Le droit au procès équitable à l'ombre de l'inversion du contentieux A propos de quelques décisions de la Cour de justice en droit judiciaire européen
TABLE DES MATIERES
I. La combinaison nécessaire des différents instruments de droit judiciaire privé européen A. La primauté de la cohérence de la qualification
B. La primauté de la spécificité de l'opposition à l'injonction
II. La combinaison délicate des instruments de droit judiciaire privé européen et des droits nationaux A. Des exigences fortes à l'égard du droit national pour préserver l'effectivité du droit au procès équitable du créancier comme du débiteur 1) La préservation de l'effectivité du droit d'accès à un titre pour le créancier
2) La préservation de l'effectivité du droit d'accès à la contestation pour le débiteur
1.L'accélération des procédures et la facilitation du recouvrement transfrontière des créances font partie des leitmotive de la Commission européenne [2], faisant résonner l'espace de justice comme l'antichambre du marché intérieur. En instaurant des dispositifs assurant le recouvrement facile et rapide des créances, le droit de l'Union européenne contribuerait à garantir la confiance des opérateurs dans le marché européen et à encourager les échanges. Et, quels que soient les impératifs relatifs à leur déficit public (art. 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), les Etats membres sont invités à mettre à la disposition de tous les citoyens européens une justice rapide et efficace [3].
Les instruments dont l'Union européenne a paré l'espace de justice et le marché à cette fin sont connus [4]: autour du règlement Bruxelles n° 44/2001 (dit Bruxelles I) refondu en décembre 2012, gravitent ainsi le règlement portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, n° 805/2004 du 21 avril 2004 (dit TEE) et le règlement instituant une procédure européenne d'injonction de payer, n° 1896/2006 du 1er décembre 2006 (dit IPE). Rappelons que le règlement Bruxelles I est le successeur de la Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qui a créé des critères communs de compétence et prévu des modalités simplifiées de reconnaissance et d'exécution des décisions des juridictions des Etats membres. L'exécution à l'étranger d'une décision de justice d'un Etat membre a ainsi été facilitée dès la Convention de Bruxelles notamment par l'inversion du contentieux consistant en une phase unilatérale en première instance devant les juridictions de l'Etat d'exécution. Ensuite, le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 a sensiblement diminué le rôle de l'autorité de l'Etat d'exécution dans cette phase unilatérale. Enfin, le compromis auquel ont abouti les instances européennes dans le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, qui est applicable à partir du 10 janvier 2015, a supprimé cette phase unilatérale et subordonne ainsi toute intervention du juge de l'Etat d'exécution sur la décision étrangère au recours du débiteur [5].
Quant à eux, les règlements TEE et IPE conçus dans l'élan de ladite communautarisation du droit judiciaire international privé, donnent naissance à la force exécutoire européenne [6]. Ces instruments reposent directement ou indirectement, totalement ou partiellement, sur l'idée selon laquelle l'absence de contestation d'un acte dans lequel est exigé le paiement d'une créance, permet la création d'un titre revêtu de la force exécutoire [7]. Déjà connues dans la plupart des procédurales nationales, l'intérêt des procédures instaurées par ces règlements consiste à élargir ces techniques dites d'inversion du contentieux aux créances transfrontières et à donner une assise au déploiement des effets d'un titre dans tous les Etats membres. L'inversion du contentieux consiste à prévoir une phase unilatérale sensée solder la plupart des situations, qui engendre des coûts bien moindres qu'une procédure ordinaire et pendant laquelle l'autorité saisie exerce une vérification plus ou moins formelle des éléments produits [8]. A l'issue de cette phase fondée exclusivement sur la démarche et les éléments fournis par le prétendu créancier, est signifié un titre exécutoire contre le débiteur. Et ce n'est que si celui-ci prend l'initiative d'un recours qu'une procédure contradictoire s'ouvrira pour établir par exemple le montant de la créance.
