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Droit de la concurrence: quelques étapes sur le chemin de la consécration du private enforcement en droit belge, R.D.C.-T.B.H., 2015/8, p. 789-802

Droit de la concurrence: quelques étapes sur le chemin de la consécration du private enforcement en droit belge

Thierry Bontinck [1]

TABLE DES MATIERES

Première ligne de force: l'autorité des décisions des autorités nationales de concurrence

Deuxième ligne de force: les règles d'accès aux preuves 1. Les prérogatives du juge national au regard de l'article 5 de la directive

2. Un accès encadré aux preuves contenues dans les dossiers des autorités de la concurrence (art. 6 et 7)

Troisième ligne de force: une détermination et une quantification du préjudice facilitée pour toutes les victimes

Quatrième ligne de force: la prescription

Conclusion

RESUME
La directive n° 2014/104/UE relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence doit être transposée dans les Etats membres pour le 27 décembre 2016.
La directive comporte quatre lignes de force:
      • l'autorité des décisions des autorités nationales de concurrence;
      • les règles d'accès aux preuves;
      • une détermination et une quantification du préjudice facilitée pour toutes les victimes;
      • l'aménagement des règles de prescription.
    L'auteur confronte le contenu de ces lignes de force avec le droit belge en vigueur en insistant particulièrement sur les deux premières.
    SAMENVATTING
    De richtlijn nr. 2014/104/EU betreffende bepaalde regels voor schadevorderingen volgens nationaal recht wegens inbreuken op de bepalingen van het mededingingsrecht moet uiterlijk tegen 27 december 2016 door de lidstaten worden omgezet.
    De richtlijn bevat vier krachtlijnen:
      • het gezag van de beslissingen van de nationale mededingingsautoriteiten;
      • de regels met betrekking tot de toegang tot bewijsmateriaal;
      • het vergemakkelijken van het bepalen en het kwantificeren van de door slachtoffers geleden schade;
      • de ontwikkeling van verjaringsregels.
      De auteur vergelijkt de inhoud van deze krachtlijnen met het huidig Belgisch recht en focust daarbij in het bijzonder op de twee eerste krachtlijnen.

      1.La directive n° 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne [2] (ci-après « la directive ») et les différentes consultations qui l'ont précédée ont déjà fait couler beaucoup d'encre [3].

      Le texte est en vigueur depuis le 26 décembre 2014. Il doit être transposé dans les Etats membres pour le 27 décembre 2016 au plus tard [4].

      L'objet de la présente contribution n'est pas de se livrer à un exercice descriptif du contenu de la directive mais plutôt de s'intéresser dès à présent aux principaux changements dans le droit positif belge qu'entraînera ou devrait entraîner la transposition du texte européen.

      2.La directive comporte quatre lignes de force:

          • l'autorité des décisions des autorités nationales de concurrence;
          • les règles d'accès aux preuves;
          • une détermination et une quantification du préjudice facilitée pour toutes les victimes;
          • l'aménagement des règles de prescription.

        3.Nous confronterons le contenu de ces quatre lignes de force avec le droit belge en vigueur en insistant particulièrement sur les deux premières. Les questions de droit belge soulevées ne feront pas ici l'objet d'une analyse fouillée. L'auteur renvoie à cet égard aux références doctrinales et jurisprudentielles récentes qui sont citées.

        Aucun projet de loi de transposition n'est encore disponible à ce stade. Un avant-projet est en cours de rédaction au sein du SPF Economie sans qu'un calendrier précis ne soit encore arrêté. Il semblerait que le texte à venir sera intégré dans le Code de droit économique, principalement dans le Livre XVII qui traite des mesures juridictionnelles particulières.

        S'agissant du champ d'application de la directive, celle-ci n'a pas vocation à s'appliquer aux actions en dommages et intérêts dans les cas d'infraction au droit national de la concurrence qui n'affecteraient pas le commerce entre Etats membres au sens de l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE ») [5]. La victime d'un dommage résultant d'une méconnaissance du droit européen de la concurrence bénéficiera d'une protection renforcée par rapport aux victimes d'autres dommages [6] mais également, à moins que le législateur belge n'en décide autrement, par rapport à la victime d'un dommage résultant uniquement d'une méconnaissance du droit de la concurrence national.

        4.Précisons également que la directive ne peut traiter [7] d'un aspect pourtant fondamental et souvent rédhibitoire pour la victime d'une infraction au droit de la concurrence à savoir celui du juge compétent et de la dimension internationale dans la grande majorité des litiges ayant trait au droit de la concurrence [8]. Dans un arrêt du 21 mai 2015 [9], la Cour de justice de l'Union européenne contribue sans doute à simplifier les choses en décidant qu'en application de l'article 6, 1., du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, dit « Règlement Bruxelles I », concernant la compétence judiciaire, la règle de concentration des compétences en cas de pluralité de défendeurs peut s'appliquer à l'égard d'une action visant à la condamnation à titre solidaire à des dommages et intérêts d'entreprises qui ont participé de façon différente, sur les plans géographique et temporel, à une infraction unique et continue à la règle d'interdiction des ententes prévue par le droit de l'Union constatée par une décision de la Commission européenne. Les victimes d'une entente illicite peuvent dès lors demander réparation de leurs dommages devant le tribunal du domicile de l'un quelconque des participants à l'infraction. En effet, dès lors que les différents droits nationaux peuvent diverger sur ce point, des décisions inconciliables risquent d'être rendues si la victime de l'entente engage des actions en réparation devant les tribunaux de différents Etats membres (pt. 25). D'autant que les sociétés ayant participé à une entente illégale doivent s'attendre à pouvoir être poursuivies devant les juridictions d'un Etat membre dans lequel l'une d'entre elles est domiciliée (pt. 24) [10]. Cette solution jurisprudentielle nous paraît parfaitement transposable au nouveau cadre réglementaire de l'article 8 du règlement n° 1215/12 du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles I bis », en vigueur depuis le 10 janvier 2015.

        5.L'application des règles européennes de concurrence par la Commission européenne et par les autorités nationales de la concurrence est qualifiée de « Public Enforcement ». La Commission européenne, et les autorités nationales de concurrence ont pour mission de définir les politiques et les instruments permettant de lutter contre les infractions au droit de la concurrence, qu'ils s'agissent des comportements restrictifs (art. 101) ou des abus de position dominante (art. 102).

        Ces mêmes dispositions créent par contre également des droits et des obligations pour les particuliers que les juridictions nationales doivent faire respecter. Il s'agit de mettre en oeuvre pour les particuliers les règles de concurrence: c'est le « Private Enforcement ». La jurisprudence européenne a reconnu dès 2001 [11] le droit pour un particulier, en vertu du droit de l'Union européenne, d'obtenir la réparation d'un préjudice subi. La directive n° 2014/104 vise à harmoniser dans les différents Etats membres certains aspects importants de l'interaction entre le Public Enforcement et le Private Enforcement. Elles visent à supprimer des obstacles à une réparation effective tout en protégeant l'efficacité des pouvoirs et instruments de l'enquête menée par les autorités publiques.

        Première ligne de force: l'autorité des décisions des autorités nationales de concurrence

        6.La demande de dommages et intérêts sur une base extracontractuelle pour violation du droit de la concurrence peut être formée tantôt sur la base de comportements allégués par la partie demanderesse qu'il lui appartiendra d'établir, tantôt au départ de la décision d'une autorité de concurrence, qu'elle soit européenne (la Commission) ou nationale (belge ou d'un autre Etat membre) [12].

        7.S'agissant des décisions de la Commission européenne, le principe du caractère obligatoire de sa décision qui s'impose au juge national est admis depuis longtemps. Il ne procède pas de la directive, mais de l'article 16, 1. du règlement n° 1/2003 [13], qui codifie la jurisprudence arrêtée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt Masterfoods du 14 septembre 2000 [14]. Lorsque des juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l'article 101 ou 102 du TFUE qui font déjà l'objet d'une décision de la Commission européenne, celles-ci ne peuvent prendre des décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission. Ce principe vaut également lorsque les juridictions nationales sont saisies d'une action en réparation du préjudice subi à la suite d'une entente ou d'une pratique dont la contrariété avec l'article 101 ou 102 du TFUE a été constatée par une décision de cette institution [15]. Le fait que cette décision définitive s'impose aux juridictions nationales ne revient pas à priver les parties de leur droit d'accès à un tribunal au sens de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux. La Cour de justice de l'Union européenne relève en effet dans son arrêt Europese Gemeenschap / Otis [16] que le droit de l'Union prévoit un système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission. Dans le cadre de ce système de contrôle, le Tribunal de l'Union contrôle la légalité, la motivation et l'interprétation par la Commission des données de nature économique traitées par elle. Le Tribunal dispose aussi d'une compétence de pleine juridiction [17] en vertu de l'article 31 du règlement n° 1/2003 qui est conforme aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l'article 47 de la charte des droit fondamentaux.

        8.Toujours en vertu de l'article 16, 1. du règlement n° 1/2003, le tribunal national saisi pourra évaluer l'opportunité de suspendre la procédure pendante devant lui dans l'attente d'une décision définitive de la Commission, que celle-ci soit en cours d'instruction ou qu'elle fasse l'objet d'un recours devant une juridiction européenne.

