paiement conditionne la date de commencement de l'arbitrage, essentielle à l'approche d'une échéance de prescription - sont calculés en fonction de la seule demande principale (annexe I au règlement, « Barème pour l'arbitrage », point 2).
      [59] Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, signée à New York le 10 juin 1958.
      [60] Convention européenne sur l'arbitrage commercial international, signée à Genève le 21 avril 1961.
      [61] Anvers, 26 juin 2000, R.D.J.P., 2001, p. 183; Civ. Charleroi, 1er décembre 1978, R.R.D., 1979, p. 935, note L. Dermine; B. Hanotiau et O. Caprasse, « Les droits de la défense dans la procédure arbitrale », R.C.J.B., 2010, p. 453, nos 17 et 77; H. Boularbah, « Ouvertures à cassation des décisions judiciaires et causes d'annulation des sentences arbitrales », Mélanges John Kirkpatrick, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 73, n° 22; G. De Buyzer, « Art. 1717 », Comm. Ger., n° 19; I. Claeys et Th. Tanghe, « Annulment of Arbitral Awards before Belgian Courts » in B. Den Tandt (dir.), The New Belgian Arbitration Law, Bruges, la Charte, 2015, p. 119, n° 21; I. Verougstraete, « De basisprincipes van de arbitrageprocedure » in M. Piers (dir.), De nieuwe arbitragewet 2013, Anvers, Intersentia, 2013, p. 27, n° 19; C. Verbruggen, « Article 1699 » in N. Bassiri et M. Draye (dirs.), Arbitration In Belgium, A Practitioner's Guide, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2016, nos 21 et 34. Sur le caractère d'ordre public de l'exception de due process prévue par l'art. V, § 1er, (b), de la Convention de New York, voy. J. Lew, « Practices, Arbitral Duties and Effects of Awards in Default Proceedings » in N. Kaplan et M.J. Moser (dirs..), Jurisdiction, Admissibility and Choice of Law in International Arbitration: Liber Amicorum Michael Pryles, La Haye, Kluwer Law International, 2018, p. 331, spéc. p. 336; B. Hanotiau et O. Caprasse, « Arbitrability, Due Process, and Public Policy under Article V of the New York Convention », J. Intl. Arb., 2008, p. 721, spéc. p. 727; E. Gaillard et J. Savage, o.c., n° 1697; UNCITRAL Secretariat Guide on the Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards (New York, 1958), New York, United Nations, 2016, p. 156.
      [62] Projet de loi modifiant la Sixième Partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage, exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 53-2743/1, p. 27; G. Keutgen et G. A. Dal, o.c., nos 408, 417 et 654; Ph. de Bournonville, o.c., nos 209 et 210.
      [63] G. Born, International Commercial Arbitration, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2014, t. III, p. 3224.
      [64] UNCITRAL, Analytical Commentary on Draft Text of a Model Law on International Commercial Arbitration, Eighteenth session (Vienna 3-21 June 1985), document A/CN.9/264, p. 46, n° 7; UNCITRAL 2012 Digest of Case Law on the Model Law on International Commercial Arbitration, New York, United Nations, 2012, p. 97, n° 4.
      [65] C. jud., art. 1717, § 3, b), ii) et 1721, § 1er, b), ii); Convention de New York, art. V, § 2, (b); P. Lefebvre et M. Servais, « Le contrôle de la sentence arbitrale au regard de l'ordre public: le point de vue belge », J.T. Lux., 2016, p. 69, n° 49. Pour une analyse de droit comparé de la question, voy. P. Hollander (dir.), Report on the Public Policy Exception in the New York Convention, IBA Subcommittee on Recognition and Enforcement of Arbitral Awards, 2015, www.ibanet.org, p. 13.
      [66] La même formule apparaît également dans l'art. 1385quaterdecies /1 en projet du Code judiciaire relatif à la BIBC (projet de loi instaurant la Brussels International Business Court, Doc. parl., Ch., 2017-2018, n° 54-3072/1, art. 27).
      [67] C. Verbruggen, o.c., n° 26. La Haute Cour de Singapour a noté que « Despite first impressions 'a full opportunity' to present one's case under Article 18 of the Model Law is not wider than 'a reasonable opportunity' to present one's case », ADG v ADI [2014] SGHC 73, § 104.
      [68] UNCITRAL, Analytical Commentary..., o.c., p. 46, n° 8: « 'full opportunity of presenting one's case' does not entitle a party to obstruct the proceedings by dilatory tactics and, for example, present any objection, amendments, or evidence only on the eve of the award ».
      [69] Règlement d'arbitrage de la CNUDCI (révision 2010 et 2013), art. 17, § 1er.
