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L'article 37 de la loi sur la continuité des entreprises: nouveaux développements et mise en perspective au regard de la responsabilité – en particulier en matière fiscale et sociale – des dirigeants d'entreprise, R.D.C.-T.B.H., 2015/6, p. 526-548

L'article 37 de la loi sur la continuité des entreprises: nouveaux développements et mise en perspective au regard de la responsabilité - en particulier en matière fiscale et sociale - des dirigeants d'entreprise

Sophie Jacmain [1] et Cécile De Boe [2]

TABLE DES MATIERES

1. Introduction

2. Le statut des créances fiscales et sociales dans le cadre de la faillite: l'article 37 de la LCE au coeur de nombreux débats 2.1. L'article 37 de la LCE: notion

2.2. Qui sont les bénéficiaires de l'article 37 de la LCE? La controverse est vive

2.3. Une controverse à relativiser?

3. Mise en perspective de l'article 37 de la LCE au regard de la responsabilité du dirigeant d'entreprise dans le cadre de la poursuite d'activités déficitaires 3.1. Rappel de quelques principes de base en matière de responsabilité du dirigeant d'entreprise

3.2. La responsabilité du dirigeant d'entreprise face à la poursuite d'activités déficitaires

4. Vers un respect de l'équilibre?

RESUME
Les administrations fiscale - spécialement en matière du précompte professionnel - et sociale n'ont guère été satisfaites du sort - peu enviable selon elles - que leur a réservé en 2009 la loi sur la continuité des entreprises. Depuis lors, elles ne cessent de multiplier les contentieux afin de tenter de s'assurer, dans le cadre de la réorganisation judiciaire de leur débiteur, un traitement préférentiel que ce soit pour leurs créances sursitaires ou post-sursis. La Cour de cassation a été amenée à intervenir à plusieurs reprises de même que le législateur en 2013 en modifiant certaines dispositions de la loi sur la continuité des entreprises. Le statut de dette de masse visé à l'article 37 de la LCE est au coeur d'une des batailles menées par ces administrations publiques. La controverse fut et reste vive puisque par deux arrêts successifs du 27 mars 2015 que nous commenterons dans la première partie de la présente note, la Cour de cassation refusait à l'administration du précompte professionnel et à celle de la TVA le statut de créancier de la masse revenant ainsi sur son arrêt déjà fort critiqué du 16 mai 2014. A l'aune de cette jurisprudence récente, il nous a paru ainsi intéressant, dans la seconde partie de la présente note, de mettre en perspective ces enseignements de notre Cour de cassation avec la problématique de la responsabilité des dirigeants d'entreprise en défaut de paiement du précompte ou des cotisations sociales spécialement dans le cadre de la poursuite d'activités déficitaires, tout en formulant, en guise de conclusion, le voeu du respect par ces administrations publiques de l'équilibre, entre tous les intérêts en présence, tel que recherché par le législateur en 2009.
SAMENVATTING
De fiscale administratie - voornamelijk op het vlak van de bedrijfsvoorheffing - en de socialezekerheidsinstellingen waren weinig tevreden over het - volgens hen weinig benijdenswaardige - lot dat hen in 2009 door de Wet Continuïteit Ondernemingen (WCO) werd toegekend. Zij zijn sindsdien niet opgehouden met hun strijd om een bevoorrechte behandeling te krijgen in het kader van de gerechtelijke reorganisatie van hun schuldenaar, en dit ongeacht of het gaat om een schuldvordering in de opschorting, dan wel buiten de opschorting. Het Hof van Cassatie heeft ter zake al enkele arresten geveld, net zoals de wetgever in 2013 door een aantal bepalingen te wijzigen van de WCO. Het statuut van boedelschuld bedoeld in artikel 37 WCO bevindt zich in het hart van de strijd gevoerd door deze publieke schuldeisers. De controverse daarover blijft voortduren door twee opeenvolgende arresten van het Hof van Cassatie van 27 maart 2015, die wij bespreken in het eerste deel van onze bijdrage. Het Hof van Cassatie weigert het statuut van boedelschuld toe te kennen aan de bedrijfsvoorheffing en de BTW en komt daarmee terug op het fel bekritiseerde arrest van 16 mei 2014. In het licht van deze recente rechtspraak leek het ons interessant om in het tweede deel van onze bijdrage deze rechtspraak van het Hof van Cassatie in verband te brengen met de problematiek van de bestuurdersaansprakelijkheid voor niet-betaalde belastingen en socialezekerheidsbijdragen, en dit in het bijzonder in het kader van de verderzetting van deficitaire activiteiten. Wij besluiten met de wens dat de betrokken federale overheidsdiensten het evenwicht tussen de verschillende aanwezige belangen, dat de wetgever in 2009 tot stand heeft willen brengen, zouden respecteren.
1. Introduction

1.Lors de l'adoption le 31 janvier 2009 de la loi relative à la continuité des entreprises (ci-après « LCE »), les administrations fiscale et sociale n'ont pas accueilli favorablement, s'agissant de leurs créances antérieures au sursis, leur sort de créanciers sursitaires ordinaires, sort encore confirmé par des arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 2011 et de la Cour constitutionnelle du 18 janvier 2012 [3].

Ces administrations déploient continuellement beaucoup d'énergie en vue de s'assurer un traitement préférentiel dans le cadre de la réorganisation judiciaire de leur débiteur ce qui n'a pas manqué de générer de nombreux contentieux.

C'est ainsi que par exemple, l'administration fiscale s'empresse de mettre en oeuvre l'hypothèque légale dont elle bénéficie par la prise d'une inscription dans le registre du conservateur des hypothèques compétent, dès l'ouverture d'une procédure en réorganisation judiciaire de son débiteur. Cette pratique dénoncée par certains [4] amena le législateur en 2013 à ajouter un article 2/1 à la LCE [5] aux termes duquel en substance, la nature - ordinaire ou extraordinaire - d'une créance est fixée au moment de l'ouverture de la procédure. Autrement dit, l'inscription par le fisc d'une hypothèque sur un bien de son débiteur en réorganisation judiciaire n'est pas de nature à modifier le statut - ordinaire - de la créance de celui-ci. Le fisc ne s'avouant pas vaincu, se dépêche alors de prendre une telle inscription dès le dépôt par le débiteur d'une requête en réorganisation judiciaire et avant l'ouverture formelle de la procédure. Dans un arrêt du 30 octobre 2014 [6] qui suscitera très certainement des réactions au sein de la doctrine, la Cour de cassation a estimé que l'arrêt qui considère que « le demandeur qui a procédé à l'inscription de l'hypothèque légale pour garantir le paiement intégral de ses droits plutôt que de subir, en sa qualité de créancier sursitaire ordinaire, un abattement de sa créance, a détourné de sa fonction le droit d'inscrire son hypothèque légale, méconnaît le principe général de droit selon lequel nul ne peut abuser de son droit ». S'agit-il d'un arrêt de principe ou faut-il en déduire que selon les circonstances une telle attitude du fisc ne constitue pas en soi un abus de droit [7]?

Face à leur pression, le sort des administrations fiscale et sociale a déjà été amélioré par la loi du 27 mai 2013 précitée par l'insertion d'un article 49/1 [8] au sein de la LCE leur assurant, s'agissant des créanciers publics munis d'un privilège général, un traitement, dans le cadre du plan de réorganisation rédigé par le débiteur, qui ne peut être « moins favorable que celui qu'il accorde aux créanciers sursitaires ordinaires les plus favorisés ». Il ne peut en outre y être dérogé que « sur la base d'exigences impérieuses et motivées liées à la continuité de l'entreprise… » [9].

De la même manière, mais cette fois-ci à propos de leurs créances post-sursis, ces administrations se sont battues pour en obtenir le paiement, que ce soit par l'invocation de l'article 37 de la LCE ou voire encore par la mise en cause de la responsabilité personnelle des dirigeants d'entreprise.

La pratique démontre en effet que les dirigeants ont tendance à réagir trop tard et/ou de manière inadéquate et/ou insuffisante aux symptômes de crise au sein de leur entreprise. Confrontés à une crise de liquidités, la tentation est alors grande chez ces derniers de mettre entre parenthèses l'exécution des obligations fiscales et sociales de leur société, afin de la soulager temporairement et d'améliorer sa trésorerie tout en pensant pouvoir redresser la barre ultérieurement.

Le fisc et l'ONSS se retrouvent ainsi souvent au rang des créanciers sursitaires ordinaires lorsque leur débiteur a sollicité l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire [10]. Mais il n'est pas rare non plus que ces administrations publiques ne soient pas payées pendant le sursis octroyé à leur débiteur lequel en cas d'échec de la procédure de réorganisation judiciaire se retrouve finalement déclaré en faillite.

L'administration du précompte professionnel a particulièrement été active ces derniers temps dans la défense de ses intérêts à cet égard, ce qui amena la Cour de cassation à se prononcer de manière successive en 2014 et 2015 notamment sur la portée de l'article 37 de la LCE et sur la responsabilité du dirigeant d'entreprise en défaut de paiement du précompte professionnel.

Ainsi, à l'aune d'une jurisprudence récente de notre Cour de cassation, il nous a paru intéressant d'examiner le régime et le sort réservés aux créances de l'administration fiscale et sociale dans le cadre de la faillite, plus particulièrement lorsque celle-ci a été précédée d'une réorganisation judiciaire et de mettre en perspective cette problématique au regard de la responsabilité [11] du dirigeant d'une entreprise en difficulté.

Nous examinerons ainsi plus particulièrement les arrêts de la Cour de cassation du 16 mai 2014 [12] et ceux du 27 mars 2015 publiés dans cette revue.

2. Le statut des créances fiscales et sociales dans le cadre de la faillite: l'article 37 de la LCE au coeur de nombreux débats
2.1. L'article 37 de la LCE: notion

2.Chacun sait que les administrations fiscale et sociale bénéficient du statut de créancier privilégié général dans le cadre de la faillite [13] et que leurs créances font partie de celles qui seront payées selon un certain ordre de priorité parmi les créances dans la masse.

La question s'est posée de savoir si leurs créances pouvaient bénéficier du statut de créances, non pas « dans la masse », mais « de masse », sur la base de l'article 37 de la LCE, lorsque la faillite de la société, ou sa liquidation, aura été précédée d'une procédure en réorganisation judiciaire, qui se sera, par définition, soldée par un échec.

L'alinéa 1er de l'article 37 [14] de la LCE - qui n'a pas été modifié par la loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité d'entreprises -, dispose en effet:

« Dans la mesure où les créances se rapportent à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire, qu'elles soient issues d'engagements nouveaux du débiteur ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de la procédure, elles sont considérées comme des dettes de masse dans une faillite ou liquidation subséquente survenue au cours de la période de réorganisation ou à l'expiration de celle-ci, dans la mesure où il y a un lien étroit entre la fin de la procédure de réorganisation et cette procédure collective. » [15].

Cette disposition prévoit ainsi l'attribution d'un statut « super préférentiel » aux créances nées pendant la procédure en réorganisation judiciaire en cas de faillite, en opérant une distinction avec les créances nées antérieurement à la procédure de réorganisation judiciaire. Certains créanciers non sursitaires peuvent ainsi prétendre au statut de « dettes de masse » [16] dans le cadre de la liquidation ou la faillite ultérieures de leur débiteur.

Deux critères principaux se dégagent de cette disposition lesquels doivent être rencontrés, cumulativement, pour que lesdites créances puissent bénéficier de la qualification de dettes de masse: (i) d'une part, un critère relatif aux créances protégées lesquelles doivent se rapporter à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire; elles peuvent être issues d'engagements nouveaux ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de la procédure et (ii) d'autre part, un critère fondé sur les procédures puisqu'il doit exister un lien étroit entre la fin de la procédure de réorganisation judiciaire et la procédure collective subséquente [17].

Dès lors qu'elles auraient été reconnues et qualifiées comme dettes de masse, l'article 37, alinéa 3, de la LCE en prévoit leur priorité éventuelle de paiement de la manière suivante:

« Le paiement des créances ne sera toutefois prélevé par priorité sur le produit de la réalisation de biens sur lesquels un droit réel est établi que dans la mesure où ces prestations ont contribué au maintien de la sûreté ou de la propriété. »

2.2. Qui sont les bénéficiaires de l'article 37 de la LCE? La controverse est vive

3.L'administration a naturellement entendu se prévaloir de l'article 37 précité pour assurer un statut « super privilégié » à ses créances, nées au cours de la réorganisation judiciaire de son débiteur mais la doctrine et la jurisprudence, même celle de notre Cour de cassation, sont divisées sur ce point.

4.Les curateurs, et ensuite les tribunaux et cours d'appel saisis de tel litige, ont en effet accueilli les prétentions de l'administration sur la base de l'article 37 de la LCE de manière très divergente.

Ainsi, les juridictions suivantes - dont nous ne prétendons pas faire le recensement exhaustif - ont refusé la qualification de dettes de masse à ces administrations.

Le tribunal de commerce de Liège dans un jugement du 17 janvier 2012 [18], se référant notamment à la version néerlandaise du texte [19] de la loi, a décidé que les indemnités versées par le Fonds de Sécurité d'Existence des fabrications métalliques (« F.S.E. ») aux travailleurs d'une entreprise en réorganisation judiciaire avant la faillite de celle-ci, l'étaient sur la base de modalités arrêtées et rendues obligatoires par les partenaires sociaux, et non sur la base de relations commerciales. Le tribunal a, sur cette base, refusé au F.S.E. le bénéfice de l'article 37.

Le tribunal de commerce de Hasselt, dans un jugement du 27 septembre 2012 [20], saisi de la demande de l'Etat belge contre le curateur d'une société faillie et tendant à voir accordé le statut de dettes de masse à ses créances de précompte professionnel et de TVA se rapportant à des prestations effectuées par le failli durant le sursis, a également considéré, en se référant aux travaux préparatoires - selon lesquels le but de l'article 37 est de maintenir la confiance du cocontractant - que « het is duidelijk dat enkel die medecontractant zijn van de schuldenaar en uit dien hoofde prestaties hebben geleverd zich kunnen beroepen op de bepalingen van artikel 37 WCO. De fiscus is geen medecontractant van de schuldenaar en heeft evenmin prestaties geleverd zodat de bepalingen van artikel 37 WCO niet door haar kunnen worden ingeroepen » [21].

Dans une affaire dans laquelle l'ONSS postulait le statut de dettes de masse pour ses dettes de cotisations sociales nées pendant le sursis du failli, le tribunal de commerce de Bruges, par jugement du 1er octobre 2012 [22], a rejeté cette demande, pour les motifs que « artikel 37 WCO verleent enkel de 'medecontractant' een preferent statuut. Hieronder wordt onder meer begrepen de leverancier van goederen of diensten of een nieuwe kredietverlener. Hun vertrouwen in de schuldenaar is essentieel voor de continuïteit van de onderneming en het welslagen van de overdracht onder gerechtelijk gezag in continuïteit (vgl. wetsvoorstel betreffende de continuïteit van de ondernemingen, Parl.St., Kamer 2007-08, nr. 52-K160/002, p. 63). De schulden van de RSZ, zoals fiscale schulden, ontstaan niet uit een contractuele relatie met de debiteur. Deze schulden zijn ontstaan uit een wettelijke verplichting daar waar de debiteur personeel te werk stelde lopende de reorganisatieprocedure. De schulden zijn een gevolg van de continuïteit, maar zijn geen voorwaarde om de continuïteit te verzekeren ».

Par jugement du 31 octobre 2013 [23], le tribunal de commerce de Turnhout a également refusé de reconnaître comme dettes de masse les créances de précompte professionnel relatives à la période de sursis, pour le motif que « in casu is er echter geen sprake van enige contractuele band; eisende partij kan niet worden beschouwd als wederpartij, noch heeft zij enige prestatie geleverd ».

La cour d'appel de Gand, par un arrêt du 8 avril 2013 [24], refusait aux créances de l'administration de la TVA, le statut de dettes de masse en ces termes: « De bijzondere positie van de schuldeiser van reorganisatieschulden is beperkt tot de medecontractant. Dit vloeit voort uit de gebruikte bewoordingen van artikel 37, eerste lid WCO. Dit vloeit nog voort uit de bedoeling van de wetgever om de financiering van de reorganisatie mogelijk te maken. Deze beperkte uitzonderlijke positie strekt zich niet uit tot de btw die verschuldigd is op de goederen die verhandeld zijn in de gerechtelijke reorganisatie. De btw-ontvanger is geen medecontractant ».

La même cour d'appel, dans un arrêt du 30 septembre 2013 [25], a statué dans le même sens et par des motifs très similaires, à propos de créances de sécurité sociale se rapportant à des prestations effectuées en cours de sursis.