        9.Jusqu'où s'étend l'autorité de la décision de la Commission européenne? Dans son jugement du 24 novembre 2014 [18], le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles qualifie la décision de la Commission établissant une infraction au droit de la concurrence de « preuve obligatoire » (« de beschikking vormt bindend bewijs ») de la violation des dispositions législatives (en l'espèce de l'art. 101 TFUE) qui implique une faute justifiant la mise en cause de la responsabilité civile de son auteur sur pied de l'article 1382 du Code civil. Le tribunal précise toutefois qu'il lui revient en sa qualité de juge national de déterminer (i) le dommage et (ii) le lien de causalité dans le respect des principes d'égalité et d'efficacité. Le juge belge applique dans ce cas la jurisprudence Masterfoods [19] et l'article 16 du règlement n° 1/2003. Mais cette jurisprudence induit-elle forcément que l'infraction au droit de la concurrence constitue toujours une faute extracontractuelle? Le fait de ne pas pouvoir prendre de décision qui irait à l'encontre d'une décision adoptée par la Commission signifie-t-il que ladite décision constitue, en droit, un fait générateur de la responsabilité civile?

        10.Des auteurs s'interrogent ainsi sur des situations dans lesquelles le défendeur pourrait invoquer que la violation des dispositions communautaires ne constitue pas nécessairement une faute aquilienne [20]. La reconnaissance de cette dernière implique en effet la violation d'une règle de droit imposant un comportement ou une abstention déterminée dont la violation est imputable au défendeur [21]. Ne peut-on envisager, en droit de la concurrence, des hypothèses dans lesquelles la violation des articles 101 ou 102 du TFUE ne serait pas criante, ne serait apparue qu'au terme d'études et d'examens complexes échappant à l'obligation de prudence du commerçant, ou encore liée à des comportements pour lesquels la jurisprudence européenne ou la pratique de la Commission évolue [22]? Si dans la plupart des cas, il sera difficile d'évoquer que l'existence d'un cartel, d'une pratique restrictive ou d'un abus de position dominante ne constituent pas un fait générateur de la responsabilité civile au départ d'un comportement déterminé, il n'en reste pas moins que le droit de la concurrence est complexe et que la jurisprudence devra encore clarifier cette question. Contrairement au tribunal de commerce de Bruxelles dans son jugement du 24 novembre 2014 qui fait directement le lien entre la faute extracontractuelle et l'infraction (supra, n° 9), la cour d'appel de Bruxelles, dans son arrêt du 26 février 2015, se livre à un examen des comportements infractionnels reprochés avant de conclure pour chacun d'entre eux à l'existence d'une faute dès lors que la violation d'une règle de droit est établie et que l'appelante ne peut soutenir que la faute ne peut lui être imputée à défaut de discernement dans son chef ou d'une cause d'exonération de responsabilité [23].

        11.Dans son arrêt Europese Gemeenschap / Otis, la Cour admet en s'appuyant, précise-t-elle, sur sa jurisprudence Masterfoods, que « l'obligation du juge national de ne pas prendre de décisions qui iraient à l'encontre d'une décision de la Commission constatant une infraction à l'article 101 TFUE impose certes à celui-ci d'admettre l'existence d'une entente ou d'une pratique interdite, (…) l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité direct entre ce préjudice et l'entente ou la pratique en cause restant, en revanche, soumise à l'appréciation du juge national » [24].

        12.L'utilisation de la locution « en revanche » dans l'arrêt Europese Gemeenschap / Otis élargit subtilement la jurisprudence Masterfoods et le champ d'application de l'article 16, 1. du règlement n° 1/2003. Seuls sont à présent soumis à l'appréciation du juge national l'existence du dommage et l'existence du lien de causalité. Jusqu'ici passivement contraint de ne pas prendre de décision contraire à celle de la Commission, le juge national est à présent activement investi de l'obligation d'admettre l'existence d'une infraction en droit de la concurrence. Cette approche va-t-elle trop loin? Est-elle de nature à empiéter sur l'autonomie procédurale des Etats membres [25]?

        13.Que le juge national soit passivement ou activement confronté au caractère obligatoire de la décision de la Commission ne changera dans la plupart des cas pas grand-chose. Le fait pour un juge de ne pas reconnaître l'existence d'une faute reviendrait alors purement et simplement à prendre une décision incompatible avec celle de la Commission européenne en violation de l'article 16, 1. du règlement n° 1/2003 et de la jurisprudence Masterfoods [26]. La situation pourrait être différente dans des situations plus complexes et il appartiendra au juge saisi de déterminer alors si l'infraction au droit de la concurrence constitue bien une faute au sens civil du terme [27].

        14.S'agissant à présent de l'autorité des décisions des autorités nationales de concurrence (ou de leurs instances de recours) sur le juge, la directive impose au juge saisi d'une action en dommages et intérêts de reconnaître comme établie de manière irréfragable aux fins d'une action en dommages et intérêts les infractions constatées par ces décisions (art. 9 de la directive). Le texte précise que « l'effet de cette constatation ne devrait toutefois porter que sur la nature de l'infraction ainsi que sur sa portée matérielle, personnelle, temporelle et territoriale telle qu'elle a été déterminée par l'autorité de la concurrence » [28]. La thèse de l'obligation active est consacrée ici également. Elle n'empêchera pas le juge national d'examiner si l'infraction est bien constitutive de faute au sens de l'article 1382 du Code civil même si sa marge d'appréciation est limitée.

        15.Les décisions relatives à des infractions du droit européen de la concurrence, qu'elles émanent de la Commission européenne ou de l'autorité domestique de la concurrence ont une portée identique. Ceci s'inscrit dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne visé à l'article 4 de la directive et au considérant n° 11.

        16.Dans l'attente d'une transposition en droit belge, l'autorité des décisions de l'Autorité belge de la concurrence est, à défaut de jurisprudence, discutée par la doctrine. Avant la réforme de l'Autorité de la concurrence, certains auteurs considéraient que ses décisions ont autorité de chose jugée à l'égard du juge judiciaire statuant dans le cadre d'une procédure subséquente dès lors que l'autorité des décisions des juridictions administratives constitue un principe général de droit administratif [29]. D'autres estimaient que le caractère juridictionnel des décisions de l'autorité est sujet à caution et varie en fonction de leur objet, des parties en cause et de l'organisation contradictoire des débats [30].

        Tous s'accordent toutefois pour reconnaître aujourd'hui à cette décision à tout le moins une présomption difficilement réfutable, même si dans son arrêt du 26 février 2015, la cour d'appel de Bruxelles précise brièvement qu'elle n'est pas « liée » par la décision du Conseil de la concurrence [31]. Précisons également que s'agissant depuis la réforme législative d'un acte administratif, les juridictions peuvent et doivent écarter un acte administratif illégal en vertu de l'article 159 de la Constitution.

        17.La question est tranchée par la directive et il appartiendra au législateur belge de reconnaître cette autorité, telle que décrite à l'article 9 de celle-ci.

        18.Il appartient également au législateur de préciser que s'agissant d'une décision d'une autorité de concurrence d'un Etat membre tiers à celui où est introduit le recours en responsabilité, toute décision doit pouvoir être présentée devant une juridiction nationale au moins en tant que commencement de preuve du fait qu'une infraction au droit de la concurrence ait été commise. Cette décision devra ensuite être évaluée avec les autres éléments apportés par les parties (art. 9, 2. de la directive) [32].

        Deuxième ligne de force: les règles d'accès aux preuves

        19.La question de l'accès aux preuves est, sans aucun doute, la plus importante et la plus délicate traitée par la directive n° 2014/104 dans une matière où presque par nature la situation des parties se caractérise par l'asymétrie d'informations.

        20.Dans le cadre d'une affaire contentieuse en droit de la concurrence, l'accès à l'information permettant à un demandeur se prétendant préjudicié d'établir la réalité de la faute et du dommage s'avère non seulement délicate, mais parfois contraire aux règles même de la concurrence. Le demandeur pourrait se trouver dans une situation inconfortable dans laquelle il se trouverait dans l'incapacité d'établir son préjudice autrement qu'en produisant dans un débat judiciaire des documents confidentiels portant par exemple sur le calcul de ses prix ou sur la gestion de ses coûts.

        Dans cette matière, plus que dans d'autres, il convient de se méfier des « fishing expeditions » qui amèneraient des parties dans une procédure dans le seul but de prendre connaissance d'éléments stratégiques de ses concurrents, acheteurs ou fournisseurs.

        21.L'article 5 de la directive prévoit donc la mise en place d'équilibres opportuns entre, d'une part, la possibilité pour la victime d'accéder à des éléments de preuve et, d'autre part, la protection des intérêts légitimes des entreprises confrontées à une demande de dommages et intérêts notamment en ce qui concerne la protection de données confidentielles.

        22.Les articles 6 et 7 de la directive règlent l'accès aux éléments de preuve contenus dans le dossier de l'autorité de la concurrence chargée d'une enquête ou ayant rendu une décision.