      [70] C. Verbruggen, o.c., n° 25; D. Matray et G. Matray, « Le principe du contradictoire: ses contours », Le principe du contradictoire en arbitrage, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 21, spéc. p. 25; E. Gaillard et J. Savage, o.c., n° 1642; G. Born, o.c., t. II, p. 2179; M. Scherer, « Violation of Due Process, Article V(1)(b) », R. Wolff (dir.), The New York Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards, Oxford, C.H. Beck München & Hart Publishing, 2012, nos 172 et 173; UNCITRAL 2012 Digest of Case Law on the Model Law on International Commercial Arbitration, o.c., p. 147, n° 59; C.E.D.H., 3 mars 2000, Krmá / République tchéque, req. n° 35376/97, § 42; C.E.D.H., 21 mars 2002, Immeubles Groupe Kosser c France, req. n° 38748/97, § 26.
      [71] H. Verbist, De rechtsbescherming van partijen in privaatrechtelijke handelsarbitrage, Anvers, Intersentia, 2011, nos 113 et 115; G. Kaufmann-Kohler et H. Peter, « Formula 1 Racing and Arbitration: The FIA Tailor-Made System for Fast Track Dispute Resolution », Arb. Intl., 2001, p. 173, spéc. p. 189.
      [72] Cass., 20 mars 2018, P.17.1185.N.
      [73] C.E.D.H., 17 mars 2005, Adorisio c Pays-Bas, req. n° 47315/13, § 92 à 104.
      [74] Paris, 8 novembre 2016, Cah. arb., 2016, p. 1040.
      [75] G. Born, o.c., t. II, p. 2179 et t. III, p. 3235; J. Lew, o.c., pp. 337 et 338, qui s'appuie toutefois sur une affaire où le refus par un tribunal arbitral d'entendre un témoin prétendument essentiel n'a pas été considéré comme motif d'annulation et de refus d'exequatur, Generica Limited v Pharmaceutical Basics, Y.B. Com. Arb., 1998, vol. XXIII, p. 1076 (7th Cir., 1997).
      [76] B. Hanotiau et O. Caprasse, o.c. (« Les droits de la défense ... »), nos 42 à 44; B. Hanotiau et O. Caprasse, « L'annulation des sentences arbitrales », J.T., 2004, p. 413, n° 71; D. Matray et G. Matray, o.c. (« Le principe du contradictoire ... »), p. 26.
      [77] A.J. van den Berg, « Why Are Some Awards Not Enforceable? », A.J. van den Berg (dir.), New Horizons in International Commercial Arbitration and Beyond, ICCA Congress Series, Vol. 12, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2005, p. 291, n° II.3; K.P. Berger et J.O. Jensen, « Due process paranoia and the procedural judgment rule: a safe harbour for procedural management decisions by international arbitrators », Arb. Intl., 2016, p. 415; H. Verbist, o.c., pp. 133 à 158; L. Reed, « Ab(use) of due process: sword vs shield », Arb. Intl., 2017, p. 361. En droit anglais, voy. R. Gerbay, « Due Process Paranoia », Kluwer Arbitration Blog, 6 juin 2016 et « Due Process Paranoia (Part 2): Assessing the Enforcement Risk under the English Arbitration Act », ibid., 20 février 2017.
      [78] L'on pensera en particulier à cet arrêt d'un autre siècle de la Cour de cassation italienne concluant à une possible violation des droits de la défense parce que les arbitres avaient convoqué les parties, avec préavis de près d'un mois, pendant les vacances d'été (Cass. it., 3 avril 1987, Abati Legnami c Fritz Häupl, Y.B. Com. Arb., 1992, vol. XVII, p. 529) - nous ignorons ce que la cour d'appel de Milan en a ensuite décidé sur renvoi.
      [79] Selon G. Born, o.c., t. II, p. 2158, « Article V(1)(b) generally applies only in cases involving very grave denials of basic requirements of procedural fairness ».
      [80] L. Bizikova, « Overcoming Due Process Paranoia: Expeditiousness as a New Principle of International Arbitration », Cah. arb., 2017, p. 593; F. de Ly, « Paradigmatic Changes - Uniformity, Diversity, Due Process and Good Administration of Justice: The Next Thirty Years », S. Brekoulakis et J. Lew (dirs.), The Evolution and Future of International Arbitration, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2016, p. 21, nos 2.30 à 2.41. Dans l'affaire Gujarat NRE Coke Limited v Coeclerici Asia (Pte) Ltd [2013] FCAFC 109, § 52, où une partie s'opposait à la reconnaissance d'une sentence arbitrale au motif que les arbitres ne lui avaient pas donné le temps nécessaire à sa défense, la Cour fédérale d'Australie a précisé que: « The arbitrators were not only entitled, but obliged, to act with proper despatch ». La même affaire a donné lieu en Angleterre, où l'arbitrage avait son siège, à un jugement confirmant que « the arbitrators were entirely correct in issuing a prompt award », [2013] EWHC 1987 (Comm), § 1.