Par contre, se sont prononcées dans un sens favorable aux administrations concernées les juridictions de fond suivantes:

Ainsi, le tribunal de commerce de Verviers, dans un jugement du 3 septembre 2012 [26], a pour sa part considéré, en se référant à la genèse de l'article 37, que « tout comme le précompte professionnel [27], qui est considéré comme l'accessoire de la rémunération due à un travailleur, il y a lieu de considérer que la TVA due à l'administration fiscale n'est que l'accessoire des différentes opérations effectuées par un commerçant sur une période de temps donnée. Ainsi, la dette de TVA naît uniquement dans le chef d'un commerçant du fait qu'il perçoit de la TVA pour compte de l'Etat, à charge pour lui d'en rembourser ensuite le montant, déduction faite des montants de TVA qu'il est autorisé à récupérer. En l'espèce, la TVA se rapporte dès lors nécessairement à des opérations effectuées par [la société faillie] avant la faillite, durant la période de sursis provisoire. Il s'ensuit que la créance [du S.P.F. Finances] à cet égard doit être admise au passif de la faillite à titre de dette de masse ».

Le tribunal de commerce de Charleroi a considéré, s'agissant des créances de précompte professionnel, de TVA et même de la taxe de circulation, dans un jugement du 1er février 2013 [28], abondamment motivé qu' « il ne faut pas voir dans les termes 'prestations effectuées à l'égard du débiteur' la consécration d'un principe nouveau que seulement les créances qui résultent directement de l'existence d'un lien contractuel puissent être considérées comme dettes de masse dans une faillite ou une liquidation subséquente. A la lumière de la version néerlandaise de l'article 37 (…) et de la volonté du législateur telle qu'elle ressort des travaux préparatoires, il appert qu'il convient de considérer comme 'dettes de la masse' toutes les créances de débiteurs et relatives à des prestations accomplies durant la période de réorganisation judiciaire ».

Le tribunal de commerce de Huy, par un jugement du 6 mars 2013 [29], a également considéré qu'un lien contractuel direct n'était pas exigé entre le débiteur et le créancier - en l'espèce l'administration de la TVA - pour que ce dernier puisse bénéficier de l'article 37: « Il faut et il suffit pour bénéficier des dispositions de l'article 37 que la créance se rapporte à des prestations effectuées pendant la procédure. »

On relèvera également un jugement du tribunal de commerce d'Anvers du 11 décembre 2013 [30], lequel a estimé à propos des créances de précompte professionnel: « De bedrijfsvoorheffing voldoet aan de voorwaarden van artikel 37 WCO. Het volstaat dat de schuldvordering beantwoordt aan prestaties uitgevoerd tijdens de opschorting, zonder dat er sprake is van een onmiddellijk en direct verband met die prestaties ».

Dans son arrêt du 22 mai 2012, la cour d'appel de Liège [31], se fondant sur les travaux préparatoires de la loi, sur le régime ancien de l'article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire - dont le législateur en 2009 n'a pas voulu faire table rase -, ainsi que sur la formulation large du texte de l'article 37 de la LCE faisant référence à des créances se « rapportant » à des prestations effectuées à l'égard du débiteur, considère que « la créance de l'Etat belge est liée à la créance de rémunération du travailleur qui a effectué une prestation au profit du débiteur sursitaire et dont elle est l'accessoire. Elle n'a et ne peut avoir aucune existence propre: à défaut de rémunération proméritée par le travailleur, aucun précompte professionnel n'est dû. Il s'agit donc bien d'une créance se rapport(ant) à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire ».

La cour d'appel de Bruxelles, par un arrêt du 14 novembre 2012 [32], a également reconnu le statut de dettes de masses aux créances de précompte professionnel de l'Etat nées pendant la période de sursis. La cour reconnaît, en se fondant notamment sur les termes de l'article 37 de la LCE, la qualité de dettes de masse aux créances « se rapportant » (ou « beantwoorden ») à des prestations effectuées pendant la procédure de réorganisation judiciaire en considérant que « l'absence de lien contractuel entre l'administration fiscale et le débiteur ne fait donc pas obstacle à ce que, conformément aux termes de l'article 37, la créance de précompte professionnel litigieuse 'se rapporte [...]' à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire et bénéficie de la qualité de dette de la masse ».

On constate à la lecture de ces différentes décisions que les arguments pour reconnaître le caractère de dettes de masse au précompte professionnel, à la TVA, aux impositions diverses, à l'ONSS et autres cotisations sociales sont d'ordres divers.

Tantôt les juridictions de fond se sont basées sur l'ancien article 44, alinéa 2, de la loi sur le concordat judiciaire et l'arrêt de la Cour de cassation y relatif du 8 septembre 2006 [33], tantôt sur les travaux préparatoires de la loi sur la continuité des entreprises et sur « l'incitant » que le législateur a voulu créer en faveur des cocontractants du débiteur en difficultés, tantôt sur le texte néerlandais de l'article 37 de la LCE ou encore sur le caractère accessoire de certaines créances d'impôts ou d'ONSS par rapport aux prestations contractuelles effectuées en faveur du débiteur, pour justifier la reconnaissance du caractère de masse aux créances précitées.

5.La doctrine belge, qui a eu l'occasion de se prononcer sur la question, semble également partagée même si une majorité se déclare opposée à la reconnaissance du caractère de dettes de masse aux créances des administrations publiques.

Plusieurs auteurs se sont en effet élevés contre la reconnaissance du caractère de dettes de masse à l'ensemble de ces créances d'origine légale au motif qu'une telle reconnaissance avait pour conséquence que « l'ampleur des dettes de masse peut croire indûment et réduire pratiquement à néant la garantie instituée » se fondant (i) sur le libellé même de l'article 37 de la LCE parlant de prestations renvoyant ainsi à des fournitures ou des services [34], (ii) sur l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 juin 2005 et (iii) sur les travaux liés à la loi du 27 mai 2013 mentionnée ci-dessus mais qui n'ont pu faire le poids face à la pression des représentants du SPF Finances [35].

Dans le même ordre d'idées, se référant au choix terminologique posé par le législateur en 2009, lequel a opté pour le cadre contractuel par opposition au cadre plus large de tous les actes (« handelingen » en néerlandais) [36] visé dans la loi sur le concordat judiciaire, choix qui exclurait les dettes d'origine légale, certains auteurs critiquent la reconnaissance du caractère de dettes de masse aux créances d'origine fiscale ou sociale [37]. Ceux-ci se fondent également sur le fait que le fisc et l'ONSS ne sont pas des créanciers « actifs », que leur implication dans la procédure de réorganisation judiciaire est involontaire dans leur chef et découle uniquement de l'application de la loi et non d'un cadre contractuel avec le débiteur [38].

Un auteur propose de s'interroger sur l'origine et la cause de la créance et de vérifier si « elle est née en raison de l'exécution d'une prestation contractuelle » [39] et ainsi de faire une distinction entre (i) les créances contreparties d'un engagement contractuel exécuté (comme le précompte professionnel, l'ONSS, le pécule de vacances) comprenant également les accessoires comme la TVA, bénéficiant de la protection de l'article 37 LCE et (ii) les autres, nées de la seule application des législations fiscales comme les impôts sur les revenus, les taxes de circulation ou encore le précompte immobilier ou cotisations à charge des employeurs en vertu de conventions collectives de travail, ne bénéficiant pas de la protection de l'article 37 LCE.

6.L'on s'attendait à ce que cette controverse soit tranchée par la Cour de cassation mais celle-ci semble également vive car la Cour a rendu des arrêts en sens contraire en date des 16 mai 2014 [40] et 27 mars 2015 [41].

Dans l'arrêt rendu en matière de précompte professionnel le 16 mai 2014, la Cour considérait, se basant sur la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, que c'est la rémunération brute du travailleur, soit la rémunération dans son ensemble qui constitue la contre-prestation réalisée par le travailleur pendant la réorganisation judiciaire, laquelle devait pouvoir bénéficier du statut de dette de masse.

La Cour de cassation se prononçait ainsi en ces termes:

« En vertu de l'article 2, 1°, de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, la rémunération s'entend du salaire auquel le travailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement.

Selon l'article 3bis de cette loi, le droit au paiement de la rémunération porte sur la rémunération, avant imputation des retenues visées à l'article 23, dont notamment les retenues effectuées en vertu de la législation fiscale, de la législation relative à la sécurité sociale et en application des conventions particulières ou collectives concernant les avantages complémentaires de sécurité sociale.

Il ressort de la combinaison de ces dispositions que la créance de rémunération, contrepartie des prestations effectuées en exécution d'un contrat de travail, comprend les montants qui font l'objet d'une retenue par application de l'article 23 de la loi, dont le précompte professionnel, et que, dès lors, bénéficie du statut de dette de la masse, la créance de rémunération brute qui est la contrepartie de cette prestation de travail réalisée au cours de la procédure de réorganisation judiciaire.

Dans la mesure où il soutient que la dette de précompte professionnel afférente à la rémunération de celui qui a fourni son travail au cours de la procédure de réorganisation judiciaire ne se rapporte pas à des prestations effectuées à l'égard du débiteur au sens de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, le moyen manque en droit. »

Se basant ainsi sur la loi d'ordre public sur la protection de la rémunération des travailleurs, la Cour de cassation semblait vouloir réconcilier les créances d'origine fiscale et sociale avec le texte de l'article 37 de la LCE et le cadre contractuel y visé en faisant référence à des créances fiscales ou sociales accessoires à des prestations effectuées au profit du débiteur en réorganisation judiciaire.

Dès lors que ces créances font partie intégrante de la rémunération du travailleur, elles devraient jouir du même statut de dette de masse que celle-ci, selon la Cour. Cette thèse semble être consistante avec le privilège de l'article 19, 3°ter, de la loi hypothécaire qui vise la rémunération brute du travailleur depuis une modification législative du 26 juin 2002 relative aux fermetures d'entreprise.

Très vite la critique s'est fait sentir par rapport à la portée de cet arrêt, certains craignant en effet, à la suite de cet arrêt, un risque d'inflation des dettes de masse et que la portée de celui-ci ne profite, par contamination, aux autres créanciers étatiques, comme la TVA et autres cotisations sociales [42]. L'administration fiscale, en effet ne manquant pas de créativité, a d'ailleurs très vite tenté d'élargir la portée de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2014 en prétendant que sa créance de précompte professionnel devait être assimilée à une « créance née de prestations de travail » au sens de l'article 49/1, alinéa 4, de la LCE pour bénéficier de la même protection que les travailleurs - pour leur rémunération - et partant, éviter une réduction de sa créance [43].

7.Dans deux arrêts du 27 mars 2015, l'un rendu en matière de précompte professionnel et l'autre, tant en matière de précompte professionnel que de TVA, la Cour de cassation, se fondant sur les travaux parlementaires de la LCE et sur l'incitant que le législateur a voulu conférer aux cocontractants de l'entreprise en difficultés ainsi que sur l'interprétation restrictive qu'il convient de réserver à la notion de dettes de masse dès lors que celles-ci dérogent au principe de l'égalité des créanciers, statue dans un sens diamétralement opposé.

Ainsi, la Cour considère [44] que:

« Deze bepaling [l'article 37 de la LCE] strekt er blijkens de parlementaire voorbereiding toe de medecontractanten van de onderneming in moeilijkheden de nodige zekerheid te verschaffen zodat deze niet zou aansturen op een onmiddellijke betaling waardoor de continuïteit van de onderneming in het gedrang zou komen.

Uit het vorenstaande volgt dat de erkenning van de schulden aangegaan tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie als boedelschulden in de daaropvolgende vereffening of faillissement beperkt dient te blijven tot schulden voor prestaties die voortvloeien uit contracten met de onderneming in moeilijkheden.

Krachtens artikel 2, 1° van de wet van 12 april 1965 betreffende de bescherming van het loon van werknemers, wordt onder loon verstaan het loon in geld waarop de werknemer ingevolge zijn dienstbetrekking recht heeft ten laste van de werkgever.

Krachtens artikel 3bis van deze wet heeft dit recht op de betaling van het loon betrekking op het loon, vooraleer de in artikel 23 bedoelde inhoudingen in mindering zijn gebracht.

Krachtens artikel 23, 1° van deze wet mogen op het loon van de werknemer alleen in mindering worden gebracht de inhoudingen krachtens de belastingwetgeving, de wetgeving op de sociale zekerheid en krachtens particuliere of collectieve overeenkomst betreffende bijkomende voordelen inzake sociale zekerheid.

Krachtens artikel 2, eerste lid Btw-Wetboek zijn de leveringen van goederen en de diensten die door een als zodanig handelende belastingplichtige onder bezwarende titel worden verricht aan de btw onderworpen wanneer ze in België plaatsvinden.

Krachtens het te dezen toepasselijke artikel 17, § 1 Btw-Wetboek wordt, voor wat goederen betreft, de btw opeisbaar op het tijdstip waarop de levering van het goed plaatsvindt.

Krachtens het te dezen toepasselijke artikel 22, § 2 Btw-Wetboek wordt, voor wat diensten betreft, de btw opeisbaar op het tijdstip waarop de dienst is voltooid.

Uit deze bepalingen volgt dat de fiscus ter zake van de verschuldigde voorheffing en de btw niet te aanzien is als een schuldeiser aan wie zekerheid moet worden verschaft met het oog op het verderzetten van de prestaties tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie. Deze schuldvorderingen zijn derhalve geen boedelschulden krachtens artikel 37, eerste lid Wet Continuïteit Ondernemingen. »

Cette position est encore confirmée par la Cour dans son arrêt du même jour [45] en ces termes:

« Aangezien boedelschulden afbreuk doen aan het beginsel van de gelijkheid van schuldeisers dat aan de faillissementswet ten grondslag ligt, dienen zij beperkend te worden uitgelegd.

Uit deze bepalingen volgt niet dat de fiscus ter zake van de verschuldigde voorheffing te aanzien is als een schuldeiser aan wie zekerheid moet worden verschaft met het oog op het verderzetten van de prestaties tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie. Deze schuldvorderingen zijn derhalve geen boedelschulden krachtens artikel 37, eerste lid Wet Continuïteit Ondernemingen. »

Les travaux préparatoires de la loi relative à la continuité des entreprises justifient en effet l'article 37 de la LCE par les considérations suivantes, qui sont très similaires à celles sous-tendant l'ancien article 44, alinéa 2, de la loi sur le concordat judiciaire précité [46]:

« Pour assurer la confiance des contractants du débiteur, facteur essentiel pour la continuité de l'entreprise, il faut donner un droit de priorité à ce contractant au cas où la procédure en réorganisation serait un échec. Faute de donner de telles assurances aux contractants du débiteur, celui-ci serait confronté avec des créanciers exigeant le paiement comptant. » [47], [48].

A la lecture des travaux préparatoires, on est tenté de conclure que seuls les cocontractants « directs » du débiteur failli - ceux-là même dont le législateur entendait éviter qu'ils prennent la fuite face à un débiteur en réorganisation judiciaire - peuvent se prévaloir du régime privilégié instauré à l'article 37. Il y a donc deux catégories de créanciers, c'est-à-dire ceux indispensables à la poursuite des activités et dont il convient de garder la confiance et ceux qui ne le sont pas.

Cela étant, le texte de l'article 37, tel qu'il a été adopté, paraît ouvrir des perspectives beaucoup plus larges, dès lors que, indépendamment des différences existant entre les versions française et néerlandaise du texte [49], l'article 37 offre, dans ses deux versions, un statut privilégié aux créances « qui se rapportent » (« beantwoorden ») à des prestations effectuées en cours de sursis, en sorte qu'un lien contractuel « direct » entre le créancier et le débiteur ne paraît pas être exigé par le texte, qui exige uniquement qu'un lien existe entre la prestation et la créance.

Dans ses arrêts du 27 mars 2015, la Cour semble pencher plus pour une prise en compte de la qualité du créancier, et non de la créance, pouvant bénéficier de la protection préférentielle de l'article 37 de la LCE voulue par le législateur.

La Cour motive sa décision de la manière suivante: le fisc ne doit pas être vu comme un « schuldeiser aan wie zekerheid moet worden verschaft met het oog op het verderzetten van de prestaties tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie ». La Cour se positionne très clairement par rapport à l'idée poursuivie par le législateur en 2009 de créer un incitant - et partant une protection - pour les créanciers indispensables à la poursuite des activités par opposition aux créanciers « involontaires » et passifs que sont l'administration fiscale et sociale dont les créances découlent de l'effet de la loi et non d'une volonté délibérée de leur part de contracter avec le débiteur en réorganisation judiciaire. La Cour se fonde sur la volonté clairement exprimée du législateur. Le fisc ne prodiguant aucune prestation en faveur du débiteur en réorganisation, il ne fait pas partie de cette catégorie de créancier à « protéger » selon la Cour. A noter qu'une certaine doctrine [50] posait déjà, certes dans un autre contexte, mais qui nous paraît transposable en l'espèce, la question de savoir s'il fallait voir dans le fisc un créancier involontaire qui serait digne de sollicitude pour répondre par la négative en se fondant notamment sur un arrêt de la Cour de justice [51].