        1. Les prérogatives du juge national au regard de l'article 5 de la directive

        23.Il est intéressant de confronter les mécanismes actuels du Code judiciaire avec ceux de la directive. L'article 5 entend que soit arrêté un équilibre opportun entre la possibilité pour la victime d'accéder à des éléments de preuves et la protection des intérêts légitimes des entreprises confrontées à une demande de dommages et intérêts. Par ces dispositions, le juge national se voit confier le pouvoir d'enjoindre à un défendeur ou à un tiers de divulguer les preuves pertinentes qui se trouvent en sa possession. Il doit limiter la divulgation à ce qui est proportionné et utile et disposer, le cas échéant, de mesures efficaces de protection de ses informations.

        Le texte de la directive respecte le pouvoir d'appréciation du juge:

        « Les Etats membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent ordonner la production de certains éléments de preuve ou de catégories pertinentes de preuves, circonscrites de manière aussi précise et étroite que possible, sur la base de données factuelles raisonnablement disponibles dans la justification motivée. » (art. 5, 2.).

        24.La directive dispose encore que « les Etats membres veillent à ce que les juridictions nationales limitent la production de preuve à ce qui est proportionné. Lorsqu'elles déterminent si une demande de production de preuve soumise par une partie est proportionnée, (elles) tiennent compte des intérêts légitimes de l'ensemble des parties et des tiers concernés. En particulier, elles prennent en considération:

          • la mesure dans laquelle la demande ou la défense sont détaillées par des données factuelles ou des preuves disponibles justifiant la demande de production de preuves;
          • l'étendue et le coût de la production des preuves, en particulier pour les éventuels tiers concernés y compris afin d'éviter toute recherche non spécifique d'informations dont il est peu probable qu'elles soient pertinentes pour les parties et les procédures;
          • la possibilité que les preuves dont on demande la production contiennent des informations confidentielles, en particulier concernant d'éventuels tiers, et les modalités existantes de protection de ces informations confidentielles. »

          Ces exigences sont-elles rencontrées aujourd'hui en droit belge?

          25.L'article 871 du Code judiciaire, en ce qui concerne la protection des éléments de preuve en général, et l'article 877, en ce qui concerne les documents en particulier, rencontrent l'esprit des dispositions de la directive. Il reste que la pratique observée jusqu'à ce jour reste défavorable aux demandes de production d'informations qu'elles émanent de la demanderesse dans le but d'établir la réalité d'un comportement ou de la défenderesse dans le but d'obtenir des éléments qui ne seraient pas en sa possession et susceptibles de disqualifier la faute, le dommage ou le lien de causalité. Le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 24 novembre 2014 déjà évoqué [33] en est une récente illustration. En l'espèce, les défenderesses avaient sollicité que la demanderesse se voie contrainte de produire une série d'éléments relatifs à des appels d'offre et à des soumissions qu'elle avait reçues, ainsi que des contrats, qui avaient été conclus, des notes internes et des correspondances. Le juge a rejeté cette demande sans réelle motivation si ce n'est une prétendue tardiveté de la demande.

          Dans l'état actuel de notre droit positif, le juge bénéficie d'une importante liberté d'appréciation lorsqu'il s'agit d'organiser une mesure d'instruction [34]. La production de documents n'échappe pas à la règle.

          Elle est organisée par l'article 877 du Code judiciaire: « lorsqu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la détention par une partie ou un tiers, d'un document contenant la preuve d'un fait pertinent, le juge peut ordonner que ce document ou une copie de celui-ci certifiée conforme, soit déposé au dossier de la procédure ».

          26.Quatre conditions doivent être réunies pour que la production d'une pièce puisse être imposée:

            • la pièce constitue la preuve d'un fait pertinent;
            • la production doit viser un document;
            • il est nécessaire qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la détention du document par une partie ou par un tiers;
            • la pièce dont la production est ordonnée doit se trouver entre les mains d'une partie ou d'un tiers.

            27.Cette compétence qui voit le rôle du juge civil prendre une dimension inquisitoire s'inscrit dans le cadre plus large de la collaboration des parties à la manifestation de la vérité.

            28.Si l'article 870 du Code judiciaire impose à une partie qui avance un argument d'en apporter la preuve, l'article 871 du même code énonce le principe corollaire de la collaboration des parties à l'administration de la preuve. Ce principe, qui reste contesté par une doctrine éminente mais minoritaire [35], est consacré par la Cour de cassation [36].

            29.Ces compétences confiées au juge par les articles 871 et 877 du Code judiciaire viennent corriger les éventuels manquements des parties à l'administration de la preuve.

            30.Confronté à une demande de production des preuves sur pied des articles 871 à 877 du Code judiciaire, le juge dispose, nonobstant la réunion des conditions rappelées, d'un large pouvoir d'appréciation [37]. Il doit procéder à une balance des intérêts en présence, soit entre la pertinence de la pièce, la licéité d'un motif de refus et l'opportunité de délivrer une injonction de procédure.

            31.La loi de transposition accouchera probablement d'une procédure ad hoc de production de documents dans le cadre d'une action en réparation d'un dommage lié à une infraction au droit de la concurrence qui sera contenue dans le Code de droit économique. Ce serait regrettable. L'occasion eût été bonne, en effet, au-delà du cadre de la directive limité aux actions en responsabilité liées à des infractions au droit de la concurrence, de « dépoussiérer » quelque peu l'usage qui est fait des articles 870 et 877. Si ces dispositions rencontrent l'esprit de la directive, un assouplissement dans la pratique du degré de certitude de détention de la pièce par la partie concernée et une appréhension plus large de la notion de « document » autorisant des productions plus variées seraient les bienvenus. Contrairement à ce qui a été écrit, ni la directive, ni a fortiori la législation belge n'ont pour vocation de transformer la procédure de production de pièces en procédure de « discovery » du système américain ou en « perquisition privée » [38].

            32.Dans son jugement du 26 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bruxelles illustre très bien la réserve des cours et tribunaux à faire usage de cette possibilité d'injonction [39]. Un nouveau critère d'appréciation de l'opportunité de recourir à l'article 877 du Code judiciaire fait en effet son apparition dans le jugement: le moment de la procédure où cette demande de production est formulée. Le tribunal reproche en l'espèce à la demanderesse d'injonction de production de pièces de ne pas avoir formé une demande de mesures provisoires sur pied de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire en amont dans la procédure, préférant attendre que la procédure soit entièrement mise en état sur le fond pour, à ce moment-là, demander la production de pièces. Cette motivation est étonnante à double titre [40]:

              • une mesure d'instruction peut, en tout état de cause être sollicitée jusqu'à la clôture des débats [41];
              • on ne voit pas comment un facteur temps pourrait en la matière venir influencer la décision du juge en matière de production de documents. Au contraire, le refus par une partie de collaborer à l'administration de la preuve ne se constate bien souvent qu'au moment du dépôt des derniers écrits de procédure où la partie concernée constate qu'il n'est pas donné suite à sa demande de voir produire aux débats certains documents. Certes la mesure d'instruction organisée par l'article 877 du Code judiciaire pourrait dans le chef de certains défendeurs être utilisée à des fins dilatoires auxquelles le juge doit vigoureusement s'opposer. Mais dans un tel cas, il lui sera aisément possible de motiver sa décision sur l'absence de réelles conditions fixées par le Code judiciaire pour pouvoir ordonner une mesure et non sur un facteur temps, non pertinent en l'espèce [42].

              33.Un autre point délicat est également abordé au même article 5 de la directive n° 2014/104. Il y est prévu que les juridictions nationales disposent de mesures efficaces de protection des informations confidentielles et que les mêmes juridictions donnent plein effet au secret professionnel applicable en droit national ou de l'Union. On ne peut que se réjouir de la reconnaissance par le texte de la protection du secret professionnel qui devrait aller de soi.

              34.La question de l'organisation et de la sauvegarde de la confidentialité pose la brûlante question dans l'actualité judiciaire belge du sort du secret des affaires devant les juridictions civiles au contentieux des droits subjectifs.

              35.En droit de l'Union européenne, la protection du secret des affaires acquiert la valeur d'un véritable principe général de droit particulièrement en droit de la concurrence. Ce droit est consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux. Il touche également à la protection de la vie privée consacrée par les articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et 22 de la Constitution qui englobe la notion du secret des affaires [43].

              36.Dans le cadre des procédures civiles classiques, le droit à la protection du secret des affaires se heurte au droit au procès équitable qui englobe les droits de la défense et donc le principe du contradictoire [44].

              En effet, si dans la procédure devant la C.J.U.E. [45], des mécanismes de protection du secret des affaires sont prévus afin d'assurer un juste équilibre entre le droit à la preuve et le droit à la protection des données confidentielles des entreprises, si des précautions similaires existent dans certains recours en matière de régulation qui sont susceptibles d'être introduits devant les juridictions belges telle la cour d'appel de Bruxelles, en matière notamment de concurrence, il s'agit toutefois de procédures spécifiques matinées d'un aspect administratif prononcé et dans lesquelles le régulateur opposé à un ou plusieurs acteurs privés doit en principe communiquer un dossier administratif, ce dossier étant susceptible de contenir des informations confidentielles qui ne sont pas portées à la connaissance de toutes les parties à la procédure [46].

