Cour d'appel de Bruxelles 17 juin 2013
SAISIE ET EXECUTION
Saisie conservatoire - Conditions de la saisie - Sur la base d'un jugement
Un tribunal sud-africain a prononcé un jugement concernant une créance sur laquelle les parties avaient conclu un accord de transaction. Du fait que le débiteur a affirmé que l'accord était constitutif de faux, le tribunal sud-africain a interdit au créancier d'agir en exécution jusqu'au moment de la décision finale. Le cessionnaire du créancier a obtenu du juge d'exécution du tribunal de grande instance de Paris l'autorisation de faire inscrire une hypothèque provisoire sur un immeuble du débiteur à Paris pour sûreté et conservation de la créance. Le cessionnaire a aussi fait saisir un immeuble du débiteur à Bruxelles. Le juge des saisies a permis cette saisie, mais le débiteur sollicite la rétraction de cette mesure. Le tribunal de première instance de Bruxelles décide d'ordonner la mainlevée de la saisie provisoire. Le tribunal de première instance de Bruxelles juge que la reconnaissance du jugement du tribunal de grande instance de Paris n'est pas obligatoire, mais que ce jugement peut servir de source d'inspiration. Après cette décision, la cour d'appel de Paris ordonne la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire. La cour d'appel de Bruxelles confirme le jugement du tribunal de première instance et ne se considère pas comme tenue par les décisions françaises, même si elle peut s'en inspirer.
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BESLAG EN EXECUTIE
Bewarend beslag - Voorwaarden bewarend beslag - Op basis van een vonnis
Een Zuid-Afrikaanse rechtbank deed uitspraak en legt hierin een schuld vast waarover de partijen een akkoord hadden bereikt. Omdat de schuldenaar beweerde dat het akkoord vals was, verbood de Zuid-Afrikaanse rechtbank de schuldeiser om over te gaan tot de uitvoering van de beschikking tot er een finale uitspraak is. De gecedeerde schuldeiser bekwam machtiging van de tribunal de grande instance te Parijs om een voorlopige hypotheek te registreren op eigendom van de schuldenaar in Parijs. De gecedeerde schuldeiser heeft ook voorlopig beslag laten leggen op onroerend goed van de verweerder in Brussel. De beslagrechter verleende toestemming, maar de schuldenaar komt hiertegen op. De rechtbank van eerste aanleg te Brussel beslist het voorlopige beslag op te heffen. De rechtbank van eerste aanleg te Brussel oordeelt dat het niet verplicht is om de beslissing van de Franse rechtbank te erkennen, hoewel het er inspiratie uit mag halen. Nadien beval het hof van beroep te Parijs de opheffing van het voorlopige beslag. Het hof van beroep te Brussel bevestigt de beslissing van de rechtbank van eerste aanleg en acht zich ook niet gebonden aan de Franse uitspraken, hoewel deze tot inspiratie kunnen dienen.
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Marange Investments (Proprietary) Ltd. / Gécamines
Siég.: Degreef, Fiasse et Magerman (conseillers) |
Pl.: Mes V. Marquette, R. Jafferali et A. Nuyts, M. Rousseau loco A. de Schoutheete |
Affaire: 2012/AR/755 |
1. La cour est saisie d'une requête d'appel déposée le 14 mars 2012 dirigée contre un jugement rendu par le tribunal de première instance de Bruxelles (ch. sais.) en date du 26 janvier 2012.
Il n'est pas déposé d'acte de signification de ce jugement.
Par ordonnance du 21 octobre 2010, le juge des saisies près le tribunal de première instance de Bruxelles a fait droit à la demande de la société du droit du Botswana Marange Investments (Proprietary) Limited, ci- après Marange, d'autoriser une saisie immobilière conservatoire sur deux immeubles situés respectivement à 1180 Uccle, avenue Foestraets 6 et à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 30 à charge de la Société Générale des Carrières et des Mines, avec siège social à Lumbumbashi (RDC), ci-après Gécamines, et ce à l'effet de garantir sa créance évaluée en principal, intérêts et frais à 10.088.480,18 EUR.
