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La poursuite des fonctions des administrateurs et gérants de sociétés après la fin de leur « mandat », R.D.C.-T.B.H., 2015/5, p. 418-421

SOCIÉTÉS
Société anonyme - Gestion - Fonction des administrateurs - Mandat - Durée
Si, en vertu de l'article 518, § 3, du Code des sociétés, le terme du mandat des administrateurs des sociétés anonymes ne peut excéder 6 ans et qu'ils sont toujours révocables par l'assemblée générale, il résulte des règles du mandat qu'à l'échéance de leur terme, les fonctions d'un administrateur se poursuivent, en vue d'assurer le maintien de l'administration de la société, jusqu'à son remplacement.
VENNOOTSCHAPPEN
Naamloze vennootschap - Bestuur - Functie van bestuurders - Opdracht - Duur
Ofschoon de duur van de opdracht van de bestuurders van naamloze vennootschappen krachtens artikel 518, § 3 van het Wetboek van Vennootschappen, 6 jaren niet te boven mag gaan en zij te allen tijde door de algemene vergadering kunnen worden ontslagen, blijkt uit de regels van de opdracht dat de functies van een bestuurder bij het verstrijken van de duur worden voortgezet, om het behoud van het bestuur van de vennootschap te verzekeren tot hij vervangen is.
La poursuite des fonctions des administrateurs et gérants de sociétés après la fin de leur « mandat »
Didier Willermain [1]

1.L'administrateur d'une société anonyme dont les fonctions ont pris fin doit - dans certaines circonstances et limites - poursuivre sa mission si l'intérêt de la société l'exige. Le principe - traditionnellement rattaché au droit du mandat, plus particulièrement aux articles 1991, al. 2, 2007, alinéa 2 et 2010 du Code civil, est classique: « celui qui a accepté de gérer la chose d'autrui ne peut - écrit P. Wauwermans - abandonner la chose à son gré, sans prendre le soin d'assurer sa reprise et la continuation de son mandat ou de sa gestion » [2].

Le principe, généralement analysé à propos des administrateurs de sociétés anonymes, vaut également, mutatis mutandis, pour les gérants de sociétés privées à responsabilité limitée [3] et les administrateurs de sociétés coopératives [4]. Dans les autres formes de société, l'application du principe dépendra du statut du gérant et des conséquences de la fin de ses fonctions [5].

Par ses arrêts du 12 mai 2014 (ci-dessus reproduit) et du 27 juin 2014 [6] (ci-après reproduit) la Cour de cassation a précisé ou rappelé certains aspects de ce « devoir de persévérance » [7]. La première de ces deux affaires portait, d'une part, sur les cas de cessation des fonctions d'administrateur dans lesquels le principe ci-dessus évoqué s'applique et, d'autre part, sur les conséquences du maintien en fonction de l'administrateur sur son assujettissement au statut social des travailleurs indépendants (plus spécifiquement, sur la prescription de l'action en recouvrement des cotisations sociales dues à ce titre) [8]. La seconde cause concernait la durée du maintien en fonction de l'administrateur « sortant » d'une société déclarée en faillite sous le régime de la loi de 1851 sur les faillites en relation avec la recevabilité d'un appel introduit par cet administrateur au nom de la société après la clôture de la faillite (qui, à l'époque, n'entraînait pas la dissolution de la personne morale).

2.De l'arrêt du 12 mai 2014, il résulte que l'obligation de rester en fonction existe tant en cas de démission et de révocation [9] de l'administrateur que si ses fonctions prennent fin par l'échéance du terme pour lequel il a été désigné.

En réponse au moyen qui soutenait que « Le principe de la poursuite des fonctions de l'administrateur dont les fonctions ont pris fin jusqu'à son remplacement, auquel se réfère l'arrêt [d'appel] pour justifier sa décision, ne se justifie que lorsque le mandat prend fin par démission ou par révocation », la Cour de cassation répond en effet que « Si, en vertu de l'article 518, § 3, du Code des sociétés, le terme du mandat des administrateurs des sociétés anonymes ne peut excéder 6 ans et ils sont toujours révocables par l'assemblée générale, il résulte des règles du mandat qu'à l'échéance de leur terme, les fonctions d'un administrateur se poursuivent, en vue d'assurer le maintien de l'administration de la société, jusqu'à son remplacement ». La Cour rejette en conséquence le moyen.

