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La caution peut se prévaloir des exceptions fondées sur le vice de consentement du débiteur: une vérité incontestée?, R.D.C.-T.B.H., 2015/6, p. 557-568

ZEKERHEDEN
Persoonlijke zekerheid - Borgtocht - Excepties - Gebrek in de toestemming van de schuldenaar bij de hoofdovereenkomst - Aard van de exceptie
Een gebrek in de toestemming van de schuldenaar bij de hoofdovereenkomst is geen exceptie die alleen hem persoonlijk betreft, in de zin van artikel 2036, tweede lid, maar een exceptie die tot de schuld zelf behoort, in de zin van artikel 2036, eerste lid Burgerlijk Wetboek.
SÛRETÉS
Sûreté personnelle - Cautionnement - Exceptions - Vice de consentement dans le chef du débiteur de la convention principale - Nature de l'exception
Un vice de consentement dans le chef du débiteur dans la convention principale ne constitue pas une exception qui lui est purement personnelle au sens de l'article 2036, alinéa 2, du Code civil, mais une exception qui est inhérente à la dette, au sens de l'article 2036, alinéa 1er, du Code civil.
La caution peut se prévaloir des exceptions fondées sur le vice de consentement du débiteur: une vérité incontestée?
Valérie Nicaise [1]

1.L'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2013, publié dans ce numéro, nous offre l'occasion de revenir sur la distinction figurant à l'article 2036 du Code civil et traditionnellement opérée par la doctrine entre les exceptions inhérentes à la dette et les exceptions purement personnelles au débiteur.

Si le cautionnement demeure l'une des sûretés personnelles les plus couramment utilisées, il est un fait que la caution, une fois assignée par le créancier en vue de mettre à exécution son engagement, arguera bien souvent d'une mosaïque d'arguments afin de se dégager de cette obligation ou au moins de l'atténuer. Ainsi, elle tentera notamment de contester la dette principale, dans son existence comme dans son étendue, au moyen du caractère accessoire du cautionnement. A cet effet, l'alinéa 1er de l'article 2036 du Code civil se dessine comme une voie toute tracée pour sortir de ce rapport obligationnel tripartite. En effet, en raison du caractère accessoire du contrat de cautionnement, en vertu duquel ce contrat « n'est que le satellite d'un contrat principal et (qui) n'existe que dans la mesure où le contrat principal existe lui-même » [2], la caution sera reçue, sur la base de cet article, à répercuter sur le cautionnement tous les moyens de défense que le débiteur pourrait invoquer dans le rapport principal. Le contrat de cautionnement évoluant dans une étroite relation de dépendance avec l'obligation principale, tous les événements qui affectent la vie de cette obligation, ou la modifient, réfléchiront sur le cautionnement. Or, quelle plus belle exception peut-elle être invoquée à cet effet par la caution que celle de nullité du contrat principal? Cette exception affectera en effet l'obligation principale dans son existence et pourra conséquemment conduire à l'anéantissement du contrat de cautionnement, qui ne peut exister que sur une obligation valable en vertu de l'article 2012, alinéa 2, du Code civil.

Dans l'espèce dont la Cour de cassation était saisie, la caution invoquait l'erreur du débiteur principal, ainsi que le dol, afin de voir consécutivement s'évaporer son engagement par l'effet du principe de l'accessoire. La question se posait en ces termes clairs: un vice de consentement du débiteur constitue-t-il une exception qui est purement personnelle à ce dernier au sens de l'alinéa 2 de l'article 2036 du Code civil ou une exception inhérente à la dette au sens de l'alinéa 1er de cet article et dès lors susceptible d'être opposée au créancier par la caution?

L'on peut d'une part soutenir que ces vices sont attachés au contrat lui-même puisque celui-ci ne peut exister sans l'ultime condition du consentement de celui qui s'oblige [3]. Ce vice pourrait ainsi très bien être invoqué par cet autre sujet qu'est la caution, « qui, comme lui, aurait été victime du même vice » [4]. Mais l'on pourrait d'autre part pareillement estimer que les vices de consentement sont des « exceptions personnelles par excellence » [5], puisqu'ils touchent au pouvoir décisionnel d'un individu, ce qui démontre clairement un caractère personnel [6], le consentement étant « l'expression de la volonté intime de l'individu, et relev(ant) à ce titre de ce qui lui est purement personnel » [7]. Force est en effet d'admettre que « c'est la personne du débiteur qui est en cause, c'est lui qui est dans l'erreur, qui a été trompé ou violenté » [8]. En trouvant, en un certain sens, leur origine dans la personne du débiteur, les vices de consentement semblent ainsi incontestablement fondés sur des circonstances personnelles au débiteur, circonstances que la caution n'est normalement pas en droit d'invoquer, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 2036. D'ailleurs, la loi elle-même, en érigeant un tel vice comme une cause de nullité relative et en ne protégeant que celui dont le consentement a été vicié, place les vices de consentement sur la même ligne que l'incapacité [9], qui ne peut quant à elle assurément pas être soulevée par la caution, en vertu de l'article 2012, alinéa 2, du Code civil.

A notre connaissance, la jurisprudence belge ne s'était jusqu'alors pas formellement prononcée quant à cette épineuse question. Voilà un constat surprenant. D'autant qu'à y regarder de plus près, nous constaterons que cette interrogation a vu son sort scellé depuis longtemps, dans des termes pluriséculaires que rien ni personne - ou presque - ne semblait pouvoir ébranler.

1. La caution peut-elle opposer au créancier les vices de consentement du débiteur?
a. Le caractère accessoire du cautionnement et l'opposabilité des exceptions par la caution

2.Avant de nous pencher sur la question de savoir où ranger les vices de consentement du débiteur dans la classification bipartite des exceptions, il importe de rappeler brièvement les dispositions légales applicables à ce débat, ainsi que le sacro-saint principe de l'accessoire, qui sous-tend l'entièreté du mécanisme du cautionnement et se retrouve ainsi également en filigrane dans les articles 2012 et 2036 du Code civil.

Il est incontesté que le cautionnement « est, par essence même, un contrat accessoire, puisqu'il n'a d'autre objet que de garantir l'exécution d'une obligation principale » [10]. Les conséquences de ce caractère accessoire sont multiples [11]. Celle qui nous intéresse en l'espèce se retrouve plus précisément à l'alinéa 1er de l'article 2012 du Code civil qui dispose que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ». Ainsi, la validité du contrat de cautionnement dépend étroitement de la validité de l'obligation principale [12] et ce contrat accessoire n'existera que dans la mesure où existe l'obligation principale [13], puisqu'en application de cet article, il est impossible de cautionner une obligation inexistante. Par conséquent, la nullité du contrat principal entraînera corrélativement la disparition [14] du contrat de cautionnement. Troplong, déjà, s'appuyait sur les adages latins pour affirmer qu'il résulte de l'article 2012 du Code civil que « le cautionnement ne peut soutenir qu'une obligation soutenable, et que sa validité chancelle et s'évanouit quand celle-ci s'écroule » [15]. L'alinéa 2 de cet article renferme quant à lui une exception à ce principe (et contredit par là-même selon certains le caractère accessoire du cautionnement [16]), puisqu'aux termes de cet alinéa, « on peut néanmoins cautionner une obligation encore qu'elle pût être annulée par une exception purement personnelle à l'obligé; par exemple, dans le cas de minorité ». En ce cas, même si l'obligation principale est annulée en raison de l'incapacité du débiteur, l'obligation de la caution subsistera, la loi considérant ce cautionnement comme définitivement valable [17].

Ce principe et cette exception sont précisés par l'article 2036 du Code civil, qui synthétise par ailleurs l'ensemble des conséquences du principe de l'accessoire [18]. L'alinéa 1er de cet article ouvre en effet à la caution la possibilité d'opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur principal qui seraient inhérentes à la dette, cette faculté logique étant ainsi considérée comme « le corollaire nécessaire du caractère accessoire » [19] du cautionnement [20]. Ces exceptions, également appelées réelles ou in rem parce qu'elles se rattachent à la dette elle-même [21], sont l'ensemble des causes qui affectent juridiquement non seulement l'existence, mais aussi l'étendue de l'obligation principale. Elles s'opposent aux exceptions purement personnelles au débiteur, que la caution ne pourrait pas opposer au débiteur, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 2036 du Code civil, apportant quant à lui un écho sensiblement plus large à l'article 2012, alinéa 2, du même code [22].

