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Droit international privé à tous les étages …, R.D.C.-T.B.H., 2018/1, p. 86-95

DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Code D.I.P. - Compétence judiciaire - Compétence extraordinaire - Obligations contractuelles
Dans la mesure où les parties n'ont pas prévu de clause de juridiction dans le contrat et où il n'existe pas de convention internationale déterminant les juridictions compétentes en cas de litige entre des parties belge et chinoise, il convient de se référer au Code de droit international privé belge pour répondre au déclinatoire de juridiction soulevé par la partie chinoise.
En vertu de l'article 96 du Code de DIP, les juridictions belges sont compétentes pour connaître de toute demande en matière d'obligations lorsque cette demande concerne une obligation contractuelle devant être exécutée en Belgique. En l'espèce, l'obligation contractuelle qui sert de base à sa demande et dont l'exécution est demandée n'est cependant pas l'obligation de payer une facture ainsi que l'ensemble des sommes dues en exécution du contrat mais l'obligation de payer une indemnité pour la résiliation du contrat. En conséquence, le juge belge est sans compétence pour connaître de l'affaire sur la base de l'article 96 du CODIP.
En vertu du Code DIP, les juridictions belges sont exceptionnellement compétentes lorsque la cause présente des liens étroits avec la Belgique et qu'une procédure à l'étranger se révèle impossible ou qu'on ne peut raisonnablement exiger que la demande soit formée à l'étranger. Cette impossibilité ne se vérifie pas en l'espèce (procédure à mener à Hong Kong).
INTERNATIONAAL PRIVAATRECHT
Wetboek IPR - Algemene bepalingen - Rechterlijke bevoegdheid - Uitzonderlijke bevoegdheid
Een Belgische onderneming gaf een licentieovereenkomst in concessie aan een Chinese onderneming. Gelet op deze licentieovereenkomst, was de Chinese onderneming periodiek minimumbedragen verschuldigd ten aanzien van de Belgische concessiehouder, bij gebrek waaraan de overeenkomst in haar nadeel zou worden verbroken. De Chinese onderneming bleef in gebreke het minimaal verschuldigde te betalen en de Belgische concessiehouder dagvaardde de Chinese concessionaris voor de Franstalige rechtbank van koophandel te Brussel. In haar vonnis, stelde de Franstalige rechtbank van koophandel te Brussel vooreerst vast dat bij gebrek aan een internationaal verdrag tussen China en België dat de bevoegdheid regelt en bij gebrek aan een forumbeding, zij haar bevoegdheid diende te onderzoeken aan de hand van het WIPR. De rechtbank oordeelde vervolgens dat noch het artikel 96 (forum loci contractus), noch artikel 11 (forum necessitatis) als basis kan dienen voor de bevoegdheid van de Belgische rechtsmacht.




Droit international privé à tous les étages …
Clémence Van Muylder [1]

L'affaire ayant donné lieu à la décision du tribunal de commerce francophone de Bruxelles du 31 août 2015 concernait un litige entre un demandeur belge et un défendeur situé dans un pays tiers à l'Union européenne. Cette circonstance a imposé au juge ainsi qu'aux parties de rechercher au regard de quel instrument le juge belge saisi devait vérifier sa compétence. En cela, la décision est l'occasion d'évoquer, après un bref rappel des faits (section 1.), l'articulation entre les champs d'application spatiaux du Règlement Bruxelles I(bis) et du Code D.I.P. lorsque le défendeur est situé en dehors du territoire de l'Union européenne (section 2.). Nous confronterons par ailleurs l'analyse réalisée en l'espèce par le tribunal de commerce de Bruxelles de « l'obligation qui sert de base à la demande » à la jurisprudence développée tant par la Cour de justice que par la Cour de cassation belge en la matière (section 3.). Enfin, les conditions dans lesquelles le for de nécessité peut être mobilisé seront brièvement discutées (section 4.).

De zaak die aanleiding gaf tot het vonnis van de Franstalige rechtbank van koophandel te Brussel van 31 augustus 2015 betrof een geschil tussen een Belgische eiser en een verweerder uit een niet-EU land. Deze omstandigheid dwong zowel de aangezochte rechter als de partijen ertoe te onderzoeken op grond van welk instrument de Belgische rechter zijn bevoegdheid moest nagaan. Het vonnis vormt daarbij de gelegenheid om, na een korte uiteenzetting van de feiten (sectie 1.), de samenhang te bespreken tussen de toepassingsgebieden van de Brussel I(bis)-Verordening en het Wetboek IPR in geval de eiser zich buiten het grondgebied van de Europese Unie bevindt (sectie 2.). Daarnaast vergelijken wij de analyse van de rechtbank van koophandel van Brussel in deze zaak van de notie “de verbintenis die aan de vordering ten gronde ligt” met de rechtspraak van het Hof van Justitie en het Belgische Hof van Cassatie in dit domein (sectie 3.). Tot slot bespreken we kort de voorwaarden waaronder een beroep kan worden gedaan op forum necessitatis (sectie 4.).

1. Les faits de l'affaire

1.Le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bruxelles en date du 31 août 2015 concernait un litige entre une société belge et une société chinoise relativement à des montants dus en vertu d'un contrat de licence.

Par un contrat conclu en 2012 pour une durée de 10 ans, la société belge avait concédé à la société chinoise le droit exclusif de fabriquer et de distribuer des textiles sous la marque « T » en République populaire de Chine. En contrepartie, le licencié, c'est-à-dire en l'espèce la société chinoise, s'était engagée à payer des redevances, avec un minimum annuel garanti.

L'article 11 du contrat de licence prévoyait qu'en cas de défaut de paiement des redevances, le contrat serait automatiquement résilié aux torts du licencié et que ce dernier serait redevable de l'intégralité du minimum garanti restant dû au concédant.

Le concédant belge a émis le 13 juillet 2012 une facture de 200.000 EUR correspondant à la redevance minimum garantie pour la première année contractuelle. En vertu du contrat de licence, cette facture venait à échéance le 15 août 2012.

Le licencié chinois est resté en défaut de s'acquitter de ladite facture. En conséquence, et conformément à l'article 11 du contrat de licence, le concédant a informé celui-ci qu'il considérait que le contrat était automatiquement résilié à ses torts, et a lancé citation devant le tribunal de commerce francophone de Bruxelles pour obtenir le paiement de la somme de 20.500.000 EUR correspondant à l'intégralité du minimum garanti pour toute la durée du contrat.

2. Articulation entre Bruxelles I(bis) et le Code D.I.P. lorsque le défendeur est situé dans un Etat tiers

2.La décision commentée mettait en présence une partie demanderesse belge, et un défendeur chinois, qui contestait la compétence des juridictions belges pour connaître du litige.

Une telle situation pose la question de l'instrument au regard duquel le juge belge doit vérifier sa compétence lorsque la partie défenderesse est domiciliée dans un état tiers à l'Union européenne. Dans sa décision, le tribunal de commerce s'est contenté de constater que, compte tenu de l'absence de convention internationale réglant spécifiquement la compétence des tribunaux en cas de litige entre des parties chinoise et belge, ainsi que de l'absence de clause d'élection de for le désignant en l'espèce, les parties s'accordaient sur le fait que la vérification de sa compétence devait s'opérer au regard du Code de droit international privé belge [2] (ci-après, le « Code .D.I.P »). Si cette solution est exacte quant à l'instrument désigné, le raisonnement qui doit y mener mérite d'être davantage développé. En particulier, la décision rendue par le tribunal de commerce le 31 août 2015 est l'occasion de rappeler comment s'articulent le champ d'application spatial du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale [3] (ci-après, « le Règlement Bruxelles I »), et celui du Code D.I.P. En outre, l'attention du lecteur sera attirée sur les changements apportés par la refonte du Règlement Bruxelles I [4], qui a légèrement étendu le champ d'application spatial de l'instrument européen, et diminué d'autant celui du Code D.I.P.