La force exécutoire européenne [9] se déploie ainsi sur la base:
- soit de la confiance mutuelle dans l'ouvrage juridictionnel des Etats membres (règlement Bruxelles I);
- soit d'un titre non contesté par le défendeur (règlement IPE);
- soit d'un titre attestant du caractère incontesté de la créance (règlement TEE).
Se pose alors la question de savoir comment le principe du contradictoire se décline dans ces dispositifs d'effacement ou de report du contradictoire. En effet, l'existence d'une procédure contradictoire permet de mettre en oeuvre tant le droit au procès équitable garanti par l'article 6, 1., de la convention européenne des droits de l'homme que le droit à un recours effectif garanti par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il paraît dès lors intéressant de déterminer dans quelle mesure l'effectivité des procédures prévues pour faciliter l'obtention d'un titre exécutoire pour le créancier demeure conciliable avec l'effectivité de l'accès au tribunal du débiteur. Il s'agit d'un équilibre subtil qui consiste à déterminer ce que le principe du contradictoire exige comme chance suffisante d'accès au tribunal pour le débiteur.
2.A propos de l'injonction de payer, la doctrine a largement explicité que dans le contentieux inversé, le contradictoire est différé pour favoriser une procédure accélérée et efficace, mais il n'est pas supprimé pour autant [10]. La phase de procédure unilatérale est une protection monitoire [11] connue sous différentes formes suivant les pays. C'est à l'issue de cette phase que celui qui est obligé de sortir de son silence pour se défendre, peut déclencher une procédure contradictoire. Avant cela, l'absence de contradictoire ne signifie pas absence de litige [12]. La procédure met en oeuvre un règlement amiable pour créer le titre [13], mais il y a bien un différend entre les parties. La procédure unilatérale inverse le rapport de force entre prétendus créancier et débiteur. L'inertie du débiteur est transformée en arme pour le créancier. Ainsi, les entreprises ayant un important volume de débiteurs peuvent organiser le traitement de ces impayés susceptible de découler sur une procédure contradictoire [14]. En cela, on pourrait y voir la réciproque de l'action de groupe [15], laquelle est sensée permettre à l'inverse à des multitudes de personnes de s'unir pour obtenir un rapport de force utile dans leur action en justice [16].
La puissance de cet instrument qu'est la procédure unilatérale suppose donc que des garde-fous soient prévus pour assurer les garanties du droit au procès équitable autrement que par l'accès préalable à une procédure contradictoire. Ces garanties se regroupent autour de deux pôles: d'une part, le rôle de l'autorité qui délivre le titre, d'autre part, les modalités par lesquelles la procédure contradictoire peut être déclenchée.
Les règlements instituant le titre exécutoire européen et l'injonction de payer européenne ont fait l'objet d'un certain nombre de critiques à cet égard. La combinaison entre les divers modèles nationaux retenue par l'Union européenne a brisé l'équilibre de chacun des modèles d'inspiration pour ne conserver que les garanties minimales dans chaque pôle [17]. En effet, d'abord, le contrôle exercé par l'autorité qui doit délivrer le titre est réduit à son minimum. Ensuite, les normes minimales en matière de signification du titre n'offrent que des faibles garanties de l'information du débiteur. Enfin, les recours ouvrant sur une procédure contradictoire sont trop limités.
Cette tension entre « effectivité du recouvrement des créances » et « droit au procès équitable » est à mettre en parallèle avec les craintes qu'a suscitées la proposition de la Commission d'abolition de l'exequatur lors de la refonte du règlement Bruxelles I [18]. Là aussi, il s'agit d'évaluer les risques que font peser sur le principe du contradictoire des sujets de l'Espace de liberté, sécurité et justice, les instruments visant à accroître l'effectivité des titres et décisions visant à assurer le paiement des créances transfrontières.
