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Les obligations contractuelles en pratique: questions choisies, R.D.C.-T.B.H., 2015/4, p. 363-364

Marie Dupont, François Glansdorff et Eric Van Den Haute, Les obligations contractuelles en pratique: questions choisies (sous la direction de) (ULB Anthémis 2014).


Le droit des obligations est une mer sans rivage comme en témoigne le présent ouvrage.

La première contribution du professeur François Glansdorff porte sur le silence et l'inaction en droit des obligations. Ce sujet présente, sans doute, une importance pratique considérable puisqu'il arrive souvent que des lettres restent sans réponse ou que des comportements soient d'une manière ou d'une autre contraires à ce que l'on peut attendre d'un titulaire d'une obligation placé dans les mêmes circonstances. Le professeur Glandorff étudie successivement l'équivalence au consentement, l'abus de droit (silence) et la théorie de la rechtsverwerking.

Maître Jean-Sébastien Lenaerts aborde un sujet tout aussi brûlant, à savoir les clauses attributives de compétence en droit interne: validité et mise en oeuvre. L'auteur dénonce certaines imprécisions dans la rédaction des clauses; il cible ces clauses par rapport à l'interdiction des clauses abusives; l'auteur souligne à juste titre qu'une clause attributive de compétence tout en n'étant pas en soi abusive peut l'être au regard de l'article 74, 23°, LPMC, lorsqu'elle permet de saisir un autre juge que celui prévu par les règles de droit commun de l'article 624. L'auteur souligne en étudiant la jurisprudence récente que l'attribution de la compétence au siège social de l'entreprise créancière peut être considérée comme abusive.

S'agissant de l'emploi des langues, il faut tenir compte bien évidemment de la scission de l'arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvoorde. L'auteur envisage, aussi, la renonciation à une clause d'attribution de compétence et rappelle que, si on peut invoquer une clause d'attribution de compétence, il faut le faire dans l'acte introductif d'instance lui-même.

Le professeur Verdure étudie ensuite les clauses abusives au regard de l'office du juge. L'auteur rappelle que le juge peut apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis. La directive européenne a imposé aux magistrats une attention toute accrue visant à soulever d'office les clauses qui pouvaient être considérées comme abusives.

Sont ensuite étudiés les contrats de service et les ventes forcées à l'aune de la LPMC, par Me Bruno Dessart. Celui-ci souligne l'importance des contrats de service et met en exergue la définition forte étendue du contrat de service, puisque toutes les prestations effectuées par une entreprise dans le cadre de son activité professionnelle ou statutaire est visée par la définition. Seules les professions libérales ont été exclues et ont été désormais intégrées dans un livre spécifique du Code de droit économique. L'auteur étudie ensuite la fourniture non demandée et l'interdiction des pratiques déloyales; l'on constate que de nombreuses obligations y sont rattachées.

Maîtres Dechamps et Vancaelemont étudient les obligations contractuelles et Internet.

Ce sujet appelle de nombreuses applications intéressantes du droit commun des obligations: quid par exemple, de la problématique de la capacité lorsqu'un contrat est conclu par un mineur. Par ailleurs, le moment et le lieu de la formation du contrat sont beaucoup plus flous dans les applications Internet; les auteurs abordent ensuite, la signature électronique, les conditions générales en ligne, les contrats en ligne et le droit international privé.

Vient ensuite dans l'ouvrage une intéressante étude de Marie Dupont, consacrée à la mise en oeuvre des actions directes. L'auteur rappelle la définition de l'action directe et la distingue d'autres concepts voisins. Elle souligne aussi que l'article 1798 du Code civil a été modifié par la loi du 11 juillet 2013 [1] qui permet, et cette modification est la bienvenue, au maître de l'ouvrage de consigner les sommes dues à la Caisse de Dépôt ou consignation sur un compte bloqué en cas de désaccord entre le sous-traitant et l'entrepreneur. L'auteur étudie toutes les conditions d'application de l'action directe et aborde notamment l'assiette de celle-ci (créance-objet). La question se pose de savoir si l'assiette de l'action directe porte sur toutes les dettes généralement quelconques dont le maître de l'ouvrage est redevable ou bien si elle porte uniquement sur les dettes trouvant leur cause dans le contrat d'entreprise du projet en question. L'auteur, à la lumière d'arrêts de la Cour de cassation, se prononce pour la seconde thèse.

L'auteur souligne, après avoir dénoncé la controverse, l'impossibilité de recourir à l'article 1798 après la naissance d'une situation de concours.

Me Dupont étudie, plus brièvement certes, l'action directe de la victime à l'encontre de l'assureur du responsable. L'action directe en matière d'assurance est très large comme l'écrit madame Dupont, la seule condition pour bénéficier d'un droit propre à agir contre l'assureur du responsable en dommage est: être victime d'un accident soumis à la loi sur les assurances intégrée maintenant dans le Code de droit économique. L'auteur souligne à juste titre en conclusion que l'action directe est un mécanisme polymorphe et que les incertitudes que ce mécanisme pose entraînent une incertitude pour le bénéficiaire de cette action.

Lorsqu'un contrat est annulé ou est résolu vient le délicat problème des restitutions. Maître Dimitri de Sart étudie de manière minutieuse les différents fondements juridiques de la restitution et conclut avec raison qu'il s'agit d'un régime contractuel « sui generis ».

Une fois cela dit viennent ensuite les effets de cette restitution (restitution nature, restitution par équivalent) ainsi que les aléas des difficultés liées à cette restitution, par exemple les fruits et intérêts, plus-values et moins-values, etc.

Cette contribution est d'autant plus précieuse qu'elle propose pour le praticien des clauses relatives à la restitution, qui sont les bienvenues.

Une des problématiques les plus complexes du droit des obligations est le concours des responsabilités contractuelle et extracontractuelle. Cette matière est encore plus aiguë lorsqu'on l'étudie en droit comparé. Qui mieux que le professeur Foriers pouvait étudier cette problématique.

Son étude analyse finement l'ensemble des questions. L'auteur prend un parti assez clair sur le fait que la Cour de cassation introduit une véritable exclusion du concours et non en faveur de celle du cumul limité. Il étudie notamment la possibilité de mettre en cause la responsabilité quasi délictuelle des administrateurs des sociétés comparant la situation d'un administrateur à celle d'un possible agent d'exécution.

Nous croyons, à la lumière du droit comparé, que cette matière doit être repensée. En effet, nous croyons qu'en matière d'obligations de sécurité par exemple, le concours des responsabilités doit être envisagé [2].

Epinglons ensuite l'article de monsieur Jean-François Germain, dressant un panorama des mécanismes de modification du prix dans la vente et les contrats de services. Il s'agit d'un sujet dont l'importance pratique est évidente; la réfaction du prix ou la théorie de l'imprévision en sont des beaux exemples.

L'ouvrage se termine par une étude du professeur Cruquenaire, relative au sort des droits d'auteurs en cas de fin du contrat. L'auteur invite à la vigilance dans la rédaction des clauses de cession; il étudie de manière très pertinente les différentes hypothèses de fin du contrat et montre l'importance d'envisager ces différentes hypothèses dans la rédaction originaire du contrat pour éviter des surprises.

En conclusion, un ouvrage passionnant.

[1] Dont l'application a été reportée au 1er janvier 2017.
[2] Voy. D. Philippe, « Concours de responsabilités en droit européen de la responsabilité civile », in S. Stijns et P. Wéry, Les rapports entre les responsabilités contractuelle et extracontractuelle, la Charte, 2010, pp. 271 et s.