3.La primauté du droit de l'Union européenne sur le droit national implique que le Règlement Bruxelles I(bis) prime le Code D.I.P. chaque fois qu'un contentieux relève de son champ d'application [5]. Ce n'est que lorsque le juge belge constate que l'affaire qui lui est soumise sort du champ d'application du Règlement Bruxelles I(bis), qu'il doit se rabattre sur le Code D.I.P. pour vérifier sa compétence.

La question de la délimitation du champ d'application du Règlement Bruxelles I(bis) se pose forcément en amont du règlement du litige puisqu'elle doit être réglée avant de proposer au juge une disposition susceptible de fonder sa compétence internationale. A cet égard, deux aspects doivent être traités: (i) d'une part, il s'agit de déterminer le domaine matériel du règlement, et en particulier la notion de « matière civile et commerciale » [6], (ii) d'autre part, il faut délimiter l'emprise géographique du règlement [7]. La présente contribution se concentrera sur ce second aspect.

Lorsque les juridictions d'un Etat membre sont saisies d'une affaire concernant un défendeur situé en dehors du territoire de l'Union européenne, c'est avant tout l'applicabilité dans l'espace des différents instruments qui pose question. En particulier, en dehors du cas où il existerait une convention internationale entre l'état du for et l'état du domicile du défendeur prévoyant des règles de compétence internationale, le juge européen devra examiner si, malgré que le défendeur est situé dans un état tiers, le Règlement Bruxelles I(bis) est susceptible de s'appliquer au litige, notamment d'un point de vue géographique. Ce n'est qu'une fois cette hypothèse exclue que le juge saisi devra se tourner vers le droit international privé du for pour vérifier sa compétence. Il est donc nécessaire d'avoir une vue claire sur les cas dans lesquels le Règlement Bruxelles I(bis) peut trouver à s'appliquer à un défendeur domicilié dans un état tiers.

4.Le champ d'application dans l'espace du Règlement Bruxelles I est défini par son article 2, qui prévoit que le règlement trouve à s'appliquer lorsque le défendeur est domicilié [8] sur le territoire d'un Etat membre. En principe, le règlement n'a pas vocation à s'appliquer à un litige impliquant un défendeur domicilié dans un état tiers tel que dans l'affaire commentée [9]. La compétence pour connaître de demandes introduites à l'encontre d'un défendeur situé hors de l'Union européenne dépend donc en principe des chefs de compétence prévus par le droit international privé de l'état du for.

Ce principe connaît toutefois des exceptions, qui ressortent soit de l'article 4 du règlement lui-même, soit d'autres dispositions du règlement, relatives à des cas spécifiques.

Une première exception est signalée par l'article 4 et réside dans l'article 22 du Règlement Bruxelles I, qui prévoit que les règles de compétences exclusives qu'il institue s'appliquent « sans considération de domicile ». Ces règles obéissent en effet à des critères d'applicabilité propres. Par exemple, les cours et tribunaux de l'Etat membre où est situé un immeuble [10] sont compétents pour connaître d'un litige portant sur la propriété de cet immeuble, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre demandes formées à l'encontre d'une personne domiciliée au sein de l'Union européenne ou en dehors de celui-ci.

La deuxième exception est également mentionnée en tant que telle par l'article 4 et réside dans l'article 23 du Règlement Bruxelles I, qui prévoit que le règlement s'applique également lorsque les parties ont conclu une clause d'élection de for désignant les juridictions d'un Etat membre et que l'une des parties au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre. Le Règlement Bruxelles I pourrait donc parfaitement trouver à s'appliquer à un litige entre un demandeur domicilié en Belgique et un défendeur chinois, qui auraient par exemple désigné contractuellement les juridictions belges [11].

L'article 24 du Règlement Bruxelles I déroge également au critère général d'applicabilité du règlement puisqu'il prévoit, en matière de prorogation tacite de compétence, qu'outre les situations où sa compétence ressort d'autres dispositions du règlement, « le juge d'un Etat membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent ». Or, dans son arrêt Group Josi, la Cour de justice a jugé que la comparution volontaire du défendeur fonde la compétence du tribunal saisi « sans que le lieu du domicile du défendeur soit pertinent » [12]. La comparution volontaire du défendeur devant une juridiction d'un Etat membre constitue donc une troisième exception au critère général d'applicabilité prévu par l'article 4 du règlement [13].

Enfin, une quatrième exception à ce critère général a été instituée dans le but de garantir l'effectivité des règles de compétences protectrices prévues par les sections 3, 4 et 5 du Chapitre II du règlement. Ainsi, concernant les litiges en matières d'assurances, de contrats conclus avec des consommateurs et de contrats de travail, une « fiction de domicilie » [14] est établie au profit de la partie faible, c'est-à-dire du preneur d'assurances, du consommateur et du travailleur. En vertu de cette présomption, la partie forte qui n'est pas domiciliée sur le territoire de l'Union mais qui y possède une succursale est considérée pour les contestations relatives à son exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de l'Etat membre où est implantée la succursale. C'est ce que prévoit le Règlement Bruxelles I en (i) son article 9, 2., en matière de contrats d'assurances, (ii) son article 15, 2., en matière de contrats de consommation, et (iii) son article 18, 2., en matière de contrats de travail.

Ainsi, le juge belge saisi d'une affaire concernant un défendeur domicilié hors Union européenne ne peut écarter l'application du Règlement Bruxelles I sur la base du seul constat de domiciliation du défendeur dans un état tiers. Il doit encore rechercher si aucun des critères d'applicabilité spécifiques prévus par le règlement n'est rencontré par l'espèce qui lui est soumise.

5.Dans la mesure où, même lorsque le défendeur est domicilié dans un état tiers, de nombreux facteurs sont susceptibles de justifier l'applicabilité du Règlement Bruxelles I ratione loci, le jugement commenté est un peu court lorsqu'il se limite à constater l'absence de clause d'élection de for dans le contrat litigieux. Une motivation plus circonstanciée et plus systématique aurait été souhaitable.

On peut concéder au jugement commenté que l'exposé des faits et de l'objet de la demande justifiait implicitement l'exclusion des critères d'applicabilité définis par l'article 22 du Règlement Bruxelles I (règles de compétence exclusive s'appliquant sans considération de domicile), ainsi que l'exclusion d'une applicabilité en vertu des sections du règlement prévoyant des « compétence protectrices » en faveur des preneurs d'assurances, des consommateurs et des travailleurs. Restait toutefois à justifier l'exclusion du critère d'applicabilité prévu par l'article 24 du Règlement Bruxelles I en cas de comparution volontaire du défendeur. Le jugement est muet sur ce point. Or, à défaut de contestation de la compétence internationale par le défendeur chinois dès son premier jeu de conclusions et avant tout argument de fond [15], le Règlement Bruxelles I aurait trouver à s'appliquer et la compétence des juridictions belges aurait pu se fonder sur l'article 24 du règlement.

