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Actualité : Cour de cassation, 14/09/2017, C.16.0273.N, R.D.C.-T.B.H., 2018/1, p. 109-110

Cour de cassation 14 septembre 2017

Affaire: C.16.0273.N
ASSURANCES
Assurances terrestres - Contrat d'assurance en général - Etendue de la couverture - Sinistre intentionnel - Dommage causé sciemment et volontairement


VERZEKERINGEN
Landverzekering - Landverzekeringscontract in het algemeen - Omvang van de dekking - Opzettelijk schadegeval - Vrijwillig en bewust schade toebrengen


L'arrêt du 14 septembre 2017 de la Cour de cassation pose la question de l'interaction entre l'article 1386bis du Code civil [1] et l'article 62, alinéa 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances [2] (ancien art. 8 de la loi du 25 juin 1992 relative au contrat d'assurance terrestre).

Une personne frappe à coups de couteaux quatre personnes. Deux éléments sont requis pour que l'assureur puisse refuser sa garantie sur base de l'article 62: contrôle de ses actes par l'auteur au moment des faits [3] et volonté de causer un dommage.

En effet, par son arrêt du 24 avril 2009, la Cour de cassation a adopté une définition restrictive du fait intentionnel visé par l'article 62: « un sinistre a été causé intentionnellement au sens de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, lorsque l'assuré a agi sciemment et a volontairement causé un dommage. Pour l'application de cette disposition, il n'est pas requis que l'assuré ait eu l'intention de causer le dommage tel qu'il s'est produit » [4].

Il y a donc fait intentionnel lorsque l'assuré a agi sciemment et a eu l'intention de causer un dommage (mais pas nécessairement le dommage tel qu'il s'est produit). Par son arrêt du 23 février 2017, la Cour de cassation rappelle que le dommage voulu doit être couvert par le contrat [5].

C'est logiquement à l'assureur qui invoque le fait intentionnel pour refuser sa couverture de démontrer que le sinistre a été causé intentionnellement.

Toutefois dans le cas d'espèce, cette preuve ne devait être rapportée que lors d'une seconde phase. La charge de preuve reposait dans une première phase sur les victimes dans la mesure où elles invoquaient l'article 1386bis du Code civil. Il leur appartenait dès lors, en application de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, de démontrer que la personne ayant causé le dommage était, au moment des faits, dans un état de trouble mental grave ou de démence qui la rendait inapte au contrôle de ses actes.

La Cour de cassation rejette dès lors le pourvoi des victimes basé sur l'argument selon lequel, en raison de l'incertitude qui subsistait sur le fait que l'auteur des faits contrôlait ou non ses actes, la charge de la preuve reposait sur l'assureur et qu'il appartenait à celui-ci de démontrer que son assuré contrôlait ses actes, première étape dans la démonstration d'un sinistre causé intentionnellement.

[1] Selon l'art. 1386bis du Code civil, « lorsqu'une personne atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, cause un dommage à autrui, le juge peut la condamner à tout ou partie de la réparation à laquelle elle serait astreinte si elle avait le contrôle de ses actes. Le juge statue selon l'équité, tenant compte des circonstances et de la situation des parties ».
[2] En application de l'art. 62, al. 1er, de la loi du 4 avril 2014, nonobstant toute convention contraire, « l'assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre ».
[3] Cass., 12 février 2008, R.D.C., p. 773.
[4] Cass., 24 avril 2009, note H. Cousy, « Opzettelijke veroorzaking van het schadegeval: orde op zaken? », R.D.C., 2010, p. 56. Le professeur Dubuisson fait observer que « les termes 'volontairement et sciemment' sont chargés de sens. Ils doivent être distingués (...) de 'libre et consciemment'. (...) On ne saurait imputer une faute civile à une personne si celle-ci ne dispose pas de la capacité de discernement. (...) Ces termes doivent s'entendre au sens premier, ils supposent une réflexion et une délibération » (B. Dubuisson, « La faute intentionnelle en droit des assurances. L'éclairage du droit pénal », R.G.A.R., 2010, n° 10); Cass., 26 octobre 2011, n° F-2011026-4 (P.11.0561.F).
[5] Cass., 23 février 2017, n° F-20170223-7 (C.15.0243.F).