3.Nous nous proposons d'illustrer cette tension en analysant plusieurs décisions de la Cour de justice qui a été saisie ces dernières années de questions préjudicielles portant de près ou de loin sur les différentes conséquences de l'inversion du contentieux sur l'exercice du droit de défendre sa cause. Parfois, la Cour répond par simple ordonnance sans conclusions de l'avocat général [19], ou par des arrêts [20].
Voici, en quelques mots, les réponses données par la Cour de justice de l'Union européenne.
Au niveau de la demande et de l'examen dans la phase unilatérale:
1) Lorsqu'un jugement par défaut est rendu dans un Etat membre, il peut être le fondement d'un titre exécutoire européen délivré par l'Etat d'origine. Cela permet d'éviter tout contrôle éventuel de l'autorité de l'Etat membre d'exécution. C'est la démarche qu'avait adoptée le créancier d'un prêt entre particuliers [21]. Dans cet arrêt, il est explicité qu'en application du règlement sur le titre exécutoire européen, la vérification préalable de la compétence par l'autorité ayant prononcé un jugement par défaut, est exceptionnelle et limitée au cas où le litige oppose un consommateur et une personne en position de supériorité. Rappelons que le titre exécutoire européen se passe en principe d'une vérification de l'application éventuelle des critères du règlement Bruxelles I. La confiance mutuelle dans l'application par les juridictions de l'Etat membre du règlement Bruxelles I crée une sorte de présomption d'application d'office par le juge national du règlement, dont l'article 25 lui prescrit de vérifier le bien-fondé de sa compétence en cas de défaut de comparution du défendeur.
2) L'autorité nationale devant laquelle est déposée une demande d'injonction de payer européenne ne peut exiger des éléments supplémentaires à la liste de l'article 7 du règlement n° 1896/2006 [22]. Le montant des frais de justice est déterminé par renvoi au droit national, conformément à l'article 25 du règlement IPE, mais ce, dans les limites des principes d'équivalence et d'effectivité qui encadrent classiquement l'autonomie procédurale [23]. La Cour précise également que le demandeur peut éventuellement inclure des intérêts courant jusqu'au jour du paiement.
Au niveau de l'opposition ou des recours:
3) L'opposition à l'injonction de payer s'exerce dans un délai bref [24] qui ne peut être dépassé en arguant de la simple négligence de l'avocat représentant du débiteur, nous enseigne sans surprise la décision Novontech [25].
4) Elle permet de contester la compétence de la juridiction ayant rendu une injonction de payer, une fois la procédure devenue contradictoire, sans que l'opposition à l'injonction et les arguments soulevés contre elles ne puissent être considérés comme une comparution volontaire devant la juridiction saisie par le créancier [26].
5) Les modalités d'exercice du recours contre une déclaration de force exécutoire, assorti d'un recours contre des mesures de saisies, sont susceptibles de concerner l'aide juridictionnelle. La Cour de justice détermine à quelles conditions des frais de procédure peuvent être exigés d'une personne morale dont le droit à l'aide juridictionnelle est affirmé. La juridiction nationale voit préciser les critères à mettre en oeuvre pour déterminer si la personne morale doit ou non en bénéficier [27].
6) « Last but not least »… L'opposition et les recours prévus par le règlement IPE ne sont pas adaptés au cas où l'injonction de payer n'a pas été notifiée de manière conforme aux normes minimales établies par le règlement [28]. La Cour de justice exclut de faire jouer le délai d'opposition ou, plus curieusement la procédure de réexamen pour permettre au prétendu débiteur de contester la notification de l'injonction de payer. La Cour considère en effet que le défaut de signification ou de notification ne fait pas partie des situations exceptionnelles prévues par l'article 20 du règlement. Elle reporte ensuite sur le droit national l'exigence de prévoir la possibilité pour le débiteur de dénoncer le défaut de notification ou de signification de la déclaration de force exécutoire invalide. L'omission d'un recours par le règlement IPE au regard des « droits de la défense » est donc corrigé par un renvoi au droit national.