Si la solution est conforme à ce qui est généralement enseigné par la doctrine [10], elle ne s'impose pas spontanément au regard du droit du mandat et du fondement de l'obligation qu'a le mandataire de poursuivre sa mission après la fin de son mandat (supra, n°1): lorsque les fonctions de l'administrateur prennent fin à leur échéance normale, l'administrateur a rempli ses fonctions pour toute la durée pour laquelle il a été désigné et il n' « abandonne » pas « la chose à son gré », pour reprendre l'expression précitée de P. Wauwermans. La société connaît la date d'échéance des fonctions et est donc normalement en mesure de prendre les initiatives nécessaires pour pourvoir au remplacement de l'administrateur dans les délais requis. La solution consacrée par la Cour fait ainsi primer l'intérêt de la société - et, dans l'espèce soumise à la Cour, des tiers - sur celui de l'administrateur. Tel est également le cas de l'arrêt du 27 juin 2014.

3.Ce second arrêt apporte une précision importante - que l'on trouvait déjà dans l'attendu ci-dessus reproduit de l'arrêt du 12 mai 2014 (supra, n° 2) mais, dans cette première affaire, la Cour n'était pas expressément saisie de la question - quant à la durée de l'obligation de l'administrateur de poursuivre ses fonctions.

Après avoir rappelé (1°) qu' « En vertu des articles 55, alinéa 2, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales et 518, § 3, du Code des sociétés, le mandat des administrateurs d'une société anonyme ne peut excéder 6 ans et [qu']ils sont toujours révocables par l'assemblée générale » et (2°) qu'« Aux termes de l'article 1991, alinéa 2, du Code civil, le mandataire est tenu d'achever la chose commencée au moment de l'extinction du mandat, s'il y a péril en la demeure », la Cour décide qu' « Il ne suit pas de ces dispositions que les fonctions d'un administrateur dont le mandat a pris fin ne se poursuivraient que pendant le temps raisonnablement nécessaire à l'assemblée générale pour se réunir en vue de pourvoir à son remplacement ». La Cour casse par conséquent l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui avait décidé que le maintien en fonction d'un administrateur ne s'étendait pas au-delà du temps qui est raisonnablement nécessaire à l'assemblée générale pour le remplacer.

Il résulte de cet arrêt que l'obligation pour un administrateur de rester en fonction perdure jusqu'à la désignation effective de son remplaçant, soit par l'assemblée générale, soit par le conseil d'administration dans le cadre d'une cooptation. L'arrêt clarifie ainsi un point qui faisait parfois l'objet d'hésitations en doctrine et en jurisprudence. Si certains auteurs [11] et quelques décisions [12] se prononçaient dans des termes similaires à ceux énoncés par la Cour de cassation, d'autres auteurs considéraient, de manière plus nuancée, que les administrateurs dont la fonction a pris fin sont tenus de rester en fonction « tot hun vervanging of tot het tijdstip dat redelijkerwijs in vervanging kan worden voorzien » [13]. Selon une troisième opinion, proche de la précédente, l'administrateur dont le mandat a pris fin n'est tenu de rester en fonction que pendant « le délai raisonnable dans lequel il peut être pourvu au remplacement de l'administrateur » [14].

L'intérêt de la société l'emporte ici aussi sur celui de l'administrateur [15] et le droit des sociétés s'écarte des règles du mandat - qui n'imposent aux mandataires « d'achever la chose commencée au décès du mandant » que « s'il y a péril en la demeure » (art. 1991, al. 2) [16] - auquel la Cour se réfère pourtant expressément dans sa décision du 27 juin 2014. Il s'agit d'une nouvelle illustration de ce que l'administrateur n'est pas, à proprement parler, un « mandataire » lié à la société par un contrat de mandat avec pour conséquence que les règles du mandat ne sont pas applicables telles quelles aux administrateurs mais uniquement par analogie et dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec le droit des sociétés [17].

4.Dans la pratique, la solution consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 juin 2014 est susceptible de placer les administrateurs « sortant » dans une situation très inconfortable. Si leur démission, l'arrivée à terme de leur mandat ou leur révocation a pour conséquence de réduire le nombre d'administrateurs en dessous du minimum requis pour permettre au conseil d'administration de délibérer ou pour assurer la représentation de la société (infra, n° 5), la cessation effective de leurs fonctions dépendra des organes de la société et de leurs membres (administrateurs « restant » en cas de cooptation ou actionnaires).

Les personnes désignées à ce poste peuvent ainsi rester administrateurs « malgré eux » pendant une très longue période. Les faits à l'origine de l'arrêt du 27 juin 2014 en fournissent une illustration: l'administrateur concerné avait en effet été désigné en 1989 pour une durée de 6 ans et, selon l'arrêt de la Cour de cassation, il était toujours en fonction en 2008, soit près de 20 ans après sa nomination, faute d'avoir été remplacé par l'assemblée générale.