Ladite ordonnance dispose qu'elle sera frappée de caducité si la partie requérante ne la met pas en oeuvre dans le mois et si elle ne fait pas citer la partie débitrice devant le juge du fond dans le même délai de rigueur.
Marange a fait pratiquer une saisie sur cette base par exploit du 10 novembre 2010.
La tierce opposition de Gécamines date du 7 décembre 2012.
Le premier juge a:
- déclaré la tierce opposition recevable;
- avant dire droit sur son fondement, ordonné la réouverture des débats;
- établi un calendrier de conclusions pour permettre aux parties de faire parvenir leurs observations sur les points suivants:
« la portée de l'interdiction contenue dans l'ordonnance du 3 décembre 2000 et sur son incidence sur la saisie pratiquée en Belgique par Marange Investments ainsi que sur l'autorité de la chose jugée éventuelle s'attachant au jugement du 27 septembre 2011 en ce qu'il porterait sur cette contestation précise. »;
- réservé à statuer sur le surplus de la demande.
Devant la cour Marange demande de:
- déclarer la tierce opposition irrecevable, à tout le moins non fondée;
- dire non fondée la demande en dommages et intérêts formée par Gécamines;
- condamner Gécamines aux dépens. L'indemnité de procédure est évaluée à 1.320 EUR par instance.
Gécamines demande de confirmer le jugement dont appel, de mettre à néant l'ordonnance en autorisation de saisie, d'ordonner la mainlevée de la saisie, de condamner Marange au paiement de dommages et intérêts pour saisie téméraire et vexatoire à concurrence de 50.000 EUR à augmenter des intérêts judiciaires et des dépens, en ce compris une indemnité de procédure évaluée à 11.000 EUR.
2. En ce qui concerne les antécédents de la cause, la cour renvoie au point 2. intitulé « Antécédents » du jugement a quo, pp. 2 et 3 et le considère comme repris ici.
Depuis lors les faits suivants se sont encore produits:
1) La cour d'appel de Paris saisie d'un appel du jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2011 qui avait:
- rejeté l'ensemble des demandes de Gécamines tendant à voir ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 29 juin 2010 à la requête de Marange sur un bien immobilier sis à Paris;
- débouté Marange du surplus de ses demandes d'indemnités;
- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit;
- condamné Gécamines à payer à Marange la somme de 4.000 EUR par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
a jugé
a) de l'appel de Gécamines tendant à (en résumé):
- voir infirmer le jugement entrepris;
- entendre ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire;
- obtenir la condamnation de Marange au paiement de:
° 20.000 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi;
° 25.000 EUR en application de l'article 700 du Code de procédure civile, aux dépens des deux instances et aux frais de mainlevée,
et b) des prétentions de Marange, qui, quant à elle, demandait de confirmer le jugement entrepris et de condamner Gécamines au paiement de la somme de 25.000 EUR sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans son arrêt du 20 septembre 2012, la cour d'appel de Paris a ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire visée, rejeté les autres demandes des parties et condamné Marange aux dépens des deux instances.
2) Par courrier officiel du 26 septembre 2012, le conseil de Gécamines a proposé de procéder à la mainlevée amiable de la saisie du 21 octobre 2010, faute de quoi une procédure en mainlevée basée sur l'article 1419, alinéa 2, C. jud. serait envisagée ainsi que, fût-ce dans le cadre de cette procédure ou dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d'appel de Bruxelles, la condamnation à une indemnité pour saisie abusive.
Marange y répond par la négative.
3. Quant à la recevabilité de l'action en tierce-opposition
Marange conteste que Gécamines justifie d'un intérêt concret à agir comme prévu par les articles 17 et 18 C. jud. invoquant que:
- à supposer la demande de Gécamines fondée, il n'est pas établi que sa situation en serait pour autant concrètement améliorée;
- si Gécamines n'a introduit aucun recours en temps utile à l'encontre des autres mesures de saisie conservatoire et de saisie-exécution pratiquées, sa tierce-opposition est irrecevable à défaut d'intérêt;
- Gécamines se prévaut d'un prétendu intérêt moral inexistant;
- l'argument de Gécamines selon lequel la saisie contestée serait utilisée comme un moyen de pression et présenterait un caractère abusif relève du fond.