3.S'il peut de prime abord sembler aisé de rattacher l'un ou l'autre événement à la catégorie lui correspondant au sein de cette distinction suggestive traditionnellement opérée entre les exceptions réelles et les exceptions purement personnelles, force est de déchanter. L'apparente simplicité du texte dissimule une réalité sibylline et certaines zones d'ombre. Afin de concilier les alinéas 2 de ces deux articles avec le mécanisme général du cautionnement, la doctrine a en effet de tout temps, et de manière quasi unanime, interprété les exceptions purement personnelles de façon très restrictive, comme nous allons le voir en tentant de replacer les vices de consentement du débiteur au sein de ce paysage enchevêtré, dans le souci constant de déterminer le régime qui leur est applicable.

b. La réponse apportée par les rédacteurs du Code civil et les auteurs du XIXe siècle

4.La difficulté que nous venons de dénoncer vient du fait qu'aucune définition, ni aucun inventaire, de ces exceptions n'est donnée par le code [23]. Les articles 2012 et 2036 du Code civil n'ayant subi aucune modification en deux siècles d'existence [24], on peut utilement se tourner vers les travaux préparatoires du Code Napoléon.

Si ceux-ci ne s'avèrent que de peu de secours au lecteur à la recherche d'une définition, les rédacteurs du code ayant préféré un raisonnement fait d'hypothèses ponctuelles à une définition générale de l'opposabilité des exceptions, ils ne nous laissent que peu de doute quant au sort que ses auteurs entendaient réserver aux vices de consentement du débiteur. Si tous n'adoptent pas un raisonnement identique et attachent ainsi des conséquences secondaires différentes à leur thèse, ils affirment par contre à l'unanimité, comme d'une seule et même voix, que les vices de consentement doivent être considérés comme des exceptions inhérentes à la dette, pouvant dès lors être opposés par la caution au créancier. Dans l'exposé des motifs, Treilhard énonce ainsi sans détour que la caution « n'a pas le droit d'opposer une exception qui serait purement personnelle à ce débiteur: mais elle peut s'emparer de toute défense qui ferait tomber l'obligation, telle que celles du dol, de la violence, (…) » [25]. Chabot et Lahary, bien qu'opérant une distinction entre une obligation qui serait nulle de plein droit et celle qui n'entraînerait qu'une nullité relative [26], reprennent eux aussi cette affirmation de manière tout aussi explicite. Le premier déclare ainsi dans son rapport que la caution profite de l'action en nullité intentée contre l'obligation principale « contractée par erreur, dol ou violence. Ces vices sont attachés au contrat lui-même, puisqu'il ne peut exister de contrat sans le consentement de la personne qui s'oblige et qu'il n'y a pas de consentement valable s'il n'a été donné que par erreur, ou extorqué par violence, ou surpris par le dol » [27]. L'orateur du Tribunat confirme quant à lui que la caution ne peut opposer au créancier que les exceptions qui sont « inhérentes à la dette, comme celles qui résultent de l'erreur, du dol et de la violence » [28].

Au XIXe siècle, la doctrine suit les travaux préparatoires de manière quasi unanime. S'appuyant sur le droit romain, Troplong distingue ainsi le cas du dol de celui de la minorité, en ce que le premier infecte le contrat d'un vice radical, rendant ce contrat nul d'une nullité viscérale [29]. « L'exception de dol et de violence tomb(ant) sur la chose même » [30], elle peut être opposée par la caution. A notre connaissance, seul Mourlon se risquera à affirmer le contraire [31], mais il sera vivement critiqué par Laurent [32], qui soutient lui aussi que « si l'obligation est annulée pour vice de consentement, le cautionnement tombe avec elle » [33], et son opinion restera très isolée. Ces auteurs excluent ainsi les vices de consentement de la catégorie des exceptions purement personnelles et cantonnent par là même ces exceptions à l'incapacité pouvant frapper le débiteur (voy. infra), en s'appuyant sur la solution qui fut reconnue en droit romain et par la coutume des époques franques et féodales, puis reprise ensuite par les juristes de l'Ancien droit, tels que Domat et Pothier, et recueillie enfin par le Code civil [34].

c. La confirmation de la doctrine moderne

5.A défaut de jurisprudence, la doctrine moderne a persisté à prendre parti en faveur d'une conception extensive [35] de la notion d'exception inhérente à la dette, de manière à y inclure les vices de consentement du débiteur [36]. Si les auteurs concèdent que ces vices se rattachent en un certain sens à la personne du débiteur, ils affirment de manière constante et quasi unanime - ou soufflent à demi-mot, comme si la question ne méritait guère plus que l'on s'y attarde - que les exceptions fondées sur un tel vice ne ressortent pas de l'alinéa 2 de l'article 2036 du Code civil [37].

6.Il n'est, à ce titre, pas superflu d'insister sur la différence criante existant avec l'article 1208 du Code civil [38] au sujet de la solidarité passive. Les expressions purement personnelles au débiteur contenues dans l'article 2036 du Code civil ne recouvrent en effet pas la même réalité que celles de l'article 1208 du Code civil, puisqu'en matière de solidarité passive, les vices de consentement [39] sont considérés comme des exceptions personnelles à chaque codébiteur [40]. Les exceptions purement personnelles reprises dans ces deux textes sont donc « plus que de fausses jumelles, deux étrangères » [41]. Troplong épinglait cette différence sans complexe en admettant que les exceptions purement personnelles de l'article 2036 du Code civil n'avaient pas « tout à fait le même sens que dans l'article 1208 » [42] du Code civil, ce qui a pour conséquence que la caution [43] peut se prévaloir de tous les vices de consentement qui affectent l'obligation principale, alors que le codébiteur solidaire ne peut tirer une exception de ces vices [44]. D'autres auteurs, généralement sceptiques quant à la classification des vices de consentement dans la catégorie des exceptions inhérentes à la dette pouvant être soulevées par la caution, sont plus acerbes quant à cette étonnante différence de traitement [45]; parmi ceux-ci, certains prennent parfois appui sur cette contradiction pour retirer à la caution la possibilité de se prévaloir des vices de consentement du débiteur [46]. S'il faut bien admettre que « l'incohérence est flagrante lorsque la même exception est qualifiée, pour les besoins de la cause, d'inhérente à la dette, s'agissant de la caution, et de personnelle s'agissant du codébiteur » [47], l'argument tiré de ce paradoxe ne peut à notre sens l'emporter sur la volonté des rédacteurs du code [48]. D'autant qu'il ne faut guère perdre de vue que les obligations des codébiteurs solidaires sont considérées comme des obligations principales - et qu'il existe à ce titre autant de liens obligationnels distincts qu'il y a de codébiteurs -, contrairement au cautionnement qui n'est qu'une obligation accessoire à une obligation principale [49].

7.Enfin, bien que l'on puisse s'interroger quant à une éventuelle distinction à opérer entre les exceptions purement personnelles et celles qui ne seraient que personnelles au débiteur [50], précisons qu'il est généralement admis que l'expression purement personnelles ne revêt aucun sens particulier [51]. Tout au plus pourrait-on considérer que cet adverbe a été ajouté par les rédacteurs du Code pour souligner qu'il ne faut pas nécessairement analyser comme personnelle toute exception dans laquelle la personne du débiteur joue un rôle [52]. Les vices de consentement suffisent ainsi aisément pour illustrer que le fait pour une exception de relever « de considérations personnelles au débiteur ne la rend pas congénitalement inapte à être sollicitée par la caution » [53]

d. Le contenu de l'article 2012, alinéa 2, Code civil et la justification de la différence établie par la loi entre l'incapacité et le vice de consentement du débiteur principal

8.Si les vices de consentement sont presque unanimement considérés comme des exceptions inhérentes à la dette (voy. supra), il est par conséquent traditionnellement enseigné que la notion d'exception purement personnelle se limite aux exceptions tirées de la nullité pour cause d'incapacité [54]. Il ne faut donc pas hâtivement déduire de la rédaction de l'alinéa 2 de l'article 2012 du Code civil et de sa formulation générale malheureuse - semblant citer l'incapacité du débiteur à titre exemplatif et induire que cette hypothèse n'épuise pas toute la notion d'exception personnelle - que toute cause de nullité relative pourrait être considérée comme une exception purement personnelle au débiteur, au motif qu'il est en principe le seul à pouvoir l'invoquer [55]. Ces exceptions purement personnelles ont un sens bien précis et limité [56], la volonté du législateur de les cantonner à celles qui résultent de l'incapacité [57] ayant mis un frein à toute tentative d'interprétation extensive de cette catégorie d'exceptions. Au surplus, certains auteurs considèrent l'alinéa 2 de l'article 2012 comme un tempérament à la règle de l'opposabilité des exceptions et, plus généralement, comme une exception au caractère accessoire du cautionnement [58]. Si cette disposition légale devait effectivement être considérée comme instituant une telle exception [59], aucune extension par analogie ne pourrait même être osée, le principe de la stricte interprétation des exceptions suffisant à étouffer dans l'oeuf cette tentative [60]. C'est d'ailleurs ce que les demandeurs en cassation soutenaient à l'appui de leur pourvoi dans l'arrêt que nous commentons (voy. infra).

