Article

Actualité : Hof van Cassatie, 16/01/2015, R.D.C.-T.B.H., 2015/5, p. 480-482

Hof van Cassatie 16 januari 2015

Zaak: C.14.0293.N
ASSURANCES
Assurances terrestres - Assurances de responsabilité - Article 78 de la loi sur les assurances terrestres - Risque d'antériorité


VERZEKERINGEN
Landverzekering - Aansprakelijkheidsverzekering - Artikel 78 wet landverzekeringsovereenkomst - Anterioriteitsrisico


L'arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 2015 tranche une des incertitudes relatives à l'étendue de la garantie dans le temps en assurance responsabilité organisée par l'article 142 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances (art. 78 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).

Le § 1er de cette disposition impose la couverture de la réclamation postérieure à la fin du contrat, pour autant que le dommage suscitant cette réclamation soit survenu pendant la durée du contrat (système « loss occurrence » - survenance du dommage).

Suite à la modification intervenue en 1994 sous la pression des assureurs, le § 2 de cette disposition offre aux assureurs la faculté de recourir au système « claims made » (base réclamation) pour des risques spécifiques.

Ainsi, l'article 142, § 2 organise une liberté contractuelle mesurée pour certains risques « libéralisés ». Il s'agit de tous les risques de responsabilité civile, à l'exception des risques de masse suivants:

    • RC véhicules automoteurs;
    • RC extracontractuelle relative à la vie privée;
    • RC relative aux assurances incendie - risque simple;
    • risques de même nature couverts à titre complémentaire ou accessoire dans un autre contrat d'assurance (art. 6bis de l'arrêté royal du 29 décembre 1994 modifiant l'arrêté royal du 24 décembre 1992 portant exécution de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).

    Pour ces assurances, les parties peuvent convenir que « la garantie d'assurance porte uniquement sur les demandes en réparation formulées par écrit à l'encontre de l'assuré ou de l'assureur pendant la durée du contrat pour un dommage survenu pendant cette même durée » (art. 142, § 2, al. 1er).

    Lorsque les parties font usage de cette faculté, l'assureur doit se conformer à la garantie de postériorité minimale imposée par la loi pour les réclamations écrites formulées contre l'assuré ou l'assureur dans un délai de 3 ans (« clause sunset ») à compter de la fin du contrat et ce dans deux cas:

      • tout d'abord, lorsque le dommage est survenu pendant la durée du contrat et que le risque n'est pas couvert par un autre assureur (art. 142, § 2, al. 2, premier tiret);
      • lorsque des actes ou des faits pouvant donner lieu à un dommage, sont survenus et déclarés à l'assureur pendant la durée du contrat (art. 142, § 2, al. 2, deuxième tiret).

      La Cour de cassation était interrogée sur la portée de l'article 142, § 2, alinéa 2, premier tiret (risque non couvert par un autre assureur) à propos d'une assurance responsabilité civile architecte. Le dommage était survenu sous la période de couverture du premier assureur (l'« assureur sortant ») mais n'avait fait l'objet d'une réclamation à l'encontre de l'architecte que sous la période de couverture du second assureur (« assureur entrant ») dont la police contenait une clause refusant la couverture de l'antériorité.

      La police de l'assureur sortant précisait: « la garantie d'assurance porte également sur les réclamations formulées par écrit dans un délai de 36 mois à compter de la fin du contrat et qui se rapportent soit à un dommage survenu pendant la durée de ce contrat, si à la fin de ce contrat, le risque n'est pas couvert par un autre assureur, soit à des actes ou des faits pouvant donner lieu à un sinis­tre, survenus et déclarés à l'assureur pendant la durée de ce contrat ».

      La cour d'appel de Gand par un arrêt du 16 janvier 2014 avait considéré que l'architecte devait se tourner vers l'assureur sortant au motif que la volonté du législateur avait été de préserver les intérêts des assureurs mais surtout les intérêts des assurés et des victimes de sorte qu'en l'absence de couverture par l'assureur entrant (non couverture de l'antériorité), il y avait lieu de considérer que le risque n'était pas couvert par un autre assureur avec pour conséquence que la couverture devait être recherchée auprès de l'assureur sortant.

      L'avocat général Vandewal reprend l'historique de l'obligation de la garantie de postériorité organisée par l'article 78 et mentionne l'arrêt du 28 juin 2012 de la Cour de cassation qui a confirmé que l'article 78 ne règle que la question du risque de postériorité et non celle relative au risque d'antériorité (C. Van Schoubroeck et T. Meurs, « Artikel 78 wet landverzekeringsovereenkomst regelt dwingend het uitlooprisico en niet het inlooprisico » (note sous Cass., 28 juin 2012), R.W., 2012-2013, p. 1383).

      La question soumise à la Cour peut être résumée comme suit: l'assureur sortant est-il délié de son obligation de couverture de postériorité dès lors que le risque de mise en cause de la responsabilité professionnelle est couvert par l'assureur entrant ou est-il nécessaire que la couverture octroyée par l'assureur entrant couvre effectivement le sinistre pour que l'assureur sortant soit déchargé de l'obligation de couvrir celui-ci?

      L'avocat général invoque la position du professeur Dubuisson qui prône, dans l'intérêt de l'assuré et des victimes, la solution de la couverture effective (B. Dubuisson, « Rapport belge », in H. Cousy et H. Claassens (eds.), Aansprakelijkheid verzekering: dekking in de tijd, Antwerpen, Louvain-La-Neuve, 1997, p. 74).

      D'autres auteurs privilégiaient cependant une appréciation plus abstraite de la notion de risque qui viserait l'assurance de la responsabilité et non le sinistre en cause (H. Cousy, « Omvang en duur van de waarborg in de (professionele) aansprakelijkheidsverzekering », in Verzekering en gerechtelijke procedures, Vlaams Pleitgenootschap bij de Balie te Brussel, Kalmthout, Biblo, 1996, pp. 79-80; C. Paris, « Considérations sur la garantie dans le temps dans l'assurance de la responsabilité », in B. Dubuisson et V. Callewaert (eds.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 130).

      L'analyse de l'avocat général reflète le but poursuivi par le législateur: « ne pas laisser les victimes potentielles sans possibilité de recours en cas de non-reconduction des contrats d'assurance ou d'impossibilité de trouver un nouvel assureur » (proposition de loi portant modification de certaines dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1992-1993, n° 821/1, p. 10).

      La Cour de cassation opte dès lors pour une interprétation protectrice de l'assuré et des victimes, l'assureur sortant ne sera pas délié de son obligation de couverture de postériorité (36 mois) lorsque le sinistre (et non le risque de mise en cause de la responsabilité professionnelle) n'est pas couvert par l'assureur entrant en raison d'une clause excluant l'antériorité.