L'ordonnance initiale attaquée a autorisé Marange à pratiquer une saisie conservatoire sur deux immeubles (une maison et un complexe de bureaux) à charge de Gécamines qui en est le propriétaire.
Cette saisie a été pratiquée le 10 novembre 2010.
Une saisie conservatoire ne porte pas atteinte au droit de propriété du saisi, qui reste en possession des biens saisis et garde son droit de jouissance.
Une saisie conservatoire entraîne l'indisponibilité des biens saisis. Elle empêche le saisi de les aliéner ou de les grever d'hypothèques. De telles mesures ne seraient pas opposables au saisissant. Cette indisponibilité est relative: elle ne vaut que par rapport au saisissant.
A côté de l'indisponibilité des biens saisis, la saisie peut également entraîner un préjudice moral dans la mesure où elle influence l'image du saisi envers des tiers et où elle oblige le saisi qui s'y oppose d'exposer des frais pour obtenir la mainlevée de la saisie si celle-ci n'est pas levée volontairement.
Le fait que la saisie contestée ne confère pas de droit de préférence à Marange et que Gécamines peut toujours jouir de ses biens saisis en bon père de famille, accomplir tous actes administratifs quant à ce et disposer des fruits n'empêche que les effets d'une saisie conservatoire sont de nature à limiter l'exercice des droits du saisi. Ainsi, le fait qu'il ne peut donner son bien immeuble en garantie peut constituer un handicap sérieux pour le saisi. En effet, ce n'est parce que les conséquences d'une saisie conservatoire sont relativement limitées que le saisi n'en subit pas d'inconvénients (cf. supra). A côté des effets déjà énoncés, il convient également de noter qu'une saisie conservatoire peut être transformée en saisie-exécution.
Le fait que les immeubles saisis ont déjà fait l'objet de mesures conservatoires ou exécutoires dans le passé, mesures qui ont pu être prises pour de justes motifs et qui - pour autant qu'elles sont encore d'actualité - pourraient encore être justifiées à ce jour, ne permet pas de déduire que Gécamines n'aurait pas intérêt à contester une ordonnance en autorisation de saisie ultérieure qui, d'après elle, a été rendue à tort. Vu que Gécamines conteste formellement que les conditions de fond de la saisie pratiquée sont remplies, et que dès lors selon elle cette mesure conservatoire a été prise à tort de sorte qu'elle s'est vu confrontée à des inconvénients et ennuis que - dans sa vision - elle n'aurait dû subir, il est constant qu'elle a intérêt à agir.
L'action en tierce-opposition originaire est recevable comme l'a décidé à juste titre le premier juge.
4. L'ordonnance en autorisation de saisie immobilière conservatoire du 21 octobre 2010 est fondée sur:
- un accord de transaction du 11 novembre 2000 conclu entre Frans Edward Prins Rootman et Gécamines (pièce 2 du dossier de Gécamines) entériné par ordonnance de la Haute Cour d'Afrique du Sud du 14 novembre 2000;
- une cession de créance entre Frans Edward Prins Rootman et Marange du 9 mai 2008 signifiée à Gécamines en date du 25 juin 2010 (pièces 8 et 10 du dossier de Gécamines).
Dans sa requête en autorisation de saisie, Marange fait état de ses tentatives de recouvrement en France où elle a déposé une requête aux fins d'obtenir une inscription hypothécaire provisoire pour sûreté et conservation d'un montant de 8.573.389 USD, requête à laquelle le tribunal de grande instance de Paris a fait droit en date du 21 juin 2010.
Par jugement contradictoire du 27 septembre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de Gécamines en mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire.
La cour d'appel de Paris a ordonné la mainlevée par arrêt du 20 septembre 2012 après avoir considéré que:
- par décision du 3 décembre 2000 de la Haute Cour d'Afrique du Sud, il a été interdit à Frans Edward Prins Rootman d'agir en exécution ou d'agir sous quelque forme que ce soit sur la base de l'ordonnance rendue le 14 novembre 2000 ou sur la base de l'accord incorporé dans cette ordonnance « jusqu'à la décision finale relative à cette requête »;
- aucune des parties n'allègue ni n'apporte la preuve qu'une décision finale ait été rendue par les juridictions sud-africaines;
- la cour ne connaît pas le fondement juridique exact de cette mesure d'exécution forcée;
- Marange ne peut se prévaloir d'une créance apparemment fondée en son principe à l'encontre de Gécamines;
- Marange ne justifie pas de menaces de recouvrement de la prétendue créance.