Ainsi, « réceptacle quasiment vide, la notion d'exception purement personnelle (…) n'a jamais connu la fécondité à laquelle une certaine exégèse de l'article 2012 aurait très certainement pu fournir son appui » [61]. C'est la raison pour laquelle certains auteurs en viennent à affirmer, bien que le texte de la loi ne le dise pas, que la caution peut invoquer presque toutes les exceptions liées à la personne du débiteur principal [62].

9.Une fois le contenu de l'alinéa 2 de l'article 2012 délimité, il reste à s'attacher aux arguments avancés pour justifier ce traitement singulier réservé par le législateur à l'incapacité du débiteur. Puisqu'après tout, il est également question de circonstances touchant à la personne du débiteur et de protection d'intérêts privés au sein des vices de consentement. Ainsi, il peut sembler « bien difficile de comprendre pourquoi ce qui vaut pour l'incapacité du débiteur principal ne vaudrait pas pour certains vices de consentement » [63].

Comme nous l'avons déjà annoncé, l'origine de cette solution remonte au droit romain [64]. Les siècles passant, la justification pragmatique qui était en son temps invoquée à l'appui de ce que certains qualifient d'anomalie [65] n'a toutefois pas perdu de sa pertinence. La nécessité pour un incapable de trouver du crédit s'est en effet de tout temps fait sentir, même s'il semble que les rédacteurs du code songeaient plus particulièrement au cas du mineur proche de sa majorité [66]. En fournissant une caution, ce mineur s'adjoint un patrimoine plus solide et moins protégé que le sien [67] et confère donc à son engagement le surcroît de sécurité et d'efficacité qui manquait au créancier. Ce dispositif ne serait toutefois que de peu d'utilité si l'obligation accessoire de la caution s'évanouissait une fois la nullité de l'obligation principale obtenue par le débiteur pour cause d'incapacité. La règle contenue dans l'alinéa 2 de l'article 2012 répond ainsi à la nécessité de laisser subsister l'obligation de la caution, quand bien même l'obligation principale de l'incapable viendrait à être annulée. Ainsi, dans cette hypothèse, le cautionnement n'est sollicité par le créancier que dans la crainte de la survenance d'une exception de nullité et pour s'en garantir [68]. Dans les travaux préparatoires du Code civil, Chabot souligne dès lors qu'au vu de la raison profonde de ce cautionnement, la caution se soumet à l'obligation de garantir en pouvant prévoir que l'obligation du débiteur serait annulée et qu'elle s'est volontairement exposée à en courir les risques [69]. Il est donc aisé de comprendre pourquoi dans ce cas précis, la nullité de l'obligation principale viciée pour incapacité ne peut pas consécutivement entraîner la nullité du cautionnement: c'est en raison de l'intention des parties contractantes que la caution ne pourra pas opposer au créancier cette exception purement personnelle [70].

Au surplus, l'exception de minorité est fondée sur l'état de la personne [71] et découle d'un privilège, ou d'une faveur particulière, qui est accordé par la loi à la seule personne du mineur, sans pouvoir passer hors de la personne de ce débiteur [72]. Ce privilège découle d'une précaution que prend la loi, en présumant l'imprudence du mineur qui agirait sans son tuteur. Mais, comme le décèle Troplong dans une idée commune à notre droit et celui des Romains, l'engagement de ce mineur produit un lien sincère et, revêtant une force suffisante, il serait d'ailleurs pleinement valable, voire indestructible, s'il avait été contracté par un autre [73]. Il ne s'agit pas d'un vice radical de consentement comme dans le cas de l'erreur, du dol ou de la violence. L'engagement du mineur rencontre les conditions élémentaires de validité puisque celui-ci n'a pas été circonvenu ou trompé. C'est la loi qui craint un défaut de conseil, de sagesse ou de prudence du mineur [74].

Cependant, la doctrine ne s'est pas toujours satisfaite de cette justification pratique et plusieurs auteurs, animant ainsi une controverse ardente, ont préféré se tourner vers une explication juridique de ce traitement particulier réservé par le législateur aux incapacités. Là où certains considèrent que la différence entre cette situation et celle des autres exceptions personnelles reste juridiquement inexplicable et constitue une véritable anomalie [75], d'autres affirment qu'il ne s'agit en réalité pas d'un cautionnement, celui garantissant l'exécution d'une obligation dont il connaît le risque d'annulation ne pouvant en effet être qu'« autre chose et plus qu'une caution» [76]. Selon la thèse privilégiée, il s'agirait ainsi plutôt d'une obligation principale donnée en garantie par la caution au créancier contre les risques d'annulation [77], d'une obligation naturelle [78] ou d'un cas de porte-fort [79].

Quelle que soit l'explication juridique fournie à cette situation particulière, on comprend malgré tout aisément que les raisons d'opportunité précises qui ont commandé son élaboration ne peuvent venir justifier la privation de l'opposabilité des exceptions dans d'autres circonstances, aussi personnelles soient-elles au débiteur, comme celle de l'erreur qu'il aurait commise ou, encore moins, en cas de dol ou de violence [80]. Du reste, l'on conçoit mal que le créancier soit protégé, par le biais de l'inopposabilité des exceptions, des conséquences du dol à l'origine duquel il se trouverait [81].

10.Au demeurant, la conséquence pratique de l'inopposabilité de l'exception tirée de l'incapacité du débiteur principal résidera dans la subsistance de l'engagement de la caution, malgré l'annulation de l'obligation principale qui pourrait survenir. Le cautionnement donné pour garantir l'obligation d'un incapable sera donc définitivement valable, l'obligation de la caution restant intacte au mépris du caractère accessoire de son engagement et celle-ci ne pouvant par la suite se retourner contre l'incapable [82]. Cette solution coutumière est par ailleurs reprise dans la quasi-totalité des législations d'influence romaine, seule l'Allemagne et les Pays-Bas ne la consacrant pas en Europe occidentale [83]. Certains auteurs insistent toutefois sur le faible intérêt pratique de la règle, vu la tendance moderne à réduire les incapacités de protection [84]. Bien que généralement considérée comme s'appliquant aux obligations contractées par tous les incapables [85], elle ne toucherait ainsi que les mineurs non émancipés et les majeurs déclarés incapables [86].

11.Enfin, il importe également de signaler que de minces ajouts ont été apportés à la catégorie des exceptions purement personnelles, ces hypothèses étant chacune à leur manière fondées sur la considération de la personne du débiteur. En sus de l'incapacité du débiteur, on admet ainsi que la caution ne peut opposer au créancier les termes et délais judiciaires accordés en vertu de l'article 1244 du Code civil, le plan de règlement judiciaire arrêté par le juge des saisies suite à la requête du débiteur en règlement collectif de dettes, ainsi que l'excusabilité qui serait prononcée au bénéfice du failli [87]. De manière plus large, si la doctrine majoritaire [88] considère généralement, bien que le texte ne le dise pas, que l'alinéa 2 de l'article 2012 du Code civil ne trouve à s'appliquer que lorsque la caution avait connaissance de l'incapacité de la caution [89] - et ce au vu de la justification pragmatique de ce traitement particulier (voy. supra) -, on admet corrélativement que la caution, qui s'engagerait en connaissance du vice affectant l'obligation principale, ne pourrait opposer une quelconque exception de nullité quant à ce et restera donc corrélativement tenue de s'exécuter [90].

e. La réponse apportée par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2013

12.Comme nous l'avons vu ci-avant, il n'aura pas fallu attendre que la jurisprudence se prononce quant à la possibilité pour une caution de se prévaloir des vices de consentement pour que la doctrine se saisisse de cette question. A notre connaissance, c'est ainsi la première décision de la Cour de cassation belge traitant de ce sujet, ce qui peut paraître étonnant en 2 siècles d'application du Code civil et d'exégèse.

Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit. Le 10 mars 1994, un contrat de franchise est conclu entre la SA Carrefour Belgium et monsieur W. et madame P., ces derniers intervenant en nom propre et/ou pour le compte d'une personne morale à désigner, pour laquelle ils se portent forts. A cette même date, monsieur W. et madame P. se portent cautions solidaires des engagements de cette personne morale à désigner, qui pourraient résulter du contrat de franchise venant d'être conclu. Le 20 avril 1994, la SPRL W. est constituée et le 8 juin suivant, l'ensemble des obligations du contrat de franchise lui sont transférées par monsieur W. et madame P, en application de l'article 60 du Code des sociétés. Ceux-ci concluent également un nouveau contrat de cautionnement solidaire au profit de la SA Carrefour Belgium pour toutes les dettes présentes et futures dont la SPRL W. pourrait lui être redevable. Les affaires ne démarrent pas et les chiffres d'affaires restent bas. A tel point qu'au mois de février 1996, la faillite de la SPRL W. est prononcée par le tribunal de commerce d'Audenarde. Le franchiseur introduit alors une déclaration de créance et poursuit également monsieur W. et madame P., au titre de cautions solidaires. Ceux-ci soutiennent toutefois que la SA Carrefour Belgium est l'unique responsable des mauvais chiffres d'affaires du commerce, en ce qu'elle avait tout d'abord fautivement dissimulé des informations d'importance lors des négociations précontractuelles et établi un plan financier déraisonnable [91], puis failli à son obligation d'assistance [92]. Ils poursuivent également la nullité du contrat de franchise au titre d'erreur, de dol et en raison de la faute précontractuelle qui aurait été commise par le franchisé, ainsi que la nullité consécutive du contrat de cautionnement solidaire. Ils poursuivent aussi notamment la résolution du contrat de franchise pour inexécution par le franchiseur de son obligation d'assistance.

Le 24 mars 1997, le tribunal de première instance d'Audernarde dit la demande de la SA Carrefour Belgium recevable et fondée, et déboute monsieur W. et madame P. Ceux-ci décident de faire appel mais la cour d'appel de Gand ne fait pas non plus droit à leur demande le 20 février 2012. Les cautions solidaires décident alors de se pourvoir en cassation. Ils soutiennent notamment que l'arrêt de la cour d'appel méconnaît le caractère accessoire du cautionnement et viole ainsi les articles 2011, 2012 et 2036 du Code civil, en ce qu'il considère que monsieur W. et madame P. ne peuvent se prévaloir de la nullité du contrat de franchise au titre de cautions solidaires en application de l'article 2036, alinéa 1er, du Code civil. L'arrêt de la cour d'appel estime en effet que les vices de consentement de dol et d'erreur et la faute précontractuelle consécutive du franchiseur constituent des exceptions purement personnelles au débiteur et non des exceptions inhérentes à la dette et ne peuvent donc être invoqués par les cautions, comme le prévoit l'article 2036, alinéa 2, du Code civil. Les demandeurs en cassation considèrent quant à eux que, contrairement à l'hypothèse de l'incapacité du débiteur principal, les vices de consentement sont inhérents à la dette et au créancier et peuvent donc être invoqués par les cautions. Ils rappellent aussi, autant que de besoin, que les exceptions au principe du caractère accessoire du cautionnement - en vertu duquel la nullité du contrat principal entraîne la disparition du contrat de cautionnement -, telle que celle contenue à l'article 2012, alinéa 2, du Code civil, sont de stricte interprétation.

Dans ses conclusions, l'avocat général A. Van Ingelgem se range à l'argumentation de ces cautions, estimant lui aussi qu'un vice de consentement relève de la catégorie des exceptions inhérentes à la dette [93].

Le 10 octobre 2013, la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Gand, en considérant à son tour qu'« un vice de consentement dans le chef du débiteur dans la convention principale ne constitue pas une exception qui lui est purement personnelle au sens de l'article 2036, alinéa 2, mais une exception qui est inhérente à la dette, au sens de l'article 2036, alinéa 1er, du Code civil ».

f. La messe est-elle dite?

13.Si cet arrêt de la Cour de cassation se distingue par son extrême concision, il semble trancher la question qui lui était posée de manière générale. Les termes de l'arrêt ne laissent en effet planer aucun doute quant au sort que la Cour entend réserver à l'ensemble des vices de consentement et il s'annonce déjà comme un arrêt de principe. La Cour a donc saisi l'opportunité qui lui était donnée pour apporter une réponse jurisprudentielle claire à la question de savoir comment traiter ces vices: ceux-ci pourront désormais assurément être opposés par la caution au créancier, en application de l'article 2036, alinéa 1er, du Code civil.

D'aucuns objecteront sans doute à tant d'enthousiasme que la réponse de la plus haute juridiction du pays était on ne peut plus prévisible, tant la doctrine semblait déjà unanime quant à cette question. Nous concédons que cette interprétation ne rencontrait certes que peu de détracteurs. Il n'empêche que la Cour de cassation aurait tout autant pu décider de faire prévaloir l'opinion dissidente, comme l'avait d'ailleurs fait avant elle son homologue français dans une décision fracassante, qui ne finit d'ailleurs pas de faire couler de l'encre.

14.Le 8 juin 2007, une chambre mixte [94] de la Cour de cassation française a déclaré à propos d'un litige opposant celui qui avait vendu un fonds de commerce au débiteur principal à celui qui s'était porté caution solidaire du paiement du solde du prix de vente par ce débiteur, qu'en raison du fait que la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal, celle-ci « n'était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » [95]. La doctrine française, qui soutenait jusqu'alors de manière constante la possibilité pour la caution d'opposer les vices de consentement du débiteur, s'est jusqu'à présent montrée critique quant à cette décision qui ne finit pas d'étonner [96]. Que la volonté de la Cour ait été de s'en tenir à une lecture plus stricte de la lettre des textes [97] ou d'aplanir la différence d'interprétation subsistant entre le cautionnement et la solidarité passive quant à la notion d'exception purement personnelle (voy. supra[98], la solution heurte le bon sens en ce qu'elle laisse au créancier le droit de se prévaloir du cautionnement alors qu'il est à l'origine du dol infectant le contrat principal [99] et fait peser sur la caution un « risque des plus inéquitables, puisqu'elle la dépouille de la faculté d'invoquer une nullité que le débiteur ne manquera pas de lui opposer en cas de recours après paiement » [100]. Plus généralement, cette décision semble « remett(re) lourdement en cause le caractère accessoire du cautionnement » [101] et pourrait montrer la volonté de la Cour de s'engager sur un chemin plus attentatoire à ce caractère accessoire. Si la doctrine semble attendre un revirement jurisprudentiel [102] en espérant que cette interprétation critiquable ne fasse l'objet que d'une décision isolée, la Cour de cassation aura pour le moins jeté le trouble.

En outre, une réforme du cautionnement est actuellement en chantier au sein du paysage législatif français. L'avant-projet déposé il y a quelques années n'a pas abouti mais démontre la volonté législative d'adopter une solution résolument opposée à celle qu'a choisie la Cour de cassation, puisqu'il entendait supprimer la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles qui sont purement personnelles au débiteur et permettre à la caution de toutes les opposer au créancier. Le texte ajoutait ensuite une exception à cette règle, qu'il limitait toutefois expressément à la seule hypothèse de l'incapacité [103]. Cette réforme aurait ainsi assurément simplifié la discussion, tout en consacrant les principes doctrinaux majoritaires ci-avant développés. Si elle venait à voir le jour, elle devrait certainement contribuer à ce que l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2007 ne soit qu'un lointain souvenir et permettre ainsi de réaligner le droit français sur l'interprétation qui prévaut désormais sans conteste dans notre pays.

2. Comment la caution peut-elle se prévaloir de ces vices de consentement?

15.Après avoir défini le traitement qu'il convenait d'appliquer aux vices de consentement, une question subsidiaire, d'ordre plus pratique, se dessine en filigrane: quelle est précisément l'étendue du droit de la caution et comment celle-ci va-t-elle pouvoir, dans les faits, opposer cette exception au créancier? Ce deuxième point sera plus bref que le précédent, cette interrogation n'ayant pas été abordée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 octobre 2013 [104] et étant truffée de noeuds multiples qu'il est bien difficile de délier sans rentrer dans d'abyssales et épineuses réflexions. D'autant que cette question reçoit des réponses extrêmement variées selon les auteurs - encore faut-il même qu'ils se prononcent à ce sujet - et trop rarement expliquées de manière méthodique.

16.La première hypothèse que nous aborderons ne pose guère de difficulté et vise celle où le débiteur s'est prévalu lui-même de la nullité de l'obligation principale. Cette nullité ayant été prononcée à la demande du principal intéressé et étant acquise, la caution pourra incontestablement s'en prévaloir à son tour et le cautionnement disparaîtra comme l'obligation principale [105], par application de l'article 2012, alinéa 1er, du Code civil (voy. également supra).