Le raisonnement de la Cour de cassation doit à notre sens être approuvé non seulement au regard des motifs exposés ci-dessus mais également pour des raisons plus fondamentales selon nous, que nous développerons dans notre point 3 ci-dessous.

Notons qu'enfin, sur base des décisions précitées de la Cour de cassation de ce 27 mars 2015, tous les types d'imposition devraient donc, selon nous, être exclus du champ d'application de l'article 37 LCE.

Malgré cette prise de position, on peut s'attendre à ce que le fisc soulève à nouveau que la différence de traitement entre créanciers post-sursitaires (soit ceux qui s'inscrivent dans un cadre contractuel par opposition à ceux qui s'inscrivent dans un cadre légal) crée une « inégalité injustifiable », argument précisément avancé avec force par l'administration fiscale dans son combat contre son sort de créancier sursitaire ordinaire que lui a réservé le législateur en 2009 [52]. Par ailleurs, le reproche de certains [53] tiré de l'existence de subvention publique déguisée au nom de l'intérêt supérieur de préservation de la continuité de l'entreprise ne trouverait-il pas a fortiori à s'appliquer s'agissant de leur créance post-sursis?

Nul doute que vu la controverse, la Cour de cassation devra se prononcer en chambre plénière. Dans l'intervalle, nous tenterons de relativiser et de situer, dans les lignes qui suivent, la portée de ce débat dans le cadre plus général de la poursuite par le débiteur en réorganisation judiciaire d'activités déficitaires.

2.3. Une controverse à relativiser?

8.La portée de ce débat nous paraît devoir en effet être quelque peu nuancée: une reconnaissance du caractère de dette de masse aux créances des administrations fiscale et sociale nées pendant la période de sursis n'implique pas nécessairement que ces dernières soient payées par préférence aux autres créanciers. Il reste en effet encore pour ces créanciers l'écueil de l'alinéa 3 de l'article 37 de la LCE qui dispose que « Le paiement des créances ne sera toutefois prélevé par priorité sur le produit de la réalisation de biens sur lesquels un droit réel est établi que dans la mesure où ces prestations ont contribué au maintien de la sûreté ou de la propriété. » [54].

Déjà sous l'empire de la loi du 17 juillet 1997, des discussions étaient intervenues quant au rang à réserver aux nouvelles dettes de masse au sens de l'article 44, alinéa 2 par rapport au créancier muni d'un privilège spécial. Ainsi, certains auteurs soutenaient que les dettes de masse contractées pendant le concordat judicaire devaient être présumées avoir profité à tous les créanciers de sorte qu'elles devaient primer les créanciers privilégiés spéciaux [55].

Dans son arrêt du 18 décembre 2008 [56], la Cour de cassation mit un terme à cette théorie en ces termes: « Elle (la disposition de l'article 44, alinéa 2) n'a pas pour effet d'accorder aux créanciers ayant contracté avec le débiteur concordataire pendant cette période de sursis, avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis, un privilège général sur l'ensemble du patrimoine du débiteur qui primerait toutes les sûretés et tous les privilèges spéciaux des autres créanciers. »

Dans la foulée également, la Cour considérait que:

« Les créanciers de la masse faillie ne peuvent prétendre à des droits sur les biens grevés d'un privilège spécial, qui sont hors de la masse, que s'ils établissent que leur créance reprend des frais exposés pour la conservation ou la réalisation du bien grevé.

Des frais qui n'ont pas été faits pour la conservation de biens meubles déterminés et identifiables dans le patrimoine du débiteur ne sont pas des frais exposés pour la conservation de la chose au sens de l'article 20, 4°, de la loi hypothécaire. »

Cette jurisprudence confirmait ainsi le fait que le privilège pour frais de conservation [57] de la chose visé par l'article 20, 4°, de la loi hypothécaire fréquemment visé par les titulaires de dettes de masse au sens de l'article 44, alinéa 2, de la loi sur le concordat judiciaire, devaient avoir été exposés pour la conservation de bien(s) meuble(s) déterminé(s) et identifiable(s) [58].

C'est dans la lignée de cet arrêt que l'alinéa 3 de l'article 37 de la LCE semble avoir été rédigé.

Bien que cela ait fait l'objet de nombreux débats pendant de longues années en jurisprudence [59], depuis un arrêt de la Cour de cassation du 24 avril 1986 [60] confirmé par l'arrêt précité du 18 décembre 2008, les frais de conservation exposés pour préserver un fonds de commerce ne pouvaient primer les créanciers privilégiés spéciaux, un fonds de commerce n'étant pas considéré comme un bien meuble déterminé et identifiable.

Cette conception restrictive des frais de conservation n'a pas été retenue, s'agissant de l'article 37 de la LCE, dans un arrêt récent de la Cour de cassation du 28 février 2014 [61] qui considère que:

« Il suit de ces énonciations que l'arrêt considère, par une appréciation en fait, que l'ensemble des prestations de la deuxième défenderesse ont permis à la société Fortemps de poursuivre ses activités et, partant, de conserver le fonds de commerce qui constitue l'assiette du gage dont bénéficie la demanderesse.

Par ces considérations, qui permettent à la Cour d'exercer son contrôle de légalité, l'arrêt, qui n'était pas tenu de donner en outre les motifs de ses motifs, décide légalement que la créance de la deuxième défenderesse constitue une dette de la masse. »

En permettant au juge du fond de déduire des faits constatés dans l'arrêt que des prestations avaient permis de conserver le fonds de commerce, la Cour n'a pas voulu assimiler le critère de la « contribution au maintien de la sûreté ou de la propriété » visé à l'article 37, alinéa 3, de la LCE au critère, plus restrictif, retenu dans le cadre de l'article 20, 4° de la loi hypothécaire [62].

Si cette décision, qui ne manquera pas de susciter les commentaires de la doctrine la plus avisée, devait être rangée parmi les arrêts de principe, elle ouvrirait, dans ce cas, une porte à une primauté renforcée des dettes de masse au sens de l'article 37 de la LCE par rapport aux créanciers visés à l'alinéa 3 de cet article. Une telle solution plaide, selon nous d'autant plus en faveur d'une vision restrictive de la reconnaissance des titulaires de dettes de masse au sens de l'article 37 de la LCE.

9.Reste ouverte également la question de savoir si ces dettes de masse au sens de l'article 37 de la LCE doivent être payées par priorité en cas de transfert d'entreprise.

Certains auteurs y répondent par la négative au motif que la loi ne réserverait la qualité de dettes de masse à ces créances impayées qu'en cas d'échec de la procédure alors que le transfert d'entreprise ne constitue pas un échec de la procédure [63].

D'autres y répondent, par l'affirmative [64] considérant que ces créances doivent être considérées comme des dettes de masse dans la situation de concours né du transfert sous autorité de justice. Cette position qui a déjà trouvé écho dans une certaine jurisprudence [65], a notre préférence sous peine de rendre sans effet l'incitant voulu par le législateur, dès lors que souvent, en cas d'échec de la procédure d'accord amiable ou d'accord collectif qu'il a poursuivie, le débiteur se tourne vers la procédure de transfert d'entreprise organisée par la loi. En effet, le débiteur en réorganisation judiciaire est censé payer ses dettes post-sursitaires pour lesquelles il n'y a pas de suspension des voies d'exécution. Dès lors, en cas de succès et d'exécution de l'accord amiable ou de l'accord collectif obtenu par le débiteur, ces créances post-sursis doivent, en principe, être payées.

3. Mise en perspective de l'article 37 de la LCE au regard de la responsabilité du dirigeant d'entreprise dans le cadre de la poursuite d'activités déficitaires

10.Par ailleurs et plus fondamentalement selon nous, les jurisprudences et les auteurs précités ne semblent pas envisager la question de dettes de masse sous la problématique, plus générale, de la poursuite des activités déficitaires par le débiteur en réorganisation judiciaire.

Pourtant, le noeud du problème ne résiderait-il pas là pour les autorités fiscales et sociales mais également pour les institutions financières qui voient souvent l'assiette de leur sûreté réduite à une peau de chagrin, après un passage du débiteur en réorganisation judiciaire?

Et n'est-ce pas également un point d'attention pour les dirigeants d'entreprise à l'aune d'une jurisprudence encore récente de la Cour de cassation en matière de responsabilité de ceux-ci?

Le contexte de l'insolvabilité a toujours été et pour cause, le domaine de prédilection des actions en responsabilités, puisque face à un débiteur défaillant, le créancier impayé recherche un autre patrimoine sur lequel récupérer sa créance.

3.1. Rappel de quelques principes de base en matière de responsabilité du dirigeant d'entreprise

11.Face à son entreprise en difficultés financières, le dirigeant se trouve confronté au difficile dilemme consistant d'une part, à tenter de tout faire pour la sauver, recherchant ainsi à préserver les intérêts de tous les stakeholders (actionnaires, membres du personnel, cocontractants, etc.) et d'autre part, à veiller à éviter toute mise en cause de sa responsabilité personnelle.

L'article 61 du Code des sociétés pose en principe que « les sociétés agissent par leurs organes dont les pouvoirs sont déterminés par le présent code, l'objet social et les clauses statutaires. Les membres de ces organes ne contractent aucune responsabilité personnelle relative aux engagements de la société » c'est-à-dire qu'en ces termes, la société répond, en principe, seule des engagements pris en son nom [66]. Le Code des sociétés contient toutefois de nombreuses dispositions dérogatoires à cette règle de principe, autorisant, sous certaines conditions, la mise en cause de la responsabilité personnelle du dirigeant [67] de l'entreprise pour les erreurs ou les fautes, fussent-elles présumées, commises dans le cadre de l'exercice de son mandat [68].

En réalité, nombreuses sont les dispositions légales aux contours fixés par la jurisprudence qui encadrent le comportement du dirigeant d'entreprise par ailleurs souvent peu familier avec celles-ci. A cela s'ajoute la dichotomie qui peut exister entre les réalités économiques d'une part, et d'autre part, les nombreuses règles juridiques, souvent méconnues par les dirigeants d'entreprise, qui souvent n'ont en outre pas le réflexe - voire les moyens - de se faire conseiller, ce qui rend leur tâche encore plus ardue.

Nous l'avons vu, confrontées à une solvabilité déficiente de la société négligente, les administrations fiscale et sociale recherchent par divers moyens de récupérer leur créance.

Débiteurs potentiellement plus solvables que l'entreprise en difficultés, les dirigeants de la société seront les premiers à se trouver dans leur ligne de mire.

12.La nature de la responsabilité [69] du dirigeant de société varie en fonction de la faute qui lui est reprochée: selon qu'il s'agisse d'une faute simple de gestion, d'une violation du Code des sociétés ou des statuts, ou bien d'une violation des articles 442quater du Code des impôts sur les revenus et 93undeciesC du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, ou encore d'une faute aquilienne, le régime de responsabilité ne sera pas le même.

Ainsi, lorsque le dirigeant commet une simple faute de gestion, sa responsabilité ne peut être engagée qu'à l'égard de la société, et non vis-à-vis des tiers comme le précise l'article 527 du Code des sociétés.

En vertu de l'article 528 du même code, la violation d'une disposition des statuts ou du Code des sociétés engage la responsabilité solidaire de tous les administrateurs, des membres du comité de direction, tant vis-à-vis de la société qu'à l'égard des tiers, pour le dommage résultant de cette violation.

Aux termes de l'article 98 du Code des sociétés, lorsque l'administrateur ou le gérant n'a pas déposé les comptes annuels à la Banque Nationale de Belgique dans le délai imparti [70], le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette omission.

On ne perdra pas non plus de vue la procédure dite de la « sonnette d'alarme » prévue à l'article 633 du Code des sociétés, en vertu duquel, si l'assemblée générale n'a pas été convoquée alors que l'actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social, le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette absence de convocation.

En cas de faillite de la société et d'insuffisance de l'actif, l'article 530, § 1er, alinéa 1er [71], du Code des sociétés prévoit que, s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou ancien administrateur, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif.

Par ailleurs, depuis une loi du 20 juillet 2006 [72], en vertu des articles 442quater du Code des impôts sur les revenus et 93undeciesC du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, en cas de manquement, par une société, à son obligation de paiement du précompte professionnel ou de la TVA, le ou les dirigeants de la société chargés de la gestion journalière sont solidairement responsables du manquement si celui-ci est imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la société.

A côté de ces dispositions spécifiques, tant la société que les tiers - et l'administration - se tournent très souvent - et généralement par souci de facilité - sur la voie du droit commun de la responsabilité civile pour invoquer la responsabilité du dirigeant d'entreprise auquel est imputée une faute aquilienne, sur la base de l'article 1382 du Code civil.

13.Pour mettre en cause la responsabilité des dirigeants d'entreprise, l'administration fiscale et sociale invoque fréquemment une violation de l'article 528 du Code des sociétés [73] (pour violation de ce même code ou des statuts) combinant cette disposition avec d'autres dispositions - très souvent l'article 633 du Code des sociétés - et l'article 1382 du Code civil [74].

L'article 633 du Code des sociétés qui instaure la procédure communément appelée de la sonnette d'alarme contraint les administrateurs à convoquer une assemblée générale extraordinaire lorsque « par suite de perte, l'actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social » [75]. Si des pertes sont constatées, c'est que les activités de la société sont déficitaires. Cette disposition a donc pour but d'attirer l'attention des dirigeants d'entreprise sur la nécessité de prendre des mesures de restructuration afin d'endiguer ces pertes et de ne pas porter préjudice aux créanciers, voire de ne pas continuer à leur porter préjudice.

Lorsque les conditions d'application de cette disposition sont rencontrées - soit lors de l'établissement d'une situation bilantaire, fût-elle intérimaire - le conseil d'administration doit en effet réunir, dans les 2 mois [76] (sauf dispositions plus rigoureuses des statuts), l'assemblée générale, « en vue de délibérer de la dissolution éventuelle de la société et éventuellement d'autres mesures annoncées dans l'ordre du jour » (art. 633, al. 1er). Le conseil d'administration doit justifier ses propositions dans un rapport spécial [77] tenu à la disposition des actionnaires au siège de la société 15 jours avant l'assemblée générale [78]. Si le conseil d'administration propose la poursuite des activités, il expose dans son rapport les mesures qu'il compte adopter en vue de redresser la situation financière de la société [79]. L'assemblée générale prend ensuite la décision de poursuivre ou non l'activité.

La mise en cause de la responsabilité du dirigeant d'entreprise qui n'a pas convoqué d'assemblée générale à la suite de la réduction de l'actif net à un montant inférieur à la moitié du capital social est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre que l'action en responsabilité fondée sur le droit commun (art. 1382 C. civ.) ou que l'action en comblement de passif visée à l'article 530, alinéa 1er, du Code des sociétés.

Nombreux en effet, en sont les avantages:

    • la preuve de l'existence d'une faute sera plus aisée, dès lors qu'elle repose ici sur des critères strictement comptables (un actif net réduit à moins de la moitié du capital social) [80];
    • l'article 633, alinéa 5, dispose que lorsque l'assemblée générale n'a pas été convoquée, le dommage subi par les tiers [81] est, sauf preuve contraire, présumé résulter de l'absence de convocation. L'article 633 du Code des sociétés instaure ainsi une présomption - réfragable [82] - de lien de causalité entre l'absence de convocation et le dommage subi [83]. Cette présomption repose sur l'idée que l'assemblée générale, si elle avait été convoquée, aurait prononcé la dissolution de la société, ce qui aurait empêché une détérioration de sa situation financière [84].
    • enfin, la règle favorable de la solidarité des dirigeants prévue à l'article 528 du Code des sociétés trouvera à s'appliquer, sauf pour l'un d'entre eux à démontrer qu'il n'a pas participé à la commission de l'infraction et qu'il a dénoncé celle-ci à l'assemblée générale.

    La mise en cause de la responsabilité du dirigeant sur la base de l'article 633 du Code des sociétés, à l'inverse de l'action en comblement de passif, peut intervenir en dehors de tout scénario de faillite.

    Ainsi, la souplesse de la mise en cause de la responsabilité du dirigeant sur la base de l'article 633 du Code des sociétés mène l'administration fiscale et l'administration sociale à recourir très fréquemment à cette base légale pour tenter de mettre en cause la responsabilité du dirigeant de société qui poursuit l'activité de sa société en faisant fi de ses pertes, généralement en la combinant à une autre disposition du Code des sociétés et à l'article 1382 du Code civil.

    Ainsi le dirigeant qui a omis de convoquer une assemblée générale pourra, sur la base de l'article 633 du Code des sociétés, être tenu à l'égard de l'administration fiscale de l'accroissement entre le montant de la dette fiscale de la société entre le moment où l'assemblée générale aurait dû être réunie et le montant dont la société est redevable au moment de l'introduction de l'action en responsabilité [85].

