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Note, R.D.C.-T.B.H., 2015/2, p. 212

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Société d'investissement - Gestion - Connexité internationale - Obligation résultant d'un fait dommageable
En vertu du Règlement Bruxelles I, la compétence de principe est celle du domicile du défendeur.
Il peut être dérogé à cette règle lorsque deux demandes distinctes présentent entre elles un lien de connexité si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.
Pour que des décisions soient considérées comme inconciliables, il ne suffit pas qu'il existe une divergence dans la solution du litige mais encore faut-il que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait ou de droit.
En matière quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit. Cette notion ne saurait être interprétée de façon extensive au point d'englober tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait dommageable effectivement survenu dans un autre lieu.

EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Executie en bevoegdheid - Verordening EG nr. 44/2001 van 22 december 2000 - Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgelijke en handelszaken - Bevoegheid - Investeringsvennootschap - Beheer - Internationale samenhang - Verbintenis voortvloeiend uit een onrechtmatige daad
Volgens de Verordening Brussel I bepaalt de woonplaats van de verweerder in de regel de bevoegdheid.
Er kan van deze regel afgeweken worden indien twee aparte vorderingen tussen elkaar een samenhang vertonen die dermate sterk is dat men er belang bij heeft om ze gelijktijdig in te leiden en te beoordelen ten einde oplossingen te vermijden die onverenigbaar zouden zijn indien de zaken apart zouden worden beoordeeld.
Opdat beslissingen als onverenigbaar zouden worden beschouwd is het niet voldoende dat er een verschil bestaat in de oplossing van het geschil maar bovendien moet dat verschil in het kader van een zelfde feitelijke of rechterlijke toestand plaats vinden.
Bij quasi delictuele materies kan een persoon die woonplaats heeft op het grondgebied van een lidstaat opgeroepen worden voor het gerecht van de plaats waar het schadeveroorzakend feit zich heeft voorgedaan. Dit begrip kan niet op uitgebreide wijze geïnterpreteerd worden in die mate dat het elke plaats zou omvatten waar de schadelijke gevolgen gevoeld kunnen worden van een schadeveroorzakend feit dat in een andere plaats opgetreden is.

Cette décision offre un rappel utile des principes applicables en matière de compétence internationale.

Les demandeurs, s'estimant préjudiciés par un investissement dans une SICAV luxembourgeoise demandait au tribunal de commerce de Bruxelles la condamnation solidaire du gestionnaire de leur portefeuille-titres en Belgique et du gestionnaire de la SICAV luxembourgeoise dont ils avaient acquis des parts.

Pour justifier la compétence du tribunal belge, ils évoquaient d'une part la connexité prévue par l'article 6 du Règlement Bruxelles I [1], d'autre part l'article 5, 3. [2] du même règlement en vertu duquel en matière quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite devant le lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

Le tribunal rappelle à juste titre que pour justifier une dérogation à la règle générale de compétence du domicile du défendeur, le lien de connexité existant entre deux demandes doit être tel qu'il suppose un risque de décision inconciliable si les affaires étaient jugées séparément. Il ne suffit pas à ce niveau qu'il existe un risque de divergence dans la solution du litige mais encore faut-il que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit.

En l'espèce, les défendeurs sont des entités juridiques différentes assumant des activités et des fonctions différentes.

La gestion de la SICAV luxembourgeoise est soumise à la loi et aux autorités de surveillances luxembourgeoises.

A supposer que la société de bourse belge ait été en charge de la gestion du compte-titres des défendeurs, cette gestion est totalement indépendante de la gestion des fonds dont les titres figuraient dans le portefeuille en question.

La compétence des tribunaux belges n'est donc pas justifiée en ce qui concerne la SICAV luxembourgeoise.

Par ailleurs, la notion de « lieu où le fait dommageable s'est produit » ne saurait être interprétée de façon à ce point extensive qu'elle engloberait tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences dommageables d'un fait survenu dans un autre lieu.

Si les avoirs d'une SICAV subissent une perte, celle-ci se cristallise dans le patrimoine de la société elle-même et pas dans celui des actionnaires pris individuellement. Peu importe donc la question de savoir où le compte-titres de ces actionnaires est tenu.

Martine Delierneux

Juriste d'entreprise

[1] Devenu article 8, 1. du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du 10 janvier 2015 (art. 66 dudit règlement).
[2] Art. 7, 2. du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012.