A défaut de remplacement, en raison d'une carence des organes ou d'une dispute entre actionnaires, les administrateurs « sortant » pourraient être contraints de s'adresser aux tribunaux pour demander la désignation d'un administrateur ad hoc qui les remplacerai provisoirement. La solution n'est évidemment pas idéale mais de telles demandes devraient, en principe, être accueillies favorablement par les tribunaux [18].

Vis-à-vis des tiers, la situation est susceptible d'être également quelque peu confuse si la démission ou la révocation a été publiée ou si les fonctions prennent fin par échéance du terme [19]. Même si la question n'est pas tranchée, à notre connaissance, il nous semble néanmoins que le principe du maintien en fonction de l'administrateur dans l'intérêt de la société doit l'emporter sur la publication et que les tiers ne peuvent se prévaloir de celle-ci pour contester ce maintien en fonction.

5.L'obligation de rester en fonction n'existe en principe que dans la mesure où l'intérêt de la société l'exige, c'est-à-dire lorsque, suite à la cessation des fonctions, le conseil d'administration n'est plus composé d'un nombre d'administrateurs suffisant pour prendre des décisions ou, selon le type d'acte à accomplir, représenter la société [20].

La Cour de cassation le confirme implicitement mais certainement en précisant, dans son arrêt du 12 mai 2014, que les fonctions de l'administrateur se poursuivent « en vue d'assurer le maintien de l'administration de la société, jusqu'à son remplacement ». Si les administrateurs « restant » sont en nombre suffisant après le départ de l'administrateur « sortant », les fonctions de ce dernier prennent alors fin immédiatement et définitivement. Décider le contraire aurait pour conséquence d'obliger la société à remplacer tout administrateur « sortant » alors que l'assemblée générale est libre de décider de remplacer ou non un administrateur, pour autant que le minimum légal ou statutaire d'administrateurs soit atteint.

6.Enfin, les pouvoirs d'un administrateur dont les fonctions ont pris fin sont normalement limités aux actes d'administration urgents et nécessaires; il s'agit, selon l'expression du professeur Van Ommeslaghe, d'une sorte de « gestion des affaires courantes » [21], en ce compris les affaires urgentes, comme, par exemple, la cooptation de son remplaçant, la convocation d'une assemblée générale, l'établissement des comptes, l'introduction d'un recours [22] ou l'aveu de faillite [23].

Eu égard à ces pouvoirs réduits, on peut se demander si l'administrateur « sortant » conserve réellement la qualité d'administrateur avec toutes les conséquences susceptibles d'en résulter, ou s'il n'a plus qu'un statut sui generis de gérant d'affaires limité aux actes pour lesquels son intervention est indispensable. L'arrêt du 12 mai 2014 opte pour la première solution en décidant que l'administrateur maintenu en fonction conserve la qualité d'administrateur assujetti au statut social des travailleurs indépendants (par application de l'art. 3, § 1er, al. 4, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants) jusqu'à ce qu'il ait été remplacé. Selon un autre attendu du même arrêt, ce sont « les fonctions » de l'administrateur, dans leur ensemble, qui « se poursuivent ».

Dans un autre domaine, il se confirme, au regard de cette jurisprudence de la Cour de cassation, que l'administrateur « sortant » demeure responsable - par exemple au titre d'une violation des statuts ou du Code des sociétés en vertu de l'article 528 du Code - aussi longtemps qu'il n'est pas remplacé, si pareil remplacement est nécessaire pour permettre la continuation de la gestion ou de la représentation de la société [24], [25] (supra, n° 5). Nouvelle illustration des périls auxquels sont exposés les administrateurs et gérants de sociétés.