    Précisons enfin que les cas dans lesquels la responsabilité du dirigeant sera recherchée sur base de cet article seront plutôt des cas de faillite de la société. On gardera en effet à l'esprit que le monopole du curateur empêche en principe, sauf l'hypothèse visée à l'article 530, alinéa 1er, du Code des sociétés, les créanciers de la société d'agir individuellement contre les dirigeants d'une société faillie en réparation de sa part individuelle dans le préjudice collectif de la masse.

    14.Au rang des actions en responsabilité présentant un intérêt pour les administrations fiscales et sociales [86], se trouve bien sûr l'action en comblement de passif visée à l'article 530 du Code des sociétés [87], qui, depuis la loi du 4 septembre 2002 [88], est ouverte au créancier isolé [89], outre le curateur.

    Aux termes du § 1er de cette disposition, « en cas de faillite de la société et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou ancien administrateur, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif (…) » [90].

    La loi-programme du 20 juillet 2006 a enrichi ledit article 530 du Code des sociétés d'un § 2 [91] élargissant la responsabilité du dirigeant pouvant ainsi être tenu au paiement notamment des cotisations sociales pour sa faute grave à la base de la faillite ou par le fait d'avoir été impliqué dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires entraînant des dettes à l'égard d'un organisme de recouvrement des dettes de cotisations de sécurité sociale [92].

    L'action en comblement du passif, à l'inverse de l'action fondée sur l'article 633 du Code des sociétés ne peut être introduite que si la société est déclarée en faillite et que son actif apparaît comme étant insuffisant pour répondre de son passif [93]. Cette deuxième condition est évidemment généralement remplie dans la plupart des cas de faillites.

    Elle peut être formée contre les administrateurs et les gérants mais également contre les anciens administrateurs et gérants ainsi que contre « toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société » (l'administrateur de fait [94]).

    L'action en comblement du passif - qui vise à entendre condamner le dirigeant à participer personnellement à l'insuffisance d'actif - ne peut être admise que si ce dirigeant a commis (i) une « faute grave et caractérisée » et si (ii) cette faute a contribué à la faillite.

    L'exigence d'une faute grave et caractérisée diverge de la « simple » faute qui est classiquement exigée dans le cadre des autres fondements de la responsabilité du dirigeant. Le législateur a entendu, ce faisant, mettre en exergue le caractère exceptionnel de la faute du dirigeant justifiant sa condamnation au comblement du passif [95]. La définition la plus fréquemment reprise de la faute grave et caractérisée est celle donnée par monsieur Verougstraete: « La faute 'grave' au sens de l'article 63ter sera celle qu'un dirigeant raisonnablement prudent et diligent n'aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société. » [96],  [97].

    Ont, par exemples, été retenues comme fautes graves et caractérisées [98]: la poursuite d'une activité gravement déficitaire au mépris des intérêts des créanciers [99]; la fraude consistant à cacher des recettes en vue d'éluder la TVA [100]; le défaut de convocation de l'assemblée générale en cas de perte totale du capital [101]; l'absence de toute forme de comptabilité [102]; le défaut de paiement des charges fiscales et sociales comme mode de financement délibérément choisi par le dirigeant [103]; la rédaction de comptes annuels ne reflétant pas de manière exacte la situation de la société, la poursuite d'activités déficitaires et le non-respect de la procédure de sonnette d'alarme [104]; le non-respect des obligations fiscales et comptables et le désintéressement complet du sort de la société malgré la réduction de son actif net à la moitié du capital [105],  [106].

    Il faut en outre que la faute grave et caractérisée ait contribué à la faillite de la société [107]. Le demandeur en réparation doit prouver l'existence de ce lien causal; aucune présomption n'est ici instaurée. La faute ne doit pas être l'origine exclusive de la faillite mais doit, selon l'article 530, § 1er, y avoir contribué, peu importe que d'autres facteurs aient également été à son origine [108]. Ici aussi, le juge bénéficie d'un très large pouvoir d'appréciation.

    S'agissant du dommage réparable, il reviendra au magistrat de déterminer l'ampleur de la réparation à laquelle le dirigeant doit être condamné. Le dirigeant pourra ainsi être condamné à supporter tout ou partie du passif social, le texte de l'article 530, § 1er, du Code des sociétés ne posant comme limite maximale à la condamnation que l'insuffisance d'actif. Ici encore, le juge a toute latitude, et n'est pas tenu de tenir compte des conséquences de la faute du dirigeant [109].

    Les dirigeants sont condamnés avec solidarité ou non, selon l'appréciation souveraine du juge [110].

    15.Les dirigeants d'entreprises sont, on l'a vu, soumis à des dispositions particulières du Code des sociétés régissant leur responsabilité dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Cela ne les soustrait toutefois pas à l'application du droit commun de la responsabilité civile et, en particulier, à l'article 1382 du Code civil qui oblige toute personne dont la faute a causé un dommage à autrui à le réparer. On a d'ailleurs vu que cette disposition était souvent invoquée en combinaison avec les articles du Code des sociétés instaurant des responsabilités spécifiques.

    La responsabilité de l'administrateur ou du gérant est, dans ce cadre, appréciée à l'aune du comportement du gérant ou de l'administrateur, normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances.

    Les fautes aquiliennes de nature à engager la responsabilité du dirigeant d'entreprise sont très variées, dès lors que la faute en droit commun consiste en la violation d'une norme de droit exprimée ou du comportement général de prudence et de diligence s'imposant à tous.

    Il peut ainsi s'agir, tantôt, de fautes consistant en la violation d'obligations légales, tels l'absence d'aveu de faillite dans le mois de la date de cessation des paiements, les détournements opérés au préjudice de la société, les faux en écriture, l'émission d'effets de commerce de complaisance [111].

    Il peut aussi s'agir, naturellement, de la violation de l'obligation générale de prudence s'imposant à tout dirigeant d'entreprise. Ce sera le cas lorsque le dirigeant poursuit de manière déraisonnable une activité déficitaire, lorsqu'il ne convoque pas l'assemblée générale après une réduction de son actif net à un montant inférieur à la moitié du capital social, lorsqu'il fait supporter par sa société des dépenses privées et somptuaires [112].

    En application de l'article 1382 du Code civil, le demandeur en responsabilité devra prouver l'existence d'un lien causal entre la faute du dirigeant et le dommage qu'il prétend avoir subi, ce qui n'est pas toujours aisé à démontrer.

    L'administration fiscale a souvent invoqué l'article 1382 du Code civil pour agir contre le dirigeant d'entreprise en recouvrement du précompte professionnel impayé par la société ou des cotisations à l'impôt des sociétés [113]. Les cours et tribunaux ont plusieurs fois accueilli de telles actions [114], considérant que le défaut de versement du précompte professionnel ou de l'impôt par l'administrateur constituait, en raison des circonstances de l'espèce, une faute aquilienne engageant sa responsabilité. D'autres ont estimé que l'obligation de versement du précompte ou de l'impôt n'existe que dans le chef de la société et ont rejeté sur cette base l'action de l'administration fiscale [115].

    Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, la cour d'appel d'Anvers a décidé, dans un arrêt du 11 décembre 2003 [116], que « le fisc peut exiger du gérant d'une SPRL des dommages-intérêts pour les impôts non perçus, si ce gérant s'est procuré à lui-même et à la SPRL un crédit artificiel de manière punissable par le non-versement systématique du précompte professionnel retenu, s'il a soustrait des actifs à la sûreté des créanciers, et s'il a rendu difficile le recouvrement correct de l'impôt des sociétés en ne tenant pas de comptabilité ».

    Le tribunal de première instance de Turnhout a, quant à lui, décidé, dans un arrêt du 14 juin 2002 [117], que « l'obligation de verser le précompte professionnel au trésor incombe à la personne morale elle-même, et non à ses administrateurs. L'administration ne peut donc pas contraindre les anciens administrateurs d'une ASBL à restituer le précompte professionnel non versé au trésor ».

    La possibilité pour les tiers, et pour l'administration fiscale, de mettre en cause la responsabilité du dirigeant d'entreprise sur la base de l'article 1382 du Code civil a toutefois été émaillée par une jurisprudence indécise de la Cour de cassation en la matière.

    Ainsi, dans un arrêt du 16 février 2001, la Cour de cassation avait considéré que « lorsqu'un organe d'une société ou un mandataire agissant dans le cadre de son mandat commet une faute ne constituant pas un délit au cours de négociations donnant lieu à la conclusion d'un contrat, cette faute engage non pas la responsabilité de l'administrateur ou du mandataire mais celle de la société ou du mandant » [118]. Il était généralement considéré, sur la base de cette jurisprudence instaurant la théorie de la responsabilité relative de l'organe, que le dirigeant ne pouvait être tenu personnellement responsable que lorsqu'il avait agi en dehors de son mandat, ou en cas d'abus, et à l'exception de la violation de dispositions pénales [119].

    La Cour est toutefois revenue sur cette jurisprudence dans un arrêt du 20 juin 2005, aux termes duquel elle a décidé que « si la faute commise par l'organe d'une société (en l'espèce, les gérants d'une société luxembourgeoise à responsabilité limitée) au cours de négociations préalables à la conclusion d'un contrat engage la responsabilité directe de cette personne morale, cette responsabilité n'exclut pas, en règle, la responsabilité personnelle de l'organe mais coexiste avec celle-ci » [120].

    Dans un récent arrêt du 21 septembre 2012 [121], la Cour de cassation s'est encore prononcée sur la responsabilité extracontractuelle du dirigeant d'entreprise dans les termes suivants:

    « Est qualifiée d'acte illicite au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil toute violation d'une norme légale ou réglementaire imposant ou interdisant un comportement déterminé.

    En outre, toute infraction à la norme de diligence constitue aussi un acte illicite. La norme de diligence est violée lorsque l'on ne se comporte pas comme une personne normalement prévoyante et diligente se trouvant dans des circonstances identiques.

    Toutes les obligations légales de la société ne constituent pas une obligation légale dans le chef des administrateurs ou du gérant en son nom propre. L'obligation du versement au fisc du précompte professionnel incombe plus particulièrement uniquement à la société dotée de la personnalité juridique et pas à ses administrateurs ou gérant personnellement.

    Si l'administrateur ou le gérant n'est pas tenu à un comportement déterminé en vertu d'une disposition légale ou réglementaire, sa responsabilité doit être appréciée en fonction de la norme générale de diligence.

    L'administrateur ou le gérant n'est, dès lors, responsable du dommage résultant d'un acte illicite subi par le fisc en raison de l'impossibilité de percevoir le précompte professionnel que si la décision de ne pas verser ce précompte constitue une infraction à la norme générale de diligence, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.

    La faute commise par l'administrateur ou le gérant et qui concerne le défaut de versement du précompte professionnel dans le cadre de la poursuite de l'activité génératrice de pertes peut être la cause du dommage subi par le fisc qui consiste dans le précompte professionnel qui ne peut être perçu auprès de la société. »

    La Cour de cassation a ensuite rappelé les considérations par lesquelles l'arrêt attaqué avait accueilli l'action du fisc. La cour d'appel de Gand avait, en substance, décidé que, si l'on peut admettre que le gérant de la société ait admis que sa société ne paie plus le précompte professionnel pendant deux périodes, parce qu'il pensait à ce moment, sans être déraisonnable, que sa société pouvait se redresser, le non-paiement du précompte professionnel ne pouvait plus se justifier par la suite et que le gérant ne s'était pas comporté de manière prudente et diligente en laissant la société détourner les sommes retenues sur les rémunérations brutes des travailleurs de leur destination.

    La Cour de cassation a décidé que, par ces motifs, la cour d'appel avait décidé que « le lien de causalité entre la faute du demandeur et le dommage est établi » et a rejeté le moyen.

    Il se déduit de cette jurisprudence récente que, si le non-paiement du précompte professionnel ne constitue pas, en soi, une faute aquilienne dans le chef du dirigeant, le fait pour l'administrateur de laisser sa société se soustraire à l'exécution de ses obligations fiscales peut être constitutif de faute si, dans les circonstances de l'espèce, le dirigeant ne s'est pas comporté comme un dirigeant normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances. Il en ira ainsi, notamment, si par le non-paiement de l'impôt, le gérant a délibérément poursuivi une politique de financement de l'activité de son entreprise.

    Cet arrêt, ainsi que la multiplicité des régimes de responsabilité du dirigeant d'entreprise dont nous retraçons les grandes lignes dans la présente note, font déjà l'objet d'une critique acerbe de la part d'une certaine doctrine prônant à juste titre selon nous, l'organisation « d'un régime légal spécifique de responsabilité solidaire en cas de fraude et peut être de faute grave et caractérisée, mais non sans respecter un équilibre des responsabilités entre le laxisme de l'organe et l'indulgence de l'administration qui accepte de se laisser ériger en bailleur de crédit » [122].

    16.Enfin, notons également que la loi du 20 juillet 2006 a instauré les articles 442quater du Code des impôts sur les revenus et 93undeciesC du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, rédigés en des termes quasiment identiques [123]. Nous nous limiterons dès lors à nous référer ci-dessous à l'article 442quater du Code des impôts sur les revenus, en soulignant les quelques rares différences que présente ce texte avec l'article 93undecies précité.

    Ces dispositions prévoient un système de responsabilité solidaire [124] des dirigeants de sociétés, d'une part, pour le paiement du précompte professionnel et, d'autre part, pour celui de la TVA. Les autres précomptes et l'impôt des sociétés ne sont donc pas visés par ce régime.

    Ces dispositions ont manifestement été introduites pour faciliter l'action de l'administration, qui ne parvenait pas toujours facilement à mettre en cause la responsabilité des dirigeants sur la base des autres dispositions prévues par le Code des sociétés ou en vertu du droit commun [125].

    Aux termes de l'article 442quater, § 1er, alinéa 1er, du CIR, en cas de manquement, par une société [126], à son obligation de paiement du précompte professionnel, le ou les dirigeants de la société ou de la personne morale chargés de la gestion journalière - en ce compris les dirigeants de fait [127] - sont solidairement responsables du manquement si celui-ci est imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la société ou de la personne morale.

    Cette responsabilité solidaire peut en outre être étendue aux autres dirigeants de la société ou de la personne morale lorsqu'une faute ayant contribué au manquement est établie dans leur chef (art. 442quater, § 1er, al. 3).

    Pour voir leur responsabilité solidairement engagée, les dirigeants de la société doivent avoir commis une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil. Dans la circulaire qu'elle a adressée à ses agents le 24 août 2006 [128], l'administration fiscale cite comme exemples - tirés de la jurisprudence - de faute susceptibles d'engager la responsabilité du dirigeant: la poursuite d'une activité déficitaire au mépris des intérêts des créanciers; la fraude développée à grande échelle consistant à cacher des recettes en vue d'éluder la TVA; le non-paiement des charges fiscales ou sociales comme mode de financement délibérément choisi par les dirigeants d'entreprise; le défaut d'aveu de faillite dans le mois de la cessation persistante des paiements et de l'ébranlement du crédit; la poursuite déraisonnable d'une activité déficitaire.

    Il reviendra à l'administration de prouver que le dirigeant a commis une telle faute.

    L'article 442quater du CIR prévoit toutefois, en son § 2, alinéa1er, une présomption - réfragable - de faute, dérogeant sur ce point au droit commun de la responsabilité civile en vertu duquel il revient au demandeur en réparation de prouver l'existence d'une faute en ces termes: « le non-paiement répété par la société ou la personne morale du précompte professionnel, est, sauf preuve du contraire, présumé résulter d'une faute visée au § 1er, alinéa 1er », tout en précisant ce qu'il faut entendre par « non-paiement répété » [129],  [130].

    Il en résulte que le dirigeant d'une société accusant entre 3 et 6 mois d'arriérés de paiement à l'égard de l'administration fiscale pourra être tenu sur ses deniers personnels au paiement de l'ensemble des dettes demeurant impayées, en principal et intérêts [131] (art. 442quater, § 4).

    Néanmoins, le dirigeant ne pourra échapper à cette condamnation que s'il parvient à démontrer que le non-paiement du précompte (ou de la TVA) ne résulte pas de sa faute. La loi prévoit ainsi une possibilité supplémentaire pour le dirigeant d'échapper à cette présomption: « Il n'y a pas présomption de faute au sens du § 2, alinéa 1er, lorsque le non-paiement provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire. » (art. 442quater, § 3) [132].

    Sur ce point, notons l'arrêt du 27 mars 2015 [133] de la Cour de cassation aux termes duquel elle considère que:

    « Krachtens artikel 93undeciesC, § 3, Btw-Wetboek, in zijn toepasselijke versie [134], is er geen vermoeden van fout in de zin van § 2, eerste lid, indien de niet-betaling het gevolg is van financiële moeilijkheden die aanleiding hebben gegeven tot het openen van de procedure van gerechtelijk akkoord, van faillissement of van gerechtelijke ontbinding.

