VENNOOTSCHAPPEN
Besloten vennootschappen met beperkte aansprakelijkheid - Eenpersoonsvennootschap - Vereniging van aandelen in één hand - Gevolgen - Schulden van de vennootschap - Hoofdelijke aansprakelijkheid - Hoofdelijke borgstelling
Uit artikel 213, § 2, eerste en tweede lid van het Wetboek Vennootschappen blijkt dat de oprichter-rechtspersoon van een besloten vennootschappen met beperkte aansprakelijkheid hoofdelijk aansprakelijk is voor alle sociale schulden zolang hij de enige vennoot blijft en dat, indien de enige vennoot van dergelijke vennootschap een rechtspersoon is en binnen een jaar geen nieuwe vennoot wordt opgenomen in de vennootschap, de enige vennoot geacht wordt hoofdelijk borg te staan voor alle sociale schulden ontstaan na de vereniging van alle aandelen in één enkel hand.
In beide gevallen is de enige vennoot-rechtspersoon gehouden ten aanzien van alle schuldeisers, maar is de omvang van die gehoudenheid beperkt tot de schulden ontstaan in een bepaalde periode.
FAILLISSEMENT
Beheer van het faillissement - Algemeen - Curator - Algemene opdracht - Rechten om op te treden tegen een derde
De noodzaak van een efficiënte afwikkeling van het faillissement en de gelijke behandeling van de schuldeisers, maken dat de curator gerechtigd is de vorderingsrechten uit te oefenen tegen een derde (de enige vennoot-rechtspersoon) die heeft in te staan voor de schulden van de gefailleerde (besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid) wanneer die gehoudenheid bestaat tegenover alle schuldeisers, ook al behoren die vorderingsrechten niet toe aan de gefailleerde.
De gehoudenheid tegenover alle schuldeisers bestaat, ook al is de omvang van die gehoudenheid beperkt in de tijd.
Hieruit volgt dat de curator zijn vorderingsrecht kan uitoefenen zowel t.a.v. de oprichter-rechtspersoon van een uit één persoon bestaande besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid die hoofdelijk aansprakelijk is voor de sociale schulden als t.a.v. de rechtspersoon die hoofdelijk geacht wordt borg te staan voor de sociale schulden van de besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid waarvan ze enige vennoot wordt.
|
SOCIÉTÉS
Sociétés privées à responsabilité limitée - Société unipersonnelle - Réunion des parts en une seule main - Effets - Dettes de la société - Responsabilité solidaire - Caution solidaire
Il ressort de l'article 213, § 2, alinéas 1er et 2, du Code des sociétés que le fondateur personne morale d'une société privée à responsabilité limitée est responsable solidairement de toutes les dettes sociales aussi longtemps qu'il reste associé unique et que si l'associé unique d'une telle société est une personne morale et qu'un nouvel associé n'est pas entré dans la société dans un délai d'un an, l'associé unique est réputé caution solidaire de toutes les dettes sociales nées après la réunion de toutes les parts en une seule main.
Dans les deux cas, l'associé unique personne morale est responsable à l'égard de tous les créanciers mais l'étendue de son obligation est limitée aux dettes nées au cours d'une période déterminée.
FAILLITE
Administration de la faillite - Généralités - Curateur - Mission générale - Droits d'agir contre un tiers
La nécessité d'un règlement efficace de la faillite et l'égalité de traitement des créanciers impliquent que le curateur puisse agir contre un tiers (l'associé unique personne morale) qui doit répondre des dettes du failli (société privée à responsabilité limitée) lorsque cette obligation existe à l'égard de tous les créanciers, même si ce droit d'agir n'appartient pas au failli.
L'obligation à l'égard de tous les créanciers existe même si l'étendue de celle-ci est limitée dans le temps.
Il s'ensuit que le curateur est en droit d'agir tant à l'égard de la personne morale fondateur d'une société privée à responsabilité unipersonnelle responsable solidairement des dettes sociales qu'à l'égard de la personne morale réputée caution solidaire des dettes sociales de la société privée à responsabilité limitée dont elle devient associée unique.
|
1.L'article 213, § 2, du Code des sociétés énonce deux exceptions importantes à la responsabilité limitée des associés d'une société privée à responsabilité limitée découlant du principe traditionnel selon lequel, dans l'état actuel de notre droit positif (sur les évolutions probables de celui-ci, voy. infra n° 6), une société doit, sauf exception, compter deux associés (art. 1er C. soc.) [2].
