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Actualité : Cour d'appel Bruxelles, 24/09/2015, R.D.C.-T.B.H., 2016/1, p. 103-104

Cour d'appel de Bruxelles 24 septembre 2015

Affaire: 2013/SF/3, 5 et 6
DROIT FINANCIER
Marchés financiers - Abus de marché - Sociétés cotées


FINANCIEEL RECHT
Financiële markten - Marktmisbruik - Genoteerde vennootschappen


Le 24 septembre 2015, la cour d'appel de Bruxelles a rendu un arrêt dans l'affaire concernant l'appel introduit par la société Ageas (ex-Fortis) et Messieurs Votron et Mittler contre la FSMA à la suite des amendes administratives imposées par la FSMA pour violation des dispositions relatives à la publication d'informations réglementées et aux manipulations de marché. L'arrêt contient bon nombre de considérations intéressantes, parmi lesquelles nous avons sélectionné celles qui suivent.

Un des moyens de défense invoqués par Ageas était que la FSMA aurait, tantôt implicitement, tantôt explicitement, marqué son accord sur la politique de communication de Fortis. Son service de contrôle prudentiel disposait des informations relatives à l'évolution de la solvabilité et la FSMA avait approuvé ou confirmé certains communiqués de presse. La cour n'a pas suivi ce raisonnement car elle estime que la FSMA n'avait pas été correctement informée par Fortis et ses dirigeants. Lors de son enquête, la FSMA s'était procurée de nouvelles pièces prouvant que Fortis ne l'avait pas complètement informée. Selon la cour, Fortis ne démontre pas que la FSMA disposait des éléments d'information nécessaires et suffisants pour apprécier et approuver les communications litigieuses, implicitement, par son inaction, en n'exigeant pas de plus amples ou d'autres informations de la part de Fortis à destination des investisseurs. Fortis ne démontre pas non plus que la FMSA ait été saisie de projets de communication pour les approuver.

Au fond, la cour procède à un examen détaillé des conditions consacrées par l'article 25, § 1er, 4°, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers interdisant « à toute personne de diffuser des informations ou des rumeurs, par l'intermédiaire des médias, via Internet ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, alors qu'elle savait ou aurait dû savoir que les informations étaient fausses ou trompeuses (…) ». Quant au caractère faux ou trompeur de l'information, la cour d'appel décide notamment que l'absence de communication sur une information privilégiée ne peut pas permettre d'incriminer les porte-paroles de la société, pour leur silence conservé sur des faits, dès lors qu'en raison de ce silence, la communication donnée serait trompeuse. Seule Fortis pourrait être accusée d'une telle absence de communication sur la base d'une infraction à ses obligations de publier des informations privilégiées (voy. art. 10 de la loi du 2 août 2002). La cour rejette en ce sens l'argumentation de la FSMA considérant que l'absence de communication sur une information privilégiée devrait être imputée aux porte-paroles de Fortis sur base de l'article 25 de la loi du 2 août 2002.

La cour d'appel précise en outre que l'article 25, § 1er, 4°, de la loi du 2 août 2002 n'exige pas la preuve, dans le chef de la personne incriminée, d'avoir diffusé des informations fausses ou trompeuses, qu'elle ait eu conscience du caractère faux ou trompeur de cette information. Il suffit qu'elle « ait dû le savoir » compte tenu des circonstances propres à l'espèce et notamment via ses qualifications et connaissances personnelles. La présomption de culpabilité est d'autant plus lourde que la cour d'appel rejette la possibilité pour la personne poursuivie de démontrer qu'elle poursuivait un but légitime ou qu'elle n'avait pas l'intention de tromper le marché. Enfin, la cour d'appel examine la question de l'imputabilité des responsabilités à la société et/ou à ses porte-paroles. A cet égard, la cour rappelle que la loi du 2 août 2002 instaure un régime autonome de répression par voie d'amendes administratives, sans référence au droit des sociétés, et sans que les principes généraux de droit pénal ne puissent être appliqués en cette matière.