    Indien de procedure van gerechtelijk akkoord of gerechtelijke reorganisatie wordt beëindigd en deze beëindiging leidt tot de faillietverklaring van de vennootschap, dan geldt de in paragraaf 3 bedoelde uitzondering op het vermoeden van fout zonder discontinuïteit tot aan de faillietverklaring. »

    Il en résulte que l'absence de présomption de faute dans le chef du dirigeant reste valable pendant la durée de la procédure de réorganisation judiciaire, voire même après la fin de cette dernière jusqu'à la faillite, l'administration devant alors prouver la faute dans le chef du dirigeant d'entreprise. Nul doute que cet arrêt risque de rendre encore plus ardue la tâche de l'administration fiscale qui tente de récupérer sur des tiers des dettes non payées par son débiteur originaire. Aussi, cet arrêt ne nous paraît pas de nature à stopper les velléités de l'administration fiscale à s'assurer d'un statut préférentiel pendant une procédure de réorganisation judiciaire de son débiteur.

    Notons enfin que l'action judiciaire du fisc n'est recevable qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à dater d'un avertissement adressé par le receveur par lettre recommandée à la poste invitant le destinataire à prendre les mesures nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n'est pas imputable à une faute commise par eux. Le fonctionnaire chargé du recouvrement peut toutefois requérir, dans ce délai, des mesures conservatoires à l'égard du patrimoine du ou des dirigeants de la société ou de la personne morale qui ont fait l'objet de l'avertissement (art. 442quater, § 5).

    3.2. La responsabilité du dirigeant d'entreprise face à la poursuite d'activités déficitaires

    17.Il résulte de l'analyse générale qui précède que la poursuite des activités déficitaires se trouve fréquemment au rang des reproches formulés à l'encontre des dirigeants d'entreprise.

    Lorsque la société en proie à de graves difficultés financières est déclarée en faillite, ses créanciers individuels, hormis dans le cas visé à l'article 530, alinéa 2, du Code des sociétés, ne sont autorisés à agir en responsabilité à l'encontre des dirigeants que dans la seule mesure où ils peuvent démontrer que le dommage qu'ils prétendent avoir subi leur est propre [135].

    Les actions individuelles des administrations fiscales et sociales sur la base des dispositions légales examinées ci-avant, à l'exception de l'action en comblement de passif (art. 530 C. soc.) si elles sont introduites après la faillite, seront donc en principe empêchées par le monopole du curateur, si elles tendent à la réparation de leur part dans le préjudice collectif [136].

    L'administration ne sera recevable à agir que si son action tend à la réparation d'un préjudice qui lui est propre, distinct de celui que subissent les autres créanciers, ou si son action se fonde sur une faute différente de celle qui a causé le préjudice collectif [137], ce qui sera rarement - pour ne pas dire jamais - le cas [138].

    Ce sera donc généralement le curateur qui, une fois la faillite prononcée, agira à l'encontre du dirigeant d'entreprise dont la responsabilité est susceptible d'être engagée sur la base des articles 528 et/ou 633 du Code des sociétés, des articles 442quater du Code des impôts sur les revenus et 93undeciesC du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ou de l'article 1382 du Code civil.

    18.Le dirigeant qui poursuit une activité déficitaire ne se trouve pas à l'abri, selon nous, de toute action en responsabilité par le simple fait que la société dont il assume la gestion se trouve, ou s'est trouvée, en réorganisation judiciaire puis a été déclarée en faillite.

    Chacun sait que le débiteur dans le cadre de la LCE reste à la tête de ses affaires (« debtor in possession ») mais qu'il convient de considérer que la liberté de disposition dont il continue à bénéficier doit être dédiée à la réalisation de l'objectif qu'il poursuit dans le cadre de la procédure en réorganisation judiciaire.

    Dans le cadre de la loi sur le concordat judiciaire, l'article 9, § 2, disposait que: « Le concordat ne peut être accordé que si la situation financière de l'entreprise peut être assainie et si son redressement économique semble possible. Les prévisions de rentabilité doivent démontrer la capacité de redressement financier de l'entreprise. »

    En application de l'article 11 de ladite loi, le débiteur qui sollicitait l'ouverture d'une procédure de concordat judiciaire devait notamment joindre à sa demande « un état comptable de son actif et de son passif et un compte de résultats, ainsi qu'une simulation de l'évolution comptable portant au moins sur les six mois à venir ».

    Ces exigences de nature économique étaient souvent à l'origine de l'échec de l'ouverture de la procédure de concordat judiciaire puisque cette loi s'adressait essentiellement à des entreprises qui n'étaient pas « en mesure, par suite d'un événement occasionnel, de remplir leurs obligations mais qui sont fondamentalement rentables » [139].

    Ces exigences financières ont dès lors été considérablement assouplies lors de l'adoption de la LCE en 2009, le débiteur ne devant plus joindre à l'appui de sa requête qu'« une prévision d'encaissements pour la durée demandée du sursis au moins » (en néérlandais « een simulatie van de kasstromen voor ten minste de gevraagde duur van de opschorting »).

    Rien n'indique donc que le sursis ne puisse être accordé au débiteur même si la poursuite de ses activités devait s'avérer déficitaire.

    Cependant, ces exigences ont encore été modifiées par la loi du 27 mai 2013. Elles se retrouvent ainsi à l'article 17, § 2, 5° et 6°, de la LCE lequel dispose que le débiteur doit joindre à sa requête en réorganisation judiciaire « une situation comptable qui reflète l'actif et le passif et le compte de résultats ne datant pas de plus de trois mois, établis sous la supervision d'un réviseur d'entreprises, d'un expert-comptable externe, d'un comptable agréé externe ou d'un comptable-fiscaliste agréé externe;

    un budget contenant une estimation des recettes et dépenses pour la durée minimale du sursis demandé, préparé avec l'assistance d'un expert-comptable externe, d'un comptable-fiscaliste agréé externe ou d'un réviseur d'entreprises; sur avis de la Commission des normes comptables, le Roi peut établir un modèle de prévisions budgétaires ».

    L'exigence d'un contrôle externe et d'objectivation des chiffres présentés par le débiteur doit ainsi renforcer pour le tribunal l'idée de leur fiabilité, la portée de ce contrôle étant cependant, selon les travaux préparatoires de la loi du 27 mai 2013 limitée [140].

    Déjà, l'application de ces exigences et la portée en pratique de ce contrôle financier font l'objet d'une jurisprudence [141] partagée.

    Les professionnels du chiffre étant concernés également, l'Institut des Réviseurs d'Entreprises a rédigé une recommandation concernant « les missions qui incombent au réviseur d'entreprises, à l'expert-comptable externe, au conseil fiscal externe, au comptable agréé externe ou au comptable-fiscaliste agréé externe dans le cadre de l'article 10, alinéa 5, de l'article 12, alinéa 5 et de l'article 17, § 2, 5°et 6° de la loi relative à la continuité des entreprises » et a lancé une consultation publique à cet égard [142].

    En pratique, les tribunaux ont tendance à accorder un sursis moins long lorsque les données financières font état d'un déficit de trésorerie, et certains juges délégués se montrent très attentifs à toute aggravation du passif du débiteur. Pour rappel, la loi sur le concordat judiciaire connaissait la figure du commissaire au sursis qui exerçait une certain contrôle sur le déroulement de la procédure. Dans le cadre de la LCE, la figure du commissaire au sursis n'existe plus. Seul le juge délégué exerce un certain contrôle d'intensité variable sur le déroulement de la procédure.

    Malgré ces garde-fous prévus par la loi ou tirés de la pratique, pouvons-nous en déduire que les dirigeants d'une société pourraient, en cas d'échec de la procédure en réorganisation judiciaire, prétendre qu'aucune faute ne peut leur être reprochée pour la poursuite d'une activité déficitaire?

    Dans le cadre de la loi sur le concordat judiciaire, une certaine doctrine considérait que le reproche de la poursuite des activités déficitaires avait peu de chance d'être soulevé avec succès [143].

    Ce raisonnement ne nous paraît nullement transposable [144] en matière de continuité des entreprises, d'une part, le débiteur restant à la tête de ses affaires et d'autre part, au regard de l'assouplissement des exigences financières qui n'excluent pas - a priori - toute poursuite d'activités déficitaires.

    Il n'est en effet pas inimaginable, que malgré une poursuite temporaire d'activités déficitaires, le débiteur arrive à se restructurer en adoptant non seulement des mesures de restructuration de son passif - par nature financières -, mais en prenant également des mesures structurelles et organisationnelles lui permettant de renouer avec la rentabilité et de payer ses créanciers post-sursitaires.

    Le problème de la poursuite des activités déficitaires se pose cependant avec plus d'acuité dans le cadre de la procédure de transfert d'entreprise (art. 59 et s. LCE).

    Cependant il n'est pas inimaginable non plus - et la pratique le démontre également dans certains cas grâce à la qualité des mandataires judiciaires et des juges délégués - que le déficit à court terme soit compensé par la plus-value retirée sur la cession de l'entreprise en continuité. Cela correspond d'ailleurs à la philosophie de notre loi.

    La modification heureuse de l'article 62 de la LCE qui prévoit que « pour qu'une offre puisse être prise en considération, le prix offert pour l'ensemble des actifs vendus ou cédés doit être égal ou supérieur à la valeur de réalisation forcée présumée en cas de faillite ou liquidation » nous paraît également militer dans ce sens.

    Le dirigeant devrait, à notre estime, rester en tout temps attentif à cette question, ne pouvant en effet pas se retrancher derrière la désignation du mandataire de justice, puisque ce dernier est, uniquement « chargé d'organiser et de réaliser le transfert au nom et pour compte du débiteur » (art. 60 LCE) et non chargé d'assumer la poursuite ou la gestion des activités du débiteur.

    Au contraire, à notre sens, sous peine de risquer de voir sa responsabilité exposée, le dirigeant devrait attirer l'attention du mandataire de justice sur l'éventuel caractère déficitaire de la poursuite des activités et devrait faire ses meilleurs efforts, notamment par sa collaboration avec ce dernier, afin que tout déficit éventuel puisse être couvert par le prix à obtenir dans le cadre du transfert, la valeur de liquidation visée par l'article 62 de la LCE nous paraissant être le montant minimal voulu par le législateur.

    Le contrôle très limité du tribunal lors de l'ouverture de la procédure, la surveillance du juge délégué, et les possibilités de fin anticipée de la procédure (art. 41 LCE) - peu, voire nullement appliquée - dans le cadre de la procédure en transfert d'entreprise ne nous paraissent pas être de nature à exonérer le dirigeant de sa responsabilité pour une poursuite éventuelle d'activités déficitaires.

    4. Vers un respect de l'équilibre?

    19.Même si la bataille féroce que les administrations fiscales et sociales ont menée à cet égard est compréhensible, ne devraient-elles pas se rallier à la volonté du législateur et accepter, une fois pour toute, le statut de créancier sursitaire ordinaire que leur a réservé la loi sur la continuité des entreprises, l'objectif poursuivi par le législateur étant « le traitement égal de tous les créanciers, qu'ils soient publics ou privés, et de faire en sorte que chacun de ces derniers apporte sa juste part au redressement de l'entreprise dans l'intérêt général? » [145]. Ceci nous paraît d'autant plus justifié que ces administrations publiques ont vu leur sort considérablement amélioré dans le cadre de l'article 49/1 inséré par la loi du 27 mai 2013 modifiant la loi sur la continuité des entreprises.

    Vu la responsabilité qu'encourent les dirigeants d'entreprise en cas de défaut répété de paiement du précompte professionnel ou de la TVA (voir art. 442quater CIR 1992 et 93undeciesC CTVA ou l'art. 530 C. soc.), celle-ci devrait les amener à prendre rapidement les mesures de restructuration qui s'imposent dont celles offertes par la loi sur la continuité des entreprises. La modification en 2013 de l'article 10 de la LCE qui range parmi les clignotants susceptibles de déclencher une enquête commerciale, le défaut de paiement d'un trimestre de précompte professionnel, de TVA ou d'ONSS plaide dans le même sens. De la sorte, le préjudice éventuel subi par ces administrations fiscales et sociales - résultant potentiellement de leur qualité de créancier sursitaire ordinaire devrait s'en trouver limité.

    L'absence de reconnaissance de qualité dans le chef de ces administrations de créancier de la masse au sens de l'article 37 de la LCE pour leurs créances post-sursis est-elle choquante dès lors qu'il est vrai que ces administrations ne décident pas librement de « contracter » avec le débiteur en réorganisation judiciaire par opposition aux fournisseurs de celui-ci? Nous ne le pensons pas. En cas de faillite, par opposition aux simples fournisseurs, ces administrations bénéficient d'un privilège général sur meubles. La volonté du législateur d'inciter les cocontractants du débiteur en réorganisation judiciaire à continuer leurs relations commerciales avec ce dernier et partant, d'assurer en pratique la poursuite des activités, nous paraît tout à fait justifiable - si pas indispensable - pour permettre la réussite de la procédure, face aux exigences trop fréquentes de paiement au comptant de ces mêmes fournisseurs.

    Cependant, le but ne peut pas être non plus de permettre aux dirigeants d'entreprise de poursuivre en toute impunité et/ou sous le couvert d'une procédure en réorganisation judiciaire des activités déficitaires et de les financer au détriment notamment des administrations publiques. Les cours et tribunaux, vu l'arsenal juridique dont les administrations publiques disposent, n'ont-ils pas un rôle plus important à jouer en la matière pour limiter les risques de non-paiement de celles-ci à l'instar des autres créanciers d'ailleurs? Une attention accrue des dirigeants de société en réorganisation judiciaire sur leurs risques de responsabilité et de chacun des intervenants à la procédure (tribunal, juge délégué, mandataire de justice éventuel, créancier, etc.) sur une poursuite d'activités déficitaires, voire même des administrations publiques elles-mêmes, lesquelles peuvent toujours s'adresser au juge délégué [146], ne devraient-elles pas suffire à réduire l'accumulation de dettes fiscales et sociales et d'éviter que ces administrations publiques ne recherchent sans cesse à remettre en question le véritable travail d'équilibriste entre tous les intérêts en présence, auquel a dû se soumettre le législateur lors de l'adoption de notre loi sur la continuité des entreprises?

