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Actualité en bref : Tribunal de l'Union européenne, 10/11/2017, T-180/15, Icap e.a. / Commission, R.D.C.-T.B.H., 2018/3, p. 308

Tribunal de l'Union européenne 10 novembre 2017

Icap et al. / Commission

Affaire: T-180/15
CONCURRENCE
Droit européen de la concurrence - Généralités - Articles 101-109 TFUE - Infraction continue


MEDEDINGING
Europees mededingingsrecht - Algemeen - Artikelen 101-109 VWEU - Voortdurende inbreuk


Annulation de la décision par laquelle la Commission a imposé une amende à Icap pour facilitation du cartel LIBOR et TIBOR en ce qui concerne les périodes pour lesquelles la Commission n'a pas établi à suffisance la participation d'Icap à une infraction continue.

En 2013, la Commission a imposé une amende à plusieurs banques pour leur participation à une entente sur le marché des produits dérivés de taux d'intérêt libellés en yens japonais (en anglais, « Yen interest rate derivates » ou « YIRD ») (affaire AT.39861). Cette entente avait notamment trait à la manipulation des taux de référence interbancaires LIBOR et TIBOR. Selon la décision de la Commission, adoptée à l'issue d'une procédure de transaction, les banques ont, d'une part, discuté des soumissions d'au moins une d'entre elles aux fins d'influencer la direction de cette soumission et, d'autre part, communiqué/reçu des informations commercialement sensibles concernant des positions de négociation ou des futures soumissions.

Par sa décision du 4 février 2015, la Commission a retenu qu'Icap, une entreprise de services de courtage, avait facilité la réalisation de l'entente sur le YIRD (affaire AT.39861). Dans la mesure où Icap n'a pas souhaité participer à la procédure de transaction, cette décision a été adoptée à l'issue de la procédure contradictoire ordinaire.

L'arrêt rendu le 10 novembre 2017 par le Tribunal, suite au recours en annulation introduit par Icap contre cette dernière décision, est intéressant à plusieurs égards (T-180/15, Icap et al. / Commission, EU:T:2017:795).

Premièrement, le Tribunal confirme la décision de la Commission en ce qu'elle qualifie l'entente entre les banques de restriction par objet, dans la mesure où la coordination des soumissions pouvait influencer le niveau des taux du JPY LIBOR dans un sens favorable aux intérêts des banques. De même, le Tribunal confirme que la communication d'informations relatives aux soumissions futures peut être considérée comme ayant pour objet de restreindre la concurrence.

Deuxièmement, le Tribunal applique les principes établis dans l'arrêt Treuhand (arrêt du 22 octobre 2015, C-194/14 P, AC Treuhand / Commission, EU:C:2015:717) concernant les facilitateurs d'ententes. Le Tribunal rappelle qu'afin de démontrer qu'une entreprise a participé à tous les éléments d'une entente, la Commission doit démontrer que (i) l'entreprise a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs poursuivis par l'ensemble des participants à l'entente et (ii) qu'elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir les comportements envisagés/mis en oeuvre par ces entreprises. Sur la base d'une analyse détaillée des éléments de preuve, le Tribunal a notamment annulé une partie de la décision qui était basée sur des preuves ambiguës laissant subsister un doute quant à la connaissance par Icap du rôle joué par une des banques.

Troisièmement, l'arrêt apporte un éclairage particulièrement intéressant sur la preuve de la durée de l'infraction incombant à la Commission. A ce sujet, le Tribunal constate que les taux du JPY LIBOR sont adoptés sur une base quotidienne et que, par conséquent, la manipulation devait être réitérée chaque jour pour continuer à produire ses effets. Il en déduit que la démonstration de la participation d'Icap à une infraction continue impliquait que la Commission démontre l'existence de mesures positives adoptées par Icap sur une base sinon quotidienne, du moins suffisamment limitée dans le temps. A défaut d'une telle démonstration, souligne le Tribunal, la Commission devait retenir l'existence d'infractions uniques et répétées et ne pas inclure dans les périodes infractionnelles les intervalles pour lesquelles elle ne disposait pas d'éléments de preuve suffisants. Le Tribunal a de ce fait annulé la décision de la Commission en ce qu'elle concerne plusieurs périodes.

Enfin, le Tribunal confirme la possibilité pour la Commission de conclure des transactions dites « hybrides » (c.-à-d. conclues uniquement avec certains participants au cartel), à condition toutefois de respecter le principe de la présomption d'innocence de l'entreprise ne participant pas à la transaction. En pratique, cela peut par exemple impliquer que la décision issue de la procédure de transaction ne peut pas être adoptée avant la décision adoptée suite à la procédure ordinaire.

La Commission européenne a introduit un pourvoi contre cet arrêt (affaire C-39/18 P).