Tribunal de commerce de Liège 21 novembre 2014
COMPÉTENCE
Compétence d'attribution - Tribunal de commerce - Compétence générale
Une ASBL, dont l'objet social est d'organiser des salons professionnels et des congrès et qui dans les faits preste des services contre rémunération, poursuit de manière durable un objectif économique et effectue des prestations destinées au marché. Elle peut dès lors être qualifiée d'entreprise au sens de l'article 573 du Code judiciaire et être soumise en cette qualité à la juridiction du tribunal de commerce.
RÉFÉRÉ
Généralités - Urgence
Le juge des référés est compétent pour statuer au provisoire, dans les cas dont il reconnaît l'urgence. Il y a urgence dès que la crainte d'un préjudice grave et difficilement réparable, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable.
L'appréciation de l'urgence doit être faite de manière d'autant plus rigoureuse lorsque la mesure sollicitée implique l'anticipation d'une décision au fond qui trancherait la contestation dans le sens proposé par la demanderesse.
L'urgence ne peut être admise lorsqu'elle résulte de l'inertie du demandeur en référés. De plus, l'urgence n'est pas établie si le juge normalement compétent peut intervenir avec la même efficacité.
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BEVOEGDHEID
Materiële bevoegdheid - Rechtbank van koophandel - Algemene bevoegdheid
Een VZW waarvan het maatschappelijk doel omschreven is als de organisatie van beroepssalons en congressen en die in effectief diensten levert tegen betaling streeft op duurzame wijze een economisch doel na en levert diensten ten behoeve van de markt. Zij kan dus gekwalificeerd worden als een onderneming in de zin van artikel 573 Ger.W. en in die hoedanigheid onderworpen worden aan de rechtbank van koophandel.
KORT GEDING
Algemeen - Vereiste spoed
De kortgedingrechter is bevoegd uitspraak te doen bij voorraad in zaken die hij spoedeisend acht. Er is sprake van een spoedeisend geval wanneer een onmiddellijke beslissing wenselijk is om schade van een bepaalde omvang of ernstige ongemakken te voorkomen.
De vereiste van spoed moet streng beoordeeld worden wanneer de gevorderde maatregel vooruitloopt op een maatregel ten gronde die ten voordele van eiseres zou worden genomen.
De spoedeisendheid kan niet worden aangenomen, wanneer zij het gevolg is van het gebrek aan initiatief van de eisende partij. Daarenboven zal de maatregel niet worden toegekend wanneer een procedure voor de normaal bevoegde rechter even werkzaam zou zijn.
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SPRL Glam Entertainment / ASBL Enjeu
Siég.: N. Bonhomme-Iouck (juge) |
Pl.: Mes Fr. Ancion, Desbeave et Ph. Dessart |
1. | Les faits |
En date du 22 octobre 2014, Enjeu a signé avec la ville de Liège une convention portant sur l'organisation du Village de Noël pour les années 2014 à 2016 sur les espaces publics de la Place du Marché et de l'Espace Tivoli. Il n'est pas précisé par les parties si cette convention est la reconduction de conventions antérieures. Cependant, étant donné les affirmations des parties concernant l'organisation du Village de Noël pour les années précédentes, cela semble être le cas.
En vertu de cette convention, Enjeu bénéficie d'une concession sur le domaine public en vue d'y organiser le Village de Noël. Elle prévoit toute une série d'obligations à charge d'Enjeu (durée, thème, plan des emplacements des chalets, …), dont notamment le nombre de chalets composant le village. Le contrat précise que ce nombre est fixe durant la durée de la convention et que toute modification devra être soumise au Comité d'accompagnement (art. 4).
Le Comité d'accompagnement est visé à l'article 2. Il est composé de divers représentants de la ville de Liège, de l'association des commerçants et d'Enjeu.
Le Comité est notamment chargé à la fois d'arrêter le plan d'implantation des chalets du Village ainsi que de la sélection des candidats, suivant des critères définis, soit:
- le respect du contrat et du cahier des charges, de la convention de concession et des autres réglementations applicables;
- l'octroi d'un emplacement maximum par participant;
- l'ancienneté;
- la priorité aux commerçants locaux;
- l'adéquation des produits avec le thème du Village ainsi que son originalité;
- la qualité de la décoration du stand.
Le formulaire de demande de participation au Village de Noël devait être retourné par les candidats au plus tard pour le 15 juillet 2014. Il était accompagné de la Charte du Participant, ainsi que d'un document intitulé « Village de Noël - Place du Marché - 28 novembre au 30 décembre 2014 - Modalités de la participation ». Ce document fixe notamment les règles relatives à l'attribution des emplacements des chalets pour les participants retenus pour cette édition 2014.