6.Dans la mesure où la refonte du Règlement Bruxelles I a étendu son champ d'application spatial, il appartiendra aux juridictions des Etats membres saisies d'actions introduites le 10 janvier 2015 ou après cette date [16] d'être d'autant plus attentives aux hypothèses dans lesquelles le règlement peut trouver à s'appliquer alors même que le défendeur est situé dans un état tiers. Cette contribution est l'occasion de rappeler les exceptions au critère général d'applicabilité du règlement qui ont été introduites à l'occasion de sa refonte.

7.Dans le cadre de la refonte du Règlement Bruxelles I, la modification du champ d'application spatial du règlement a fait l'objet d'importants débats [17]. La modification envisagée consistait notamment à abandonner le critère du domicile du défendeur sur le territoire d'un Etat membre prévu par l'article 4, en particulier concernant l'applicabilité du chapitre relatif à la compétence [18]. Cette possibilité a toutefois été abandonnée et le critère de l'ancien article 4 du Règlement Bruxelles I (devenu art. 6 du Règlement Bruxelles Ibis) a été maintenu. Les exceptions à cette règle générale ont toutefois été légèrement élargies pour tendre vers l'universalisation qui avait été envisagée dans un premier temps.

Une première nouveauté concerne les régimes protecteurs en matière de contrats conclus avec les consommateurs et de contrats de travail. Le Règlement Bruxelles Ibis a rendu les dispositions relatives à ces contrats applicables à un professionnel ou à un employeur établi sur le territoire d'un état tiers lorsque l'action est diligentée par le consommateur ou par le travailleur. Le nouveau règlement autorise donc le travailleur et le consommateur à utiliser les règles de compétences protectrices à l'encontre d'un défendeur situé dans un Etat tiers, sans exiger qu'il possède un établissement secondaire sur le territoire de l'Union, comme le prévoyaient les articles 15, 2. et 18, 2., de Bruxelles I. Ce faisant, la refonte du règlement a réalisé une véritable universalisation: sous l'empire de Bruxelles Ibis, lorsque le demandeur est un travailleur ou un consommateur, seules les règles de compétence des dispositions protectrices prévues aux articles 18 et 21 du règlement pourront déterminer la compétence des juridictions des Etats membres, à l'exclusion des règles de droit national [19]. A la suite de cette universalisation, les règles de droit national, sont en effet devenues totalement obsolètes.

Ensuite, le nouvel article 25 (anciennement art. 23 de Bruxelles I) relatif aux clauses d'élection de for s'applique indépendamment de la localisation du domicile, non pas du seul défendeur, mais des deux parties. L'article 25 du Règlement Bruxelles Ibis ne contient en effet pas de condition relative à l'établissement de l'une des parties sur le territoire d'un Etat membre, et est donc applicable à toutes les clauses de juridiction conclues en matière civile et commerciale (au sens du règlement) désignant les tribunaux d'un Etat membre, indépendamment de la localisation des parties. Concrètement, un juge belge saisi d'une action introduite par un demandeur américain à l'encontre d'un défendeur chinois en vertu d'une clause de juridiction le désignant, devra à présent vérifier sa compétence au regard du Règlement Bruxelles Ibis alors que sous l'empire de Bruxelles I, ce même juge aurait dû vérifier sa compétence au regard des dispositions du Code D.I.P.

Ainsi, sous l'empire du Règlement Bruxelles Ibis, le juge belge qui constate que dans l'affaire dont il est saisi, le défendeur est établi dans un état tiers à l'Union européenne, ne doit exclure l'applicabilité ratione loci du Règlement Bruxelles Ibis qu'après avoir vérifié (i) que le différend ne fait pas l'objet d'une compétence exclusive, (ii) qu'il n'est pas saisi par un travailleur ou un consommateur, (iii) que le défendeur n'a pas tacitement prorogé sa compétence et (iv) qu'il n'est pas désigné par une clause attributive de juridiction. Ce n'est qu'après avoir exclu ces différentes hypothèses, que le juge devra constater l'inapplicabilité du Règlement Bruxelles Ibis et vérifier sa compétence au regard de son droit national, c'est-à-dire, en Belgique, du Code D.I.P.

3. L'identification du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande

8.Après être parvenu au constat qu'il devait vérifier sa compétence au regard des règles de compétence prévues par le Code D.I.P., le tribunal de commerce a plus particulièrement examiné la règle de compétence spéciale de l'article 96 du Code D.I.P., qui donne compétence aux tribunaux belges pour connaître de toute demande en matière d'obligations contractuelles lorsque l'obligation litigieuse doit être exécutée en Belgique [20].

La partie demanderesse fondait en effet la compétence des juridictions belges sur cette disposition, en soutenant que l'obligation qui servait de base à sa demande était l'obligation de payer la facture demeurée impayée par le licencié chinois, ainsi que les sommes dues en exécution du contrat. Bien que le jugement commenté ne le dise pas expressément, on devine que le contrat devait contenir des dispositions qui permettaient à la demanderesse de situer cette obligation en Belgique (on peut p. ex. imaginer que le contrat indiquait que les sommes dont le licencié était redevable devaient être payées sur un compte en banque situé en Belgique).

Afin de vérifier sa compétence internationale sur pied de l'article 96 du Code D.I.P., le tribunal de commerce francophone de Bruxelles devait donc déterminer si le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse se situait bien en Belgique.

9.La règle de compétence spéciale prévue par l'article 96 du Code D.I.P. existait déjà avant l'adoption de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé et était alors prévue par l'article 635, 3°, du Code judiciaire.

De tous temps, les juges belges invités à déterminer si le lieu de l'obligation qui servait de base à la demande pouvait être localisé en Belgique ont majoritairement aligné leur jurisprudence sur celle développée par la Cour de justice relativement à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 [21] (et ensuite au Règlement Bruxelles I), qui prévoyait également une compétence spéciale du juge du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande [22].

Les travaux préparatoires du Code D.I.P. renvoient d'ailleurs expressément à la jurisprudence de la Cour de justice pour l'interprétation de la règle de compétence spéciale de l'article 96 du Code D.I.P. [23].

3.1. L'identification du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande dans la jurisprudence de la Cour de justice

10.Dès le milieu des années 70, la Cour de justice a élaboré, dans le cadre de l'interprétation du for contractuel prévu par la Convention de Bruxelles, une jurisprudence très - et sans doute trop … - sophistiquée concernant la détermination du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande. Cette jurisprudence impose un raisonnement en deux étapes: il s'agit d'abord d'identifier l'obligation qui sert de base à la demande, et ensuite de déterminer le lieu où cette obligation doit être exécutée. Ce n'est que si ce lieu correspond au territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie que le juge peut se déclarer compétent.

11.Dans son arrêt De Bloos de 1976, la Cour de justice a d'abord précisé que le juge compétent se détermine au regard de l'obligation qui sert de base à la demande et non du contrat lui-même. L'obligation à prendre en considération est donc celle « correspondant au droit contractuel sur lequel se fonde l'action du demandeur » [24].