      [81] Paris, 18 novembre 2004, Rev. arb., 2006, p. 759, note P. Duprey, n° 3; C. Verbruggen, « Article 1717 », Arbitration In Belgium, A Practitioner's Guide, o.c., n° 44.
      [82] Le délai doit également être convenu par les parties ou fixé par le tribunal arbitral. L'accord des participes « convenues » et « fixées » au féminin pluriel sur le seul mot « modalités » est une erreur de plume, ce que révèle la comparaison entre le texte de l'avant-projet de loi soumis au Conseil d'Etat qui reprenait simplement la formulation de l'art. 23 de la loi type (« Dans le délai convenu [...] ou fixé ») et celui du projet de loi où les mots « et selon les modalités » ont été rajoutés et où l'accord des deux participes a été erronément adapté (projet de loi modifiant la Sixième Partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage, avant-projet, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 53 2743/1, p. 59 et projet de loi, p. 124).
      [83] E. Stein, « Article 1704 », Arbitration In Belgium, A Practitioner's Guide, o.c., n° 13; D. Matray et G. Matray, o.c. (« La conduite ... »), nos 31 et 32. Comp. M. De Ruysscher, « Art. 1704 », Comm. Ger., n° 2, selon qui l'art. 1704 est une règle de droit supplétif.
      [84] Projet de loi modifiant la Sixième Partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage, avis du Conseil d'Etat, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 53-2743/1, p. 97.
      [85] Ibid., exposé des motifs, p. 30.
      [86] UNCITRAL 2012 Digest of Case Law on the Model Law on International Commercial Arbitration, o.c., p. 109, nos 1 et 2.
      [87] L'art. 1706 reprend l'art. 25 de la loi type, qui exclut tout pouvoir d'appréciation: UNCITRAL 2012 Digest of Case Law on the Model Law on International Commercial Arbitration, o.c., p. 114, nos 1 et 3.
      [88] N. Bassiri, « Article 1706 », Arbitration In Belgium, A Practitioner's Guide, o.c., n° 6. Voy. aussi l'art. 20, § 1er, du règlement d'arbitrage de la CNUDCI (révision 2010 et 2013) - dont la compatibilité avec la loi type pourrait difficilement être mise en doute - qui permet expressément au demandeur de considérer sa notification d'arbitrage comme un mémoire en demande.
      [89] Règlement d'arbitrage du CEPANI (version 2013), art. 5.
      [90] Ibid., art. 22.
      [91] Ibid., art. 8, faisant référence à la communication des mémoires ou conclusions et des pièces y annexées. L'art. 4 n'oblige pas le défendeur à déjà joindre ses pièces à sa réponse à la demande d'arbitrage, sauf dans la mesure où elles concernent une éventuelle demande reconventionnelle; voy. D. De Meulemeester et H. Verbist, o.c., n° 157.
      [92] Ibid., art. 22, §§ 3 et 4. L'établissement du calendrier ne doit pas nécessairement attendre la signature de l'acte de mission, ce qui permet de gagner du temps.
      [93] Règlement d'arbitrage de la CCI (version 2017), art. 5.
      [94] Ibid., art. 23. Le délai était de deux mois dans la version du règlement en vigueur jusqu'au 1er mars 2017.
      [95] A. Carlevaris, « The Bounds of Party Autonomy in Institutional Arbitration », International Arbitration Under Review Essays in Honour of John Beechey, Paris, ICC, 2015, p. 103, spéc. p. 120; M. Bühler et Th. Webster, Handbook of ICC Arbitration, 2e éd., Londres, Thomson Reuters, 2008, nos 1-43 et 18-4. Ce principe est susceptible d'évoluer, mais l'acte de mission ne pourra en toute hypothèse être évité qu'avec l'accord des parties: M. Bühler et Th. Webster, Handbook of ICC Arbitration, 4e éd., Londres, Thomson Reuters, 2018, nos 1-31 à 1-33.
      [96] Voy. en particulier l'art. 25, § 2, prévoyant qu'« Après examen des écritures des parties et de toutes pièces versées par elles aux débats, le tribunal arbitral entend contradictoirement les parties. »
      [97] Règlement d'arbitrage de la CNUDCI (révision 2010 et 2013), art. 4.
      [98] Ibid., art. 17, § 2.
      [99] Ibid., art. 20, 21 et 25.
      [100] Ibid., art. 20, § 1 et art. 21, § 1.
      [101] J. Paulsson et G. Petrochilos, UNCITRAL Arbitration, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2017, p. 206: « article 24 is an authorising provision [...] which does not in itself contain a duty to accept additional pleadings ».
      [102] En arbitrage également, une solution procédurale parfois proposée dans de telles hypothèses, où « the claimant has a relatively straightforward payment claim, and the respondent a less-than-straightforward counterclaim for damages », est de dissocier l'examen de la demande principale et de la demande reconventionnelle: M. Secomb et Ph. Tan, « Bifurcation of Claims When Set-Off Looms », Indian J. Arb. L., 2018, p. 54.