Dans ces décisions, l'équilibre entre la protection du titre du créancier et le droit au procès équitable repose avant tout sur la combinaison des différents instruments opérée par la Cour de justice. En effet, la complexité de la matière est renforcée par la combinaison nécessaire des différents instruments de droit judiciaire privé européen (I). Mais, le droit judiciaire européen doit également s'appuyer sur le droit de la procédure des Etats membres. L'analyse des décisions de la Cour témoigne ainsi d'une combinaison particulièrement délicate des droits nationaux avec le droit de l'Union (II).
I. | La combinaison nécessaire des différents instruments de droit judiciaire privé européen |
Les interprétations des règlements, dégagées par la Cour, pour en permettre l'application aux cas d'espèce, ressortent dans plusieurs affaires d'une articulation des différents instruments du droit de l'Union européenne entre eux. En l'occurrence, les deux arrêts mentionnés ici illustrent la combinaison du règlement Bruxelles I avec d'une part le règlement TEE (arrêt Vapenik) et d'autre part le règlement IPE (arrêt Goldbet).
Dans le premier, la Cour de justice fait primer un souci d'assurer une interprétation cohérente de différents règlements, en omettant la spécificité des règlements prévoyant une inversion du contentieux; il s'agit en l'occurrence d'assurer une cohérence de la qualification autonome de consommateur qu'elle propose dans l'arrêt Vapenik (A). Parfois, c'est à une application combinée des instruments que la Cour doit se livrer: dans l'arrêt Goldbet, la Cour examine si une opposition dans le cadre du règlement IPE vaut comparution dans le cadre du règlement Bruxelles I. En répondant de manière négative, la Cour déconnecte en quelque sorte l'opposition à l'injonction de la suite de la procédure, marquant ainsi le souci de préserver la spécificité de l'acte d'opposition qui préserve l'accès au possible débat sur la créance pour le prétendu débiteur (B).
A. | La primauté de la cohérence de la qualification |
4.Dans l'affaire Vapenik / Thurner, la Cour est amenée à interpréter le domaine de l'article 6, 1., d) [29], du règlement TEE permettant de préserver la compétence du tribunal du domicile du consommateur. Il s'agissait en l'occurrence d'une demande d'un remboursement de prêt entre particuliers traitée par la combinaison du règlement Bruxelles I et du règlement TEE. En effet, l'emprunteur défendeur n'ayant pas comparu dans la première phase soumise au règlement Bruxelles I, le jugement rendu par défaut se transformait en créance incontestée dont le titulaire pouvait se prévaloir avec le certificat délivré par la juridiction d'origine, ce qui permettait l'application du règlement TEE. En invoquant ce dernier règlement dans l'Etat d'exécution, le créancier évitait ainsi tant la demande de déclaration de force exécutoire [30] que l'éventuel recours du débiteur dans l'Etat d'exécution.
Cependant, la juridiction de l'Etat membre d'origine a rejeté la demande de certificat en considérant que la juridiction saisie n'était pas celle du domicile du consommateur. Exceptionnellement, en effet, il est prévu que la compétence de la juridiction soit vérifiée lorsque c'est une partie faible au litige qui n'a pas comparu. La règle de protection de la partie faible prévue dans le règlement Bruxelles I lui assurant d'être attraite devant la juridiction de son domicile connaît ainsi un régime renforcé même en cas d'invocation du règlement TEE. Ainsi, il est considéré que l'accès au tribunal du consommateur doit être préservé par l'application stricte des critères de compétence élisant son domicile [31]. La non-comparution du consommateur ne peut servir à la création d'un titre car les éventuelles décisions prises par une autre juridiction que celle de son domicile ne pourront pas se transformer en titre exécutoire européen. La règle de compétence devient ici un garde-fou important obligeant le créancier à saisir la juridiction du domicile du débiteur. En l'occurrence, la Cour est interrogée sur le champ d'application du renforcement des droits du débiteur. Précisément, la question préjudicielle posée dans le cadre d'un appel était la suivante: cette protection spéciale s'applique-t-elle aux contrats conclus entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles?