Dans le même arrêt, la Cour de justice a ensuite introduit une distinction entre les obligations autonomes et les obligations secondaires. En effet, l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt De Bloos portait sur le paiement d'une indemnité compensatoire de préavis au terme d'un contrat de concession de vente. Or, le cas où le demandeur sollicite le paiement d'une indemnité compensatoire contractuellement prévue pose la question de savoir si l'obligation qui sert de base à la demande est l'obligation dont l'inexécution a déclenché l'obligation de payer une indemnité compensatoire ou si l'obligation de payer cette indemnité présente un caractère autonome qui justifie qu'elle soit considérée comme l'obligation qui fonde la demande. La Cour de justice a jugé que l'obligation qui sert de base à la demande est l'obligation dont l'inexécution déclenche le paiement d'une indemnité et non l'obligation de payer l'indemnité elle-même, qui n'est que secondaire. La Cour a toutefois précisé qu'il appartient au juge national de vérifier si, « d'après le droit applicable au contrat », l'obligation de payer une indemnité est une obligation contractuelle autonome ou une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée [25]. En cas de doute, le juge doit donc faire un détour par le droit qui, selon le droit du for, est applicable au contrat, pour déterminer le caractère autonome ou secondaire d'une obligation d'indemnisation contractuellement prévue.

12.L'inconvénient majeur de la jurisprudence De Bloos est qu'elle donne lieu à un « émiettement du contentieux » [26] lorsque plusieurs obligations sont litigieuses et que celles-ci doivent être exécutées à des endroits différents [27]. Comme le relève R. Jafferali, « [i]l en résulte, par exemple, qu'une action en livraison de marchandises et celle en paiement de leur prix devraient, en théorie, être portées devant des juges différents, […] ».

Dans certaines hypothèses, la Cour de justice a toutefois précisé sa jurisprudence de manière à limiter cette dispersion du contentieux.

Ainsi, en matière de contrats de travail, la Cour a franchement opté pour une concentration des actions dans son arrêt Ivenel du 26 mai 1982 [28]. La Cour a en effet décidé que l'obligation à prendre en considération en cas de demande fondée sur différentes obligations résultant d'un contrat de travail est celle qui « caractérise » le contrat.

Dans son arrêt Shenavai du 15 janvier 1987, la Cour a toutefois refusé d'étendre la solution de « l'obligation caractéristique » de l'arrêt Ivenel à d'autres types de contrats que les contrats de travail [29]. En effet, après avoir réaffirmé la solution Ivenel, la Cour a refusé d'utiliser la notion d'obligation caractéristique pour un contrat d'entreprise alors que l'espèce s'y prêtait: il s'agissait de l'élaboration d'un plan de construction d'un immeuble en Allemagne opéré par un architecte allemand qui demandait le paiement de ses honoraires par son client domicilié aux Pays-Bas. La Cour a refusé que la juridiction allemande du lieu d'exécution du contrat soit compétente, jugeant que s'agissant d'une action en recouvrement d'honoraires, il fallait identifier l'obligation contractuelle qui sert concrètement de base à la demande [30]. Par contre, dans le même arrêt, la Cour admet de concentrer le contentieux par application de la règle selon laquelle l'accessoire suit le principal [31]. Ainsi, lorsque le litige porte tant sur une obligation principale que sur une ou plusieurs obligations accessoires à cette obligation principale, c'est cette dernière qui établit la compétence juridictionnelle [32].

L'éclatement du contentieux qui résulte de la jurisprudence De Bloos est donc limité dans certains cas par des solutions relativement « ponctuelles » de la Cour de justice, que Georges A.L. Droz n'a pas hésité à qualifier de « bricolage » [33].

13.Une fois l'obligation qui sert de base à la demande précisément identifiée, restait à savoir comment déterminer le lieu d'exécution de cette obligation.

La Cour a tranché cette question à la même date que celle de l'arrêt De Bloos, à l'occasion d'un arrêt Tessili [34]. Plutôt que de donner une définition autonome du lieu d'exécution ou encore de laisser au juge le soin de déterminer lui-même où l'exécution avait eu ou devait avoir lieu, la Cour de justice a jugé que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande doit être déterminé en fonction de ce que prévoit le droit applicable au contrat, qui doit lui-même être déterminé au regard des règles de conflit de la lex fori.

Concrètement, le juge saisi doit d'abord déterminer la loi applicable au contrat en fonction de ses règles nationales de conflit de lois. Compte tenu du champ d'application universel du Règlement Rome I [35], c'est toujours au regard de cet instrument que les juges européens doivent déterminer la loi applicable au contrat. Une fois la loi applicable au contrat identifiée, le juge doit analyser les dispositions matérielles de cette loi afin de déterminer ce qu'elle prévoit s'agissant du lieu d'exécution de l'obligation litigieuse et vérifier que le lieu d'exécution indiqué par la lex contractus correspond bien au territoire de sa juridiction.

La Cour a légèrement assoupli le caractère rigide de l'arrêt Tessili en admettant dans son arrêt Zegler que le lieu d'exécution de l'obligation puisse être déterminé par les parties elles-mêmes [36]. Toutefois, les parties doivent dans ce cas être attentives à se référer à un lieu ayant un lien réel avec l'économie du contrat. S'il s'agit d'un lieu fictif, l'accord devient un choix d'élection de for qui doit répondre aux conditions de formes de l'article 23 du Règlement Bruxelles I ou de l'article 25 du Règlement Bruxelles Ibis [37].

14.Le système De Bloos-Tessili, développé sous l'empire de la Convention de Bruxelles, a fait l'objet de vives critiques. Il lui est tout d'abord reproché d'être trop complexe et trop abstrait dans la mesure où il impose un exercice périlleux de recherche de la loi applicable pour régler la question de la compétence. En outre, sachant qu'environ la moitié des droits nationaux européens prévoient que les dettes sont portables et non quérables, le système De Bloos-Tessili a pour conséquence d'aboutir fréquemment - surtout lorsque l'obligation qui sert de base à la demande est purement pécuniaire - à la compétence du juge du domicile du demandeur (« forum actoris »). Enfin, il entraîne souvent, et tout particulièrement lorsque le litige porte sur une obligation pécuniaire, la compétence d'un juge qui n'a que très peu de lien avec les faits litigieux, sachant que les liens pertinents se localisent au lieu d'exécution matériel du contrat, en somme au lieu d'exécution de la prestation caractéristique du contrat [38].

C'est notamment afin de limiter les effets de ce système, que lors de la transformation de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 en règlement européen, une des principales modifications apportées aux règles de compétence concernait le for contractuel [39]. L'alinéa b) de l'article 5, 1., du Règlement Bruxelles I (devenu art. 7, 1., b), du Règlement Bruxelles Ibis) a été ajouté pour déterminer les juges compétents pour les contrats de fourniture de services et de vente de marchandises.

Probablement consciente de la complexité du système De Bloos-Tessili et de l'éclatement du contentieux auquel il conduit, la Cour de justice a tendance à qualifier de plus en plus de contrats de « contrat de vente de marchandise » ou de « contrat de fourniture de services », de manière à les faire tomber sous le coup de l'article 5, 1., b), de Bruxelles I, devenu l'article 7, 1., b), de Bruxelles Ibis [40]. Pour ces deux catégories de contrats, cette disposition prévoit que le juge compétent pour toutes les demandes concernant le contrat est, selon le type de contrat, soit celui du lieu où « les marchandises ont été ou auraient dû être livrées », soit celui du lieu où « les services ont été ou auraient dû être fournis », étant précisé que les notions de « lieu de fourniture des services » et de « lieu de fourniture des marchandises » connaissent des définitions autonomes dans la jurisprudence de la Cour [41]. Le classement d'un contrat litigieux parmi les catégories de « contrat de fourniture de service » et de « contrat de fourniture de marchandise » permet d'éviter un éclatement du contentieux puisque toutes les demandes concernant un même contrat ainsi qualifié relèvent de la compétence d'un seul et même juge, identifié selon une notion définie de manière autonome.

