Tribunal de l'Union européenne 8 septembre 2016
Goldfish BV e.a. / Commission
Affaire: T-54/14 |
Par une décision du 27 novembre 2013, la Commission européenne avait infligé une amende d'un montant total d'environ 28 millions d'euros à quatre négociants en crevettes pour leur participation à une entente consistant en la fixation des prix et la répartition des ventes en Belgique, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Les constatations de la Commission reposaient notamment sur des documents et éléments de preuves trouvés dans les entreprises concernées lors de vérifications surprises, parmi lesquels figuraient des enregistrements de conversations téléphoniques réalisées par un concurrent. A l'appui de leur recours à l'encontre de cette décision, les requérantes ont fait valoir que les enregistrements secrets de conversations téléphoniques constituent un moyen de preuve illégal pour établir une violation de l'article 101 TFUE.
S'agissant de la légalité de l'utilisation d'enregistrements secrets, le Tribunal rappelle tout d'abord que le principe qui prévaut en droit de l'Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découle notamment que le seul critère pertinent pour apprécier la force probante des preuves régulièrement produites réside dans leur crédibilité. Ainsi, si certaines preuves peuvent être écartées du dossier s'il existe un doute sur la question de savoir si elles ont été obtenues par des moyens légitimes, une telle exclusion n'est pas automatique dans la jurisprudence des juridictions de l'Union.
Le Tribunal vérifie ensuite si l'utilisation en tant que moyen de preuve d'un enregistrement illégal ne se heurte pas aux principes d'équité consacrés par l'article 6, 1., de la CEDH, la question étant de savoir si des enregistrements recueillis régulièrement par la Commission peuvent être utilisés par celle-ci, bien qu'ils aient été à l'origine obtenus par un tiers, le cas échéant, illégalement. S'inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le Tribunal considère à cet égard que l'utilisation en tant que moyen de preuve d'un enregistrement illégal n'est pas en soi contraire à l'article 6, 1., de la CEDH lorsque, d'une part, la partie requérante en cause n'a pas été privée d'un procès équitable ni de ses droits de la défense et, d'autre part, cet élément n'a pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver la condamnation.
En l'espèce, la Commission avait offert à toutes les parties la possibilité d'avoir accès à l'ensemble des enregistrements audio et aux notes écrites accompagnant ces enregistrements figurant dans le dossier. Par ailleurs, les enregistrements litigieux ne constituaient pas le seul moyen de preuve utilisé par la Commission, sa décision reposant sur un ensemble d'éléments de preuve obtenus au cours de la procédure administrative. Dès lors, selon le Tribunal, même s'il fallait considérer que les enregistrements en cause ont été effectués illégalement par l'une des entreprises concurrentes des requérantes, c'est à bon droit que la Commission les a utilisés en tant que moyens de preuve dans le cadre de sa décision.