              37.La question ne peut s'exporter telle quelle dans les litiges civils classiques. Deux questions liées à la protection du secret des affaires viennent à l'esprit:

                • le juge peut-il se voir opposer un secret des affaires? Comment peut-il offrir une forme de protection à ce type de secret dont l'opportunité est reconnue?
                • un magistrat confronté à la production ou à la demande de production de certains documents couverts par le secret des affaires pourrait-il, au vu des obligations pesant sur lui, protéger dans une certaine mesure ces secrets, en vérifier la réalité, recourir à des tiers afin de jouer le rôle de filtre?

                38.La recherche d'un équilibre entre respect du secret des affaires et du principe du contradictoire pose des problèmes concrets. Cette question reflète une évolution en ligne finalement avec les préoccupations de la directive. Dans un arrêt du 2 novembre 2012 [47], la Cour de cassation a apporté des éléments nouveaux. Elle va aménager dans un contentieux subjectif des solutions arrêtées dans des procédures du contentieux objectif. Précédemment, dans un arrêt du 30 juin 2010, la cour d'appel de Bruxelles indiquait déjà qu'il « n'est pas acceptable qu'un demandeur soit contraint de renoncer à faire valoir ses droits au seul motif que certaines pièces dont il doit faire usage pour établir son dommage sont couvertes par le secret des affaires » [48].

                39.Ces deux arrêts démontrent que la protection du secret des affaires dans le cadre d'un certain nombre de procédures gagne du galon au détriment des règles du contradictoire [49]. Les conflits entre les valeurs garanties, notamment par la Convention européenne des droits de l'homme et la Charte des droits fondamentaux, se résolvent par une balance des intérêts en présence. Une balance des intérêts qu'il appartient au juge du fond de réaliser au terme d'un débat où les parties auront pu s'expliquer sur l'opportunité ou non de faire échapper des pièces au débat contradictoire, sur l'absence d'alternatives plus légères et plus respectueuses des droits de tous les intervenants et surtout sur les mécanismes à mettre en oeuvre pour garantir autant que possible, malgré cette situation particulière, les droits procéduraux des parties [50].

                40.La première question à se poser revient à s'interroger sur la manière de statuer sur la légitimité pour une partie d'opposer le secret des affaires. Comment vérifier la réalité de la confidentialité alléguée et le caractère décisif de la pièce pour l'issue du litige? Dans certaines hypothèses, liées par exemple à la vérification du secret médical, la Cour de cassation a validé le fait que le juge vérifie lui-même la pièce incriminée [51].

                41.Cette solution est retenue également par la Cour constitutionnelle dans l'arrêt Varec du 19 septembre 2007 rendu en matière de marchés publics [52]. Elle n'est pas satisfaisante dans le type de contentieux qui nous occupe: en agissant de la sorte, le commencement de l'information par le juge est irréversible, quand bien même il estimerait pour la suite que la pièce est soit effectivement confidentielle, soit non décisive pour l'issue du litige. La conséquence sur le délibéré est inestimable. La solution qui existe dans le contentieux objectif n'est pas transposable telle quelle dans un contentieux subjectif où le principe du contradictoire et de l'égalité des armes implique que les parties soient identiquement informées du contenu de l'information dont dispose le juge.

                42.Le recours à l'expertise peut s'avérer utile mais il ne couvre pas toutes les hypothèses. Dans le cas d'espèce à l'origine de l'arrêt du 2 novembre 2012 de la Cour de cassation [53], c'est dans l'expertise qu'on se livre à un aménagement des règles du contradictoire. Peut-on généraliser celles-ci et confier systématiquement à un expert, au sens strict du Code judiciaire, le sens de vérifier la confidentialité ou non de certaines pièces et, si tel est le cas, de jouer ensuite le rôle du filtre? C'est au juge qu'il revient in fine de contrôler le caractère contradictoire de l'expertise et donc de vérifier, le cas échéant, le travail de filtre ou de sélection réalisé par l'expert. Au vu du caractère subsidiaire de l'expertise et de l'interdiction pour le juge de déléguer son pouvoir de juridiction, la mission du tri ne peut être assignée à titre principal à l'expert que si elle revêt un véritable aspect technique. Une telle délégation n'est donc possible dans l'état actuel du droit de l'expertise que dans la mesure où le juge n'est pas à même, pour des motifs techniques, de déterminer si la pièce est confidentielle ou non [54].

                43.L'instauration de garanties pour les parties qui se voient privées d'un « accès normal » aux pièces de la procédure est une obligation absolue afin de garantir l'égalité des armes. Des solutions existent dans la pratique. Elles vont de la possibilité très simple de produire des documents expurgés, à la mise sur pied d'une data room où les parties ne peuvent que prendre connaissance des pièces disponibles sans les copier ni les emporter, en passant par la désignation, dans l'hypothèse où une totale confidentialité est requise vis-à-vis d'une partie, d'un mandataire indépendant sans constituer une mission d'expertise à proprement parler. Une sorte de « mini instruction » privée en quelque sorte. Cette dernière hypothèse rencontre la nécessité de préserver le juge de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites et donc de l'atteinte au contradictoire. L'atteinte, si elle existe, est limitée en amont du débat judiciaire [55].

                44.En vertu de l'article 879 du Code judiciaire, le juge dispose d'une palette importante de modalités pour concilier collaboration à l'administration de la preuve et droit au respect du secret des affaires [56]. L'énumération des mesures d'instruction figurant dans le Code judiciaire n'est pas exhaustive. Le juge peut en imaginer d'autres. Il nous semble que le débat autour de la transposition de la directive n° 2014/104 devrait être l'occasion de pérenniser, de manière bien plus large que pour les seuls « litiges concurrence », des mécanismes en ce sens sur base des récents arrêts de la Cour de cassation déjà exploités par les juges du fond. De telles procédures peuvent s'avérer particulièrement utiles, voire indispensables en matière de pratiques de marchés, de droit de la distribution, de droit des sociétés mais également dans d'autres matières relevant du droit privé où le respect de la vie privée viendra prendre la place du secret des affaires.

                45.La directive entend encore que les Etats membres veillent à ce que les juridictions nationales soient en mesure d'infliger de manière effective, proportionnée et dissuasive des sanctions aux parties, à des tiers et à leurs représentants légaux qui ne collaboreraient pas à la charge de la preuve (art. 8). Le texte va même plus loin demandant aux Etats membres que les cours et tribunaux aient la possibilité de tirer des conclusions défavorables en présumant, par exemple, que le fait litigieux en question est avéré ou en rejetant en tout ou en partie des moyens de défense, ainsi que la faculté de prononcer une condamnation aux dépens.

                46.Le droit belge ne manque pas de mesures tendant à assurer le principe de collaboration des parties et des tiers à la preuve.

                Ainsi, par exemple, il est certain que l'injonction faite aux parties de produire des documents peut être assortie d'astreintes instituées par l'article 1385 du Code judiciaire.

                47.Le refus de collaboration à la preuve par une des parties n'a cependant pas à ce stade en droit positif l'effet demandé par la directive. Mais, si le Code judiciaire n'a pas admis qu'on considère comme avéré le fait allégué par une partie à défaut pour l'autre partie de collaborer à la preuve, il n'en reste pas moins que ce refus pourrait être pris en considération à titre de présomption du fait de l'homme et affaiblir la position de son auteur. Ce principe se retrouve également dans le cadre de l'expertise. Les parties sont tenues de collaborer à l'expertise. A défaut, le juge peut en tirer toute conséquence qu'il jugera appropriée (art. 972bis C. jud.).

                48.En cas de refus à justifier de produire un document dans le chef d'un tiers, celui-ci pourrait se voir condamner à des dommages et intérêts à condition bien sûr que la personne réclamant condamnation puisse démontrer que l'abstention du tiers a compromis ses chances de succès.

                49.Enfin, rappelons que l'article 495bis du Code pénal frappe d'une peine celui qui est détenteur d'un document et dont la production en justice a été ordonnée aura frauduleusement détruit, altéré ou dissimulé ce document.

                2. Un accès encadré aux preuves contenues dans les dossiers des autorités de la concurrence (art. 6 et 7)

                50.Si les décisions de la Commission européenne ou des autorités nationales en matière d'infractions au droit de la concurrence font l'objet de publications, ces décisions ne contiennent pas toujours tous les éléments pertinents nécessaires à la victime pour établir la réalité de son préjudice. L'accès à l'intégralité des décisions mais également aux éléments pertinents du dossier d'enquête doit être réglementé.

                Il faut distinguer à nouveau ici les enquêtes menées par la Commission européenne, de celles menées par les autorités nationales de la concurrence. Contrairement à la collaboration entre juridiction nationale et autorité nationale de la concurrence, la collaboration entre la Commission européenne et le juge national n'est pas réglée par la directive qui se focalise sur le traitement harmonisé au niveau national du Private Enforcement.

                51.Lorsque le juge saisi d'une demande en matière de réparation d'un dommage subi suite à une infraction au droit de la concurrence souhaite enjoindre à la Commission européenne, chargé d'une enquête ou qui a rendu une décision dans un cas précis, de produire des preuves, l'article 15, 1., du règlement n° 1/2003 trouvera à s'appliquer en vertu du principe de coopération loyale entre l'Union européenne et les Etats membres également visé à l'article 4, 3., du traité de l'Union européenne [57]. Cette disposition prévoit en effet que « dans les procédures d'application de l'article (101 ou 102) du traité, les juridictions des Etats membres peuvent demander à la Commission de leur communiquer des informations en sa possession ou un avis au sujet des questions relatives à l'application des règles communautaires de concurrence ». Les modalités pratiques de transmission des informations et les limitations de celles-ci en matière de secrets d'affaires, de secrets professionnels ou, dans l'intérêt de préserver les intérêts de la Communauté (risques d'interférences avec l'enquête en cours, processus de clémence, …) sont développées dans une communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 81 et 82 du traité [58].