5.A cette fin, la Cour répond sur la méthode à retenir pour qualifier le consommateur en privilégiant sans surprise une qualification autonome à rechercher « en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause » (pt. 23). La Cour insiste à cet égard sur la nécessité d'assurer la cohérence du droit de l'Union et en particulier du règlement Bruxelles I qui s'applique en combinaison avec le règlement TEE (pt. 25). La Cour rappelle que les deux dispositifs permettant l'octroi de la force exécutoire se complètent sans s'exclure, de sorte que le refus de certificat dans le cadre du règlement TEE par la juridiction d'origine n'empêche pas de demander une déclaration de force exécutoire devant la juridiction de l'Etat d'exécution dans le cadre du règlement Bruxelles I (pt. 36). Selon la Cour de justice, cela induit que les deux règlements doivent faire l'objet d'une interprétation identique pour éviter des « incohérences dans l'application des deux règlements » (ibid.). Il en résulte que si la décision peut revêtir la force exécutoire dans un autre Etat membre en application de la procédure prévue par le règlement Bruxelles I et qu'elle constitue par ailleurs une créance incontestée, elle doit pouvoir être certifiée comme titre exécutoire européen par la juridiction d'origine (pt. 37).
Cet argument est loin de convaincre: dans la mesure où la force exécutoire fait l'objet de garanties dans le cadre du règlement Bruxelles I qui n'existent pas dans le cadre du règlement TEE (notamment le recours possible devant le juge de l'Etat d'exécution), l'interprétation de chacun des instruments n'a pas à être identique pour être cohérente: des conditions plus strictes pour l'octroi du certificat pourraient tout à fait se justifier, dès lors que les recours contre celui-ci ont été fort limités.
6.En l'occurrence, cependant, une appréciation identique de la notion de consommateur semblait inévitable.
La Cour de justice propose une lecture de plusieurs dispositions du droit de l'Union, dont la directive n° 93/13/CEE concernant les clauses abusives, pour en conclure que la qualification de consommateur et donc le domaine de la protection du consommateur sont liés à « une situation d'infériorité à l'égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d'information » (pt. 26), le consommateur étant la « partie au contrat réputée économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée que son cocontractant professionnel » (pt. 27 en se référant au considérant 13 du règlement Bruxelles I). Le domaine de la protection suppose donc la caractérisation d'un déséquilibre entre les parties qui fait défaut dans un contrat « entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles » (pt. 33), c'est-à-dire entre deux particuliers. En l'occurrence, on était hors le domaine de protection, le refus de délivrance du certificat s'en trouve non conforme à l'article 6, 1., d) [32].
L'effectivité des droits du créancier non professionnel dans ses rapports avec un débiteur non professionnel également, se voit ainsi protégée davantage que dans le cas de créances de professionnels contre des non-professionnels. La vérification de la compétence ne se justifie que lorsque les parties sont dans un rapport inégalitaire selon la Cour de justice.
7.L'on retiendra surtout que la Cour n'a pas développé d'argumentation démontrant son souci d'interpréter spécifiquement les garanties minimales découlant des instruments reposant sur une inversion du contentieux pour au contraire faire prévaloir une notion unique de consommateur quel que soit l'instrument applicable. L'on verra désormais que, s'agissant de l'acte d'opposition spécifique à l'injonction de payer, la Cour n'hésite pas à marquer l'importance de la préservation des droits du débiteur à accéder au tribunal en déconnectant l'acte d'opposition de la suite de la procédure.