L'alinéa 1er de cette disposition, qui s'applique lors de la constitution d'une société privée à responsabilité limitée, rend la personne morale fondateur unique d'une telle société « responsable solidairement » « de tous les engagements souscrits aussi longtemps que la société ne compte comme associé unique que la personne morale ayant constitué seule la société ». Le bénéfice de la responsabilité limitée dans une société privée à responsabilité limitée unipersonnelle est ainsi réservé aux associés personnes physiques. L'alinéa 2, qui s'applique en cours de vie sociale, prévoit que lorsqu'une telle société ne compte plus qu'un associé personne morale et que, dans un délai d'un an, un second associé n'est pas entré dans le capital ou que la société n'est pas dissoute, l'associé unique est réputé « caution solidaire » « de toutes les obligations de la société nées après la réunion de toutes les parts entre ses mains jusqu'à l'entrée d'un nouvel associé dans la société ou la publication de sa dissolution » [3].
Apparemment fort proches, les deux exceptions reposent néanmoins sur des mécanismes juridiques aux effets différents: les codébiteurs solidaires (première exception) sont en principe tenus à titre principal [4] tandis que la caution (à laquelle se réfère la seconde exception) conserve un caractère subsidiaire, même lorsqu'elle est solidaire [5].
2.Par son arrêt du 16 septembre 2016 [6], la Cour de cassation décide que, dans les deux cas, l'associé unique est tenu solidairement à l'égard de tous les créanciers mais que l'étendue de cette obligation est limitée aux dettes nées pendant la période durant laquelle les parts sont réunies en une seule main. Autrement dit, tous les créanciers bénéficient de la solidarité (et non pas uniquement ceux dont la dette est née pendant la période durant laquelle toutes les parts sont réunies en une seule main) mais le quantum de la responsabilité solidaire est limité au montant des dettes nées pendant cette période.
Tel est le premier enseignement de l'arrêt. Il ne s'imposait pas avec évidence au regard du texte de l'article 213, § 2. Les quelques auteurs qui avaient examiné la question considéraient généralement que la solidarité ne bénéficiait qu'aux créanciers dont la créance est née pendant la période de réunion de toutes les parts en une seule main. Cet enseignement n'est pas limité à l'hypothèse où la société privée à responsabilité limitée unipersonnelle est en faillite. Il étend la responsabilité potentielle de la personne morale associé unique dès lors que tous les créanciers sont désormais susceptibles d'agir à son égard, quelle que soit la date de naissance de leur créance. La solution consacrée par la Cour soulève par ailleurs des questions à la fois juridiques et pratiques, en particulier dans l'hypothèse où les parts n'ont pas été détenues par l'associé unique pendant toute la durée de la société et dans celle (sans doute relativement théorique) où des créanciers se prévaudraient de la solidarité sans que la faillite de la société n'ait été prononcée. Comment dans ces hypothèses calculer le montant maximum à concurrence duquel l'associé unique est tenu solidairement responsable des dettes sociales et comment « allouer » ce montant entre les différents créanciers qui se prévaudraient de la solidarité?
3.Le deuxième enseignement de l'arrêt se situe au niveau du droit de la faillite: la Cour décide que le curateur est en droit d'agir contre l'associé unique personne morale responsable solidaire des dettes de la société ou réputé caution solidaire des obligations de la société.
La circonstance que, selon l'article 213, § 2, alinéa 2 (réunion de toutes les parts en une seule main en cours de vie sociale), la personne morale est réputée « caution solidaire » des dettes sociales nées pendant que les parts sont réunies en une seule main ne justifie donc pas l'application de la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 mai 1980 [7] en vertu de laquelle le curateur est sans qualité pour agir à l'égard de la caution conventionnelle. Il est vrai que le recours au mécanisme de la caution est une pure fiction dans l'article 213, § 2, alinéa 2 (aucune caution n'ayant été signée par la personne morale) et que la caution est générale puisqu'elle bénéfice à tous les créanciers (supra, n° 2).