                52.Confrontée à une telle demande de la part d'un individu ou d'une entreprise, la Commission veillera à intervenir dans le respect du règlement CE n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, dit « règlement transparence » [59]. Le texte vise à conférer au public un droit d'accès aux documents le plus large possible mais limité toutefois en raison d'intérêts publics ou privés. L'article 4 du règlement n° 1049/2001 prévoit un régime d'exception fondé sur une mise en balance des intérêts en présence qui s'opposent dans une situation donnée. La matière du droit de la concurrence n'échappe pas à ce régime: il ne saurait être question, sous prétexte d'encourager le Private Enforcement, de remettre en question la politique de Public Enforcement de la Commission européenne, en particulier des outils aussi stratégiques et sensibles que la clémence et la transaction. Cette question se pose de manière identique pour les autorités nationales de la concurrence (infra, n° 55) [60].

                53.S'agissant à présent de la relation entre des juridictions nationales et des autorités publiques susceptibles de fournir des éléments utiles dans le cadre d'une procédure de Private Enforcement, les principes de la coopération juridique et administrative en vertu du droit de l'Union ou du droit national s'appliquent [61]. Lorsque la juridiction d'un Etat membre demande à la juridiction compétente d'un autre Etat membre de procéder à un acte d'instruction dans un autre Etat membre, c'est le règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans les domaines de l'obtention de preuves en matière civile ou commerciale qui trouve à s'appliquer [62].

                54.La directive entend encadrer ce processus de coopération dès lors qu'il s'agit de sanctionner civilement des infractions au droit de la concurrence: « L'application effective et cohérente du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la Commission et les autorités nationales de concurrence nécessite une approche commune au sein de l'Union en ce qui concerne la production de preuves contenues dans les dossiers d'une autorité de concurrence. La production de preuve ne devrait pas entraver indûment la mise en oeuvre effective du droit de la concurrence par une autorité de concurrence. » [63]. Le législateur européen met en avant l'exigence de proportionnalité dans le but de ne pas mettre à mal la stratégie d'enquête des autorités de la concurrence et plus particulièrement les mécanismes inestimables que sont la clémence [64] et la transaction [65].

                Ces équilibres sont définis aux articles 6 et 7 de la directive. Ces dispositions prévoient l'impossibilité totale de produire certains documents, la possibilité d'en délivrer certains seulement après la clôture d'enquêtes et enfin, prescrivent certaines recommandations particulières en matière d'utilisation des preuves réunies par une autorité de concurrence à l'occasion d'une enquête.

                55.Dans la loi de transposition, le législateur belge veillera à ce que dans le cadre d'une action en dommages et intérêts, les juridictions nationales ne puissent à aucun moment enjoindre à une partie ou à un tiers de produire les preuves relevant d'éléments liés aux déclarations effectuées en vue d'obtenir la clémence ou à des propositions de transactions (art. 6, 6.). Le cas échéant, la juridiction nationale pourra s'assurer, avec l'autorité de la concurrence concernée, de ce que les pièces dont la production est exigée correspondent bien à ces catégories (art. 6, 7. de la directive).

                La protection du Public Enforcement et de ses joyaux que sont la clémence et la transaction passe avant tout [66]. Cette disposition a le mérite de mettre un terme à l'insécurité juridique qui existait depuis l'arrêt Pfleiderer [67] qui retenait qu'en l'absence de législation européenne, il appartient au juge national de déterminer au cas par cas et selon le droit national, les conditions dans lesquelles la divulgation de documents liés à la procédure de clémence aux victimes d'une infraction au droit de la concurrence doit être autorisée ou refusée.

                56.L'article 6, 5. prévoit trois catégories de preuves ne pouvant être produites qu'une fois qu'une autorité de concurrence a, en adoptant une décision, ou d'une autre manière, clos sa procédure. Il s'agit:

                  • des informations préparées par une personne physique ou morale expressément aux fins d'une procédure engagée par une autorité de concurrence;
                  • des informations établies par l'autorité de concurrence et envoyées aux parties en cours de procédure;
                  • les propositions de transaction qui ont été retirées.

                  57.Enfin, l'article 6, 4. de la directive formule différents éléments à prendre en compte par les juridictions nationales lorsqu'elles évaluent la proportionnalité de la demande d'injonction de production des documents:

                    • la demande a-t-elle été formulée de façon spécifique quant à la nature, à l'objet ou au contenu des documents soumis à une autorité de concurrence ou détenus dans le dossier de celle-ci, ou s'agit-il d'une demande non spécifique concernant des documents soumis à une autorité de concurrence?
                    • la partie qui demande la production d'informations le fait-elle dans le cadre d'une action en dommages et intérêts introduite devant une juridiction nationale?
                    • la mesure sollicitée préserve-t-elle l'efficacité de la mise en oeuvre du droit de la concurrence par la sphère publique?

                    58.L'article 7 invite les Etats membres à prévoir des sanctions d'irrecevabilité des preuves produites en fraude de l'article 6, 6. ou utilisées à contretemps de l'article 6.5.

                    Les strictes limitations relatives à la clémence et à la transaction ainsi que celles relatives à la transmission de certains éléments qu'à l'issue de l'enquête d'une autorité de concurrence devront faire l'objet de mesures particulières de transposition. Les recommandations formulées à la juridiction nationale dans le cadre du principe de proportionnalité encadreront le pouvoir d'appréciation dont le juge dispose à l'égard de toute demande de mesures d'instruction (supra, n° 26 et les références citées).

                    Troisième ligne de force: une détermination et une quantification du préjudice facilitée pour toutes les victimes

                    59.La directive a pour objet de garantir l'effet utile des interdictions prévues aux articles 101 et 102 du TFUE en permettant l'indemnisation de toute personne physique ou morale (consommateurs, entreprises, autorités publiques) victime de ces infractions. La directive pose le principe de la réparation intégrale du préjudice subi, ce qui comprend le damnum emergens et le lucrum cessans auquel s'ajoute le paiement des intérêts. Le texte européen exclut tout « Punitive Damages »: « La réparation intégrale au sens de la présente directive n'entraîne pas de réparation excessive, que ce soit au moyen de dommages et intérêts punitifs ou multiples ou d'autres types de dommages et intérêts » (art. 3, 3.).

                    La directive repose sur le principe de la responsabilité solidaire des entreprises qui ont enfreint le droit de la concurrence par un comportement conjoint (art. 11). Elle modalise toutefois ce principe en indiquant au point 2. que lorsque l'auteur de l'infraction est une petite ou moyenne entreprise, il n'est responsable qu'à l'égard de ses propres acheteurs directs et indirects, si sa part de marché est inférieure à 5% à quelque moment que ce soit de la durée de l'infraction et si l'application des règles habituelles de la responsabilité solidaire compromettrait irrémédiablement la viabilité économique de l'entreprise [68]. L'article 11, 4., de la directive prévoit un autre type de dérogations pour les bénéficiaires d'une immunité dans le cadre d'une procédure de clémence. Ils ne sont responsables qu'à l'égard de leurs acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects et à l'égard d'autres parties lésées que dans la mesure où une réparation intégrale ne peut être obtenue auprès des autres entreprises impliquées dans la même infraction au droit de la concurrence. Ces deux dérogations semblent assumer une discrimination éventuelle entre les contributeurs à la réparation du préjudice.

                    60.La directive en elle-même ne définit pas de méthode d'évaluation. Il faut se reporter à la communication et au Guide pratique de la Commission publié en 2013 sur la quantification du préjudice en matière de droit de la concurrence [69]. C'est la méthode contrefactuelle d'évaluation du dommage qui est retenue par ces différents textes. Elle consiste à comparer les résultats obtenus par l'entreprise avec les résultats qui auraient pu être obtenus en l'absence de la pratique illicite [70].

                    61.Lorsqu'un marché est affecté par une pratique restrictive de concurrence, celui-ci a tendance à réagir de manière à compenser totalement ou partiellement les conséquences sur le marché en répercutant les surcoûts sur les détaillants ou les consommateurs finaux [71]. On parle alors de « passing-on Defence » qui consiste pour l'auteur du dommage à faire valoir que la victime a répercuté en aval son dommage qu'elle n'a donc en réalité pas subi.

                    62.Si la directive prévoit expressément cette défense, elle prescrit également l'allégement de la charge de la preuve de tous les demandeurs en responsabilité. Si l'action en responsabilité est introduite par un acheteur direct (art. 13 de la directive), il appartiendra au défendeur d'apporter la preuve de la répercussion des coûts, le cas échéant, en exigeant de la part dudit vendeur direct la production de différents documents.