17.La question se complique si le débiteur principal ne réclame pas la nullité de l'obligation principale. La caution entend ainsi elle-même opposer cette nullité, le débiteur ne l'invoquant pas car il confirme son obligation ou ne l'invoquant pas faute d'avoir été poursuivi par le créancier [106]. En ce cas, il conviendra de distinguer selon que la nullité qui affecte l'obligation cautionnée est une nullité absolue ou relative. La première de ces hypothèses ne pose aucun problème particulier, en ce que la caution pourra, comme toute personne intéressée [107], faire constater la nullité du contrat principal [108]. Une fois ce dernier frappé de nullité absolue, le cautionnement le sera également [109]. De plus, une obligation principale entachée d'une telle nullité ne sera pas susceptible de confirmation par le débiteur principal [110], ce qui a pour conséquence qu'on ne peut cautionner une obligation radicalement nulle [111]. La seconde hypothèse mérite que l'on s'y attarde quelque peu et que l'on opère ici encore une distinction. En effet, s'il est traditionnellement enseigné que la caution possède un droit propre, indépendant de celui du débiteur principal, à opposer aux créanciers les exceptions inhérentes à la dette, en application de l'article 2036, alinéa 1er, du Code civil - et ce en raison de l'autonomie relative frappant le contrat de cautionnement [112] -, cela ne signifie pas nécessairement que la caution pourra se prévaloir de la nullité relative du contrat principal.

En cas d'inaction du débiteur, la question se pose de savoir si la caution pourra prendre l'initiative de demander l'anéantissement du contrat principal, afin de faire constater la disparition de son cautionnement [113]. S'appuyant sur la lettre du texte, qui a recours au terme exception, l'on pourrait être tenté d'assimiler le pouvoir de critique de la caution à un moyen de défense. Mais il semble qu'il ait été à cet égard usé de la notion d'exception de manière imparfaite [114] et que cet argument littéral n'épuise pas le débat [115].

Du reste, la lecture de la doctrine n'apporte pas de réponse toute faite quant à la question plus générale de savoir si la caution pourrait user de son droit de critique en cas d'inertie du débiteur ou si ce droit lui serait dénié. S'il s'agit d'un cautionnement simple, la caution pourrait, quelle que soit la thèse privilégiée, temporiser en invoquant le bénéfice de discussion et contraindre ainsi le créancier à agir d'abord contre le débiteur principal qui ne manquera pas de relever la cause de nullité. Mais la probabilité de cette hypothèse semble extrêmement mince [116].

Certains auteurs soutiennent alors que la caution peut « créer le vide » [117] et déclencher la nullité du contrat principal, même si le débiteur ne s'en prévaut pas [118]. La caution exerce là un droit qui lui est propre et non un droit du débiteur [119]. Elle n'est, au demeurant, pas un tiers habituel au contrat [120], vu la situation d'indépendance dans laquelle elle se trouve [121], et c'est précisément pour cette raison que l'article 2036 lui offre ce droit de critique [122].

D'autres auteurs [123] estiment quant à eux que la caution ne pourra tout simplement pas user de son droit de critique [124]. En effet, « les principes généraux qui régissent les nullités relatives [125] s'opposent à ce que la caution se prévale d'une nullité de cette espèce, alors que le débiteur principal ne la soulève pas » [126]. Il y aurait ainsi, pour le cas précis des nullités relatives, une exception au droit propre de la caution à opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette [127]. Cette solution peut toutefois paraître inéquitable, en ce que la caution ayant payé le créancier se verra ensuite vraisemblablement opposer cette nullité par le débiteur [128].

Enfin, le débiteur pourrait également décider de confirmer son obligation, c'est-à-dire de renoncer à l'action en nullité. Cette confirmation privera-t-elle la caution de la faculté de se prévaloir de la nullité de cet acte? L'on constate que les auteurs sont ici bien plus partagés et ce depuis le XIXe siècle [129]. A ce titre, il est également intéressant de relever que la doctrine française semble en contradiction avec la Belgique sur ce point [130].

Une première thèse - largement majoritaire en Belgique - consiste à considérer que, sauf le cas de fraude, la confirmation de l'obligation principale est opposable à la caution [131], qui restera donc tenue d'assumer son obligation [132], et ce en vertu du caractère accessoire du cautionnement. En effet, en ce cas, l'obligation principale est définitivement purgée du vice qui l'entachait et elle est considérée comme valable ab initio [133], le cautionnement l'étant par conséquent également [134] car la caution ne pourrait pas se prévaloir d'un vice qui est censé ne jamais avoir existé. Notons que la nullité restera toutefois acquise à la caution si celle-ci s'en était déjà prévalue, avant la confirmation du débiteur [135].

A l'inverse, d'autres auteurs - pour la plupart français - considèrent que la renonciation du débiteur ne retentit pas sur le cautionnement et sera ainsi sans influence [136], la caution conservant son droit propre d'en opposer la nullité au créancier [137]. Cette interprétation consiste à soutenir que la caution doit être considérée comme un tiers au contrat principal et que la confirmation opérée par le débiteur lui sera par conséquent inopposable, en vertu de l'article 1338, alinéa 3, du Code civil [138]. Soutenir le contraire en reviendrait à aggraver la situation de la caution, ce qui ne peut être admis en vertu de l'article 2037 du Code civil. Ch. Mouly analyse quant à lui la confirmation du débiteur en une renonciation de ce dernier à son droit de critique. Considérant que toute renonciation est personnelle au débiteur et sans effet à l'égard de la caution, il en conclut que la confirmation opérée par le débiteur ne constituerait pas un obstacle à l'exercice, par la caution, de son propre droit de critique [139]. Même si cette situation s'annonce fâcheuse pour le créancier, il tempère toutefois la conséquence pratique de cette affirmation théorique, puisqu'il soutient que, dans les faits, la confirmation du débiteur sera presque toujours suivie d'une confirmation par la caution [140].

Conclusion

18.Il est étonnant de constater que la jurisprudence belge n'avait pas, jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2013, eu l'opportunité de se prononcer sur l'opposabilité des vices de consentement du débiteur. Cette question n'était d'ailleurs pas toujours traitée en doctrine au sein des ouvrages de référence et aucune étude ne lui avait jamais, à notre connaissance, été consacrée. L'on répliquera peut-être que la discussion était close car malgré les incertitudes que peut susciter l'indétermination du Code civil, une réponse unanime s'était progressivement formée au sein d'une doctrine spécialisée et les opinions dissidentes se faisaient de plus en plus rares au fil des siècles. Mais l'arrêt rendu le 8 juin 2007 par la Cour de cassation française démontre, autant que de besoin, que cette vérité, qui paraissait pourtant incontestée, n'était pas à l'abri de tout accroc. Il est dès lors heureux que la Cour de cassation belge ait été saisie de cette opportunité pour prendre position et écrire ainsi ce qui devrait, chez nous du moins, constituer l'épilogue d'une chronique séculaire.

Il semble peu vraisemblable qu'il puisse encore être soutenu en droit belge, après cette décision, que les vices de consentement constituent des exceptions personnelles au débiteur ne pouvant être opposées par la caution au créancier. Par conséquent, la catégorie des exceptions inhérentes à la dette s'est définitivement et irrémédiablement élargie. A quelques rares exceptions près, une caution pourra ainsi se prévaloir de toutes les exceptions envisageables, y compris certaines pouvant être liées à la personne du débiteur principal. La tentation pourra dès lors être grande de contourner l'application de l'article 2036 du Code civil en prévoyant une renonciation expresse de la caution à cette protection dans le contrat de cautionnement. Nous attirons toutefois l'attention du praticien quant au risque que comporte l'insertion d'une telle clause [141]. L'abandon de son droit par la caution, de façon anticipée, risquerait en effet de dénaturer le cautionnement en supprimant son caractère accessoire [142]. Cette infraction à l'essence du cautionnement [143] aurait pour lourde conséquence que la clause pourra être réputée non écrite ou entrainer peut-être le juge à requalifier ce contrat, sur la base de l'analyse de la commune intention des parties, en une garantie indépendante, soumise à d'autres règles que le cautionnement et aux effets redoutables [144].