3.2. L'identification du lieu d'exécution de l'obligation litigieuse dans la jurisprudence de la Cour de justice

15.La Cour de cassation belge a également eu l'occasion de se prononcer au sujet de l'identification du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande, et ce dans le cadre d'interprétations du for contractuel prévu par la Convention de Bruxelles.

Ainsi, dans un arrêt du 5 avril 1978 [42], la Cour de cassation a rappelé la jurisprudence De Bloos et notamment qu'« en ce qui concerne les actions en paiement d'indemnités complémentaires, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, d'après le droit applicable au contrat, il s'agit d'une obligation contractuelle autonome ou d'une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée ». Sur la base de cette considération et du constat que le droit applicable au contrat était le droit belge, la Cour de cassation a jugé qu'en matière de concession de vente exclusive, la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée ne conçoit pas le paiement d'une indemnité de résiliation comme une obligation autonome « mais [comme] une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée de donner un préavis raisonnable ». Jugeant en outre que l'obligation de donner un préavis raisonnable ne constitue elle-même que la continuation de l'obligation principale de respecter l'exclusivité du concessionnaire qui en l'espèce devait s'exécuter en Belgique, la Cour de cassation a considéré que l'obligation de payer une indemnité de résiliation était également exécutable en Belgique. La Cour a donc décidé qu'en matière de concession de vente exclusive, l'obligation de paiement d'une indemnité de résiliation n'était que secondaire par rapport à l'obligation principale du concédant de respecter l'exclusivité du concessionnaire.

16.Beaucoup plus récemment, la Cour de cassation de Belgique a rendu un nouvel arrêt concernant l'identification du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande au sens de la Convention de Bruxelles [43]. La solution retenue par la Cour dans ce dernier arrêt est très loin de celle adoptée en 1978.

Dans cette affaire qui concernait un contrat de transport maritime, la Cour a jugé que « [l]'exécution d'un contrat de transport maritime comprend un ensemble de services qui ne peuvent être scindés, comme par exemple le chargement et l'arrimage des marchandises, leur transport jusques et y compris le déchargement dans le port de destination, de sorte que tant le lieu de chargement que le lieu de déchargement doivent être pareillement considérés comme les lieux où les obligations qui font l'objet du contrat de transport maritime sont exécutées. Il s'ensuit que le demandeur a le choix de citer le transporteur maritime devant la juridiction du ressort dans lequel se situe un de ces lieux ».

La Cour de cassation a manifestement élaboré cette décision en s'inspirant de l'arrêt Rehder [44] de la Cour de justice, dans lequel cette dernière a jugé qu'en cas de transport aérien de personnes d'un Etat membre à destination d'un autre Etat membre, effectué sur le fondement d'un contrat conclu avec une seule compagnie aérienne qui est le transporteur effectif, le tribunal compétent pour connaître d'une demande d'indemnisation fondée sur ce contrat de transport est celui, au choix du demandeur, dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d'arrivée de l'avion, tels que ces lieux sont convenus dans ledit contrat [45].

La Cour de cassation belge semble toutefois avoir perdu de vue que l'arrêt Rehder a été rendu par la Cour de justice dans le cadre d'une interprétation de l'article 5, 1., b), du Règlement Bruxelles I, c'est-à-dire au bénéfice d'une interprétation du for contractuel spécialement prévu en matière de fourniture de services.

En outre, en décidant qu'en matière de transport maritime, l'action peut être introduite soit au lieu de chargement soit au lieu de déchargement des marchandises, la Cour de cassation a concentré le litige en matière de transport maritime au lieu de la (ou des) prestation(s) caractéristique(s). Ce faisant, la Cour de cassation a pris une position contraire à l'arrêt Shenavai de la Cour de justice, dans lequel celle-ci a expressément exclu que le lieu de l'obligation qui sert de base à la demande puisse être localisé au lieu d'exécution de la prestation caractéristique du contrat [46].

3.3. Analyse du jugement commenté à la lumière des jurisprudences de la C.J.U.E. et de la Cour de cassation

17.Pour en revenir à la décision commentée, force est de constater que le tribunal de commerce francophone de Bruxelles s'est départi - sans s'en expliquer - tant de la jurisprudence de la Cour de justice que de celle de la Cour de cassation en optant pour une interprétation factuelle et autonome.

En effet, le tribunal de commerce a tout d'abord considéré que l'obligation litigieuse qui servait de base à la demande n'était pas, comme le prétendait la demanderesse, l'obligation du licencié chinois de payer la facture émise par la demanderesse, mais « l'obligation de payer une indemnité pour la résiliation du contrat ». Le tribunal de commerce de Bruxelles a notamment justifié cette position par le fait que le contrat ne pouvait plus être exécuté et que « seuls des dommages et intérêts pour rupture du contrat au tort du cocontractant [pouvaient] être réclamés ».

S'agissant du lieu d'exécution de l'obligation de paiement de l'indemnité de rupture, le tribunal s'est contenté de constater l'absence de disposition contractuelle le précisant et l'accord des parties sur le principe de quérabilité des dettes. De cette façon, le tribunal s'est épargné de rechercher quel était, selon le Règlement Rome I, la loi applicable au contrat et ce que prévoyait cette loi s'agissant de la portabilité ou de la quérabilité des dettes.

En application du principe de quérabilité des dettes, le tribunal de commerce francophone de Bruxelles a jugé que l'obligation de paiement de l'indemnité de rupture réclamée par la demanderesse était localisée en Chine et s'est déclaré incompétent.

18.Il ressort de cette décision que le tribunal de commerce francophone de Bruxelles a totalement ignoré la jurisprudence De Bloos avec laquelle un parallèle s'imposait pourtant de manière évidente. A suivre cette jurisprudence, la juridiction belge aurait dû justifier le caractère autonome de l'obligation de paiement d'une indemnité de rupture, par rapport à l'obligation de paiement de la facture non réglée qui était à l'origine de la résiliation.

A cet égard, la lecture de l'article 11 du contrat de licence (reproduit dans le jugement) prévoyait clairement un « effet domino » du non-paiement d'une facture échue par le licencié chinois; cette absence de paiement déclenchait automatiquement la résiliation du contrat, qui à son tour déclenchait automatiquement le paiement de l'indemnité de rupture. A notre sens, il ressortait clairement de cette disposition contractuelle que les parties avaient envisagé le paiement de l'indemnité de rupture comme secondaire par rapport à l'obligation principale et autonome de paiement des factures émises par la société belge. Or, comme exposé ci-dessus (voy. n° 8), on devine que l'obligation de paiement de la facture en cause devait, selon les dispositions contractuelles, être exécutée en Belgique. Une juste application du système De Bloos-Tessili - auquel les travaux parlementaires du Code D.I.P. renvoient [47] - aurait donc sans doute dû mener à fonder la compétence internationale du tribunal de commerce francophone de Bruxelles sur l'article 96 du Code D.I.P.