                    Si par contre, l'action est intentée par l'acheteur indirect (art. 14), il supportera a priori la charge de la preuve tout en bénéficiant d'un jeu de présomptions particulièrement confortable. L'article 14, 2. de la directive prévoit en effet que l'acheteur indirect est réputé avoir apporté la preuve d'une répercussion à son encontre lorsqu'il démontre que:

                      • le défendeur a commis une infraction au droit de la concurrence;
                      • l'infraction au droit de la concurrence a entraîné un surcoût pour l'acheteur direct du défendeur;
                      • l'acheteur indirect a acheté les biens ou services concernés par l'infraction au droit de la concurrence, ou acheté des biens ou services dérivés ou les contenant.

                      Il s'agit de présomptions réfragables puisqu'elles ne trouvent pas à s'appliquer lorsque le défendeur peut démontrer de façon crédible, à la satisfaction de la juridiction, que le surcoût n'a pas été répercuté sur l'acheteur indirect, ou qu'il ne l'a pas été entièrement (art. 14 in fine de la directive).

                      63.On ne peut que s'inquiéter avec d'autres auteurs des risques de décisions contradictoires en cas d'actions simultanées de la part de demandeurs situés à différents niveaux de la chaîne de distribution et, le cas échéant, devant des juridictions différentes [72]. Le mécanisme de coopération entre juridictions proposé par l'article 15 de la directive paraît fort faible pour rencontrer efficacement ce risque.

                      64.S'agissant toujours de l'existence du dommage ou de la détermination de son quantum, la directive envisage encore trois mécanismes qui retiennent l'attention.

                      65.L'article 17, 2. de la directive institue une présomption réfragable de préjudice en cas d'infraction résultant des ententes [73]. Cette présomption est destinée à faciliter la réparation dans la mesure où les victimes n'ont plus à démontrer qu'elles ont subi un préjudice. Il appartient à l'auteur des pratiques en cours d'apporter la preuve contraire. Dans son considérant n° 47, la directive expose que pour remédier à l'asymétrie de l'information, à certaines difficultés liées à la quantification du préjudice dans des affaires relevant du droit de la concurrence, et pour garantir l'effectivité des actions en dommages et intérêts, il convient de présumer que les infractions sous forme d'ententes causent un préjudice, en particulier en générant un effet sur les prix. Les auteurs de l'infraction devront avoir le droit de renverser cette présomption. Rappelons que dans une affaire récente, le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles a écarté à raison l'application de la présomption de la directive n° 2014/104 qui n'était ni adoptée ni en vigueur au moment de la clôture des débats. En l'absence, au moment où il statue, d'une telle présomption légale, le tribunal de commerce a rejeté la présomption de l'homme avancée par la Commission selon laquelle des accords exécutés avaient nécessairement des effets sur le marché. Le tribunal bruxellois reproche des imprécisions à la Commission européenne, en tant que partie demanderesse dans cette affaire, dans l'argumentation développée à cet égard en estimant qu'on ne peut déduire « automatiquement du cours normal des affaires » qu'un cartel produisait une hausse de prix puisqu'une petite partie de ces cartels (7%) n'affectent pas, selon une étude produite, l'évolution des prix. La présomption légale contenue à l'article 17, 2. [74] de la directive expose donc le contraire.

                      66.Un autre mécanisme prévu à l'article 17, 1. de la directive dispose que les Etats membres veillent à ce que, ni la charge, ni le niveau de la preuve requis pour la quantification du préjudice ne rende l'exercice du droit à des dommages et intérêts pratiquement impossible ou excessivement difficile. Les Etats membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées, conformément aux procédures nationales, à estimer le montant du préjudice s'il est établi qu'un demandeur a subi un préjudice, mais qu'il est pratiquement impossible ou excessivement difficile de quantifier avec précision le préjudice subi sur la base des éléments de preuves disponibles.

                      En d'autres termes, cela revient à dire que le juge pourrait, dans certains cas, estimer ex aequo et bono, le montant du préjudice [75].

                      67.L'application combinée de la présomption de dommages pour cartel et de cette estimation ex aequo et bono peut s'avérer radicale puisqu'il suffirait à l'entreprise victime d'un cartel d'évoquer celui-ci sans disposer des éléments nécessaires pour quantifier son préjudice pour obtenir la réparation fixée par le juge. Il n'en reste pas moins que le juge pourrait être confronté à d'importantes difficultés dans l'estimation d'un préjudice ex aequo et bono qui peut en réalité être particulièrement important, ce qui n'est pas dans les usages jurisprudentiels.

                      68.Enfin, l'article 17, 3. de la directive prévoit que le juge pourra être assisté de l'autorité de la concurrence pour fixer son dommage. Cette procédure devra être organisée de manière à permettre à la partie défenderesse de faire valoir ses observations dans ce cadre. L'autorité agira-t-elle dans ces hypothèses en qualité d'Amicus Curiae (dans un rôle comparable à celui visé aux art. IV.77 et s. du Code de droit économique), comme expert? Si l'autorité a rendu une décision relative à l'infraction en amont, jouit-elle de toutes les garanties d'impartialité pour rendre un tel avis?

                      Quatrième ligne de force: la prescription

                      69.Au terme de l'article 2262bis du Code civil, toute action en réparation d'un dommage fondé sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par 5 ans à partir du jour qui suit celui où la personne visée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable. Ces actions se prescrivent en tout état de cause par 20 ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage.

                      Le projet de directive ne révolutionnera pas le droit belge à cet égard.

                      70.La directive prévoit en son article 10 que les Etats membres arrêtent les règles relatives au délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts, conformément au présent article. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.

                      71.Les Etats membres veillent à ce que le délai de prescription ne commence pas à courir avant que l'infraction ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance de comportements et du fait qu'ils constituent une infraction au droit de la concurrence que l'infraction au droit de la concurrence lui a causé un préjudice et l'identité de l'entreprise contrevenante.

                      72.Les mêmes Etats veillent à ce que le délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts soit de 5 ans au minimum.

                      73.Les Etats membres veillent à ce que le délai de prescription soit suspendu ou, selon le droit national, interrompu pour tout acte d'une autorité de concurrence visant à l'instruction ou à la poursuite d'une infraction en droit de la concurrence à laquelle l'action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive pour laquelle il a été mis un terme à la procédure d'une autre manière.

                      Conclusions

                      74.Une fois transposée, la directive viendra probablement renforcer le nombre d'actions en responsabilité pour violation du droit de la concurrence introduites devant les cours et tribunaux. Le jeu des présomptions sera de nature à faciliter la preuve du dommage et donc l'indemnisation des victimes. La question du juge territorialement compétent dans des litiges dans la plupart des cas internationaux, qui n'est pas traitée par le nouveau texte, pourrait également se voir simplifiée par la récente jurisprudence de la Cour de justice de l'Union [76].

                      75.L'introduction de telles dispositions dans le droit positif belge mériterait sans doute de profiter de l'occasion pour « dépoussiérer » le Code judiciaire en ce qui concerne les procédures de production de documents mais également pour définir de nouvelles mesures d'instructions pratiques permettant de rencontrer, avec des outils adéquats, la problématique du secret des affaires et de l'équilibre procédural que sa reconnaissance est susceptible de mettre en cause.

                      76.La directive vient incontestablement encadrer le développement du Private Enforcement encore fort timide dans les Etats membres tels que la Belgique ou la France, à l'inverse du Royaume-Uni, de l'Allemagne et des Pays-Bas, par exemple [77]. C'est avant tout la consécration d'une nouvelle vision politique au-delà d'une harmonisation des procédures nationales: celle du Private Enforcement comme un outil aux côtés du Public Enforcement, qui reste prioritaire, mais qui ne suffit plus pour lutter efficacement contre les infractions au droit de la concurrence.