Enfin, il faudra tout autant rester attentif à la manière dont la caution pourra concrètement se prévaloir d'un vice de consentement du débiteur principal. Nous avons pu constater que de nombreuses questions suscitent encore la controverse quant à cet aspect pratique. Peut-être l'arrêt de la Cour de cassation que nous commentons contribuera-t-il à reposer et repenser ces questions, afin que l'incertitude qui les entoure puisse être dissipée. Les applications jurisprudentielles susceptibles de survenir conséquemment à cet arrêt pourraient en effet nous apporter un nouvel éclairage salutaire…

[1] Avocate, assistante au Centre de droit privé de l'UCL.
[2] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VI, Bruxelles, Bruylant, 1953, p. 860, n° 876.
[3] G.-A. Chabot de l'Allier, « Rapport », in P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XV, liv. 3, titre 14, Paris, 1827, p. 58.
[4] D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2001, p. 197, n° 181.
[5] Ph. Simler, Cautionnement. Garanties autonomes. Garanties indemnitaires, 4e éd., Paris, LexisNexis, 2008, p. 54, n° 49.
[6] M. Van Quickenborne, Borgtocht, Anvers, E.Story-Scientia, 1999, p. 123, n° 227.
[7] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, Les sûretés personnelles, Paris, L.G.D.J., 2010, p. 71, n° 83.
[8] Ce que concédait déjà Laurent en son temps. Fr. Laurent, Principes de droit civil français, t. XXVIII, Bruxelles, Bruylant-Christophe, 1877, p. 294, n° 296.
[9] D. Grimaud, o.c., p. 102, n° 90. Cet argument était en son temps repris par Mourlon (voy. infra).
[10] H. De Page, o.c., p. 807, n° 837.
[11] Pour une étude plus approfondie de cette question, voy. not. D. Grimaud, o.c., nos 43-189; H. De Page, o.c., nos 852-861, nos 955 et s.; A. Meinertzhagen-Limpens,Cautionnement, R.P.D.B., compl. V, 1877, spéc. n° 17.
[12] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 139, n° 15.
[13] Fr. T'Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, 4e éd., Bruxelles, Larcier, 2004 p. 372. Voy. toutefois les nuances de cette affirmation opérées par A. Meinertzhagen-Limpens afin d'y englober la pratique du cautionnement portant sur des dettes futures. A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., pp. 138-139.
[14] Pour une étude plus poussée quant à la distinction à opérer entre nullité ou caducité consécutive du contrat de cautionnement, voy. not. Ch. Mouly, Les causes d'extinction du cautionnement, Paris, Litec, 1979, pp. 234-275, spéc. p. 239, n° 201; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 352, n° 483.
[15] R.-Th. Troplong, Le droit civil expliqué, t. XVII, Paris, Charles-Hingray, 1846, p. 54, n° 46.
[16] Ph. Simler, o.c., p. 230, n° 218.
[17] H. De Page, o.c., p. 842, n° 860.
[18] H. De Page, o.c., p. 808, n° 837.
[19] Ph. Simler, o.c., p. 54, n° 49.
[20] Certains auteurs voient en l'article 2036 du Code civil, plus qu'une application du caractère accessoire du cautionnement, une exception à l'effet relatif des contrats contenu dans l'article 1165 du Code civil. L'inopposabilité de certaines exceptions ne serait quant à elle qu'une application de cet effet relatif. Voy. à ce sujet D. Grimaud, o.c., pp. 375 et s.
[21] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 172, n° 193; H. De Page, o.c., p. 873, n° 887.
[22] Soulignons ainsi que les exceptions personnelles au sens de l'article 2012, alinéa 2, du Code civil revêtent la même signification que les exceptions personnelles auxquelles l'alinéa 2 de l'article 2036 fait référence. M. Van Quickenborne, o.c., p. 123, n° 227.
[23] Après avoir constaté cette absence de définition, D. Grimaud relève ainsi que « dans ce contexte d'imprécisions, tout effort visant à restituer son contenu est voué à composer avec la part d'empirisme que comporte l'utilisation de (…) notions cadres ». D. Grimaud, o.c., p. 192, n° 176.
[24] Et ce ni en Belgique, ni en France.
[25] J.-B. Treilhard, « Exposé des motifs », in P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XV, liv. 3, titre 14, Paris, 1827, p. 45.
[26] Ce que Laurent interpréta en son temps comme une confirmation de la théorie des actes inexistants, pourtant désormais rejetée. Fr. Laurent, o.c., pp. 139-143.
[27] G.-A. Chabot de l'Allier, o.c., p. 58.
[28] J.-T. Lahary, « Discours », in P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XV, liv. 3, titre 14, Paris, 1827, p. 87.
[29] R.-Th. Troplong, o.c., p. 79, n° 71.
[30] R.-Th. Troplong, o.c., pp. 90-91, n° 84.
[31] Son raisonnement s'appuyait sur la circonstance que la loi mettait les vices de consentement sur la même ligne que l'incapacité en termes de nullité. Fr. Mourlon, Répétitions écrites sur le Code civil, t. III, Paris, Garnier Frères, 1883, p. 452, n° 1125.
[32] Celui-ci affirmera notamment que « Mourlon ne tient aucun compte de cette interprétation de la loi, donnée par ceux qui ont concouru à la faire; il ne cite pas même le rapport et le discours de Chabot et de Lahary ». Ainsi, s'il concède que l'opinion de cet auteur pourrait en théorie se soutenir, il ajoute aussitôt qu' « il ne s'agit pas de théorie, il s'agit de ce que le législateur a voulu (…). Que le législateur ait eu tort ou raison, peu importe, il a statué ». Fr. Laurent, o.c., pp. 150-151, n° 139.
[33] Fr. Laurent, o.c., p. 150, n° 138.
[34] D. Grimaud, o.c., pp. 96-97, n° 84.
[35] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 61, n° 70.
[36] Pour un inventaire des autres exceptions pouvant être soulevées par la caution, voy. not. A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., pp. 172-173, nos 196-197; H. De Page, o.c., pp. 876-885; M. Cabrillac et Ch. Mouly, Droit des sûretés, 7e éd., Paris, LexisNexis, 2004, p. 204, n° 249; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., pp. 655-743; M. Van Quickenborne, o.c., pp. 362-388.
[37] Voy. not. H. De Page, o.c., p. 875, n° 889 et p. 886, n° 905; A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., pp. 171-172, n° 192; M. Van Quickenborne, o.c., p. 123, n° 227 et p. 389, n° 737; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., pp. 70-73, n° 83; D. Grimaud (toutefois plus nuancé), o.c., p. 102, n° 90; Ph. Simler (plus circonspect depuis l'arrêt de la Cour de cassation française du 8 juin 2007, voy. infra), o.c., p. 231, n° 218.
[38] On rappelle que l'article 1208 du Code civil est formulé comme suit: « Le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs. Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs. »
[39] Mais également la compensation. Ph. Simler, o.c., p. 55, n° 49.
[40] D. Grimaud, o.c., p. 102, n° 90; M. Van Quickenborne, o.c., p. 123, n° 227.
[41] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 63, n° 74.
[42] R.-Th. Troplong, o.c., p. 437, n° 497.
[43] Il est généralement admis que la caution solidaire peut également opposer les exceptions fondées sur les vices de consentement du débiteur, au même titre que la caution simple. Voy. not. R.-Th. Troplong, o.c., p. 453, n° 522; H. De Page, o.c., p. 874, n° 888; M. Van Quickenborne, o.c., p. 395, n° 746.
[44] R.-Th. Troplong, o.c., p. 453, n° 522.
[45] D. Grimaud, o.c., p. 102, n° 90.
[46] Penchant pour une correspondance entre les articles 1208 et 2036 du Code civil, Pont énonce ainsi: « N'est-il pas bien improbable, pour ne pas dire impossible, que le code, dans deux situations réglées par des dispositions absolument semblables, ait donné à des expressions identiques deux significations différentes et jusqu'à un certain point opposées? ». P. Pont, n° 389, cité par J.-D. Pellier, Essai d'une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d'obligation, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 329.
[47] Ph. Simler, o.c., p. 55, n° 49.
[48] Rappelons que les auteurs du Code civil reprennent d'ailleurs un raisonnement séculaire et coutumier.
[49] Fr. Laurent, o.c., p. 294, n° 296.
[50] Cette distinction fut enseignée par Marcadé, qui fut toutefois vigoureusement critiqué par Laurent. Fr. Laurent, o.c., p. 294, n° 296.
[51] H. De Page, o.c., p. 886, n° 905.