    [1] Avocate au barreau de Bruxelles, assistante à l'ULB.
    [2] Avocate au barreau de Bruxelles, assistante à l'UCL.
    [3] Cass., 30 juin 2011, J.T., 2012, 131, note M. Simonis, « Réorganisation judiciaire et protection des créances fiscales, affaire classée? » et C.C. 18 janvier 2012, R.D.C., 2012/5, 442, note I. Verougstraete et A. Van Hoe; D.A.O.R., 2012/103, 361, note J. Brondel; J.T., 2012/7, 128 et 129, obs. M.-F. Rigaux.
    [4] P. Francois, « De aanpassingen van de wet betreffende de continuïteit van de ondernemingen: geen wijzigingen aan de fundamenten maar enkele fundamentele wijzigingen », Bank Fin. R., 2013/V, 246 et les références y citées en notes de bas de page et M. Simonis, « Réorganisation judiciaire et protection des créances fiscales: conciliation impossible? », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, 73-87.
    [5] La loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises publiée au M.B. le 22 juillet 2013, Doc. parl., Ch. repr., Doc. n° 53-2692 a inséré un nouvel article 2/1 libellé comme suit « Sans préjudice de la nature des créances résultant de contrats à prestations successives et de l'effet, sur la créance, d'un paiement intervenu après l'ouverture de la procédure, la nature de la créance est déterminée au moment de l'ouverture de la procédure. »
    [6] Cass., 30 octobre 2014, A.R. F.13.0140.F.
    [7] Nous renvoyons le lecteur aux commentaires qui ne manqueront pas d'être écrits sur la portée de cet arrêt notamment au regard du parallélisme éventuel qui peut être fait avec l'inscription d'une hypothèque conventionnelle après le dépôt d'une requête en réorganisation judiciaire mais avant l'ouverture de cette procédure, à la suite de l'exécution d'un mandat hypothécaire conféré par le débiteur à son organisme financier.
    [8] Cet article dispose dans son intégralité ce qui suit: « Les propositions incluent pour tous les créanciers une proposition de paiement qui ne peut être inférieure à 15 pourcent du montant de la créance. Si le plan prévoit un traitement différencié des créanciers, il ne peut accorder aux créanciers publics munis d'un privilège général un traitement moins favorable que celui qu'il accorde aux créanciers sursitaires ordinaires les plus favorisés. Un pourcentage inférieur peut être prévu conformément à l'alinéa 3 et moyennant motivation stricte. Le plan peut proposer de façon motivée des pourcentages inférieurs en faveur des créanciers ou catégories de créanciers susmentionnés sur la base d'exigences impérieuses et motivées liées à la continuité de l'entreprise. Le plan ne peut contenir de réduction ou d'abandon des créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure. Le plan ne peut prévoir de réduction des dettes alimentaires ni des dettes qui résultent pour le débiteur de l'obligation de réparer le dommage causé par sa faute et lié au décès ou à l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne. Le plan de réorganisation ne peut prévoir de diminution ou suppression des amendes pénales. »
    [9] E. Dirix, « Het insolventierecht anno 2014 », in H. Braeckmans, E. Dirix, M.E. Storme, B. Tilleman et M. Vanmeenen, Curatoren en vereffenaars: actuele ontwikkelingen, III, Anvers, Intersentia, 2014, 3-37.
    [10] A noter que la loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises a rangé parmi les traditionnels clignotants déclenchant les enquêtes commerciales le retard de paiement d'un trimestre à l'ONSS, la TVA ou le précompte professionnel et non plus à deux trimestres comme auparavant. Ceci devrait être de nature à réduire l'ampleur des créances sursitaires ordinaires de ces administrations. Ainsi, dans le cadre de la loi du 27 mai 2013 modifiant la LCE, le législateur a considéré que « un retard de paiement d'un trimestre à l'ONSS et à la TVA constitue déjà un important signal d'alerte des problèmes de l'entreprise. Deux trimestres témoignent généralement d'une situation désespérée. De manière à s'atteler aux problèmes à temps, il est nécessaire de raccourcir le délai », Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, n° 2692/001, 11.
    [11] La présente note n'a pas pour ambition d'examiner sous toutes ses facettes la responsabilité du dirigeant d'entreprise. Sur ce point, nous renvoyons le lecteur aux excellentes contributions qui y ont été consacrées; voy. not. J.-Fr. Goffin, « Responsabilité des dirigeants de sociétés », 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2004, 404 et s.; J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 355, n° 1, ainsi qu'à l'ouvrage spécialisé en la matière M. Vandenbogaerde, Aansprakelijkheid van vennootschapsbestuurders, Anvers, Intersentia, 2009, 209 p.
    [12] Cass., 16 mai 2014, Bank Fin., 2014, 224, note P. François; J.T., 2014, 662; J.L.M.B., 2015, 416; N.J.W., 2015, 157, note B. Stalmans et F. Verhaeden; R.D.C., 2014 (résumé A. Van Hoe), 725, publié dans ce numéro, p. 569.
    [13] Voy. not. les articles 19, 4°ter, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 pour les cotisations dues à l'ONSS, les articles 422 à 424 du Code des impôts sur les revenus pour les impôts directs et les articles 86 à 88 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée pour la TVA.
    [14] L'alinéa 2 de cet article prévoit que: « Le cas échéant, les indemnités contractuelles, légales ou judiciaires dont le créancier réclame le paiement du fait de la fin du contrat ou de sa non-exécution sont reparties au prorata en fonction de leur lien avec la période antérieure ou postérieure à l'ouverture de la procédure. »
    [15] La version néerlandaise de l'alinéa 1er de l'article 37 est toutefois quelque peu différente. Ce texte prévoit en effet que « in de mate dat de schuldvorderingen ten aanzien van de schuldenaar beantwoorden aan prestaties uitgevoerd tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie door zijn medecontractant, en ongeacht of zij voortvloeien uit nieuwe verbintenissen van de schuldenaar of uit overeenkomsten die lopen op het ogenblik van het openen van de procedure, worden zij beschouwd als boedelschulden in een navolgende vereffening of faillissement tijdens de periode van reorganisatie of na het beëindigen ervan, in zoverre er een nauwe band bestaat tussen de beëindiging van de procedure en die collectieve procedure » (nous soulignons).
    [16] Sur cette notion, voy. l'article 99 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites et I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, o.c., 551 et s., nos 3.1.7.4. et s. Il s'agit plus exactement en l'espèce de dettes de masses « fictives » ou « présumées », dans la mesure où les dettes de masse sont en principe les dettes nées postérieurement au jugement déclaratif de faillite. Voy. aussi Ph. Gérard, J. Windey et M. Grégoire, Concordat judiciaire et faillite, in Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 1998, n° 17, 195.
    [17] Voir Y. Godfroid, « Du périmètre de l'article 37 de la loi sur la continuité des entreprises », J.L.M.B., 2013, 310 obs. Voy. égal. concernant le lien étroit devant exister entre les procédures, M. Grégoire, « Les droits des créanciers: changement d'angle », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, in Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2012, 49.
    [18] Comm. Liège, 17 janvier 2012, J.L.M.B., 2013, 301.
    [19] Voy. la note 15.
    [20] Comm. Hasselt, 27 septembre 2012, R.A.B.G., 2013, 215.
    [21] Le tribunal renvoie à deux décisions ayant statué dans le même sens: Comm. Verviers, 21 octobre 2010, R.D.C., 2011, 511; Comm. Nivelles, 19 octobre 2011, inédit, R.G. n° A/10/1337.
    [22] Comm. Bruges, 1er octobre 2012, R.D.C., 2013, 205.
    [23] Comm. Turnhout, 31 octobre 2013, R.W., 2013, 1112.
    [24] Gand, 8 avril 2013, R.W., 2013-2014, 1.
    [25] Gand, 30 septembre 2013, R.W., 2013-2014, 1107.
    [26] Comm. Verviers, 3 septembre 2012, inédit, R.G. n° A/11/00816.
    [27] Le tribunal renvoie à un jugement inédit du tribunal de commerce de Charleroi du 14 mars 2012, R.G. n° A/11/2153.
    [28] Comm. Charleroi, 14 mars 2012, J.L.M.B., 2013, 305.
    [29] Comm. Huy, 6 mars 2013, J.L.M.B., 2014, 19.
    [30] Comm. Anvers, 11 décembre 2013, R.D.C., 2013, 318.
    [31] Liège, 22 mai 2012, inédit, R.G. 2011/RG/517.
    [32] Bruxelles, 14 novembre 2012, J.T., 2013, 121, obs. critiques A. Zenner.
    [33] Cass., 8 septembre 2006, R.D.C., 2006, 834.
    [34] A. Zenner, J.-Ph. Lebeau et C. Alter, La loi relative à la continuité des entreprises à l'épreuve de sa première pratique, Larcier, 2010, n° 129, 185.
    [35] A. Zenner, obs. sous Bruxelles, 14 novembre 2012, J.T., 2013, 122; B. Windey, note sous Anvers, 12 septembre 2013, Limb. Rechtsl., 2014, 44; E. Dirix et R. Jansen, « Wet continuïteit ondernemingen », in Gerechtelijk akkoord & Faillissement, Malines, Kluwer, 2009, 29.
    [36] L'article 44 de la loi du 17 juillet 1997 sur le concordat judiciaire prévoyait en effet ce qui suit: « Si le débiteur est déclaré en faillite au cours de la procédure en concordat, les créanciers concernés par le sursis y sont comptés à raison de la part qu'ils n'ont pas encore reçue, et entrent, sans préjudice des droits prévus à l'alinéa suivant, en concours avec les nouveaux créanciers. Les actes accomplis par le débiteur au cours de la procédure avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis, sont considérés lors de la faillite comme des actes du curateur, les dettes contractées pendant le concordat étant comprises comme dettes de la masse faillie. »
    [37] P. Francois, « Hocus pocus pas, ik wou dat dit een contract was… Noot bij het arrest van het Hof van Cassatie d.d. 16 mei 2014 », Bank Fin. R., 2014, 224 et s. Voy. égal. M. Grégoire qui insiste sur l'existence d'un lien contractuel, « Les droits des créanciers: changement d'angle », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, in Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2012, 50.
    [38] P. Francois, « Hocus pocus pas, ik wou dat dit een contract was… Noot bij het arrest van het Hof van Cassatie d.d. 16 mei 2014 », Bank Fin. R., 2014, 230.
    [39] Y. Godfroid, « Du périmètre de l'article 37 de la loi sur la continuité des entreprises » (obs. sous Comm. Charleroi, 14 mars 2012), J.L.M.B., 2013, 310.
    [40] Cass., 16 mai 2014, Bank Fin. R., 2014, 224, note P. François; J.T., 2014, 662; J.L.M.B., 2015, 416; N.J.W. 2015, 157, note B. Stalmans et F. Verhaeden; R.D.C., 2014 (résumé A. Van Hoe), 725, publié dans ce numéro, p. 569.
    [41] Cass., 27 mars 2015, F.14.0157.N, publié dans ce numéro, p. 594 et Cass., 27 mars 2015, F.14.0141.N, publié dans ce numéro, p. 596.
    [42] P. Francois, o.c., 233 et en ce sens égal. A. Zenner, obs. sous Bruxelles, 14 novembre 2012, J.T., 2013, 122; C. Alter et A. Levy Morelle, « Evolution de la jurisprudence depuis la loi du 27 mai 2013 », in Paiement, insolvabilité et réorganisation. S'organiser pour être payé, payer ou se réorganiser, Dossiers du J.T., 2015, pp. 99 à 131, spécialement 109 à 117.
    [43] C. Alter et A. Levy Morelle, « Evolution de la jurisprudence depuis la loi du 27 mai 2013 », in Paiement, insolvabilité et réorganisation. S'organiser pour être payé, payer ou se réorganiser, Dossiers du J.T., 2015, pp. 99 à 131, spécialement 109 à 117.
    [44] Cass., 27 mars 2015, F.14.0157.N, publié dans ce numéro, p. 594.
    [45] Cass., 27 mars 2015, F14.0141.N, publié dans ce numéro, p. 596.
    [46] Les travaux préparatoires de la loi sur le concordat justifiaient cette disposition par le souci d'assurer un stimulant et une sécurité aux nouveaux créanciers contractant avec une entreprise se trouvant en zone grise, en donnant une certaine priorité aux dettes survenues pendant le sursis, afin de ne pas menacer la poursuite normale des activités. Voy. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1993-1994, n° 48-1406/1, 34.
    [47] Il faut toutefois constater que, dans la pratique, il est fréquent que les créanciers exigent le paiement au comptant des prestations effectuées en cours de sursis.
    [48] Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2007-2008, n° 52-0160/002, 63.
    [49] La version néerlandaise « in de mate dat de schuldvorderingen ten aanzien van de schuldenaar beantwoorden aan prestaties uitgevoerd tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie door zijn medecontractant » paraissant plus restrictive que la version française « dans la mesure où les créances se rapportent à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire ». Voy. la note 13.
    [50] Ph. Malherbe, « L'organe social et la dette fiscale impayée », Rev. prat. soc., 2013, 79 et s.
    [51] C.J.U.E., 9 mars 1999, C-2012, Centros Ltd / Erhvervs og Selskabsstyrelsen, Rec. C.J.C.E., 1999, I, 1459.
    [52] Voy. à cet égard M. Simonis, « Réorganisation judiciaire et protection des créances fiscales: conciliation impossible? », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, 80.
    [53] M. Simonis, « Réorganisation judiciaire et protection des créances fiscales: conciliation impossible? », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, 80.
    [54] Il eut été préférable de parler de créanciers privilégiés spéciaux, notion que l'on retrouve en droit de la faillite; K. Byttebier, E. Dirix, M. Tison et M. Vanmeenen, Gerechtelijke reorganisatie, getest, gewicht en gewogen, Anvers, Intersentia, 2010, 184.
    [55] Voy. not. J. Windey et T. Hurner, « Les dettes de masse de l'article 44, alinéa 2 » (note sous Liège, 17 juin 2003), R.D.C., 2005, 262; H. Cousy et E. Dirix, « Continuïteit van onderneming in moeilijkheden », T.P.R., 1998, 1199, n° 21.
    [56] Cass., 18 décembre 2008, R.G.D.C., 2010, 415.
    [57] Certains auteurs critiquent la terminologie utilisée par le législateur soulignant qu'il eut été préférable de parler de privilège pour frais de justice et d'y appliquer les conséquences que la loi attache à cette prérogative. Voy. en ce sens M. Gregoire, « Les droits des créanciers: changement d'angle », in X., La loi relative à la continuité des entreprises, in Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2012, 49.
    [58] K. Swinnen, « Geen voorrecht voor degene die kosten heeft gemaakt tot behoud van een handelszaak » (note sous Cass., 18 décembre 2008), R.G.D.C., 2010, 415.
    [59] Voir K. Swinnen, note sous Cass., 18 décembre 2008, R.G.D.C., 2010 et les références y citées p. 416 spécialement notes en bas de page nos 4, 6 et 7.
    [60] Cass., 24 avril 1986, Arr.Cass., 1985-1986, 1151 et Cass., 18 décembre 2008, R.G.D.C., 2010, 415.
    [61] Cass., 28 février 2014, J.L.M.B., 2014, 767.
    [62] Voy. en ce sens S. Brijs, « De wet betreffende de continuïteit van ondernemingen », T.R.V., 2009, 667 et s., spécialement n° 102.
    [63] Y. Godfroid, « La loi relative à la continuité des entreprises, réorganisation judiciaire sous autorité de justice », in Réorganisation judiciaire, faillite, liquidation déficitaire: actualités et pratique (sous la direction de N. Thirion), Liège, Anthémis, 2010, 186.
    [64] E. Dirix, « Het insolventierecht anno 2014 », in H. Braeckmans, E. Dirix, M.E. Storme, B. Tilleman et M. Vanmeenen, Curatoren en vereffenaars: actuele ontwikkelingen, III, Anvers, Intersentia, 2014, 28, n° 29; I. Verougstraete, Manuel de la continuité et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2010, 177; S. Brijs et A. Van Hoe, « De gerechtelijke reorganisatie door overdracht onder gerechtelijk gezag: conceptuele en juridische knelpunten? », R.D.C., 2012, 391.
    [65] Comm. Anvers, 11 septembre 2013, R.D.C., 2014, 318, note A. Van Hoe.
    [66] Voy. à cet égard not. K. Geens, F. Hellemans, R. Tas et J. Vananroye, « Overzicht van rechstpraak. Vennootschappen (1992-1998) », T.P.R., 2001, 301, n° 260; A. Visschers et S. Lievens, « De aansprakelijkheid van bestuurders en zaakvoerders », R.G.C.F., 2005, 89, n° 2.
    [67] Par dirigeant, on vise, de manière générique, tant le gérant et l'administrateur que le membre du comité de direction, le délégué à la gestion journalière, le représentant permanent, le dirigeant de fait ou encore le membre du comité d'audit.
    [68] Ainsi, pour les sociétés anonymes, les articles 528, 529, 530 et 610; pour les sociétés privées à responsabilité limitée, les articles 263, 264, 265 et 314; pour les sociétés coopératives à responsabilité limitée, les articles 405, 408 et 409. S'agissant des sociétés en commandite par actions, l'article 657 renvoie aux dispositions relatives aux sociétés anonymes. On citera également, le groupement d'intérêt économique, l'article 860, alinéas 2 et 3 et, pour la société européenne, les articles 919, 920 et 921. Toutes ces dispositions reprennent à l'identique la lettre des articles du code relatifs aux sociétés anonymes. Nous nous référerons donc principalement, dans cette étude, aux dispositions concernant les sociétés anonymes.
    [69] Nous n'envisagerons dans le cadre de la présente note à portée limitée que les grands principes de la responsabilité des administrateurs de société anonyme, ceux-ci étant transposables majoritairement aux autres formes de société.
    [70] C'est-à-dire dans les 30 jours de leur approbation et au plus tard 7 mois après la date de clôture de l'exercice (art. 98, al. 2, C. soc.).
    [71] Tel que modifié par la loi du 4 septembre 2002 (M.B., 21 septembre 2002).
    [72] Loi-programme du 20 juillet 2006 (M.B., 28 juillet 2006). Sur cette loi, voy. not. D. Deschrijver, « Aspecten van de persoonlijke aansprakelijkheid van bestuurders na de programmawet van 20 juli 2006 », T.R.V., 2007, pp. 75 et s.
    [73] La responsabilité des dirigeants en cas de violation du Code des sociétés ou des statuts est bien plus lourde et par opposition à la simple faute de gestion, elle peut être engagée tant à l'égard de la société que des tiers ayant subi un préjudice en raison de la violation invoquée, dont l'administration fiscale et sociale. Si l'article 528 vise les violations du Code des sociétés ou des statuts, il est toutefois admis que les infractions au droit comptable commises dans l'établissement des comptes annuels constituent également une violation des dispositions du Code des sociétés. Voy. A.-M. Delvaux, « Les responsabilités des fondateurs, administrateurs et gérants des S.A., S.P.R.L. et S.C.R.L. », in Droit des sociétés commerciales, t. I, 2006-2007, Malines, Kluwer, 777. Il faut naturellement que ces infractions aient causé un dommage. Voy. à cet égard Cass., 28 octobre 1988, J.D.S.C., 1999, 230, note M.-A. Delvaux (« L'arrêt qui rejette comme étant non fondée l'action en responsabilité fondée sur la violation des lois coordonnées sur les sociétés commerciales et intentée par les curateurs contre le gérant de la SPRL déclarée en faillite, parce que la reproduction incorrecte au bilan et le non-respect de l'article 140 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (convocation de l'assemblée générale dès que l'actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social) n'ont pu causer le moindre préjudice, est justifié en droit. »). Ainsi s'agissant des sociétés anonymes, l'article 528, alinéa 1er, du Code des sociétés prévoit que, « les administrateurs sont solidairement responsables, soit envers la société, soit envers les tiers, de tous dommages et intérêts résultant d'infractions aux dispositions du [Code des sociétés] ou des statuts sociaux ». L'alinéa 2 rend cette disposition applicable aux membres du comité de direction. L'alinéa 3 de l'article 528 dispose quant à lui qu' « en ce qui concerne les infractions auxquelles ils n'ont pas pris part, les administrateurs et les membres du comité de direction ne sont déchargés de la responsabilité visée aux alinéas 1er et 2 que si aucune faute ne leur est imputable et s'ils ont dénoncé ces infractions selon le cas, lors de la première assemblée générale ou lors de la première séance du conseil d'administration suivant le moment où ils en ont eu connaissance ». Il résulte de ce qui précède que:

    (i) cette responsabilité pèse sur l'ensemble des administrateurs ou des membres du comité de direction, peu importe leur compétence ou leur tâche (voy. p. ex. Anvers, 2 mars 2006, J.D.S.C., 2008, 189, note M. Ernotte; T.R.V., 2007, 192, note C. Clottens) et leur participation effective à la commission de l'infraction, sans qu'il faille rechercher lequel d'entre eux a effectivement commis la violation invoquée;

    (ii) les dirigeants sont solidairement responsables et sont tenus de réparer la totalité du dommage causé;

    (iii) pour exclure leur responsabilité, les administrateurs ou membres du comité de direction qui n'ont pas pris part à la violation invoquée doivent prouver qu'aucune faute ne peut leur être reprochée et, en outre, qu'ils ont dénoncé les infractions mises en cause aux actionnaires ou aux administrateurs, selon le cas. (voy. J.-Fr. Goffin, Responsabilité des dirigeants de sociétés, o.c., 357, n° 12).