Selon Marange, cet arrêt n'est pas pertinent pour la solution du litige actuel à défaut de lien de rattachement réel.
Au cas où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur ce point, elle propose de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
Gécamines juge l'arrêt de la cour d'appel de Paris pertinent puisque:
- le cas concret est identique à celui dont la cour est saisie dans la présente procédure;
- les conditions de fond pour l'octroi de mesures d'exécution provisoire sont de même nature et présentent de fortes similarités en France et en Belgique, les conditions prévues par le droit belge étant cependant plus strictes;
- si la cour d'appel de Paris a constaté que Marange ne pouvait se prévaloir d'une créance apparemment fondée en son principe, a fortiori Marange ne peut se prévaloir d'une créance certaine suivant le droit belge;
- si la cour d'appel de Paris a décidé que Marange ne prouve pas l'existence de menaces « tout court », pour le recouvrement de sa créance, a fortiori elle n'apporte pas la preuve de menaces urgentes pour le recouvrement de sa créance.
Gécamines conclut que la cour de céans, amenée à trancher une situation identique au regard de règles similaires à celles appliquées par la cour d'appel de Paris, est liée par les motifs et constatations de fait ou du moins doit reconnaître qu'ils ont une valeur de persuasion qui devrait l'amener à trancher dans le même sens que la cour d'appel de Paris. Elle insiste aussi sur le fait que Marange a revu sa position en degré d'appel suite à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris. Marange allègue que Gécamines a inversé radicalement sa position après la réformation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris dans un sens favorable à Gécamines.
Les conditions de forme et de fond pour une saisie conservatoire basée sur une décision étrangère doivent répondre aux exigences du droit du for.
Gécamines est d'accord pour dire que les conditions prévues en droit belge pour l'octroi ou le maintien de mesures conservatoires sont plus sévères qu'en droit français.
Le fait que la cour d'appel de Paris ait jugé que les conditions justifiant l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien appartenant à Gécamines et situé à 75008 Paris n'étaient pas remplies n'implique pas ipso facto que la mainlevée des mesures conservatoires contestées ici s'imposerait, les mesures conservatoires visées dans le cadre de la procédure actuelle étant différentes, portant sur des biens différents et répondant à des règles de droit différentes.
L'autorité de chose jugée de la décision française ne permet pas de conclure à la mainlevée de la saisie conservatoire visée ici puisque la décision en question n'a pas d'effet direct en Belgique, son effet juridique étant limité à une mesure conservatoire bien spécifique ayant comme objet un bien situé en France sans lien de rattachement réel avec les immeubles situés en Belgique (voir: M. Nioche, « Décision provisoire et autorité de chose jugée » (note sous Cass. fr., 8 mars 2011, n° 09-13.830), R.C.D.I.P., 2012/ 2, 277).
L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 2012 qui porte sur une mesure provisoire relative à un bien situé en France (dans le territoire de sa compétence ratione loci) n'implique pas que la cour de céans serait obligée de juger dans le même sens.
Cette conclusion se voit d'ailleurs confirmée par le règlement « Bruxelles Ibis » du 12 décembre 2012 qui, malgré le fait qu'il n'est pas applicable ici ratione temporis- son entrée en vigueur étant prévue en janvier 2015 -, présente un intérêt du point de vue de l'interprétation du Règlement Bruxelles I en ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution de décisions étrangères là où il est précisé que le terme « Décision » englobe les mesures provisoires ou conservatoires ordonnées par une juridiction compétente au fond.
Appliqué au cas d'espèce il en découle que la cour d'appel de Paris ne peut préjuger de la possibilité d'accorder ou de maintenir une saisie conservatoire sur des biens en Belgique ne présentant aucun lien de rattachement réel avec sa compétence territoriale.