[52] Fr. Laurent, o.c., p. 294, n° 296.
[53] D. Grimaud, o.c., p. 201, n° 186.
[54] Voy. not. A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 31; H. De Page, o.c., p. 842, n° 860; D. Grimaud, o.c., p. 102, n° 90; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 65, n° 78; M. Van Quickenborne, o.c., p. 394, n° 746.
[55] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 65, n° 78. C'est pourtant ce vers quoi R. Dekkers semblait pencher en son temps puisqu'il se demandait si les nullités relatives ne relevaient pas plutôt dans leur ensemble de la catégorie des exceptions purement personnelles au débiteur, qui ne peuvent être invoquées par la caution. R. Dekkers, Handboek burgerlijk recht, t. II, 3e éd., revue par E. Dirix, Anvers, Intersentia, 2005, pp. 334-335, nos 823 et 825 et p. 342, n° 839.
[56] H. De Page, o.c., p. 875, n° 889.
[57] G.-A. Chabot de l'Allier, o.c., p. 49.
[58] Voy. not. Fr. Laurent, o.c., p. 151, n° 139; Fr. T'Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, o.c., p. 375, n° 753; D. Grimaud, o.c., p. 95, n° 83; Ph. Simler, o.c., p. 233, n° 220.
[59] D'autres auteurs rechignent à parler d'exception et recherchent d'autres fondements à cette interprétation restrictive. Voy. à ce propos l'ouvrage très complet de D. Grimaud, o.c. Certains ont aussi soutenu qu'il ne s'agissait pas d'un cautionnement dans ce cas, mais d'un engagement à titre principal (voy. infra). H. De Page, o.c., p. 843, n° 860.
[60] Laurent soutient ainsi par exemple qu'étendre l'hypothèse de l'incapacité aux vices de consentement reviendrait à étendre une disposition exceptionnelle, ce qui serait contraire à tout principe d'interprétation.
[61] D. Grimaud, o.c., p. 95, n° 83.
[62] M. Cabrillac et Ch. Mouly, o.c., p. 56, n° 61.
[63] D. Grimaud, o.c., p. 102, n° 90.
[64] R.-Th. Troplong, o.c., pp. 56-89.
[65] Fr. Laurent, o.c., p. 147, n° 136.
[66] G.-A. Chabot de l'Allier, o.c., p. 49.
[67] Ch. Mouly, o.c., p. 262, n° 219.
[68] R.-Th. Troplong, o.c., p. 437, n° 496.
[69] G.-A. Chabot de l'Allier, o.c., p. 59.
[70] Fr. Laurent, p. 293, n° 295.
[71] Fr. Laurent, o.c., p. 152, n° 139.
[72] R.-Th. Troplong, o.c., p. 57, n° 48 et 82, n° 73.
[73] R.-Th. Troplong, o.c., p. 81, n° 73.
[74] R.-Th. Troplong, o.c., p. 79, n° 71.
[75] Fr. Laurent, p. 147, n° 136.
[76] Ph. Simler, o.c., p. 233, n° 220.
[77] Voy. not. H. De Page, o.c., p. 843, n° 860.
[78] Ces auteurs reprennent la position de Domat et Pothier. Voy. les références citées par A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 143, n° 36 et celles citées par Ch. Mouly, o.c., p. 263, n° 220.
[79] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 68, n° 81; Ph. Simler, o.c., p. 233, n° 220; Ch. Mouly, o.c., pp. 263-265, n° 220; D. Grimaud, o.c., p. 98, n° 85; M. Cabrillac et Ch. Mouly, o.c., p. 56, n° 61.
[80] Ph. Simler, o.c., p. 232, n° 219.
[81] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83.
[82] A moins que celui-ci décide de ne pas se prévaloir du bénéfice de minorité. R.-Th. Troplong, o.c., p. 83, n° 75; H. De Page, o.c., p. 843, n° 860.
[83] D. Grimaud, o.c., p. 97, n° 84.
[84] Ch. Mouly, o.c., p. 266, n° 221.
[85] Voy. not. H. De Page, o.c., p. 842, n° 860; Fr. Laurent, p. 153, n° 140; A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 143, n° 35; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 66, n° 78; Ph. Simler, o.c., pp. 233-235, nos 221-222.
[86] D. Grimaud, o.c. p. 103, n° 91.
[87] Fr. T'Kint, « Le cautionnement, au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation », in Le point sur le droit des sûretés, Formation permanente C.U.P., vol. 41, Liège, 2000, p. 16.
[88] H. De Page, o.c., p. 844, n° 860; M. Van Quickenborne, o.c., pp. 125-126, n° 231; D. Grimaud, o.c., p. 101, n° 89; Ch. Mouly, o.c., p. 262, n° 221; Ph. Simler, o.c., p. 232, n° 219; contra toutefois A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 67, n° 80. Notons également que la réforme du cautionnement projetée chez nos voisins français - et finalement avortée - (voy. infra) limitait explicitement l'exception de l'incapacité au cas où la caution avait connaissance de cette incapacité. Ph. Simler, o.c., p. 56, n° 49.
[89] A l'inverse, il semble que cet alinéa ne s'appliquerait donc pas si la caution n'avait pas conscience de cette incapacité au moment de son engagement. Plus précisément, l'article 2012 reposerait sur une présomption réfragable que la caution connaît l'incapacité du débiteur et souhaite malgré tout s'engager à titre de garantie. A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 143, n° 38; H. De Page, o.c., p. 844, n° 860; M. Van Quickenborne, o.c., p. 126, n° 231.
[90] H. De Page, o.c., p. 843, n° 860 et p. 876, n° 889; M. Van Quickenborne, o.c., p. 392, n° 741; A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 34; contra Fr. Laurent, o.c., p. 146, n° 136 qui estime que la caution qui a connaissance d'un éventuel vice de consentement du débiteur principal ne sera pas tenue de s'exécuter et considère dès lors la différence existant entre le cas de l'incapacité du débiteur et celui d'un vice affectant le consentement de ce dernier comme une anomalie.
[91] Un devoir d'information, déduit du principe d'exécution de bonne foi des conventions, pèse en effet sur les épaules du franchiseur. Pour plus d'information, voy. not. P. Demolin et V. Demolin, Le contrat de franchise. Les règles juridiques applicables au contrat de franchise en Belgique. Analyse et commentaire de quinze années de jurisprudence 1995-2010, Bruxelles, Larcier, 2011, pp. 25-35; C. Staudt, P. Kileste et A. Somers, « La franchise », in Guide juridique de l'entreprise, liv. 77.1, Bruxelles, Kluwer, 2008, pp. 69-78. Notons que la loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial, désormais remplacée par les dispositions du Titre 2, articles 26 à 34 du Livre X du Code de droit économique, a ajouté certaines règles à respecter lors de la négociation du contrat. Loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial (M.B., 18 janvier 2006, p. 2.732).
[92] Le franchiseur est titulaire d'une obligation d'assistance du franchisé, tant lors du démarrage de son activité que tout au long de l'exécution du contrat. Voy. not. C. Staudt, P. Kileste et A. Somers, o.c., pp. 85-86.
[93] A. Van Ingelgem, conclusions précédant Cass. (1re ch.), 10 octobre 2013, disponibles sur Juridat dans l'onglet néerlandophone de la décision.
[94] Contrairement à la Belgique, la question avait déjà été abordée par la jurisprudence à plusieurs reprises chez nos voisins français. Et elle n'avait pas toujours trouvé une réponse identique, même au sein de la Cour de cassation. L'une des chambres de la Cour s'était en effet déjà prononcée en faveur de l'opposabilité des vices de consentement par la caution alors qu'une autre chambre avait opté pour la solution contraire. Le recours à une chambre mixte était dès lors nécessaire. A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 71, n° 83; Ph. Simler, o.c., pp. 242-243, n° 229.
[95] Cass. (ch. mixte), 8 juin 2007, disponible à l'adresse suivante: www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000017894794.
[96] Voy. not. A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., pp. 70-73, n° 83; Ph. Simler, o.c., pp. 54-56, n° 49 et pp. 230-231, n° 218.
[97] Ph. Simler, o.c., p. 55, n° 49.
[98] Ph. Simler, o.c., p. 55, n° 49 et A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83.
[99] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 71, n° 83.
[100] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83.
[101] Ph. Simler, o.c., p. 56, n° 49.
[102] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 351, n° 481.
[103] L'avant-projet entendait en effet remplacer l'article 2012 par le texte suivant: « Néanmoins, celui qui, en connaissance de cause, se porte caution d'un incapable est toujours tenu de l'exécution de l'obligation. » Ph. Simler, o.c., p. 56, n° 49.