[1] Avocat au barreau de Bruxelles (Willkie Farr & Gallagher LLP), maître de conférences à l'Université Libre de Bruxelles.
[2] P. Wauwermans, Manuel pratique des sociétés anonymes, 7e ed., 1933, p. 216, nos 326 et 327.
[3] M. Coipel, Les sociétés privées à responsabilité limitée, Larcier, 2008, p. 466, n° 290.
[4] Voy. J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. II, 1re ed., Bruylant, 1957, p. 88, n° 1019 qui, sans se prononcer expressément sur ce point, renvoient, de manière générale, aux règles du mandat en ce qui concerne le statut, dans l'ordre interne, des administrateurs de sociétés coopératives. Comp. T. Delahaye (La société coopérative à responsabilité illimitée en droit commercial belge, Bruylant, 1994, p. 385, n° 607) qui, après avoir rappelé l'enseignement traditionnel selon lequel « l'administrateur démissionnaire reste en fonction jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement », écrit que « Cette thèse est contraire au droit du mandat, d'autant plus que l'exécution forcée de la mission d'administrateur est impossible. »
[5] Dans les sociétés en nom collectif et en commandite, voy. V. Simonart, « Sociétés en nom collectif, sociétés en commandite », R.P.D.B., Bruylant, 2014, p. 106, n° 109. Dans les sociétés sans personnalité juridique, voy. T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. 2, Kluwer, 1997, p. 157, nos 1405 et s.
[6] Sur cet arrêt, voy. égal. les observations de W. David, « Les pouvoirs du conseil d'administration lorsque le mandat de tous ses membres est venu à échéance », J.D.S.C., 2014, p. 118.
[7] L'expression est notamment utilisée par P. Wéry, Le mandat, Larcier, 2000, p. 148, n° 98.
[8] La question soumise à la Cour dans cette première affaire est résumée en ces termes par l'avocat général J.M. Genicot dans ses conclusions (disponibles sur le site juridat.be): « Le moyen soulève la question de la prescription de l'action de la défenderesse en récupération des cotisations sociales solidairement dues par les sociétés demanderesses auprès desquelles le même travailleur indépendant concerné exerçait son activité de mandataire administrateur. Plus précisément, sachant que les personnes morales sont en vertu de l'article 15, § 1er, alinéa 3, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, solidairement tenues au paiement des cotisations dues par leur travailleur indépendant et qu'en vertu de l'article 1206 du Code civil les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous, se pose en l'espèce la question de savoir si la citation du 8 juin 2005 originairement introduite contre la société anonyme SA Groupinvest, actuellement en faillite et dont le travailleur concerné était également mandataire administrateur, pouvait valoir interruption de prescription envers l'action dirigée ultérieurement contre les demanderesses dès lors que, comme celles-ci le soutiennent, la perte de qualité d'administrateur de ce travailleur indépendant auprès de cette société pendant la période litigieuse (années 1999 à 2003) ôtait toute possibilité de solidarité avec les demanderesses en privant dès lors la citation du 8 juin 2005 de tout effet interruptif à l'égard de l'action qui, introduite envers elles seulement par citation du 18 février 2008, s'avérait prescrite par application du délai de 5 ans de l'article 16, § 2, de l'arrêté royal précité. » L'avocat général J.M. Genicot a conclu au rejet du pourvoi.
[9] Sur l'hypothèse de la révocation, voy. B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, la Charte, 2005, p. 387, n° 642. Dans la réalité des choses, il semble cependant difficile - et quelque peu contradictoire - de contraindre un administrateur qui a été révoqué de rester temporairement en fonction.
[10] B. Tilleman, o.c., p. 387, n° 642 et les références citées en note 637; voy. aussi P. Stoobant, M. Fyon et A.P. André-Dumont, « Nomination et cessation des fonctions des dirigeants de sociétés », in Le statut des dirigeants d'entreprise, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 104, n° 96.
[11] J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier, Bruylant, 1954, p. 387, n° 589; J. Van Ryn et P. Van Ommeslaghe, « Examen de jurisprudence. Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1967, p. 308, n° 26; J. Heenen, « Les administrateurs 'de facto' et les enseignements des droits anglais et américains », R.C.J.B., 1966, n° 12, p. 470; R.P.D.B., Société anonyme, sous la direction d'Yves De Cordt, Bruylant, 2014, p. 304, n° 391.
[12] Voy. p. ex. Bruxelles, 8 février 1963, Rev. prat. soc., 1965, p. 91; Gand, 9 mai 2005, J.D.S.C., 2007, p. 38 et les observations de P. Kileste et C. Staudt.
[13] H. Braekmans et R. Houben, Handboek vennootschapsrecht, Intersentia, n° 515, p. 279.