Rien n'empêche cependant la cour de céans de tenir compte de cet arrêt dans le cadre de la solution du présent litige et d'y faire référence dans ses considérations.
5. A l'audience de plaidoirie du 5 décembre 2011 devant le premier juge, Gécamines a soulevé un argument nouveau tiré de l'ordonnance de la Haute Cour d'Afrique du Sud du 3 décembre 2000 qui interdit à Frans Edward Prins Rootman de se prévaloir de l'ordonnance du 14 novembre 2000 qui entérine l'accord de transaction du 11 novembre 2000 en ces termes (traduction libre): « Il est ordonné que l'accord de transaction entre les parties, ci-annexé et Marqué 'A' soit considéré comme une ordonnance de la Cour. »
Suite à cela le premier juge a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de conclure sur la portée de cette interdiction contenue dans l'ordonnance du 3 décembre 2000 et sur son incidence sur la saisie contestée.
Selon Gécamines, ladite interdiction porte également sur les mesures conservatoires puisqu'il est interdit d(e)' « agir en exécution ou d'agir sous quelque forme que ce soit sur la base de l'ordonnance de cette cour du 14 novembre 2000 ou de l'accord incorporé dans cette ordonnance » (traduction libre de l'anglais, notamment du passage suivant: « (...) the respondent is interdicted from implementing or acting in any way on the strength of the order of this Honourable Court in the matter on 14 november 2000 or on the agreement incorporated in that order. »).
Elle en déduit que la mainlevée des mesures conservatoires contestées s'impose.
Dans son arrêt du 20 septembre 2012, la cour d'appel de Paris a considéré à ce sujet:
- que Marange est venue aux droits de Frans Edward Prins Rootman suite à une cession de créance du 9 mai 2008 signifiée à Gécamines le 25 juin 2010;
- que l'accord transactionnel conclu entre Gécamines et Frans Edward Prins Rootman date du 10 novembre 2000;
- que cet accord dispose que Gécamines doit payer à Frans Edward Prins Rootman un montant de 10.000.000 USD et ce dans les 7 jours de la signature de cet accord;
- que le défaut de paiement dans le délai imparti n'est pas contesté;
- que cet accord a été entériné par ordonnance du 14 novembre 2000;
- que par ordonnance du 3 décembre 2000, la Haute Cour de Justice d'Afrique du Sud a interdit à Frans Edward Prins Rootman d'agir en exécution ou d'agir sous quelque forme que ce soit sur la base de cette ordonnance ou sur la base de l'accord incorporé dans cette ordonnance « jusqu'à la décision finale relative à cette requête »;
- qu'aucune partie ne fait état de ce que les juridictions sud-africaines auraient rendu une décision finale;
- que Marange ne nie pas l'existence de cette ordonnance;
- qu'il est de jurisprudence constante qu'une décision étrangère produit en France des effets en tant que fait juridique et ce indépendamment de la vérification de sa régularité internationale par une procédure de reconnaissance ou d'exequatur;
- qu'il convient de prendre en compte ses effets de fait, le juge de l'exécution étant le juge de l'apparence en matière de saisie conservatoire, étant encore observé qu'outre le fait que l'avion Falcon 50 donné en garantie appartenait à la RDC, Marange ne produit pas les pièces relatives à cette vente forcée de l'avion réalisée en octobre 2003, ce qui ne permet pas à la Cour de connaître le fondement juridique exact de cette mesure d'exécution forcée pour conclure que Marange ne peut donc se prévaloir d'une créance apparemment fondée en son principe à l'encontre de Gécamines.
Marange prétend que cette décision a été adoptée à l'initiative des parties qui n'ont raisonnablement voulu exclure toute mesure même conservatoire pour garantir la créance de M. Rootman, et plus tard Marange.
Cette thèse est contraire aux termes clairs de la décision qui ne nécessite pas la moindre interprétation.
Le fait que Gécamines n'aurait pas invoqué l'argument de la décision du 3 décembre 2000 devant le tribunal de grande instance de Paris ou dans le cadre d'autres procédures ne mène pas à une autre conclusion et ne constitue pas - contrairement à ce qu'allègue Marange - un aveu de ce que des mesures conservatoires ne seraient pas interdites.