Et quand bien même le tribunal de commerce francophone de Bruxelles n'aurait pas été convaincu que le contrat liait l'obligation de paiement de la facture non honorée à l'obligation de paiement d'une indemnité de rupture par un lien de principal à secondaire, encore aurait-il dû rechercher, selon la jurisprudence De Bloos, si le droit applicable au contrat selon son droit national (c'est-à-dire selon le Règlement Rome I compte tenu de son champ d'application universel) envisageait l'obligation de paiement de l'indemnité de rupture comme secondaire par rapport à l'obligation principale de paiement de la facture à l'origine de la rupture. Sur ce point, le tribunal de commerce de Bruxelles aurait dû procéder à une analyse identique au raisonnement tenu par la Cour de cassation dans son arrêt de 1978 évoqué ci-dessus.

Cette décision tend probablement à démontrer à quel point la complexité et le caractère abstrait du système De Bloos-Tessili rend grande la tentation pour les juridictions des Etats membres de l'ignorer (consciemment ou inconsciemment) et d'opter pour une approche plus factuelle.

19.On relèvera encore que la décision commentée ne suit pas davantage la jurisprudence développée par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 janvier 2011, qui consiste à concentrer le litige au lieu d'exécution de la prestation caractéristique du contrat. Il convient toutefois de relever qu'outre que cette jurisprudence de cassation est critiquable, la référence au lieu de la prestation caractéristique du contrat a été développée tant par la Cour de justice que par la Cour de cassation, à l'occasion de litiges portant sur des contrats qualifiés de contrats de prestations de services. Or, en l'espèce, l'affaire concernait un contrat de licence, dont la qualification de « contrat de fourniture de services » n'est pour le moins pas évidente et a d'ailleurs été expressément rejetée par la Cour de justice dans son arrêt Falco [48].

4. Les conditions de recours au for de nécessité telles que prévues par l'article 11 du CODIP

20.A titre subsidiaire, la société demanderesse belge sollicitait que le tribunal fonde sa compétence sur l'article 11 du CODIP, qui a introduit en droit belge le « for de nécessité ». Cette disposition permet à toute partie impliquée dans une cause présentant un lien étroit avec la Belgique de saisir le juge belge au motif que la poursuite d'une procédure à l'étranger s'avère impossible ou déraisonnable. Cette disposition tend à incorporer le droit d'accès à un juge consacré par l'article 6, § 1er, de la Convention européenne des Droits de l'Homme et à éviter les situations de déni de Justice [49].

21.Le tribunal a correctement rappelé que le recours à ce for d'exception nécessitait la démonstration de deux conditions cumulatives: (i) le fait que la cause présente des liens étroits avec la Belgique, et (ii) le fait que la poursuite d'une procédure à l'étranger, en l'espèce à Hong Kong, s'avérerait impossible ou déraisonnable.

22.Au moment d'apprécier l'étroitesse des liens qu'entretenait la cause avec le territoire belge, le tribunal a dédoublé cette première condition. S'inspirant peut-être de la clause d'exception en matière de loi applicable inscrite à l'article 19 du Code D.I.P., le tribunal a en effet constaté non seulement de faibles liens avec la Belgique mais surtout des liens plus étroits avec un autre pays [50]. Ainsi, avant de constater que le seul lien que présentait la cause avec la Belgique était la nationalité belge du concédant, le tribunal a relevé que (i) le contrat avait été fait à Paris et prévoyait des réunions de collection ainsi que l'ouverture par le licencié d'une boutique dans cette même ville, (ii) la marque « T » était localisée en France et exploitée par une société de droit français établie à Paris, (iii) la marque « T » était membre de la Fédération française de haute Couture, et que (iv) les droits d'exploitation de la marque « T » sur le territoire chinois avaient été concédés par une société française à la demanderesse pour que celle-ci les concède à son tour à la défenderesse, et ce pour des motifs exclusivement fiscaux.

En effectuant une balance entre les liens que présentait la cause avec la Belgique et ceux qu'elle présentait avec d'autres pays (et en particulier avec la France), le tribunal de commerce de Bruxelles a ajouté à l'article 11 du Code D.I.P. une condition qu'il ne contient pas.

En outre, une autre approche, peut-être plus respectueuse de l'intention du législateur belge était envisageable. En effet, les travaux préparatoires du Code D.I.P. mentionnent qu'un ressortissant belge établi à l'étranger pourrait agir en Belgique sur la base de l'article 11 du Code D.I.P. lorsque, par exemple, un changement de son statut personnel lui est impossible en raison de difficultés politiques [51]. Comme suggéré par A. Nuyts, « on peut ainsi penser que la nationalité belge du demandeur, ou son domicile, ou sa résidence habituelle en Belgique devrait suffire à établir l'existence du lien étroit avec la Belgique » [52]. Pour autant, l'article 11 du Code D.I.P. n'instaurerait pas la compétence exorbitante du demandeur dans la mesure où, outre les liens étroits avec la Belgique, cette disposition requière la démonstration par le demandeur que la saisine du for étranger s'avère impossible et déraisonnable [53]. De manière à développer une approche la plus souple possible de l'article 11 du Code D.I.P. et dès lors à assurer dans toute la mesure du possible le droit d'accès à un tribunal en Belgique, le tribunal de commerce aurait dû considérer que la condition des liens étroits avec la Belgique était rencontrée par la seule nationalité de la société demanderesse, tout en examinant, dans un second temps, si l'accès au for étranger était réellement impossible ou déraisonnable - comme il l'a d'ailleurs fait après avoir exclu que la cause présente des liens étroits avec la Belgique (voy. infra).

23.Les conditions de l'article 11 du Code D.I.P. étant cumulatives [54], le tribunal aurait pu décliner sa compétence immédiatement après avoir exclu que la cause puisse présenter des liens étroits avec le Belgique. Celui-ci est toutefois allé plus loin et a examiné la difficulté que représentait pour la société belge la poursuite d'une procédure à Hong Kong.

La demanderesse prétendait qu'en cas d'assignation devant les tribunaux de Hong Kong, elle pourrait être contrainte de verser sous séquestre une somme équivalente au montant de sa demande, soit de 20.500.000 EUR, ce que ses moyens financiers ne lui permettaient pas.

Il est à noter que les travaux préparatoires du Code D.I.P. citent le cas où les coûts qui seraient engendrés par la procédure étrangère, compte tenu des éléments de localisation de la situation, seraient « hors de proportion » avec les intérêts financiers en litiges. Une telle disproportion serait de nature à établir qu' « il serait déraisonnable d'exiger une action à l'étranger » [55]. Cette hypothèse doit toutefois être appréciée strictement dans la mesure où l'introduction d'une procédure à l'étranger engendre le plus souvent un surcoût qui ne peut, en lui-même, justifier la saisine du juge belge. Plus que de savoir si la procédure étrangère engendrera un surcoût pour le demandeur, la question est de savoir si ce surcoût est de nature à rendre impossible l'accès effectif au for étranger [56].

En l'espèce, le tribunal de commerce a toutefois considéré, au terme d'un examen de trois avis de cabinets d'avocats chinois produits par les parties, que le concédant belge n'établissait pas que la poursuite d'une procédure à Hong Kong s'avérait impossible ou déraisonnable. En conséquence, le juge belge s'est déclaré sans juridiction pour connaître de l'affaire.