[14] B. Tilleman, o.c., p. 390, n° 646; P. Stroobant, M. Fyon et A.P. André-Dumont, o.c., « Nomination et cessation des fonctions des dirigeants de sociétés », in Le statut des dirigeants d'entreprise, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 105, n° 97. Telle était également la position de la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 18 septembre 2012 faisant l'objet du pourvoi sur lequel la Cour de cassation s'est prononcée dans son arrêt du 27 juin 2014. Selon la cour d'appel, « Sans doute, l'intérêt de la société et des tiers recommande que l'administrateur dont le mandat a cessé conserve ses pouvoirs jusqu'à ce que l'assemblée générale pourvoie à son remplacement ou au renouvellement de son mandat » mais « Ce pouvoir est toutefois temporaire » et « Il ne peut durer au-delà du temps qui est raisonnablement nécessaire à l'assemblée générale pour se réunir ».
[15] Le demandeur en cassation faisant valoir, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 27 juin 2014, que « L'exercice du mandat des administrateurs est entièrement soumis à l'intérêt social durant toute l'existence de la société elle-même » et que « C'est l'intérêt social de la société qui dicte la nécessité du maintien de l'administrateur à ses fonctions ».
[16] Le moyen soumis à la Cour faisait à cet égard valoir que « Le péril en demeure visé par l'article 1991, 2°, du Code civil ne peut justifier le maintien illimité du pouvoir de représentation d'une personne dont la situation n'est pas régularisée en raison du laxisme des organes de la société mais cette règle ne s'applique qu'aux sociétés encore opérationnelles. En effet, cette limitation ratione temporis trouve sa source dans le souhait d'éviter le maintien forcé de l'administrateur dans ses fonctions et a, par conséquent, pour seul objectif de le protéger ». Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 27 juin 2014, la société concernée avait été déclarée en faillite et cette faillite avait été clôturée sans que pareille clôture n'entraîne, sous le régime de la loi de 1851 sur les faillites applicable à l'époque, la dissolution de la société. L'attendu de la Cour de cassation reproduit au texte est cependant général et ne fait aucune distinction selon que la société soit ou non « opérationnelle ».
[17] Voy. à cet égard D. Willermain, « Le statut de l'administrateur de sociétés anonymes: principes, questions et réflexions », Rev. prat. soc., 2008, p. 207. La question demeure discutée. Voy. à cet égard également les récents développements consacrés à cette question par J. Delvoie, « La théorie de l'organe en droit privé belge: le temps est venu de tourner la page », Rev. prat. soc., 2012, p. 5.
[18] La carence des organes ou leur impossibilité de fonctionner régulièrement sont en effet des cas classiques dans lesquels les tribunaux désignent des administrateurs provisoires: E. Pottier et M. De Roeck, « L'administration provisoire: bilan et perspectives », R.D.C., 1997, p. 208, n° 25; O. Caprasse et R. Aydogdu, Les conflits entre actionnaires. Prévention et résolution, Larcier, 2010, n° 468, p. 246.
[19] Selon la solution qui nous semble la plus exacte, si l'administrateur a été nommé pour un terme déterminé ou pour la durée maximale prévue par la loi (6 ans) et que ce terme a été publié lors de la nomination, l'échéance du terme est opposable aux tiers sans qu'une nouvelle publication ne soit requise (en ce sens: Bruxelles, 13 octobre 2010, N.J.W., 2012, p. 179; contra R.P.D.B., v° Société anonyme, sous la coordination de Y. De Cordt, Bruxelles, Bruylant, 2014, n° 391, p. 304).
[20] J. Van Ryn et P. Van Ommeslaghe, o.c., « Examen de jurisprudence. Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1967, p. 308, n° 26; J. Heenen, o.c., « Les administrateurs 'de facto' et les enseignements des droits anglais et américains », R.C.J.B., 1966, n° 12, note 47; B. Tieleman, o.c.., n° 643, p. 389.
[21] P. Van Ommeslaghe, « La cessation des fonctions des administrateurs, des gérants et des membres du comité de direction », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, CJB, 2004, p. 103, o.c., t. Ier, n° 589, p. 387, p. 103.
[22] Voy. cependant Gand, 3 septembre 2012, J.D.C.S., 2014, p. 109 qui déclare irrecevable un appel introduit par une société qui ne comptait plus que des administrateurs dont les fonctions avaient pris fin au motif que la société ne démontrait pas concrètement en quoi l'appel était un acte nécessaire et urgent. La solution est toutefois critiquable (en ce sens égal.: W. David, o.c., J.D.S.C., 2014, p. 119).
[23] Exemples cités par B. Tilleman, o.c., p. 390, n° 645.
[24] Dans le pourvoi soumis à la Cour, le demandeur en cassation considérait, dans le même sens, que le principe du maintien en fonction « est uniquement destiné à assurer le fonctionnement de la société en cause dans l'intérêt social et à permettre aux tiers d'exercer éventuellement des recours contre des administrateurs de société ».
[25] Pour un cas d'application, voy. Comm. Bruxelles, 22 octobre 2002, J.D.S.C., 2004, p. 173 avec les observations de P. Kileste et C. Staudt, « Des conséquences de la fin du mandat sur l'obligation d'exercer ses fonctions ».