La Cour de cassation étend ainsi à l'associé unique d'une société privée à responsabilité solidaire présumé caution solidaire ainsi qu'à l'associé unique d'une telle société solidairement responsable sa jurisprudence reconnaissant au curateur le droit d'agir à l'encontre des associés commandités d'une société en commandite simple [8], des associés d'une société coopérative à responsabilité illimitée [9] et des associés d'une société en nom collectif [10] tenus solidairement aux dettes sociales. Un auteur au moins s'était prononcé à l'encontre de la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté [11]. Un arrêt de la Cour d'appel de Gand en avait déjà fait application [12].
4.A l'appui de sa décision, la Cour de cassation énonce, comme elle l'avait déjà fait dans ses arrêts du 19 décembre 2008 [13] et du 7 novembre 2013 [14], que la mission générale du curateur consiste à réaliser les actifs du failli et à distribuer le produit en résultant. La nécessité d'un règlement efficace de la faillite et l'égalité de traitement des créanciers impliquent que le curateur puisse agir contre un tiers qui doit répondre des dettes du failli lorsque cette obligation existe à l'égard de tous les créanciers, même si ce droit d'agir n'appartient pas au failli. La solidarité prévue par l'article 213, § 2, bénéficie en effet aux créanciers et ne peut être mise en oeuvre par le débiteur en faillite. La Cour précise cette fois que l'obligation à l'égard de tous les créanciers existe même si l'étendue de celle-ci est limitée dans le temps.
La Cour de cassation consacre ainsi l'existence d'un nouveau cas d'action du curateur, à côté du droit du curateur d'agir en réparation d'un préjudice collectif causé à la masse des créanciers par la faute d'un tiers. On sait que, selon une jurisprudence bien établie, le curateur est en droit d'agir, au nom de la masse des créanciers, lorsqu'il exerce les droits qui sont communs à l'ensemble de ceux-ci [15], c'est-à-dire « les droits résultant du dommage causé par la faute de toute personne, qui a eu pour effet d'aggraver le passif de la faillite ou d'en diminuer l'actif » [16].
La personne morale tenue solidairement des dettes du failli en vertu de l'article 213, § 2, n'a commis aucune faute ayant aggravé le passif ou diminué l'actif du failli. Ce n'est donc pas la réparation d'un quelconque préjudice collectif causé à la masse des créanciers qui justifie son droit d'agir, pas plus que le curateur ne peut justifier son action en invoquant un droit dont le failli serait titulaire (la Cour relève à cet égard dans ses arrêts que le droit d'action contre les associés « n'appartient pas au failli » (supra, n° 3)). Il s'agit donc d'une nouvelle hypothèse d'action (collective) du curateur. Tel est le troisième enseignement de l'arrêt commenté. Celui-ci exerce les droits qui sont communs à l'ensemble des créanciers (dès lors qu'il ressort du premier enseignement de l'arrêt (supra, n° 2) que tous les créanciers bénéficient de la solidarité prévue par l'article 213, § 2, du Code des sociétés), même si ces droits ne résultent pas d'un dommage causé à la masse par la faute d'un tiers.
La solution consacrée par la Cour s'inscrit dans une tendance visant à renforcer les pouvoirs du curateur que l'on a pu constater également dans sa jurisprudence traditionnelle ci-dessus évoquée relative au droit du curateur d'agir en réparation du préjudice collectif causé à la masse des créanciers [17].
5.Pas plus que dans ses arrêts antérieurs cités ci-dessus (supra, n° 3), la Cour ne se prononce sur le caractère exclusif du droit d'agir du curateur à l'encontre des associés solidairement tenus aux dettes sociales. Autrement dit, les créanciers agissant individuellement conservent-ils un droit d'action concurrent à celui du curateur?
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation relative au droit d'action du curateur au nom de la masse des créanciers ci-dessus évoquée (supra, n° 4), le curateur dispose d'un monopole d'action lorsqu'il exerce les droits qui sont communs à l'ensemble des créanciers [18]. Dans le prolongement de cette jurisprudence, il faut sans doute considérer que lorsque le curateur exerce un recours contre les associés solidairement tenus, il exerce des droits communs aux créanciers et dispose également d'un monopole.
6.Sur le plan du droit des sociétés, l'exception à la responsabilité limitée des associés d'une société privée à responsabilité limitée ou d'une société anonyme en cas de réunion de toutes les parts ou actions en une seule main (supra, n° 1) pourrait prochainement faire partie de l'histoire du droit, comme depuis 1984 la dissolution de plein droit de la société en pareille hypothèse.
