Article

Actualité : Cour d'appel Mons, 11/10/2016, R.D.C.-T.B.H., 2017/1, p. 115-116

Cour d'appel de Mons 11 octobre 2016

Affaire: F-20161011-4
ASSURANCES
Assurances terrestres - Assurances de dommages - Assurance de choses - Assurance incendie - Intérêts compensatoires - Intérêts moratoires


VERZEKERINGEN
Landverzekeringen - Schadeverzekeringen - Zaakverzekeringen - Brandverzekering - Verwijlinteresten - Moratoire interesten


La cour d'appel de Mons rappelle que pour qualifier les intérêts dus par un assureur incendie, il est nécessaire de déterminer si la dette de celui-ci est une dette de valeur ou une dette de somme.

Le fait que, pour ce type d'assurance [1], le montant de l'indemnité due par l'assureur ne soit pas « déterminé numériquement à l'avance » [2] mais soit soumis à l'appréciation du juge ne fait pas obstacle à l'application de l'article 1153 du Code civil [3].

La Cour de cassation a précisé que « lorsque l'obligation prévue par un contrat d'assurance de payer une indemnité constituant la réparation d'un dommage à des biens doit faire l'objet d'une évaluation après la survenance du sinistre, cette obligation ne constitue pas, avant son évaluation, une dette de somme au sens de l'article 1153 du Code civil » [4].

La cour d'appel en conclut que « la dette de l'assureur est une dette de valeur, avant son évaluation, sur laquelle des intérêts compensatoires peuvent être calculés, jusqu'à celle-ci, et une dette de somme, depuis cette même date, sur laquelle des intérêts moratoires peuvent être comptabilisés ».

Il faut donc pour pouvoir solliciter des intérêts moratoires qu'une double condition cumulative soit remplie, à savoir que la dette soit exigible et qu'il y ait eu une mise en demeure du débiteur.

Dans le cas soumis à la cour d'appel, l'article 121, § 7, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances qui organise un régime spécifique d'intérêts en cas de retard d'indemnisation ne trouvait pas à s'appliquer. En effet, le sinistre affectant le bien (en communauté entre époux) résultait du fait intentionnel du preneur d'assurance, hypothèse dans laquelle l'article 121 permet à l'assureur de prendre connaissance du dossier répressif avant de prendre position quant à la couverture (art. 121, § 3, 2°, de la loi du 4 avril 2014).

La cour d'appel décide que l'obligation d'indemnisation de l'assureur doit être considérée comme une dette de valeur jusqu'au dépôt du rapport d'expertise et être majorée des intérêts compensatoires à compter de la date du sinistre [5] jusqu'à la date du rapport d'expertise [6].

A compter de cette dernière date, la dette de l'assureur doit être considérée comme une dette de somme en principal et intérêts compensatoires calculés jusqu'à cette date, dette qui se voit appliquer des intérêts moratoires à compter de la mise en demeure (dans le cas d'espèce, le dépôt des conclusions).

Certaines décisions de jurisprudence et la doctrine invitent à ne pas confondre l'actualisation (ou la réévaluation) de l'indemnité en raison de l'érosion monétaire et l'allocation d'intérêts compensatoires [7].

Le juge est libre de fixer le taux des intérêts compensatoires [8] mais n'est pas tenu de fixer expressément ce taux. S'il ne s'exprime pas sur ce point, c'est l'intérêt légal qui sera dû [9].

[1] Comp. le type d'intérêts retenus: pour une assurance sur la vie avec garanties complémentaires en cas d'incapacité de travail (Liège (20e ch.), 23 septembre 2005, R.G.A.R., 2006, n° 1.419), une assurance conducteur (Cass. (1re ch.), 28 novembre 2002, Pas., 2002, p. 2277, une assurance de personnes contre les accidents corporels (Cass. (1re ch.), R.G.A.R., 2016, n° 15.318).
[2] C. Biquet-Mathieu et C. Delforge, « Le régime juridique des intérêts - Essai de synthèse », in Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police 2008, la Charte, 2008, pp. 256 à 262.
[3] Cass., 28 novembre 2002, Pas., 2002, I, p. 2277.
[4] Cass., 11 juin 2009, R.G.D.C., 2012, p. 344; C. Biquet-Mathieu, « L'indemnisation du retard de paiement en présence d'une dette dont l'existence ou le montant nécessite une appréciation », R.G.D.C., 2012, pp. 292 et s.
[5] Voy. pour le point de départ et le cours des intérêts compensatoires en cas de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle: D. de Callataÿ et N. Estienne, « Chapitre 2 - Les intérêts compensatoires », in La responsabilité civile, Larcier, 2009, p. 558.
[6] Cass., 13 janvier 2005, N-20050113-6, disponible sur juridat.be.
[7] Ph. Laconte, « Les intérêts compensatoires et moratoires en matière contractuelle », J.T., 2005, p. 534, n° 34 et réf. citées; D. de Callataÿ et N. Estienne, « Chapitre 2 - Les intérêts compensatoires », in La responsabilité civile, Larcier, 2009, p. 553 et réf. citées; O. Dierckx de Casterlé, « Les intérêts compensatoires en matière extracontractuelle. Aspects actuels de la jurisprudence de la Cour de cassation », C.R.A., 2012, p. 366 et réf. citées.
[8] Cass., 26 octobre 2005, Pas., 2005, I, p. 2044.
[9] Cass., 10 mai 2012, R.W., 2012-2013, p. 1263.