Koen Byttebier et Tom Wera, Actuele evoluties inzake overnames en herstructureringen, (eds.), Intersentia, 2014, XV + 329 p.
Issu d'une récente master class organisée par le dynamique Vakgroep voor Economisch Recht de la VUB, ce livre tombe à point nommé, à un moment où les observateurs s'attendent à une reprise du « marché des entreprises » [1]. Une réflexion de droit belge sur la problématique des Fusions & Acquisitions est d'autant plus la bienvenue que la pratique patauge dans un marécage de concepts de common law intraduisibles et traduits à moitié, même quand le contrat est rédigé dans un anglais international. Lingua franca sur lex franca, réjouissons-nous de cet escalier dans la Tour de Babel, mais voyons où il nous conduit.
L'ouvrage se structure sur deux axes: la reprise négociée et l'offre publique d'acquisition et se clôture sur quelques thèmes annexes.
Les reprises négociées sont de loin les plus fréquentes.
Sous le titre Actualia overnames en herstructureringen, Jan Peeters en Pieter-Jan Van Houdenhove nous livrent une bonne description du processus typique de négociation des conditions et de rédaction des conventions, à faire lire par tout jeune juriste qui souhaite s'initier à cette pratique. N'y manque qu'une description des processus d'enchères concurrentielles.
Dirk Van de Gehuchte et Matthias Gesquière s'attachent à quelques Bijzondere clausules in overnameovereenkomsten, essentiellement des réflexions sur le prix et sur l'objet: pour le prix, il s'agit des clauses d'earn-out, qui posent des questions de déterminabilité du prix et de partage léonin [2]; pour l'objet, après d'intéressantes considérations sur les garanties de droit commun et la notion de vice d'une action, ce seront les representations and warranties, qui constitueraient des garanties de fait spéciales (en français dans le texte). En lisant ces lignes, nous ne pouvons nous défaire de l'impression que la réflexion sur la nature même du contrat de vente d'une participation en actions doit se poursuivre: l'objet en est un nombre de titres incorporant des droits qui confèrent le contrôle d'un ensemble de biens et droits dont la conjonction va assurer des flux financiers qui sont pour l'acheteur le véritable objet du contrat et la base de la mesure du prix. Quel est l'objet du contrat de ventes de poupées russes? Nos règles sur la vente restent axées sur la vente de biens corporels, alors qu'ici il s'agit de titres, dont l'intérêt réside non dans l'immédiateté - sauf à encadrer et afficher une action au porteur des chemins de fer russes - mais dans l'au-delà auquel ils donnent le droit d'accéder.
La deuxième partie est consacrée aux offres publiques d'acquisition.
Pour que l'OPA puisse réussir, elle doit surmonter les mesures de « défense ». Koen Byttebier s'interroge sur De passende rol van het bestuur van de target-vennootschap sedert de OBA-richtlijn en de wet van 1 april 2007. Il recadre, notamment à la lumière du rapport « Winter » le débat sur l'opportunité des mesures de défense et sur qui, des actionnaires ou des gestionnaires, constitue le meilleur organe pour décider de la bonne fin de l'OPA; il tranche en faveur des premiers. Il expose ensuite de façon approfondie et critique les principes de la directive et leur transposition en droit belge, dont il souligne la « schizophrénie » de certains choix.
Koen Byttebier en Tom Wera se penchent ensuite sur les Modellen van minderheidsbescherming in de wet van 1 april 2007 en haar uitvoeringsbesluiten - Een kritische analyse. Méthodiquement et soigneusement [3], ils exposent la protection des actionnaires minoritaires en général, par le droit commun ou le contrat, puis son organisation par le Code des sociétés, essentiellement le rachat du petit reste (art. 513) et les achats et ventes forcés pour justes motifs (art. 635-644), pour terminer par les règles de rachat du petit reste particulières au droit des OPA. Ils concluent en plaidant pour une simplification harmonieuse de ces différents modèles.
Après l'évocation des deux contextes de reprise viennent des contributions diverses, mais non moins intéressantes.
Parfois, il ne s'agit pas de reprendre la société, mais d'en sauver les débris, de la « restructurer ». Christian Van Buggenhout nous partage son expérience considérable: Herstructureringen binnen het kader van insolventieprocedures: een onderzoek vanuit de praktijk. Comment restructurer? Coexistent le régime méritoire mais perfectible de la LCE, celui de la liquidation déficitaire et celui de la faillite.
Bart Bellen et Frank Wijckmans nous livrent leur deuxième M&A survey contractuele en mededingingsrechtelijke aspecten van de Belgische overnamepraktijk. Il s'agissait d'une fois encore interroger les praticiens sur le contenu des négociations et conventions en matière d'objet, de phase précontractuelle, de conditions suspensives, de détermination du prix, de représentations & garanties, de limitations de responsabilité, de non-concurrence et non-débauchage, et enfin de règlement des litiges. Certes, l'imitation n'est pas forcément une vertu, mais il est fort utile de savoir ce qui se fait. Remercions-les donc de leur minutie.
Enfin, Stijn De Meulenaer nous rappelle que tout bon Monopoly comporte une case « prison »: (Ondernemings)strafrecht en M&A: meer raakvlakken dan gedacht. La société peut être pénalement responsable des errements de ses dirigeants et le rester même si ceux-ci changent en même temps que l'actionnariat. Qu'on se le dise et stipule en conséquence.
Bref, que tous ceux que cette matière passionne ou nourrit prennent le temps de feuilleter ces pages.
[1] | Rappelons-nous le titre (et le contenu) du livre séminal de R. Wtterwulghe, L'offre publique d'acquisition au service d'un marché des sociétés: une analyse droit-économie, 1973. |
[2] | Sic est locutus partibus factis Leo: Ego primam tollo nominor quia Leo; Secundam, quia sum fortis, tribuetis mihi; Tum, quia plus valeo, me sequetur tertia; Malo adficietur si quis quartam tetigerit (Phèdre, Fables, I, V). |
[3] | L'analyse de la doctrine et de la jurisprudence, surtout néerlandophones, est fouillée. |