B. | La primauté de la spécificité de l'opposition à l'injonction |
8.L'affaire Goldbet / Sperindeo [33] posait une question bien plus épineuse d'articulation entre cette fois-ci le règlement IPE et le règlement Bruxelles I. L'on sait que lorsque le défendeur se voit signifier une injonction de payer européenne, il peut former opposition. Sauf si le demandeur a demandé « qu'il soit mis un terme à la procédure dans ce cas » conformément à l'article 7, 4., l'opposition exercée dans les délais emporte la poursuite de la procédure devant les juridictions compétentes de l'Etat membre d'origine (art. 17 du règlement IPE). Ces articles présentent le passage de la demande d'injonction de payer à la procédure ordinaire de telle sorte qu'on a l'impression que la même instance se prolonge.
La phase contradictoire laisse-t-elle une place pour la contestation de la compétence des juridictions saisies par le demandeur? La vérification de la compétence dans le cadre de la délivrance de l'injonction de payer est prévue puisque la demande doit être rejetée entre autres, si les conditions de l'article 6 (renvoi aux règles de compétence du règlement Bruxelles I) ne sont pas réunies. Mais il n'empêche que cet examen s'effectue à partir des seules allégations du demandeur. On ne peut donc pas considérer que la question de la compétence a été tranchée [34]. Quand et, à quelles conditions, la compétence peut-elle être contestée par le défendeur?
Précisément, se posait la question de savoir si l'opposition du défendeur M. Sperindeo à l'injonction de payer obtenue par M. Goldbet devant la juridiction de l'Etat d'origine valait comparution au sens de l'article 24 du règlement Bruxelles I. En effet, ce dernier prévoit que la comparution du défendeur est attributive de compétence, sauf exceptions, par exemple si la comparution du défendeur a pour objet de contester la compétence.
9.La Cour de justice analyse les effets de l'opposition à l'injonction de payer, en précisant que, dans son opposition, le défendeur n'a pas contesté la compétence de la juridiction ayant délivré l'injonction. Une telle omission de contestation est-elle constitutive d'une prorogation volontaire de compétence déduite de la comparution, pour l'application du règlement Bruxelles I?
La réponse est clairement négative: « Or, lorsque le défendeur ne conteste pas, dans son opposition à l'injonction de payer européenne, la compétence de la juridiction de l'Etat membre d'origine, cette opposition ne saurait produire, à l'égard de ce défendeur, des effets autres que ceux qui ressortent de l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2006. Ces effets consistent à mettre fin à la procédure européenne d'injonction de payer et à entraîner, sauf si le demandeur a expressément demandé qu'il soit mis un terme à la procédure dans ce cas, le passage automatique du litige à la procédure civile ordinaire. Une solution contraire, aboutissant à ce que l'opposition vaille, lorsqu'elle ne contient pas une contestation de la compétence de la juridiction de l'Etat membre d'origine, comparution, au sens de l'article 24 du règlement n° 44/2001, étendrait les effets de l'opposition au-delà de ceux qui sont prévus par le règlement n° 1896/2006. » (pts. 31 et 32). L'opposition à l'injonction « vise à compenser le fait que le système (…) ne prévoit pas la participation dudit défendeur à la procédure européenne d'injonction de payer » (pt. 29).
Du fait de la spécificité de la procédure d'injonction européenne qui subordonne le contradictoire à une réaction du défendeur, cette réaction ne peut être utilisée au regard de l'application d'un autre règlement. Les moyens que le défendeur avance au soutien de son opposition ne sauraient constituer sa défense au fond.
10.Bien que l'opposition n'ait pas à être justifiée (art. 16, 3. « Le défendeur indique dans l'opposition qu'il conteste la créance, sans être tenu de préciser les motifs de contestation »), M. Sperindeo avait en l'espèce accompagné son opposition de la présentation de moyens de fond. Or, il fallait encore une fois se demander si cette présentation des moyens de fond empêchait une contestation ultérieure de la compétence. Là aussi, il s'agissait de déterminer si les moyens de défense au fond accompagnant l'opposition à l'injonction de payer dans le cadre du règlement IPE pouvaient traduire une comparution du défendeur au sens du règlement Bruxelles I.