En effet, un aveu ou une renonciation (ici à se prévaloir de l'interdiction contenue dans l'ordonnance du 3 décembre 2000) exige un comportement qui ne laisse subsister aucun doute quant à son interprétation, ce qui n'est manifestement pas le cas ici, d'autant plus que Gécamines a déjà invoqué cette interdiction devant le premier juge.
Quant au fait que ladite interdiction soit adressée à M. Rootman et non à Marange, il ne peut en être déduit que l'interdiction en question ne concernerait pas Marange à laquelle cette interdiction ne serait pas opposable. M. Rootman a conclu une convention de cession avec Marange, dans le cadre de laquelle il n'a pu transférer plus de droits qu'il n'en avait lui-même.
6. Une mesure de saisie conservatoire exige que les deux conditions légales soient réunies, à savoir celle de la célérité et de la qualité de la créance, qui doit être certaine, liquide et exigible.
Après un examen prima facie de la cause, la cour constate que Marange ne dispose pas d'une créance certaine, liquide et exigible au sens de la loi:
- d'abord la créance de Marange fait l'objet de contestations sérieuses, notamment quant à son authenticité;
- ensuite il découle des éléments du dossier que la (prétendue) créance de Marange n'est pas exigible, la décision de la Haute Cour de Pretoria s'oppose à une saisie conservatoire avant que ne soit rendue la décision finale « sur cette requête » (traduction libre de la cour de « pending the final decision of this application »);
- même si comme le prétend Marange la décision prise par la Haute Cour de l'Afrique du Sud en date du 3 décembre 2000 devrait être interprétée « raisonnablement », cela ne signifie pas qu'on peut donner un tout autre sens à l'interdiction qu'elle contient, le texte de cette interdiction étant formulé de manière large sans exclure certains types de mesures, ainsi des mesures conservatoires.
La créance de Marange repose sur un accord transactionnel dont Gécamines conteste la validité. Cette contestation est sérieuse et existe depuis des années. Elle a déjà été soulevée en 2000 pour aboutir à l'ordonnance du 3 décembre 2000 faisant interdiction à M. Rootman d'agir en exécution de l'ordonnance du 14 novembre 2000 et de l'accord transactionnel contesté. Suite à la contestation de Gécamines, M. Rootman a même décidé de continuer son action uniquement contre la RDC (voir pièce 6 du dossier de Gécamines).
Même si la contestation relative à l'authenticité de la convention transactionnelle fait l'objet de critiques de la part de Marange notamment en ce qui concerne les attestations et les rapports d'expertise produits par Gécamines, cela n'empêche que l'apparence de fondement de la créance de Marange n'est pas établie à suffisance de droit.
La pièce 38 du dossier de Marange déposée le 13 mai 2013 constitue la preuve la plus récente du caractère sérieux de la contestation entre parties.
Cette constatation se voit confortée par le fait que si Marange ne dispose pas d'une créance apparemment fondée en son principe au sens de l'article 67, alinéa 1er, de la loi du 9 juillet 1991 (en droit français) qui énonce: « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. », elle ne dispose certainement pas d'une créance certaine, liquide et exigible au sens de l'article 1415 C. jud. qui prévoit que la saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance certaine et exigible, liquide ou susceptible d'une estimation provisoire contre Gécamines.
Vu que les deux conditions de base, celle portant sur la qualité de la créance et sur la célérité, doivent être réunies en même temps pour justifier une saisie conservatoire et que Marange ne dispose pas d'une créance certaine liquide et exigible, il n'y a pas lieu d'examiner l'existence de célérité, puisque cet examen ne changera rien au fait que la rétractation de l'ordonnance en autorisation de saisie et par voie de conséquence la mainlevée de la saisie s'imposent.