L'article 1 de la Charte du Participant précise que la sélection des candidats est opérée par un Comité de sélection (en fait le Comité d'accompagnement visé ci-dessus) composé de représentants de la ville de Liège ainsi que d'Enjeu. Il est précisé que les décisions prises par le Comité sont « souveraines et sans appel ».
Les critères de sélection sont également spécifiés et sont conformes à ce qui est détaillé ci-dessus (rapport avec le thème, qualité et originalité des produits, non-concurrence, priorité relative pour les anciens participants, …).
Enfin, l'article 1 in fine précise: « La participation ne peut être jugée définitive par le candidat qu'à la réception du courrier officiel envoyé par l'organisateur pour confirmer l'acceptation du dossier de candidature par le Comité de sélection. »
Glam a participé à plusieurs éditions antérieures du Village de Noël. Elle a déposé une demande de participation pour l'édition 2014. Le 15 septembre 2014, elle reçoit un mail d'Enjeu l'informant que sa candidature pour cette année n'avait pas été retenue par le Comité de sélection, au cours de sa réunion du 12 septembre 2014.
Ce mail précisait que suite à la décision d'un restaurant établi Place du Marché de ne plus mettre sa terrasse à disposition du Village, deux emplacements de chalets avec terrasse avaient dû être supprimés. Le choix de Glam était justifié comme suit:
« Vous étiez arrivés sur le Village, en son temps, pour poursuivre l'exploitation d'un chalet sur le pineau de Charentes; depuis lors, l'évolution du chalet s'est orientée vers un chalet d'ambiance avec de nombreux cocktails, et vers une association avec le chalet voisin qui n'a pas convaincu les membres du Comité, tant pour la décoration que pour le contenu. Le placement voici deux ans d'une terrasse non autorisée, et l'existence de délais de paiement anormaux, même si la situation a été régularisée en 2013, sont également des éléments du dossier. Ces critères ont prévalu aux yeux du Comité pour ne pas renouveler son accord pour une nouvelle participation. Votre demande ne pourra donc être malheureusement prise en compte pour cette édition 2014 du Village de Noël.
Je souhaitais vous en faire part dans les meilleurs délais afin que vous puissiez envisager d'autres opportunités pour vos activités de fin d'année. »
Le même jour, Glam s'étonnait de cette décision et faisait part de son souhait de rencontrer Enjeu pour tenter de trouver une solution. Par mail également du 15 septembre, Enjeu répondait que la décision était souveraine et définitive, et qu'elle avait été rendue nécessaire en raison de la réduction de l'espace disponible sur la Place du Marché.
Le 22 septembre 2014, Glam mettait en demeure Enjeu, par la voie de son conseil, de l'autoriser à participer à l'édition 2014 du Village, en raison de son ancienneté. Elle faisait valoir qu'en application de l'article 4 de la convention, les chalets devaient d'abord être attribués en fonction de l'ancienneté des participants.
Le 29 septembre 2014, Enjeu a répondu pour confirmer que la décision du Comité de sélection était définitive et fondée sur les critères communiqués le 15 septembre 2014. Elle précisait encore que la décision avait été imposée suite au refus d'un restaurant de mettre sa terrasse à disposition du Village de Noël. Enfin, elle expliquait que l'article 4 invoqué ne concerne pas la sélection des candidats mais bien l'attribution d'un emplacement déterminé sur le Village aux participants retenus (pour laquelle le critère de l'ancienneté est prépondérant).
Le 16 octobre 2014, Glam envoie un mail à Enjeu pour savoir si elle n'a pas modifié sa décision.
Finalement, citation en référés est lancée le 4 novembre 2014.
2. | Les demandes |
La demanderesse postule que la décision de refus de sa participation au Village de Noël 2014 soit mise à néant et qu'en conséquence Enjeu soit condamnée à l'autoriser à y participer, en lui octroyant un chalet de 6m² avec terrasse sur l'Espace TIVOLI, moyennant un prix de 4.350 EUR, sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par jour de retard d'exécution, à partir du lendemain de la signification de l'ordonnance à intervenir.
3. | Discussion |
3.1. | La compétence du président du tribunal de commerce |
En vertu de l'article 573 du Code judiciaire: « Le tribunal de commerce connaît en premier ressort:
1. des contestations entre entreprises, à savoir entre toutes personnes qui poursuivent de manière durable un but économique, concernant un acte accompli dans la poursuite de ce but et qui ne relèvent pas de la compétence spéciale d'autres juridictions. »
La définition de l'entreprise correspond à celle qui apparaît dans le Code de droit économique en son article I.1. Cette notion a été définie dans les travaux préparatoires à la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection des consommateurs: « Une entreprise est une organisation indépendante et durable au sein de laquelle une ou plusieurs personnes produisent ou distribuent des biens ou des services à l'aide de moyens matériels et immatériels. Du reste, conformément à la récente jurisprudence de cassation sur la notion de 'vendeur', le critère de l''entreprise' tient compte exclusivement de la nature de l'activité. Ainsi des actes uniques ne suffisent-ils pas pour qualifier une personne d''entreprise'; l'acte doit être posé dans le cadre d'une certaine organisation. » (Doc. parl., Chambre, n° 52-2340/001, p. 13).