La Cour répond par la négative et se réfère à un arrêt relatif à l'interprétation de l'article 18 de Convention de Bruxelles, ancêtre de l'article 24 du règlement Bruxelles I [35] pour rappeler qu'il y a prorogation volontaire de compétence si la contestation de compétence se situe « après le moment de la prise de position considérée, par le droit procédural national, comme la première défense adressée au juge saisi » (pt. 37) [36].
Bien qu'il soit indiqué que la procédure se poursuive, elle est soumise à deux régimes distincts successivement (le règlement IPE puis la procédure civile ordinaire de l'Etat d'origine) et peut même se dérouler devant une autre juridiction (pt. 39). Cela signifie que les moyens de fond soulevés lors de l'opposition à l'injonction ne font pas obstacle à la contestation ultérieure de la compétence lors de la procédure ordinaire.
11.Comme le souligne C. Nourissat [37], l'unilatéralité du règlement spécial procédant d'une justice efficace et rapide nécessite d'être contre-balancée par le contradictoire déclenché par l'opposition, l'objectif d'accélérer la procédure « n'est pertinent que pour autant que la créance demeure incontestée, ce qui n'est plus le cas lorsque le défendeur forme une opposition à l'injonction de payer européenne » (pt. 42). Dans cet arrêt Goldbet, la Cour souligne le caractère extraordinaire de l'injonction de payer et en déduit que l'acte d'opposition est en quelque sorte déconnecté de la procédure ordinaire qu'elle déclenche. L'opposition est l'une des charnières essentielles de la procédure reposant sur une inversion du contentieux car c'est elle qui permet de considérer que le droit de présenter ses arguments devant un tribunal est assuré.
12.Pour comparer, il convient de mentionner un cas où la Cour rappelle que, malgré l'importance de l'opposition, les délais dans lesquels elle est enfermée sont stricts. L'opposition ne peut se cacher derrière une interprétation large du recours en réexamen. Dans l'ordonnance prononcée par la Cour de justice le 21 mars 2013 [38], l'opposition était tardive dépassant le délai de 2 mois d'un jour, du fait d'une erreur de l'avocat dans l'enregistrement de la date de la signification de l'injonction de payer. Cette erreur ne saurait être considérée comme une circonstance « extraordinaire » au sens de l'article 20, 1. (« le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu'il y ait faute de sa part ») ni « exceptionnelle » au sens de l'article 20, 2. (« le défendeur a également le droit de demander le réexamen de l'injonction de payer européenne devant la juridiction compétence de l'Etat membre d'origine (…) au vu d'autres circonstances exceptionnelles »). Selon la Cour, cette interprétation pour permettre l'application des règles au cas d'espèce « est évident[e] » (pt. 20), une telle situation « aurait pu aisément être évitée » (pt. 21). La Cour se réfère au considérant 25 du règlement aux termes duquel « le droit de demander un réexamen dans des circonstances exceptionnelles ne devrait pas signifier que le défendeur dispose d'une deuxième possibilité de s'opposer à la créance ».
Il est vrai qu'un délai perdrait tout son sens s'il suffisait d'invoquer une erreur pour invoquer un relevé de forclusion. Il n'empêche que cet arrêt permet de se rendre compte de la rigueur du règlement IPE pour encadrer les modalités de l'opposition ou des recours exceptionnels par lesquels la procédure contradictoire peut advenir.
Nous verrons cependant que la Cour peut parfois adopter des méthodes d'interprétation plus souples notamment lorsque son raisonnnement repose sur des combinaisons du droit de l'Union avec les droits nationaux.