                      [1] Avocat au barreau de Bruxelles, inscrit à la liste des avocats européens du barreau de Paris, DALDEWOLF.
                      [2] J.O. L. 349/1, 5 décembre 2014.
                      [3] Livre Vert du 19 décembre 2005 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante (COM (2005) 672 final); Livre Blanc du 2 avril 2008 sur les actions en dommages et intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante (COM (2008) 165 final).
                      [4] L'article 22 de la directive dispose que les Etats membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées afin de se conformer aux dispositions substantielles de la directive ne s'appliquent pas rétroactivement. Le point 2. impose aux Etats membres de veiller à ce que ces mêmes dispositions nationales ne s'appliquent pas aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014. L'objectif étant ici d'éviter de créer par l'application rétroactive de certaines dispositions une rupture d'égalité entre les parties lésées selon l'état d'avancement du droit de l'Etat membre concerné.
                      [5] Considérant 10 de la directive.
                      [6] Pour une réflexion sur cette question: F. Lefevre, « Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence. Questions actuelles et perspectives d'évolutions futures », R.C.B., 2009, p. 23.
                      [7] Une directive n'est pas le cadre juridique approprié pour régler cette question de droit international privé. Une directive est un instrument d'harmonisation qui fixe des objectifs à chaque Etat membre tout en laissant à chacun le choix des moyens pour les atteindre. Un tel instrument ne permet pas de fixer pour tous les Etats membres de manière contraignante un critère de compétence. C'est le rôle d'un règlement tel que le règlement n° 44/2001 sur la compétence internationale, la reconnaissance et l'exécution des jugements, dit « Bruxelles I » qui est remplacé depuis le 10 janvier 2015 par le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles Ibis ». La Commission a toujours soutenu sur ce point depuis le Livre Vert que l'arsenal législatif déjà existant en droit international privé était suffisant. Voy. sur cette question: L. Idot, « La dimension internationale des actions en réparation. Choisir sa loi ou son juge: quelles possibilités? », Concurrences, n° 3-2014, p. 43.
                      [8] Voy. à ce sujet L. Idot, « Droit antitrust: de l'illustration des limites de la nouvelle Directive 2014/104/UE sur les actions en réparation », Europe n° 1, janvier 2015, p. 1; J. Vogel, « Stratégies et moyens de défense face à une action en dommages et intérêts pour atteinte au droit de la concurrence », Sem. jur., n° 12, 21 mars 2013, p. 1172.
                      [9] C.J.U.E., 21 mai 2015, C-352/13, Cartel Damages Claims / Akzo.
                      [10] L'arrêt précise encore que cette règle permettant d'agir devant une seule et même juridiction à l'encontre de plusieurs défendeurs domiciliés dans divers Etats membres, s'applique même lorsque le demandeur s'est désisté de son action à l'égard du seul des codéfendeurs qui est domicilié dans l'Etat membre du siège de la juridiction saisie, sauf à ce que soit établie l'existence d'une collusion entre le demandeur et ledit codéfendeur en vue de créer ou de maintenir, de manière artificielle, les conditions d'application de ladite disposition à la date de l'introduction de cette action (pt. 33). Précisons encore que dans cet arrêt la Cour rappelle, conformément, nous semble-t-il, à une jurisprudence plus classique qu'une personne lésée par une entente illicite dispose d'une option alternative permettant d'introduire son action en réparation à l'encontre de plusieurs sociétés ayant participé à l'infraction soit devant le tribunal du lieu de la conclusion de l'entente soit devant le tribunal du lieu de la matérialisation du dommage. S'agissant d'un dommage consistant en des surcoûts payés en raison d'un prix artificiellement élevé, ce lieu n'est identifiable que pour chaque prétendue victime prise individuellement et se trouvera, en principe, au siège social de celle-ci (pt. 52). La Cour souligne que la juridiction ainsi identifiée peut être saisie d'actions dirigées à l'encontre soit de l'un des auteurs quelconque de l'entente soit de plusieurs sociétés ayant participé à celle-ci (pt. 54). Il apparaît que dans cette hypothèse, le tribunal n'aura compétence que pour accorder le dommage subi sur son territoire (voy. sur cette question: L. Idot, « La dimension internationale des actions en réparation. Choisir sa loi et son juge: quelles possibilités? », o.c., pp. 43-53; F. Lefevre, o.c., R.C.B., 2009, p. 7).
                      [11] C.J.U.E., 20 septembre 2001, C-453/99, Courage et Crehan, spécialement les § 19 et 25 à 27 qui renvoient au principe d'effet direct et aux jurisprudences Van Gend & Loos (5 février 1963, C-26/62) et Costa Enel (15 juillet 1964, 6/64) ainsi qu'au principe d'effectivité du droit communautaire dont la mise en oeuvre revient au juge national tel que développé dans les jurispudences Simmenthal (9 mars 1978, C-106/77) et Factortame (19 juin 1990, C-213/89); C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-295/04 et C-298/04, Manfredi; C.J.U.E., 14 juin 2011, C-360/09, Pfeiderer AG.
                      [12] L'article 2 du règlement n° 1/2003 prévoit à cet égard que la charge de la preuve d'une violation des articles 101 et 102 du TFUE incombe à la partie qui l'allègue.
                      [13] Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, J.O. L. 1 du 4 janvier 2003, p. 1.
                      [14] C.J.U.E., 14 décembre 2000, C-344/98, Masterfoods.
                      [15] C.J.U.E. (gde ch.), 6 novembre 2012, C-199/11, Europese Gemeenschap / Otis NV et autres, § 31.
                      [16] C.J.U.E., 6 novembre 2012, C-199/11, o.c., § 56 et s.
                      [17] Le contrôle de pleine juridiction ne porte en réalité que sur le montant de l'amende conformément à l'article 31 du règlement n° 1/2003. La Cour estime dans l'arrêt Otis que ce contrôle aux côtés du contrôle de légalité de l'article 263 TFUE est conforme aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l'article 47 de la charte et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
                      [18] Comm. Bruxelles, 24 novembre 2014, R.C.B., 2015, n° 1, pp. 40 et s.; voy. également la note de T. Bontinck et P. Goffinet, « Le jugement du 24 novembre 2014 du tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles: le Private Enforcement au point mort? », p. 47. Cette affaire constitue l'une des rares actions en dommages et intérêts portées devant les tribunaux belges pour infraction au droit de la concurrence. Dans le jugement commenté, la Commission européenne demandait des dommages et intérêts aux membres du cartel des ascenseurs qui se seraient entendus au préjudice de la Commission dans le cadre de différents marchés publics. La Commission européenne a été déboutée et a formé appel. Un jugement très similaire a été rendu par le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles le 24 avril 2015. Le jugement n'est pas publié à ce jour mais porte également sur une demande de dommages et intérêts, émanant de l'Etat belge cette fois à l'encontre des mêmes membres de ce cartel des ascenseurs. L'Etat belge a été débouté. Enfin, soulignons encore le récent arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 février 2015 publié sur le site du Service public Economie: www.economie.fgov.be dans une affaire Belgacom / Base-Mobistar relatif à des demandes de dommages et intérêts consécutifs à des rabais fidélisants, des prix prédateurs et des effets de réseaux.
                      [19] C.J.U.E., 14 décembre 2000, C-344/98, Masterfoods, § 57.
                      [20] Dans certains cas, la faute pourrait également être de nature contractuelle.
                      [21] P. Van Ommeslaghe et De Page, Traité de droit civil. Les obligations, t. II, vol. 2, Sources des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 1219.
                      [22] F. Lefevre, « Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence. Questions actuelles et perspectives d'évolutions futures », o.c., p. 14.
                      [23] Bruxelles, 26 février 2015, publié sur le site du Service public Economie: www.economie.fgov.be, spécialement les points 146 à 158.
                      [24] C.J.U.E., 6 novembre 2012, C-199/11, Europese Gemeenschap / Otis, o.c., § 65.
                      [25] N. Petit et C. Lousberg, « Cour de justice et Tribunal de l'Union européenne. Chronique », Journal de droit international, n° 2, avril 2013, Chronique 4, pp. 29 et s.; T. Bontinck et P. Goffinet, o.c., n° 39.
                      [26] C.J.U.E., 14 décembre 2000, C-344/98, Masterfoods, § 57.
                      [27] Voy. l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 février 2015 précité qui pour chaque infraction examine le discernement de l'auteur de l'infraction, exposant par-là la marge d'appréciation, même faible, qu'elle entend conserver, supra, n° 10 et sur ce qu'en dit la directive, infra, nos 14 et s.
                      [28] Considérant n° 34 de la directive n° 2014/104/CE du 26 novembre 2014.
                      [29] H. Gilliams et C. Cornelis, « Private enforcement of the competition rules in Belgium », R.C.B., 2007-2, p. 26. Cette doctrine n'est plus d'actualité depuis la Réforme de 2013 et du nouveau statut d'autorité administrative de l'ABC.
                      [30] F. Lefevre, « Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence. Questions actuelles et perspectives d'évolutions futures », o.c., p. 13.
                      [31] Bruxelles, 26 février 2015, o.c., spécialement pt. 156.
                      [32] Sur l'autorité des décisions étrangères dans d'autres pays membres de l'Union européenne, voy. F. Lefevre, « Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence. Questions actuelles et perspectives d'évolutions futures », o.c., p. 13.
                      [33] T. Bontinck et P. Goffinet, « Le jugement du 24 novembre 2014 du tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles: le Private Enforcement au point mort? », p. 47.
                      [34] H. Boularbah et X. Taton, Les procédures accélérées en droit commercial, référé, conditions et caractéristiques, le tribunal de commerce: procédures particulières et recherches d'efficacité, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2006, p. 70.