L'appréciation que le juge belge a faite de la seconde condition imposée par l'article 11 peut sembler sévère. Elle constitue toutefois une juste application du caractère exceptionnel du for de nécessité, qui doit avoir pour conséquence de faire peser la charge de la preuve sur celui qui l'invoque. C'est en effet à celui qui saisit le for belge plutôt que le for étranger qu'il doit appartenir d'apporter la preuve, par des éléments précis, que l'accès au for étranger est impossible ou déraisonnable [57].

On relèvera que cette décision constitue une des rares décisions rendues par les juridictions belges au sujet du recours au for de nécessité en matière commerciale. C'est en effet le plus souvent en matière familiale que les parties proposent de fonder la compétence du juge belge sur l'article 11 du Code D.I.P. [58].

[1] Avocate au barreau de Bruxelles et assistante à l'Université Libre de Bruxelles.
[2] Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privée (M.B., 27 juillet 2004, p. 57.344).
[3] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (J.O., L. 012, 16 janvier 2001, pp. 1-23) (ci-après, « Règlement Bruxelles I »).
[4] Cette refonte a donné lieu au Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (J.O., L. 351, 20 décembre 2012, pp. 1-32) (ci-après, « Règlement Bruxelles Ibis »).
[5] La Cour de justice a consacré le principe de primauté du droit de l'Union dans son arrêt Costa / Enel (C.J.U.E., 15 juillet 1964, C-6/64, Costa / Enel; confirmé et précisé par C.J.U.E., 9 mars 1978, C-106/77, Administration des finances de l'Etat / S.A. Simmenthal). En droit interne, la primauté des normes de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne sur les normes de droit interne a été consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt Le Ski (Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, I, p. 886).
[6] Voy. l'art. 1er du Règlement Bruxelles I, ainsi que l'art. 1er du Règlement Bruxelles Ibis qui délimitent le champ d'application matériel de ces instruments. Pour quelques commentaires relatifs aux champs d'application matériel de ces instruments, voy. S. Francq, « La refonte du Règlement Bruxelles I. Champ d'application et compétence », R.D.C.., 2013, pp. 307 et s., spéc. pp. 320-322; R. Jafferali, « Le Règlement Bruxelles I dans la jurisprudence des cours suprêmes (2010-2012). Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Royaume-Uni », R.D.C., 2013, pp. 360-362; H. Boularbah, S. Francq, A. Nuyts, J.-L. Van Boxstael, J.-F. Van Drooghenbroeck et P. Wautelet, « De Bruxelles I à Bruxelles Ibis », J.T., 2015, pp. 89-92; E. Guinchard (dir.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 13-38.
[7] On rappellera que les champs d'application des Règlements Bruxelles I et Bruxelles Ibis se définissent également d'un point de vue temporel. Le Règlement Bruxelles I est en principe applicable aux actions judiciaires introduites après le 1er mars 2002 et aux actes authentiques reçus postérieurement à cette date (art. 66, 1. du Règlement Bruxelles I). Le Règlement Bruxelles Ibis est quant à lui applicable aux actions introduites à partir du 10 janvier 2015, comme aux actes authentiques dressés ou enregistrés ou aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à partir de cette date (art. 66, 1. du Règlement Bruxelles Ibis).
[8] La notion de domicile est définie par les articles 59 et 60 du Règlement Bruxelles I.
[9] S. Francq, « La refonte du Règlement Bruxelles I. Champ d'application et compétence », o.c., pp. 311-312.
[10] Art. 22, 1., Règlement Bruxelles Ibis.
[11] On relèvera que l'attitude que doit adopter le juge d'un Etat membre à l'égard d'une clause désignant un état tiers est controversée. La question de l' « effet réflex » de l'article 23 (devenu art. 25 du Règlement Bruxelles Ibis) et de savoir si une juridiction d'un Etat membre saisie sur la base des compétences générales définies par ce règlement doit décliner sa compétence lorsqu'une juridiction d'un état tiers dispose d'une compétence exclusive en vertu d'une clause d'élection de for la désignant a fait couler beaucoup d'encre. Pour un état de cette question, voy. S. Francq, « Les clause d'élection de for dans le nouveau Règlement Bruxelles I bis », in E. Guinchard et al. (dirs.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 111-117 et les références citées par cette auteur.
[12] C.J.U.E., 13 juillet 2000, C-412/98, Group Josi Reinsurance Company / Universal General Insurance Company, point 44.
[13] En ce sens, voy. P. Franzina, « L'universalisation partielle du régime européen de la compétence en matière civile et commerciale dans le Règlement Bruxelles Ibis: une mise en perspective », in E. Guinchard et al. (dirs.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 55.
[14] O.c.
[15] C.J.U.E., 24 juin 1981, C-150/80, Elefanten Schuh GmbH / Pierre Jacqmain.
[16] Dans l'affaire commentée, l'action judiciaire avait été intentée en 2013, de sorte que d'un point de vue temporel il était clair que le Règlement Bruxelles Ibis ne pouvait trouver à s'appliquer.
[17] A ce sujet, voy. S. Francq, « La refonte du Règlement Bruxelles I. Champ d'application et compétence », R.D.C., 2013, p. 307, spéc. pp. 311 à 320, ainsi que Guinchard pp. 63 et s; ainsi que P. Franzina, « L'universalisation partielle du régime européen de la compétence en matière civile et commerciale dans le Règlement Bruxelles Ibis: une mise en perspective », o.c., p. 39.
[18] Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Refonte), COM(2010), 748 final, accessible à l'adresse suivante: www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2010)0748_/com_com(2010)0748_fr.pdf, Exposé des motifs, point 3.1.2.
[19] H. Boularbah, S. Francq, A. Nuyts, J.-L. Van Boxstael, J.-F. Van Drooghenbroeck et P. Wautelet, « De Bruxelles I à Bruxelles Ibis », J.T., 2015, p. 89, spéc. p. 90.
[20] Pour un commentaire de l'art. 96 du Code D.I.P., voy. T. Kruger, « Artikel 96. Internationale bevoegdheid inzake contractuele en niet-contractuele verbintenissen », in J. Erauw et al., Het Wetboek Internationaal Privaatrecht becommentarieerd - Le Code de droit international privé commenté, Anvers, Intersentia, 2006, p. 489.
[21] Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (J.O., L. 299, 31 décembre 1972, pp. 32-42).
[22] H. Born, M. Fallon et J.-L. Van Boxstael, Droit judiciaire international - Chronique de jurisprudence 1991-1998, Bruxelles, Larcier, 2001, pp. 563-570 et les décisions citées par ces auteurs.
[23] Proposition de loi du 20 avril 2004 portant le Code de droit international privé, Doc., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/7, pp. 170 et s.
[24] C.J.U.E., 6 octobre 1976, C-14/76, A. De Bloos, SPRL / Société en commandite par actions Bouyer, point 13.
[25] C.J.U.E., 6 octobre 1976, C-14/76, A. De Bloos, SPRL / Société en commandite par actions Bouyer, point 17.
[26] G. Lardeux, « Section 1 - la détermination objective de la juridiction compétente », in Droit international privé des obligations contractuelles, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 57.