En l'espèce, Enjeu est une ASBL, dont l'objet social est d'organiser des salons professionnels et des congrès.
Ainsi que le montre les pièces du dossier, cette activité consiste dans une prestation de services (à savoir, en l'espèce, la mise à disposition d'emplacements à destination de commerçants ambulants, l'organisation de publicités, la surveillance du site, l'octroi de facilités de parking, …) contre rémunération (chacun des participants étant tenu de verser une somme définie en contrepartie de ces prestations). Il s'ensuit qu'Enjeu poursuit de manière durable un objectif économique et que ses prestations sont destinées au marché.
Enjeu peut dès lors être qualifiée d'entreprise au sens de l'article 573 du Code judiciaire et être soumise en cette qualité à la juridiction du tribunal de commerce.
3.2. | L'urgence et la balance des intérêts |
Le juge des référés est compétent pour statuer au provisoire, dans les cas dont il reconnaît l'urgence. Selon une jurisprudence bien établie, il y a urgence dès que la crainte d'un préjudice grave et difficilement réparable, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable (Cass., 13 septembre 1990, Pas., 1991, I, p. 41).
Mais, l'appréciation de l'urgence doit être faite de manière d'autant plus rigoureuse lorsque, comme en l'espèce, la mesure sollicitée implique l'anticipation d'une décision au fond qui trancherait la contestation dans le sens proposé par la demanderesse (voir, en ce sens, Comm. Bruxelles (réf.), 21 mars 2000, J.L.M.B., 2011, p. 469).
Tant la jurisprudence que la doctrine considèrent que l'urgence ne peut être admise lorsqu'elle résulte de l'inertie du demandeur en référés. Ainsi l'inertie procédurale du demandeur peut être invoquée lorsqu'en saisissant le juge normalement compétent au fond en temps voulu, le demandeur aurait pu faire valoir ses droits de façon utile et efficace (Cass., 17 mars 1995, Pas., 1995, I, p. 330; Civ. Bruxelles (réf.), 15 septembre 2000, J.T., 2001, p. 30). Ainsi que le rappelle le professeur de Leval, le demandeur, qui suscite par sa propre négligence l'urgence, n'établit qu'une urgence artificielle et ne peut obtenir de mesure. De plus, l'urgence n'est pas établie si le juge normalement compétent peut intervenir avec la même efficacité (G. de Leval, Droit judiciaire privé, t. II, Compétence (Généralités), notes de cours 2002-2003, Chapitre XVIII, pp. 95 et s.).
En l'espèce, Enjeu a communiqué dès le 15 septembre 2014, sa décision de ne pas sélectionner Glam en qualité de participant pour l'édition 2014 du Village de Noël. Suite aux questions de cette dernière, Enjeu a confirmé par deux mails des 15 et 29 septembre 2014, de manière claire et non équivoque, que cette décision était définitive et souveraine.
Ainsi, au plus tard le 29 septembre 2014, Glam n'a pu se méprendre sur la position d'Enjeu quant à sa participation au Village de Noël 2014.
Pourtant, elle attendra plus de 5 semaines supplémentaires avant de lancer citation, sans pouvoir avancer d'explication quant à cette inertie procédurale. Il n'est pas contesté par exemple que jamais Enjeu n'a ouvert la porte à une éventuelle négociation avec Glam pour une révision possible de la décision du 12 septembre 2014.
Dès lors, l'urgence dont se prévaut aujourd'hui Glam, le Village de Noël devant ouvrir dans moins de 10 jours, est uniquement due à son propre fait.
Elle ne démontre pas non plus que le juge du fond, s'il avait été saisi dès la fin du mois de septembre 2014, n'aurait pas été mesure de rendre une décision au fond, utile et efficace, avant l'ouverture du Marché de Noël.
Dans ces circonstances, il y a lieu de déclarer la présente action non fondée à défaut d'urgence.
Par ces motifs, vu l'urgence:
Nous, N. Bonhomme-Iouck, juge f.f. de présidente du tribunal de commerce de Liège (art. 319 C. jud.), assistée de C. Vandenput, greffier,
Statuant contradictoirement,
Dison l'action non fondée à défaut d'urgence.
Délaissons les dépens liquidés par Enjeu au montant de l'indemnité de procédure, soit 1.320 EUR, à charge de Glam.
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