                      [35] L. Cornelis, Algemene theorie van de verbintenis, Anvers, Intersentia Rijkswetenschappen, 2000, p. 214, n° 177.
                      [36] Cass., 10 décembre 2004, R.C.J.B., 2005, p. 680, note J.-P. Buyle; Cass., 18 janvier 2007, Res. jur. imm., 2007, p. 27. Voy. égal. D. Mougenot, L'administration de la preuve et les mesures d'instruction. Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, novembre 2013, Larcier, vol. 145 C.U.P., pp. 305 à 307; P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 2262-2263; N. Verheyden-Jeanmart, Droit de la preuve, Bruxelles, Larcier, 1991, p. 46.
                      [37] Cass., 24 juin 2011, T. Fam., 2012, p. 151, note Vandenbussche et Samoy; Cass., 28 juin 2012, Pas., 2012, I, p. 1504; Cass., 18 janvier 2005, Pas., 2005, I, p. 133.
                      [38] R. Perrot, obs., Rev. trim. dr. civ., 1982, p. 787; D. Mougenot, o.c., p. 318 et, pour ce rapprochement impropre avec la discovery: C. Brömmelmeyer et c., « Directive Private Enforcement: l'Union européenne dépasse-t-elle les bornes? », Sem. jur., n° 12, p. 559.
                      [39] Voy. égal. Civ. Bruxelles, 3 février 2011, T.R.V., 2011/3, pp. 199-212.
                      [40] Cette motivation critiquable est également curieusement reprise en matière réglementaire dans un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 13 mai 2015 publié sur le site www.bipt.be/fr/operateurs/ibpt/litiges. La cour sans autre examen rejette une demande de production de documents, certes fort large, sur la seule base de ce que la demande n'a pas été formulée sur pied de l'article 19, alinéa 2, avant la fin de la mise en état de sorte que la demande est tardive.
                      [41] Voy. D. Mougenot, o.c., p. 319 et les exemples cités; X. Taton, Th. Franchoo, N. Baeten et I. Rooms, « Chronique de jurisprudence. Les actions civiles pour infraction au droit de la concurrence (2004-2010) », o.c., p. 29; H. Gilliams et L. Cornelis, « Private enforcement of the competition rules in Belgium », o.c., p. 24.
                      [42] Comm. Bruxelles, 24 novembre 2014, R.C.B., 2015, n° 1, pp. 40 et s.; voy. égal. la note de T. Bontinck et P. Goffinet, « Le jugement du 24 novembre 2014 du tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles: le Private Enforcement au point mort? », p. 47.
                      [43] C.E.D.H., 6 avril 2002, req. n° 3797/91, Calas / France, pts. 40 à 42; C.E.D.H., 25 février 2003, req. n° 51722/99, Roemen et Schmit / Luxembourg, pts. 64 à 72.
                      [44] E. de Lophem, observations sous Cass., 2 novembre 2012, « Couvrez cette pièce que je ne saurais voir », J.T., 2013, p. 176; J.-P. Buyle, « La production forcée de documents au regard du secret et de la confidentialité », R.D.C., 2013, p. 1078; D. Mougenot, o.c., actualités en droit judicaire, p. 313.
                      [45] C.J.U.E., 24 juin 1986, C-53/85, Akyo, pts. 28 et s.; T.U.E., 27 octobre 1994, T-35/92, John Deere; C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-438/04, Mobistar / IBPT. Dans cet arrêt la Cour estime (pt. 43) qu'il appartient à l'organisme de recours de garantir la confidentialité des données en cause tout en respectant les exigences d'une protection juridique effective et en assurant le respect des droits de la défense des parties au litige; C.J.U.E., 14 septembre 2008, C-450/06, Varec, pt. 39.
                      [46] Voy. les exemples donnés par E. de Lhopem, o.c., J.T., 2013, p. 176; E. de Lhopem qui cite également une décision du Conseil de la concurrence qui circonscrit la nature de la compétence des régulateurs: « La procédure devant l'autorité de la concurrence est différente d'une procédure devant le juge civil, tant au niveau de son organisation qu'au niveau de l'objectif poursuivi et des rôles respectifs des parties (…) Le Conseil a une mission d'intérêt général et non pas une mission de protection des droits subjectifs », Conseil de la concurrence, décembre 2009, P/K-10 du 26 mai 2009, pt. 38; O. Mignolet, L'expertise et la vérité dans le procès civil. La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, C.U.P., vol. 126, Anthémis, p. 109.
                      [47] Cass., 2 novembre 2012, J.T., 2013, p. 174.
                      [48] Bruxelles, 30 juin 2010, J.L.M.B., 2011, p. 1181.
                      [49] Voy. D. Mougenot qui commente ces deux arrêts: L'administration de la preuve et les mesures d'instruction, o.c., p. 315.
                      [50] Voy. Th. Bombois et C. Dubois, « La conciliation de la protection du secret des affaires et du principe du contradictoire dans les recours en matière de marché public », J.T., 2008, p. 426 et E. de Lhopem, o.c., J.T., 2013, p. 178.
                      [51] Cass., 19 décembre 1994, T.Gesch./Rev. dr. santé, 1996-1997, p. 257.
                      [52] C. Const., 19 septembre 2007, J.L.M.B., 2007, p. 1498.
                      [53] Cass., 2 novembre 2012, J.T., 2013, p. 174.
                      [54] Voy. sur cette question, O. Mignolet, o.c., L'expertise et la vérité dans le procès civil, C.U.P. 126, pp. 114-115.
                      [55] Voy. les exemples cités par J.-P. Buyle, « La protection forcée du document au regard du secret et de la confidentialité », R.D.C., 2013, pp. 1082 et s.
                      [56] J.-P. Buyle, o.c., R.D.C., 2013, p. 1083.
                      [57] Voy. les considérants n° 15 et 20 de la directive n° 2014/104.
                      [58] 2004/C101/04.
                      [59] J.O. L. 145 du 31 mai 2001, p. 43.
                      [60] Voy. sur l'application de ce règlement en l'espèce: F. Lefevre, Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence. Questions actuelles et perspectives d'évolutions futures, o.c., p. 19.
                      [61] Considérant 15 de la directive n° 2014/104.
                      [62] J.O. L. 174 du 27 juin 2001, p. 1.
                      [63] Considérant n° 21.
                      [64] La clémence consiste pour une entreprise partie à un cartel à obtenir une immunité totale d'amende dès lors qu'elle fournit en premier lieu des renseignements et des éléments de preuve qui permettent à la Commission soit d'établir une infraction, soit de disposer d'éléments suffisants pour pouvoir réaliser chez d'autres membres de l'entente une inspection ciblée. Pour les autres entreprises, membres du même cartel qui dénonceraient également leur participation des réductions d'amendes n'excédant pas 50% pour la deuxième entreprise, 30% pour la troisième et 20% pour les autres peuvent également être accordées en fonction de la valeur significative des éléments apportés. Cette politique existe également au niveau national (J.-F. Bellis, « Droit européen de la concurrence », Concurrence, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 76).
                      [65] La procédure de transaction permet à la Commission ou à l'autorité nationale d'entamer des discussions avec les parties à un cartel en vue d'identifier le montant maximal de l'amende que celles-ci sont disposées à accepter. Une « récompense » sous forme de 10% du montant de l'amende est octroyée aux parties à la transaction (J.-F. Bellis, « Droit européen de la concurrence », o.c., p. 79).
                      [66] Des auteurs se montrent particulièrement critiques à cet égard: C. Brömmelmeyer et crts., « Directive Private Enforcement: l'Union européenne dépasse-t-elle les bornes? », o.c., p. 343.
                      [67] C.J.U.E., 14 juin 2011, C-360/09, Pfleiderer; C.J.U.E., 6 juin 2013, C-536/11, Donau Chemie; L. Idot, « Accès au dossier des autorités dans les actions privées », Europe, août 2013, COMM. 360.
                      [68] Cette dérogation ne s'applique pas lorsque la PME en question est l'instigatrice de l'infraction ou lorsqu'elle a été précédemment convaincue d'infraction au droit de la concurrence.
                      [69] Communication de la Commission relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondés sur des infractions à l'article 101 ou 102 du T.F.U.E., J.O., C-167 du 13 juin 2013, p. 19; Guide pratique du 11 juin 2013 concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du T.F.U.E., SWD (2013) 205.
                      [70] Il n'entre pas dans l'objet de la présente étude de décrire les méthodes d'évaluation du dommage en droit de la concurrence. Il est renvoyé au Guide pratique précité et pour un exposé complet et très didactique sur la question, dans la présente revue: X. Taton, « Quelle méthode pour l'évaluation concrète du dommage économique? L'exemple des infractions au droit de la concurrence », R.D.C., 2013, p. 1050.
                      [71] Voy. X. Taton, o.c.; voy. l'exemple cité p. 1052 et sur le « Passing on Defence »: F. Lefevre, « Les actions en responsabilité pour infraction au droit de la concurrence », o.c., p. 17; H Gilliams et L. Cornelis, o.c., p. 19.
                      [72] X. Taton, « Quelle méthode pour l'évaluation concrète du dommage économique? », o.c., p. 1053.
                      [73] Pour les autres infractions en revanche, en ce compris l'abus de position dominante, la directive n'introduit aucune nouvelle présomption.
                      [74] Voy. Th. Bontinck et P. Goffinet, « Le jugement du 24 novembre 2014 du tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles: Private Enforcement au point mort », o.c.
                      [75] Cette possibilité n'est pas inconnue en droit belge: voy. p. ex. l'art. VI.127, § 2, du Code de droit économique en matière de dénominations enregistrées.
                      [76] Voy. supra, n° 4; C.J.U.E., 21 mai 2015, C-352/13, Cartel Damages Claims / Akzo.
                      [77] L'on notera que le Private Enforcement ne se caractérise pas uniquement par des actions en réparation formées suite à une infraction en droit de la concurrence, mais se retrouve aussi dans les autres champs d'intervention du juge en matière de concurrence dans le cadre de litiges commerciaux visant à l'annulation d'accords restrictifs de concurrence ou encore dans le cadre d'action en cessation ou même en référé afin de faire cesser un comportement anticoncurrentiel dans les conditions de celui-ci. Voy. en ce sens: X. Taton, Th. Franchoo, N. Baeten et I. Rooms, « Chronique de jurisprudence (2004-2010). Les actions civiles pour infraction au droit de la concurrence », o.c., R.D.C., 2013, p. 6.