7. Le caractère abusif de la saisie conservatoire pratiquée
Gécamines invoque que:
- Marange a procédé à la saisie litigieuse dans le seul but de faire pression sur Gécamines;
- Marange a agi en violation de l'engagement pris par Frans Edward Prins Rootman entériné par la Haute Cour de Pretoria dans son ordonnance du 3 décembre 2000;
- Marange a refusé de consentir à la mainlevée après que la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui avait statué en faveur de Marange, - l'attitude de Marange adoptée dans le cadre de la procédure devant les juridictions de Jersey confirme le caractère abusif du maintien de la saisie (cf. pièce 27 du dossier de Gécamines);
- Marange agit de manière dilatoire.
Gécamines évalue son préjudice ex aequo et bono à 50.000 EUR.
Le caractère abusif de la saisie conservatoire pratiquée conformément à l'autorisation du juge des saisies n'est pas établi.
Marange a correctement informé le juge des saisies au sujet des procédures intentées devant les juridictions sud-africaines et françaises. Elle a développé sa thèse sur la base d'un dossier de pièces fourni en se référant à la jurisprudence et doctrine.
Il n'est nullement prouvé que Marange aurait uniquement voulu faire pression sur Gécamines.
Quant à l'incidence de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 2012, elle a développé un raisonnement cohérent fondé sur la jurisprudence et doctrine récente et sur les Règlements « Bruxelles I » et « Bruxelles Ibis » pour conclure que ledit arrêt n'est en rien pertinent pour la solution du présent litige.
Même si la cour de céans ne suit pas ce raisonnement, cela n'empêche que cette argumentation ne témoigne pas d'une attitude abusive.
Le fait que Marange a adopté un autre point de vue devant le premier juge et même encore dans sa requête d'appel ne rend pas son attitude abusive.
Gécamines a d'ailleurs fait de même puisqu'elle soutenait devant le premier juge que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 27 septembre 2011 ne pouvait avoir une incidence sur la présente procédure.
Le fait que Marange n'a pas accordé la mainlevée de la saisie suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris est la conséquence logique de son point de vue adopté en degré d'appel et n'a rien à voir avec une attitude abusive dans son chef.
Quant à la procédure en Afrique du Sud, Marange suit un tout autre raisonnement que celui développé par Gécamines sans faire preuve d'une attitude déraisonnable, voire fautive.
Il n'est pas établi que Marange aurait agi de manière dilatoire. Le fait d'interjeter appel contre le jugement a quo qui ordonne une réouverture des débats ne démontre pas que Marange aurait voulu maintenir artificiellement la saisie contestée. Au contraire, agissant de la sorte elle a diligenté la procédure puisque de ce fait, la cour a pris connaissance du litige en entier vu le caractère dévolutif de l'appel.
Finalement le fait que, devant les juridictions de Jersey, Marange a renoncé à invoquer sa prétendue créance et a accordé la mainlevée des mesures conservatoires obtenues dans un premier temps ne prouve pas son attitude fautive ici.
Marange était parfaitement en droit de décider au cas par cas quelles mesures de saisie elle jugeait opportunes de maintenir.
Une renonciation ou mainlevée portant sur d'autres mesures de saisie prises dans un autre pays ne doit pas entraîner ipso facto la renonciation à la mainlevée des mesures de saisie conservatoires contestées ici, le saisissant étant libre de décider sur la base des informations dont il dispose quelles mesures conservatoires offrent le plus de garanties pour qu'il puisse recouvrer sa créance.
8. Gécamines demande de lui accorder l'indemnité de procédure maximale sur la base du caractère manifestement déraisonnable de la situation.
Vu ce qui précède la cour ne partage pas ce point de vue.
Le montant de base applicable, soit 1.320 EUR, est accordé.
Par ces motifs,
La cour,
Statuant contradictoirement,
Vu la loi du 15 juin 1935 relative à l'emploi des langues en matière judiciaire,
Vu l'effet dévolutif de l'appel,
Déclare l'appel recevable mais non fondé,
Met à néant l'ordonnance en autorisation de saisie du 21 octobre 2010,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Marange aux dépens, liquidés comme suit:
Citation et mise au rôle: 52 EUR
Appel:
Droit de mise au rôle: 186 EUR
Indemnité de procédure en faveur de Gécamines: 1.320 EUR
(…)
Zie noot Thalia Kruger onder het arrest van het Hof van Justitie van 15 november 2012, in dit nummer p. 25.