[104] Contrairement à l'avocat général A. Van Ingelgem qui exploite les termes de ce débat afin de déterminer s'il appartient de classer les vices de consentement au sein de la catégorie des exceptions inhérentes à la dette ou au sein de celle des exceptions purement personnelles au débiteur principal. A. Van Ingelgem, conclusions précédant Cass. (1re ch.), 10 octobre 2013, disponibles sur Juridat dans l'onglet néerlandophone de la décision.
[105] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 30; H. De Page, o.c., p. 875, n° 889; Ph. Simler, o.c., p. 241, n° 228.
[106] Ph. Simler, o.c., p. 241, n° 228.
[107] M. Dupont, « Nullité absolue et nullité relative », in P. Wéry (coord.), La nullité des contrats, Formation permanente C.U.P., vol. 88, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 59, n° 20.
[108] M. Van Quickenborne, o.c., p. 389, n° 735.
[109] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 29.
[110] M. Dupont, o.c., p. 74, n° 37.
[111] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 29 et Fr. Laurent, o.c., p. 145, n° 136.
[112] H. De Page, o.c., p. 887, n° 906; Fr. Laurent, o.c., p. 296, n° 300; Fr. T'Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, o.c., p. 375, n° 751.
[113] Notons que la caution ne pourrait emprunter la voie de l'action que pour autant que le délai octroyé pour ce faire au débiteur ne soit pas encore expiré. A défaut, c'est la voie de l'exception qui devra être suivie. Ph. Simler, o.c., p. 736, n° 732.
[114] D. Grimaud, o.c., pp. 192-194, nos 177-179.
[115] L'une des questions, plus générale, suscitant la controverse au sein de la doctrine est celle de savoir si la caution peut recourir à son pouvoir de critique en cas d'inaction du débiteur. C'est à cette question que nous limiterons notre analyse. Plus précise est la question subsidiaire de savoir si c'est une action ou une exception qui s'offrirait à la caution pour exercer ce pouvoir de critique. Voy. à ce sujet D. Grimaud, o.c., pp. 74-76, nos 60-61 et p. 193, n° 179; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 350, n° 480; Ph. Simler, o.c., p. 736, n° 732.
[116] A l'heure actuelle, neuf cautions sur dix seraient des cautions solidaires. Fr. T'Kint, « Le cautionnement, au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation », o.c., p. 22. De plus, il se pourrait que le débiteur soit une société et qu'elle ait entre-temps été dissoute. Ph. Simler, o.c., p. 242, n° 228.
[117] Ch. Mouly, o.c., p. 242, n° 204.
[118] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 31; M. Cabrillac et Ch. Mouly, o.c., p. 53, n° 59 et p. 204, n° 249; M. Van Quickenborne, o.c., pp. 390-393, n° 738; Ch. Mouly, o.c., pp. 242-244, n° 204; D. Grimaud, o.c., pp. 74-76, nos 60-61; N. Borga, L'ordre public et les sûretés conventionnelles. Contribution à l'étude de la diversité des sûretés, Paris, Dalloz, 2009, p. 73, n° 66.
[119] Fr. Laurent, o.c., p. 296, n° 300.
[120] N. Borga, o.c., p. 73, n° 66; Ch. Mouly, o.c., p. 245, n° 205. Certains auteurs assimilent ainsi la caution à un « quasi-débiteur ». A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 71, n° 83. D'autres auteurs, interprétant l'article 2036 du Code civil comme étant une exception à l'effet relatif des contrats, considèrent que cet article investit précisément la caution du droit de se prévaloir d'un rapport obligationnel auquel elle n'est pas partie. Voy. à ce sujet D. Grimaud, o.c., p. 373, n° 342.
[121] Certains auteurs estiment ainsi que la caution est titulaire d'un véritable droit d'ingérence dans le contrat principal. L'exercice de ce droit par la caution ne profitera toutefois qu'à elle-même, la validité de l'engagement du débiteur principal envers le créancier restant intact. M. Van Quickenborne, o.c., p. 391, n° 739.
[122] M. Van Quickenborne, o.c., p. 390, n° 738.
[123] Notons que les Pays-Bas estiment également qu'il serait injuste que la caution puisse contourner la volonté du débiteur principal et considèrent ainsi que le droit de se prévaloir de la nullité du contrat principal doit rester exclusivement dans les mains du débiteur. Toutefois, afin de ne pas exagérément alourdir la positon de la caution, le droit néerlandais propose une solution élégante, à l'image de celle prévalant en Allemagne, consistant à permettre à la caution de refuser de satisfaire le créancier tant que le débiteur conserve le droit d'attaquer l'obligation principale par voie d'annulation. M. Van Quickenborne, o.c., p. 390, n° 737; A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 33.
[124] Soutenant cette thèse, au vu de la décision de la Cour de cassation du 8 juin 2007, appuyée sur la circonstance que la caution n'était pas partie au contrat principal, Ph. Simler, o.c., pp. 242-243, n° 229.
[125] En vertu de l'article 1125 du Code civil, seule la personne protégée peut se prévaloir de la nullité relative.
[126] Voy. not. H. De Page, o.c., p. 841, n° 859.
[127] H. De Page, o.c., p. 887, n° 906.
[128] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 32; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83.
[129] Troplong considérait ainsi que la caution conservait son droit de critique même si le débiteur avait confirmé l'obligation principale et il s'étonnait ainsi de voir que Lahary pouvait soutenir la solution opposée dans les travaux préparatoires du Code civil. R.-Th. Troplong, o.c., p. 95, n° 91. Laurent soutient quant à lui la position de ce dernier en ce que la confirmation du débiteur purgerait l'obligation principale du vice originaire dont elle serait entachée. Fr. Laurent, o.c., p. 143, n° 134.
[130] Cette divergence est d'ailleurs épinglée par Ch. Mouly, o.c., p. 253, n° 211.
[131] M. Cabrillac et Ch. Mouly, o.c., p. 56, n° 61; N. Borga, o.c., p. 73, n° 66.
[132] H. De Page, o.c., p. 841, n° 859.
[133] M. Dupont, o.c., p. 79, n° 42.
[134] A. Meinertzhagen-Limpens, o.c., p. 142, n° 30; J.-T. Lahary, o.c., p. 79; Fr. Laurent, o.c., p. 143, n° 134.
[135] Cass., 18 novembre 1833, Pas., 1833, I, p. 176. Pareillement, il semble que la caution conservera la faculté de se prévaloir de ces exceptions, même si le débiteur principal y renonce quant à lui par la suite. En ce sens, voy. Cass., 24 mai 1901, Pas., 1901, I, p. 263, qui considéra que « la caution peut se prévaloir de toutes les exceptions appartenant au débiteur principal et inhérentes à la dette, celui-ci y eut-il ultérieurement renoncé. L'article 2036 du code civil ne laisse aucun doute sur ce point ». Voy. égal. Gand, 25 juin 1932, Jur. comm. Fl., 1932, n° 5293, p. 321.
[136] A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83 et p. 351, n° 480 et p. 724, n° 1033.
[137] R.-Th. Troplong, o.c., p. 95, n° 91. Cette revendication n'affecterait toutefois pas l'engagement principal du débiteur. A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83.
[138] Ph. Simler, o.c., p. 241, n° 230; A.-S. Barthez et D. Houtcieff, o.c., p. 72, n° 83; contra D. Grimaud, o.c., p. 80, n° 67.
[139] Ch. Mouly, o.c., p. 252, n° 210. Si l'on considère que le droit propre de la caution à opposer les exceptions au créancier continue à s'appliquer malgré la confirmation du débiteur, il pourrait ainsi être pareillement soutenu que « la confirmation n'éteint que le droit de critique de celui dont elle émane. Elle n'éteint pas celui d'autrui ». M. Dupont, o.c., p. 79, n° 42.
[140] Voy. à ce propos Ch. Mouly, o.c., pp. 253-254, n° 211.
[141] Voy. l'analyse de M. Van Quickenborne, « Art. 2036 B.W. », in Bijzondere overeenkomsten. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, liv. 1, titre 14, Malines, Kluwer, 1999.
[142] Ch. Biquet-Mathieu et S. Notarnicola, « La protection des sûretés personnelles dites faibles - Le point après la loi du 3 juin 2007 sur le cautionnement à titre gratuit », in Ch. Biquet-Mathieu (dir.), Sûretés et procédures collectives, Formation permanente C.U.P., vol. 100, Liège, Anthémis, 2008, p. 25.
[143] Cass., 16 décembre 1994, R.W., 1995-1996, p. 322, note E. Dirix.
[144] Fr. T'Kint, « Le cautionnement, au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation », o.c., p. 15.