Le projet de grande réforme du droit des sociétés et des associations actuellement en préparation prévoit en effet que les sociétés privées à responsabilité limitée et les sociétés anonymes pourront être constituées et détenues par un seul associé ou actionnaire [19]. Une société ne sera donc plus nécessairement constituée par un « contrat » comme l'énonce toujours l'article 1er du Code des sociétés et la réunion de toutes les actions ou parts en une seule main ne devrait donc plus être sanctionnée par la responsabilité solidaire de l'associé ou de l'actionnaire unique.
[1] | Avocat au barreau de Bruxelles (Willkie Farr & Gallagher LLP), maître de conférences à l'ULB. |
[2] | Deux autres exceptions sont énoncées par les articles 212 et 212bis. La première fait perdre le bénéfice de la responsabilité limitée à la personne physique qui est associée unique de plusieurs SPRL. La seconde concerne l'hypothèse du fondateur d'une SPRL-S qui constitue une autre SPRL-S ou qui détient des titres dans une autre SPRL représentant 5% ou plus du total des droits de vote. |
[3] | Une règle similaire est prévue par l'article 646, § 2, pour les sociétés anonymes. |
[4] | F. T'Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, 4e éd., Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 401 et 402. |
[5] | H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VI, Bruxelles, Bruylant, 1953, n° 840, p. 844. |
[6] | Cet arrêt a également été publié dans la revue T.R.V-R.P.S, 2017, p. 42, avec une note de R. Verheyden. |
[7] | Cass., 7 mai 1980, Pas., 1980, I, p. 1104. |
[8] | Cass., 19 décembre 2008, Pas., 2008, I, p. 3085; V. Simonart, « La commercialité et la faillite des associés en nom collectif », Rev. prat. soc.,2008, p. 491 et H. De Wulf, « Het faillissement van onbeperkt aansprakelijke vennoten van een VOF en de taak en bevoegdheid van de curator », T.R.V.,2009, p. 456. Sur la nature de la solidarité des associés commandités et des associés en commandite simple, voy. V. Simonart, « Société en nom collectif, sociétés en commandite, SNC, SCS et SCA », R.P.D.B, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 43 qui estime que « La subsidiarité de la responsabilité des associés personnellement tenus milite en faveur de l'analyse en terme de caution: il convient de les considérer comme des cautions solidaires plutôt que comme des codébiteurs solidaires. » |
[9] | Cass., 4 décembre 2012, C.11.0654.F. |
[10] | Cass., 19 décembre 2008, précité et Cass., 7 novembre 2013, Pas., 2013, I, p. 2186 et R.D.C., 2014, p. 846, note H. De Wulf. |
[11] | M. Copiel, « Les deux facettes de la rupture de la responsabilité limitée pour une personne morale associée unique dans une SPRLU » (obs. sous Gand, 20 octobre 2008), J.D.S.C., 2010, p. 20. |
[12] | Gand, 20 octobre 2008, J.D.S.C., 2010, p. 20. |
[13] | Cass., 19 décembre 2008, précité. |
[14] | Cass., 7 novembre 2013, précité. |
[15] | I. Verougstraete et al., Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Malines, Kluwer, 2011, p. 346. |
[16] | Voy. not. T. Bosly, « Préjudice collectif ou individuel: un modèle adéquat pour délimiter les pouvoirs du curateur et des créanciers d'agir en responsabilité contre un tiers » (note sous Cass., 5 décembre 1997), R.C.J.B.,2000, p. 20. |
[17] | Voy. à cet égard not. Cass., 2 octobre 2014, Pas., 2014, I, p. 2045 et Rev. prat. soc., 2015, p. 149, note D. Willermain. |
[18] | I. Verougstraete et al., Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Malines, Kluwer, 2011, p. 346. |
[19] | Pour un aperçu des grandes lignes de cette réforme, voy. K. Geens, Le saut vers le droit de demain - Recodification de la législation de base, décembre 2016, nos 222 et s., www.koengeens.be; voy. égal. le rapport de la Commission de droit commercial et économique suite à un échange de vue entre le ministre de la Justice et les experts du Centre belge de droits des sociétés sur la modernisation du droit des sociétés: Doc. parl., Chambre, 2015-16, Doc. 54-1500/001, p. 11. |