    Sont par exemples considérées comme des infractions au Code des sociétés: le défaut de convocation de l'assemble générale lorsque la société a perdu plus de la moitié de son capital (art. 633, C. soc.) voy. p. ex. Mons, 22 mars 2010, J.L.M.B., 2011, 178; Gand, 17 mars 2008, R.W., 2010-2011, 878; Comm. Nivelles, 5 octobre 2006, J.D.S.C., 2007, 114, note A.-M. Delvaux); le fonctionnement irrégulier des organes de la société (Liège, 8 mai 2003, D.A. O.R., 2003, 70), la tenue irrégulière du registre des actions nominatives; l'absence d'établissement de rapport en cas de modification des statuts, d'augmentation de capital ou d'émission de nouveaux titres; le défaut de publication de la nomination ou démission d'administrateurs; le non-respect des dispositions applicables en cas de conflit d'intérêts (art. 523 C. soc.) voy. J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 358, n° 14, et les réf. citées). Sont par exemples souvent invoquées comme violation des statuts de la société: la violation des pouvoirs de gestion du conseil d'administration définis par les statuts; l'utilisation des fonds ou du crédit de la société à des fins étrangères à son objet social (Comm. Tongres, 2 mars 1992, T.R.V., 1992, 180, note M. Wyckaert), le versement d'une rémunération à un dirigeant sans qu'il soit autorisé à percevoir celle-ci par les statuts (Comm. Liège, 23 juin 1981, J.C.B., 1981, 607).
    [74] Voy. Civ. Mons, 29 avril 2003, J.D.S.C., 2005, note M.-A. Delvaux; J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 359, n° 17.
    [75] Les articles 332 et 431 du Code des sociétés rendent cette disposition applicable aux SPRL et SCRL.
    [76] Voy. Mons, 17 novembre 1997, R.D.C., 1999, note C. Van Santvliet (« Afin de prouver que l'assemblée générale extraordinaire n'est pas tenue dans les délais légaux, il est nécessaire d'établir la date exacte de départ de ce délai, ou exprimé différemment, du jour où la perte de capital a été constatée ou aurait dû être constatée en vertu des dispositions légales ou statutaires. »).
    [77] A défaut de rapport, la décision de l'assemblée générale sera considérée comme nulle: art. 633, al. 4, C. soc. Sur la forme du rapport du conseil d'administration, voy. p. ex. égal. Mons, 17 novembre 1997, R.D.C., 1999, note C. Van Santvliet (« L'article 103 LCSC ne prévoit aucune condition de forme ou de fond pour le rapport du conseil d'administration. Les administrations n'ont pas commis de faute, le rapport étant rédigé à la suite de l'analyse faite par une fiduciaire réputée et énumérant entre autres les orientations préconisées par cette dernière en vue d'aboutir au redressement de la société. »).
    [78] Voy. Civ. Hasselt (réf.), 4 juillet 2003, T.R.V., 2005, 577.
    [79] L'article 633, alinéa 4, prévoit que « les mêmes règles sont observées si, par suite de perte, l'actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital social mais, en ce cas, la dissolution aura lieu si elle est approuvée par le quart des voix émises à l'assemblée ».
    [80] Voy. Comm. Charleroi, 29 janvier 1997, R.D.C., 1999, 39, note C. Van Santvliet (« Pour déterminer si le seuil de l'article 103 LCSC est franchi, l'actif net doit être calculé sur base d'une comptabilité qui est établie correctement et qui reflète fidèlement la situation de la société. »).
    [81] Seuls les tiers bénéficient donc de cette présomption de responsabilité. Il appartiendra partant à la société qui agit en responsabilité contre son dirigeant qui ne l'a pas convoquée, d'établir l'existence d'un lien causal entre le défaut de convocation et le dommage prétendument subi par la société, à l'instar de ce qui est prévu pour les autres fondements de responsabilité.
    [82] Le dirigeant pourra ainsi tenter de renverser la présomption en apportant la preuve de l'absence de causalité, par exemple en démontrant qu'il n'existe pas de lien entre l'absence de convocation de l'assemblée générale et le dommage, parce que la société avait déjà subi des pertes importantes à un moment antérieur au dépassement du seuil de l'actif net ou que les pertes subies trouvent leur origine dans la faillite d'un fournisseur important. A propos du renversement de la présomption de lien de causalité, voy. Cass., 17 septembre 2004, T.R.V., 2005, 389, note R. Tas; Bruxelles, 15 novembre 2007, J.L.M.B., 2009, 305; Gand, 23 avril 2007, T.R.V., 2008, 84; Gand, 14 mai 2007, T.R.V., 2008, 591; Gand, 17 octobre 2001, T.B.H., 2002, 703.
    [83] Pour un examen détaillé de la procédure de la sonnette d'alarme, voy. not. M.-A. Delvaux, « Les responsabilités des fondateurs, administrateurs et gérants des S.A., S.P.R.L. et S.C.R.L. », in Droit des sociétés commerciales, Kluwer, 2006, 817, n° 440; X. Fossoul, « Observations sur l'article 103 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales », in Liber amicorum Commission droit et vie des affaires, Bruylant, 1998, pp. 567 à 581; J.-Fr. Goffin, Responsabilités des dirigeants d'entreprises, o.c., 189; P. Kileste et C. Staudt, « La responsabilité de l'administrateur et du réviseur d'entreprises dans les sociétés anonymes », in Dernières évolutions en droit des sociétés, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2003, pp. 32 à 35; R. Tas, Winstuitkering, kapitaalvermindering en -verlies in NV en BVBA, Biblo, 2003, pp. 507 à 610; B. Tilleman, Ontbinding van vennootschappen, Kalmt­hout, Biblo, 1997, nos 114-163, 90-97; P. Van Ommeslaghe, « Le maintien du capital des sociétés anonyme », Ann. Fac. Dr. Lg., 1986, pp. 174 à 180; C. Van Santvliet, « Artikel 103 van de Vennootschapswet (de alarmbelprocedure): een stand van zaken », R.D.C., 1997, 596-608; J. Van Wemmel, « Situering van de alarmprocedure binnen het vennootschapsrecht », De Belgische accountant, 1991, 4; F. Walschot, « De toepassing van artikel 103 Venn.W. », in E. Wymeersch et H. Braeckmans (dirs.), Het nieuwe vennootschappenrecht na de wet van 5 december 1984, Anvers, Kluwer, 1985, pp. 205 à 208; J. Windey, « Incidence du concordat et de la faillite sur la responsabilité des administrateurs et des fondateurs », R.D.C., 2001, 306; A. Zenner, Faillites et concordats 2002, Dossiers du J.T., Larcier, 2002, 376.
    [84] F. Vanden Heede, « La procédure de la sonnette d'alarme: une importante cause de responsabilité des administrateurs », Pacioli, 2010, n° 294, 5.
    [85] J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 367, n° 41. Voy. aussi la note précédente.
    [86] Pour des cas d'action en comblement du passif exercée par les administrations fiscale et sociale, voy. p. ex. Liège, 15 juin 2004, J.L.M.B., 2006, 909; Bruxelles, 31 juillet 2003, R.W., 2004-2005, 309.
    [87] Les articles 265 et 409 du Code des sociétés contiennent des dispositions identiques pour les SPRL et les SCRL. Toutefois, cette action n'est pas applicable aux « petites » SPRL et SCRL (art 265, al. 2 et 409, al. 2, C. soc.: « L'alinéa 1er n'est toutefois pas applicable lorsque la société en faillite a réalisé, au cours des trois exercices qui précèdent la faillite, un chiffre d'affaires moyen inférieur à 620.000 EUR, hors taxe sur la valeur ajoutée, et lorsque le total du bilan au terme du dernier exercice n'a pas dépassé 370.000 EUR. ».
    [88] Loi du 4 septembre 2002 modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés (M.B., 21 septembre 2002).
    [89] Sur la notion de préjudice collectif et l'impact d'une transaction conclue par le curateur sur l'action individuelle d'un créancier, voy. Cass., 10 décembre 2008, P.08.0939.F.
    [90] On remarquera que l'article 530, § 1er, alinéa 3, du Code des sociétés, tel que modifié par la loi du 4 septembre 2002, prévoit une présomption irréfragable de faute grave et caractérisée pour « fraude fiscale grave, organisée ou non, au sens de l'article 5, § 3, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ». Voy. aussi les articles 265, § 1er, alinéa 4 et 409, § 1er, alinéa 4, du Code des sociétés.
    [91] Ainsi que les articles 265 et 409 du Code des sociétés.
    [92] Le § 2 de l'article 530 du Code des sociétés dispose est libellé comme suit: « Sans préjudice du § 1er, l'Office national de Sécurité sociale et le curateur peuvent tenir les administrateurs, anciens administrateurs et administrateurs de fait visés au § 1er comme étant personnellement et solidairement responsables pour la totalité ou une partie des cotisations sociales, majorations, intérêts de retard et de l'indemnité forfaitaire visée à l'[article 54ter] de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, dus au moment du prononcé de la faillite, s'il est établi qu'une faute grave qu'ils ont commise était à la base de la faillite, ou si, au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé de la faillite, les administrateurs, anciens administrateurs et administrateurs de fait se sont trouvés dans la situation décrite à l'article 38, § 3octies, 8°, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. L'Office national de Sécurité sociale ou le curateur intentent l'action en responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs visée à l'alinéa 1er devant le tribunal du commerce qui connaît de la faillite de la société. »
    [93] Il suffit que « le principe même de l'insuffisance » soit établi, dès lors que le montant exact de celle-ci n'est généralement déterminé que lors de la clôture de la faillite. A propos de l'insuffisance d'actif, voy. not. I. Verougstraete, « L'action en comblement du passif », in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, 430 et s.
    [94] Sur cette notion, voy. P. Colle, « Kritische bemerkingen nopens een aantal problemen rond artikel 63 Venn.W. », o.c., 166; A. Haelterman, « De zaak Bodart-Fittings als toepassing van artikel 63ter Venn.W. De kennelijke grove fouten van de staat », Jur. Falc., 1982-1983, 375; J. Lievens, « Artikel 63ter en de aansprakelijkheid van de feitelijke bestuurder » (note sous Bruxelles, 14 septembre 1988), T.R.V., 1989, 55. Voy. aussi J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 368, n° 46, qui relèvent que « à notre sens, ces articles peuvent s'appliquer à toute personne qui, à quelque titre que ce soit, a pu intervenir positivement dans la gestion de la société et à laquelle peut être imputée une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite », en renvoyant à Comm. Charleroi, 16 décembre 1998, R.D.C., 2000, 643, et qui soulignent que « le pouvoir effectif de gérer la société suppose toutefois une véritable maîtrise des affaires sociales, qui ne peut résulter du simple fait pour un associé, après la démission de l'unique gérant, d'avoir déposé le bilan ou, pour une société tierce, d'avoir donné de simples conseils ou suggestions à la société faillie. De même, le banquier qui se limite à exercer son droit contractuel de contrôle de la situation financière de sa cliente, sans immixtion dans la gestion de la société, n'est pas visé par l'article 530 » (368, n° 47, et les réf. citées en notes 83 à 86).
    [95] Voy. le rapport fait au nom de la Commission spéciale du Sénat chargée de l'examen du projet de loi de réorientation économique, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1977-1978, n° 415/2, 150.
    [96] I. Verougstraete, « L'action en comblement du passif », in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, 434. Voy. aussi P. Colle, « Kritische bemerkingen nopens een aantaal problemen rond artikel 63 Venn.W. », R.D.C.B., 1985, 163; L. Cornelis, « De aansprakelijkheid van beheerders na faillissement », B.H.R., 1981, 132 et s., nos 54-62; C. Parmentier, « La responsabilité des dirigeants d'entreprise en cas de faillite », R.D.C.B., 1986, 774; J. Ronse, « La responsabilité facultative des administrateurs et gérants en cas de faillite avec insuffisance d'actif », Rev. prat. soc., 1979, 300; Comm. Bruxelles, 10 septembre 1985, R.D.C.B., 1987, 523; Comm. Charleroi, 8 septembre 1992, Rev. prat. soc., 1993, n° 6632, 329 (« La faute grave est, selon la doctrine et la jurisprudence, la faute impardonnable, celle dont l'auteur était ou devait être conscient qu'elle contribuerait à la faillite de la société. Pour qu'il y ait 'faute caractérisée', l'acte incriminé doit être perçu comme gravement fautif par tout homme raisonnable. »).
    [97] Sur l'exigence d'une faute grave et caractérisée, voy. W. Derijcke, « Action en comblement du passif et atrophie de l'actif net: chrestomathie » (obs. sous Liège, 3 décembre 1998), Rev. prat. soc., 199, 158 et s., nos 4 et s., qui souligne que « pour peu qu'un tribunal motive astucieusement son jugement, l'article 530 du Code des sociétés lui donne un pouvoir presque absolu (…) Le juge du fond dispose de la plus grande liberté de manoeuvre, le contrôle de la Cour de cassation sur une appréciation qui gît largement en fait ne pouvant par définition être que marginal (…) » (n° 5).
    [98] Pour d'autres exemples, voy. W. Derijcke, « Action en comblement du passif et atrophie de l'actif net: chrestomathie », o.c., 161; J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 370 et 371, n° 54.
    [99] Liège, 8 mai 2003, J.D.S.C., 2006, 133; Comm. Charleroi, 8 septembre 1992, Rev. prat. soc., 1993, n° 6632, 329; Comm. Bruxelles, 17 mai 1983, R.D.C.B., 1984, 554.
    [100] Comm. Bruxelles, 8 décembre 1981, Rev. prat. soc., 1981, n° 9228 et l'arrêt confirmatif de la cour d'appel Bruxelles, 17 janvier 1984, Rev. prat. soc., 1986, 48.
    [101] Ibid.
    [102] Bruxelles, 22 mars 2005, J.L.M.B., 2006, 341; Comm. Liège, 26 juin 2000, J.D.S.C., 2002, 224.
    [103] Comm. Liège, 5 avril 2000, J.L.M.B., 2001, 395; Liège, 11 mai 2001, J.T., 2002, 194.
    [104] Gand, 24 octobre 2005, T.R.V., 2005, 473.
    [105] Comm. Mons, 23 mars 2006, J.D.S.C., 2006, 129.
    [106] Pour des cas dans lesquels la faute grave et caractérisée n'a pas été retenue, voy. p. ex. Anvers, 20 décembre 2001, R.W., 2002-2003, 708; Gand, 21 décembre 2000, R.D.C., 2001, 739; Comm. Dendermonde, 5 septembre 1997, T.G.R., 1998, 24. En matière des créances fiscales et sociales, on épinglera particulièrement un arrêt de la cour d'appel de Liège du 13 janvier 2004 (J.D.S.C., 2005, 183, obs. M.-A. Delvaux), qui décide que « le non-paiement des charges sociales et fiscales ne constitue pas en soi une faute grave et caractérisée au sens de l'article 530 du Code des sociétés lorsqu'il est involontaire et est la conséquence de l'évolution défavorable des affaires de l'entreprise. Le non-paiement des charges sociales et fiscales devient gravement fautif lorsqu'il constitue un mode de financement délibérément choisi par les dirigeants de l'entreprise, quod non in casu ».
    [107] Contrairement au droit commun, il n'est pas exigé ici que la faute grave et caractérisée soit la cause du dommage dont on poursuit la réparation. Il suffit mais il faut qu'elle ait contribué à la faillite. Il n'est par contre pas exigé que la faute grave et caractérisée ait contribué à l'insuffisance d'actif. Voy. Comm. Charleroi, 8 septembre 1992, Rev. prat. soc., 1993, 339; J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 371, n° 60 (qui donnent l'exemple d'un dirigeant ayant opéré d'importants prélèvements au point d'amener la société à la cessation de paiements qui pourra se faire condamner au comblement du passif alors même que l'insuffisance d'actif ne lui est pas imputable et qu'il a remboursé ces prélèvements après la faillite); J. Ronse, « La responsabilité facultative des administrateurs et gérants en cas de faillite avec insuffisance d'actif », o.c., 302; I. Verougstraete, « L'action en comblement du passif », o.c., 434.
    [108] M.-A. Delvaux, « Le défaut de convocation de l'assemblée générale lorsque les pertes atteignent un certain pourcentage de l'actif net et la faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite de la société: convergences et divergences de ces deux fondements de responsabilité des dirigeants », o.c., 283, n° 1, citant Gand, 31 mars 1994, R.D.C., 1994, 976. Voy. aussi Gand, 9 mai 2005, J.D.S.C., 2007, 107.
    [109] On constate ici aussi une divergence par rapport au droit commun, dans le cadre duquel l'auteur du fait dommageable est tenu de réparer le dommage causé par sa faute. Ici, le dirigeant peut être amené à supporter une condamnation excédant les conséquences objectives de sa faute.
    [110] Sur l'appréciation marginale du juge quant à l'imputabilité distincte de la faute à chacun des administrateurs, voy. not. J. Ronse, « Marginale toetsing in het privaatrecht », T.P.R., 1977, 207.
    [111] Voy. J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 360, n° 20.
    [112] Voy., pour d'autres exemples, B. Van Bruystegem, « Mythe of werkelijkheid van de verantwoordelijkheid van het bestuur, de commissarissen en de vereffenaars in N.V., P.V.B.A., en C.V. », B.H.R., 1980, 487. Voy. aussi J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », o.c., 360, n° 21.
    [113] En général, sur l'action en responsabilité de l'administration fiscale contre le dirigeant fondée sur l'article 1382 du Code civil, voy. V.-A. De Brauwere, « La responsabilité des dirigeants en matière fiscale », séminaire I.F.E. des 10 et 11 décembre 2003, 11 et s.; B. Paquot et R. Thonet, « La responsabilité fiscale des dirigeants d'entreprise », in Actes du colloque: Les responsabilités des administrateurs et dirigeants, organisé par Vanham & Vanham, mai 2008.
    [114] Pour une critique de cette jurisprudence, voy. Ph. Malherbe, « L'organe social et la dette fiscale impayée », Rev. prat. soc., 2013, 79 et s.
    [115] Pour de nombreux exemples de décisions de jurisprudence, accueillant ou rejetant l'action du fisc, en matière de précompte professionnel ou de cotisations à l'impôt des sociétés, voy. J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 361 et 362, nos 27 à 28. Ces auteurs analysent par ailleurs l'application, parfois erronée, que fait cette jurisprudence de l'exigence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage et la question de l'étendue de la réparation.
    [116] Anvers, 11 décembre 2003, J.D.S.C., 2006, 11, note A.-M. Delvaux.
    [117] Civ. Turnhout, 14 juin 2002, F.J.F., 2002, 723.
    [118] Cass., 16 février 2001, Pas., 2001, I, 301; R.D.C., 2002, 698, note C. Geys.
    [119] A propos de la théorie de l'organe, voy. note X. Dieux, « La responsabilité civile des administrateurs ou gérants d'une personne morale à l'égard des tiers: une révolution de velours », in Mélanges John Kirkpatrick, Bruxelles, Bruylant, 2004, 225; T. Motmans, « Bestuurdersaansprakelijkheid. Algemene uiteenzetting », in Workshop Bestuurdersaansprakelijkheid CBR, Anvers, UIA, 30 septembre 2004, 8; V. Simonart, « La théorie de l'organe », in Liber Amicorum Michel Coipel, Bruxelles, Kluwer, 2004, 713 et s.; P. Van Ommeslaghe, « La théorie de l'organe: évolutions récentes », in Liber Amicorum Michel Coipel, Bruxelles, Kluwer, 2004, 765 et s. et pour une analyse très détaillée voy. J. Delvoie, Orgaantheorie in rechtspersonen van privaatrecht, Anvers, Intersentia, 2010, 590 p.
    [120] Cass., 20 juin 2005, Pas., 2005, I, 1354; D.A.O.R., 2005, 340, note G. Gathem; R.A.B.G., 2005, 1549, note I. Block et E. Janssens; J.D.S.C., 2006, 90, note M.-A. Delvaux; Rev. prat. soc., 2005, 183, note Y. De Cordt; R.D.C., 2006, p. 418, note A. Coibion. Sur cet arrêt, voy. aussi A.-P. André-Dumont, C.-M. Bruls et H. Culot, « Responsabilité des organes de sociétés », in Liber Amicorum Jacques Malherbe, Bruxelles, Bruylant, 2006, 21; L. Bihain, « Responsabilités des dirigeants de sociétés à l'égard des tiers. Pas d'immunité de principe en faveur des organes de sociétés », J.T., 2006, 421; P.-A. Foriers et L. Simont, « Observations sur un revirement de jurisprudence: représentation et responsabilité aquilienne des organes et mandataires de sociétés », in Liber Amicorum Jacques Malherbe, Bruxelles, Bruylant, 2006, 419; J. Vananroye, « Enkele evoluties inzake bestuurdersaansprakelijkheid », in Vennootschaps- en Financieel Recht, Bruges, la Charte, 2005, 77.
    [121] Cass., 21 septembre 2012, Pas., 2012, I, 1719.
    [122] Ph. Malherbe, « L'organe social et la dette fiscale impayée » (obs. sous Gand, 23 mai 2011), Rev. prat. soc., 2013/1, 79-101.
    [123] Nous nous limiterons ici à quelques rappels généraux. Pour un examen détaillé de l'historique de la loi du 20 juillet 2006 et des deux dispositions qu'elle a instaurées, voy. not. D. Deschrijver, « Aspecten van de persoonlijke aansprakelijkheid van bestuurders na de programmawet van 20 juli 2006 », T.R.V., 2007, 75 et s.; voy. aussi T. Afschrift, « Les dispositions fiscales de la loi du 10 juillet 2006 (première partie). Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fiscales de la société et obligation solidaire de paiement dans certains cas de fraude à la TVA », J.T., 2006, 733 et s.; J.-P. Bours et X. Pace, « La responsabilité des dirigeants vis-à-vis de l'administration fiscale », C. & F.P., n° 4, avril 2008; G. De Witt et N. Bouveret, « La nouvelle responsabilité des dirigeants d'entreprise en matière de TVA: leçon du passé et perspectives futures », Séminaire I.F.E. du 13 mars 2007; J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 374 et s., nos 71 et s.
    [124] Voy. à cet égard T. Afschrift, « Les dispositions fiscales de la loi du 10 juillet 2006 (première partie). Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fiscales de la société et obligation solidaire de paiement dans certains cas de fraude à la TVA », o.c., 734, n° 5: « Le fait qu'il s'agisse d'une responsabilité solidaire, et non d'une simple obligation solidaire de paiement, a des conséquences juridiques importantes, puisqu'il implique qu'il faudra raisonner, pour l'application de ce texte, sur la base des règles relatives à la responsabilité civile, notamment l'article 1382 du Code civil, expressément cité. Cela veut dire en pratique qu'il n'y a pas, dans le chef des dirigeants de sociétés concernés, une codébition automatique du paiement du précompte professionnel, mais seulement une responsabilité civile, exigeant la réunion d'une faute, d'un lien de causalité et d'un dommage. »
    [125] T. Afschrift, « Les dispositions fiscales de la loi du 10 juillet 2006 (première partie). Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fiscales de la société et obligation solidaire de paiement dans certains cas de fraude à la TVA », o.c., 734, n° 5.
    [126] Le texte s'applique aussi aux « grandes » ASBL, étant celles qui atteignent à la date de la clôture de l'exercice social au moins deux de ces trois critères:

    1° 5 travailleurs, en moyenne annuelle, exprimés en équivalents temps plein;

    2° 312.500 EUR pour le total des recettes, autres qu'exceptionnelles, hors taxe sur la valeur ajoutée;

    3° 1.249.500 EUR pour le total du bilan.
    [127] Voy. l'art. 442quater, § 1er, alinéa 3: « par dirigeant de la société ou de la personne morale au sens du présent article, l'on entend toute personne qui, en fait ou en droit, détient ou a détenu le pouvoir de gérer la société ou la personne morale, à l'exclusion des mandataires de justice ».
    [128] Circ. n° AAF/2006-0604 (AAF 14/2006), 24 août 2006, www.fisconetplus.be.
    [129] - soit, pour un redevable trimestriel du précompte, le défaut de paiement d'au moins deux dettes échues au cours d'une période d'un an;

    - soit, pour un redevable mensuel du précompte, le défaut de paiement d'au moins trois dettes échues au cours d'une période d'un an.

    Pour la TVA, le non-paiement est considéré comme répété dans les cas suivants (art. 93undeciesC, § 2):

    - soit, pour un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations trimestrielles à la TVA, le défaut de paiement d'au moins deux dettes exigibles au cours d'une période d'un an;

    - soit, pour un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations mensuelles à la TVA, le défaut de paiement d'au moins trois dettes exigibles au cours d'une période d'un an.
    [130] D'aucuns estiment que la formulation du texte laisse penser que le législateur a instauré une présomption de lien de causalité. Voy. G. De Witt et N. Bouveret, « La nouvelle responsabilité des dirigeants d'entreprise en matière de TVA: leçon du passé et perspectives futures », o.c., 13. Contra: J.-P. Bours et X. Pace, « La responsabilité des dirigeants vis-à-vis de l'administration fiscale », o.c., 17 et T. Afschrift, « Les dispositions fiscales de la loi du 10 juillet 2006 (première partie). Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fiscales de la société et obligation solidaire de paiement dans certains cas de fraude à la TVA », o.c., 73, n° 14.
    [131] En matière de TVA, l'article 93undeciesC, § 4 dispose cependant que « la responsabilité solidaire des dirigeants de la société ou de la personne morale ne peut être engagée que pour le paiement, en principal et accessoires, des dettes de la TVA ». Il semble donc que les amendes et accroissements ne soient pas visés. T. Afschrift, « Les dispositions fiscales de la loi du 10 juillet 2006 (première partie). Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fiscales de la société et obligation solidaire de paiement dans certains cas de fraude à la TVA », o.c., 73, n° 13.
    [132] Sur le moment auquel ces procédures doivent être introduites pour que joue l'exception, voy. J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des dirigeants de société en matière fiscale », R.G.C.F., 2008, 376, n° 8, et les réf. citées.
    [133] Cass., 27 mars 2015, F.14.0095.N.
    [134] Cette disposition a entre-temps été en effet modifiée.
    [135] Cass., 5 décembre 1997, Arr. Cass., 1997, 1289. Voy., sur la suspension des poursuites individuelles, F. Mourlon, « La recevabilité de l'action en responsabilité, intentée contre un tiers par le curateur d'une faillite, en réparation du préjudice collectif causé à la masse des créanciers », R.D.C., 1998, 508; I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2010, 432 et s., nos 3.3.6.1. et s.; J. Windey, « Incidence du concordat et de la faillite sur la responsabilité des administrateurs et des fondateurs », R.D.C., 2001, 294 et s.
    [136] Concernant la mission générale du curateur, voy. égal. Cass., 2 octobre 2014, R.G. n° C.13.0288.F et W. Derijcke, « Pour une faillite de combat: relecture de la loi sur les faillites à la lumière de l'histoire ancienne et de la jurisprudence récente », in Insolvabilité et garanties, Bruxelles, Larcier, 2014, 173 et s.
    [137] Voy. T. Bosly, « Préjudice collectif ou individuel: un modèle adéquat pour délimiter les pouvoirs du curateur et des créanciers d'agir en responsabilité contre un tiers? » (note sous Cass., 5 décembre 1997), R.C.J.B., 2000, 29. L'auteur cite comme exemple le créancier qui s'est porté caution des dettes de la société faillie ou qui a souscrit à une augmentation de capital sur la base de faux bilans présentés par les administrateurs (44). Dans une telle hypothèse, les dirigeants n'ont pas diminué l'actif ni aggravé le passif de la société mais ont préjudicié un créancier isolé.
    [138] Voy. à cet égard Anvers, 18 mai 2006, N.J.W., 2007, 177, note S. De Raedt; J.D.S.C., 2007, note M.-A. Delvaux. L'Etat belge assigne les administrateurs d'une société déclarée en faillite, en paiement d'un dédommagement à concurrence du montant des cotisations impayées, établies au nom de la société faillie, au motif que les administrateurs auraient commis une faute. La cour d'appel estime que l'Etat belge n'est pas en droit de réclamer la réparation d'un dommage collectif commun à l'ensemble des créanciers (consistant en une dépréciation du gage commun à tous les créanciers). Seul le curateur peut intenter une telle action. L'Etat belge ne peut dès lors réclamer aucune indemnité pour la prétendue soustraction d'actifs à moins qu'il ne soit établi que cette soustraction constitue une faute grave ayant contribué à la faillite. En effet, le créancier individuel est uniquement en droit d'intenter une action en responsabilité pour cause de fautes graves commises par les administrateurs et ayant contribué à la faillite en vertu de l'article 530 C. soc. La cour examine in concreto si l'Etat belge prouve à suffisance que les fautes invoquées peuvent être considérées comme des fautes commises par l'administrateur (et pas seulement comme des fautes dans le chef de la société) et s'il est suffisamment établi qu'il existe un lien causal entre lesdites fautes et le dommage, en l'occurrence le non-paiement des cotisations. Elle constate, en l'espèce, que l'Etat n'a pas satisfait à la charge de la preuve.
    [139] Chambre, proposition de loi relative à la continuité des entreprises, Doc. 52-0160/005, rapport 20.
    [140] M.-C. Ernotte et B. Inghels, « La loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises: ajustement ou rétrécissement? », J.T., 2013, 637.
    [141] Liège, 27 mars 2014, D.A. O.R., 2014, 125; Gand, 24 mars 2014, inédit, R.G. 2014/6714 et Mons, 3 novembre 2014, inédit, R.G. n° 2014/220.
    [142] Ce document peut être consulté sur le site www.ibr-ire.be sous la rubrique « réglementation/normes et recommandations/projets » ainsi que la communication 2015/2 de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises.
    [143] J. Windey, « Incidence du concordat et de la faillite sur la responsabilité des dirigeants », R.D.C., 2001, 318, n° 73.
    [144] Contra, J.-Fr. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité des administrateurs d'entreprises en difficulté et des intervenants à la procédure de réorganisation judiciaire », in Actes du colloque: La continuité des entreprises, la réforme, organisé par Vanham & Vanham, 29 janvier 2009, 37. Ceux-ci estiment que le raisonnement de J. Windey serait encore transposable en matière de réorganisation judiciaire.
    [145] Doc. parl., Ch. repr., n° 52-0160/002, 45.
    [146] Le juge délégué s'est vu en effet reconnaître un certain pouvoir d'initiative pour demander la fin anticipée de la procédure, l'article 41, § 3, de la LCE prévoyant ainsi ce qui suit: « Lorsque le juge délégué considère que la fin anticipée de la procédure de réorganisation judiciaire se justifie au regard du paragraphe 1er, il établit un rapport qu'il communique au débiteur, au président du tribunal et au ministère public. Le débiteur est convoqué à comparaître, par pli judiciaire, devant le tribunal dans les huit jours de la communication du rapport. Le pli judiciaire mentionne que le débiteur sera entendu à l'audience et que le ministère public pourra y requérir que soit mis fin à la procédure de réorganisation judiciaire. »