[27] Cet émiettement du contentieux est d'autant plus avéré que ni la Convention de Bruxelles, ni le Règlement Bruxelles I(bis) n'ont fait de la connexité un critère général de compétence qui aurait permis de regrouper les actions fondées sur un même rapport contractuel.
[28] C.J.U.E., 26 mai 1982, C-133/81, Roger Ivenel / Helmut Schwab.
[29] C.J.U.E., 15 janvier 1987, C-266/85, Shenavai.
[30] Ibid., points 16 à 18.
[31] Ibid., point 19.
[32] Notez qu'en revanche, si le juge estime que les obligations en litige sont d'importance équivalente, il ne doit se déclarer compétent qu'à l'égard de la demande fondée sur l'obligation dont l'exécution doit intervenir sur son territoire. Sur ce point, voy. R. Jafferali, « Le Règlement Bruxelles I dans la jurisprudence des cours suprêmes (2010-2012) - Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Royaume-Uni », o.c., p. 367 et G. Lardeux, « Section 1 - la détermination objective de la juridiction compétente », o.c., pp. 57-59.
[33] G.A.L. Droz, « Delendum est forum contractus? », D., 1997, Chron, p. 351.
[34] C.J.U.E., 6 octobre 1976, C-12/76, Industrie Tessili Italiana Como / Dunlop AG.
[35] Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (J.O., L. 177, 4 juillet 2008, pp. 6-16).
[36] C.J.U.E., 17 janvier 1980, C-56/79, Zegler / Salinitri, point 5.
[37] C.J.U.E., 20 février 1997, C-106/95, MSG / Les Gravières Rhénanes, points 30 et 35.
[38] G.A.L. Droz, « Delendum est forum contractus? », D., 1997, Chron., p. 351; V. Heuzé, « De quelques infirmités congénitales du droit uniforme: l'exemple de l'article 5,1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », R.C.D.I.P., 2000, p. 595; F. Cornette, « La nécessaire modification ou suppression de l'article 7, 1., du Règlement Bruxelles Ibis relatif au for contractuel dans un futur Règlement Bruxelles Iter? », in E. Guinchard (dir.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 335; G. Lardeux, « Section 1 - la détermination objective de la juridiction compétente », o.c., p. 55.
[39] V. Heuzé, « De quelques infirmités congénitales du droit uniforme: l'exemple de l'article 5, 1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., pp. 622 et s.; F. Cornette, « La nécessaire modification ou suppression de l'article 7, 1., du Règlement Bruxelles Ibis relatif au for contractuel dans un futur Règlement Bruxelles Iter? », o.c., p. 357; G. Lardeux, « Section 1 - la détermination objective de la juridiction compétente », o.c., p. 66.
[40] Voy. p. ex. l'arrêt C.J.U.E., 19 décembre 2013, C-9/12, Corman-Collins SA / La Maison du Whisky SA, dans lequel la Cour de justice a qualifié un contrat de concession de vente de contrat de fourniture de service. Il n'était en effet pas évident qu'un contrat de concession de vente implique la prestation d'une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération (critères dégagés par la Cour de justice dans son arrêt Falco (C.J.U.E., 23 avril 2009, C-533/07, Falco Privatstiftung et Rabitsch / Weller-Lindhorst) pour délimiter la notion de « contrat de fourniture de services »); pour un commentaire de l'arrêt Corman-Collins, voy. P. Kileste et C. Staudt, « Observations. Jurisprudence récente relative aux règles de droit international privé applicables aux contrats de distribution: arrêts Corman-Collins et Unamar », J.L.M.B., 2015, p. 397. Sur la manière dont la Cour de justice étend le domaine du point b) de l'article 5, 1., du Règlement Bruxelles I, quitte à élaborer de nouvelles règles de droit privé matériel, voy. S. Franc, E. Alvarez Armas et M. Deschamps, « L'actualité de l'article 5, 1., du Règlement Bruxelles I. Evaluation des premiers arrêts interprétatifs portant sur la disposition relative à la compétence judiciaire internationale en matière contractuelle », R.D.C., 2012, p. 127, spéc. pp. 130-132.
[41] C.J.U.E., 9 juillet 2009, C-204/08, Rehder / Air Baltic Corporation, point 33; C.J.U.E., 25 février 2010, C-381/08, Car Trim GmbH / KeySafety Systems Srl, points 49 et 53; C.J.U.E., 11 mars 2010, C-19/09, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, point 23.
[42] Cass., 5 avril 1978, Pas., 1978, I, p. 871.
[43] Cass., 7 janvier 2011, R.A.B.G., 2011, p. 836.
[44] C.J.U.E., 9 juillet 2009, C-204/08, Rehder / Air Baltic Corporation.
[45] En ce sens, voy. la note critique de J. Van Doninck et B. Volders, « Internationale bevoegdheid inzake zeevervoer: het Hof van Cassatie als revisierechter? », R.A.B.G., p. 847, spéc. p. 851.
[46] En ce sens, voy. R. Jafferali, « Le Règlement Bruxelles I dans la jurisprudence des cours suprêmes (2010-2012) - Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Royaume-Uni », o.c., p. 368.
[47] Proposition de loi du 20 avril 2004 portant le Code de droit international privé, Doc., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/7, pp. 170 et s.
[48] C.J.U.E., 23 avril 2009, C-533/07, Falco Privatstiftung et Rabitsch / Weller-Lindhorst, points 29 à 33.
[49] Proposition de loi portant le Code de droit international privé, rapport au Sénat du 20 avril 2004, Doc., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/7, p. 31; pour un commentaire de l'article 11 du Code D.I.P., voy. A Nuyts, « Article 11 - Attribution exceptionnelle de compétence internationale », in J. Erauw et al., Het Wetboek Internationaal Privaatrecht becommentarieerd - Le Code de droit international privé commenté, o.c., p. 64; pour une étude concernant plus largement le « rattachement de nécessité », voy. M. Fallon, « Le rattachement de nécessité des situations juridiques internationales en matière civile et commerciale », in R. Jafferali (dir.), Liber amicorum Nadine Watté, Bruxelles, Bruylant 2017, p. 175.
[50] Sur l'art. 19 du Code D.I.P., voy. J. Meeussen, « Artikel 19. Uitzonderingsclausule », in J. Erauw et al., Het Wetboek Internationaal Privaatrecht becommentarieerd - Le Code de droit international privé commenté, o.c., p. 102.
[51] Proposition de loi portant le Code de droit international privé, rapport au Sénat du 20 avril 2004, Doc., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/7, p. 31.
[52] A Nuyts, « Article 11. Attribution exceptionnelle de compétence internationale », o.c., p. 68.
[53] O.c.
[54] O.c., p. 66; C. Henricot, « Le for de nécessité de l'article 11 du Code D.I.P.: premières illustrations jurisprudentielles en divorce », R.T.D.F., 2012, p. 369.
[55] Proposition de loi du 7 juillet 2003 portant le Code de droit international privé, Doc., Sénat, S.E. 2003, n° 3-27/1, p. 36.
[56] A Nuyts, « Article 11. Attribution exceptionnelle de compétence internationale », o.c., p. 67.
[57] O.c., p. 69.
[58] Voy. p. ex. C. Roussieau, « La dissolution du mariage d'un couple de même sexe en droit international privé: examen à lumière d'un cas pratique », Rev. not. b., 2016, p. 662; C. Henricot, « Le for de nécessité de l'article 11 du Code de DIP: premières illustrations jurisprudentielles en divorce », R.T.D.F., 2012, p. 369.