II. | La combinaison délicate des instruments de droit judiciaire privé européen et des droits nationaux |
13.L'espace de liberté, de sécurité et de justice, constitué par l'Union selon les termes de l'article 67 du traité sur le fonctionnement de l'UE (ex-art. 61 TCE et ex-art. 29 TUE), n'est pas composé que des instruments de l'Union. L'application de ceux-ci repose sur une combinaison avec les règles nationales, qui s'avère particulièrement délicate. Dans les affaires analysées, la Cour de justice pose de fortes exigences sur le droit national applicable en combinaison des instruments de droit judiciaire privé européen pour préserver soit l'effectivité de l'accès à un titre pour le créancier, soit l'effectivité de l'accès à la contestation de la créance pour le débiteur, qui représentent finalement les deux volets du droit au procès équitable (A). Parfois, la Cour se livre à une mise en concurrence de la procédure prévue par le droit de l'Union avec celles prévues par le droit national, en se fondant sur la nécessité d'une protection effective du créancier demandeur (B).
A. | Des exigences fortes à l'égard du droit national pour préserver l'effectivité du droit au procès équitable du créancier comme du débiteur |
1) La préservation de l'effectivité du droit d'accès à un titre pour le créancier |
14.Dans l'arrêt I. Szyrocka / SiGer Technologie GmbH [39], la Cour articule le règlement IPE avec le droit de procédure polonais en répondant à pas moins de 8 questions préjudicielles qui concernent notamment les conditions à remplir pour introduire la demande d'injonction de payer [40]. La Cour rappelle qu'à défaut de renvoi exprès, le règlement ne laisse pas de place au droit national notamment parce que le règlement IPE est un « instrument uniforme de recouvrement de [créances incontestées], garantissant des conditions identiques aux créanciers et aux débiteurs de l'ensemble de l'Union » (pt. 30). Toute condition ou formalité ajoutée par le droit national briserait l'uniformité et « conduirait également à l'accroissement de la complexité, de la durée et des coûts de la procédure européenne d'injonction de payer » (pt. 31).
Pourtant, l'instrument parallèle aux procédures nationales doit parfois se combiner avec les règles d'origine nationale, lorsque cela est prévu par le règlement lui-même, comme l'article 25, 2. aux termes duquel « Aux fins du présent règlement, les frais de justice comprennent les frais et les droits à verser à la juridiction, dont le montant est fixé conformément au droit national ». En l'occurrence, la juridiction polonaise invitait le demandeur à indiquer dans la demande d'injonction de payer, la valeur du litige en monnaie polonaise, aux fins de calculer les frais de justice en application de son droit. « Les modalités procédurales de détermination du montant des frais de justice relèvent (…) de l'ordre juridique interne des Etats membres en vertu du principe de l'autonomie procédurale de ces derniers. » (pt. 34). Mais la Cour rappelle que l'autonomie du droit procédural des Etats membres est toute relative en vertu des principes d'équivalence (« les modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne ») et d'effectivité (elles ne doivent pas « rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par le droit de l'Union ») (pt. 34).
La Cour traduit en ces termes l'impératif d'effectivité du droit de l'Union pour encadrer le droit national précisément applicable en l'espèce: « Il en ressort que la juridiction nationale demeure, en principe, libre de se procurer l'information sur la valeur de l'objet du litige selon les modalités prévues par son droit national, pourvu que les exigences procédurales liées à la détermination des frais de justice n'entraînent ni une prolongation excessive de la procédure européenne d'injonction de payer ni le rejet de la demande d'une telle injonction. » Ainsi, la Cour considère que le droit national peut exiger certaines informations mais sans allonger la procédure de manière excessive ni prévoir le rejet de l'injonction comme sanction.
15.Qu'est-ce à dire? Comment est-il possible de mettre en oeuvre les demandes d'information complémentaire exigées par le droit national sans prévoir une quelconque dérogation aux objectifs découlant du souci de préserver l'effectivité du droit du créancier à disposer d'une procédure rapide, simple et peu coûteuse? L'autonomie procédurale des Etats membres sert ici à l'affirmation d'une marge laissée au droit national. Mais on peut se demander si celle-ci n'est pas incantatoire tant cette marge paraît étroite en réalité.
Il est également intéressant d'analyser deux décisions dans lesquelles la Cour pose des exigences fort délicates à mettre en oeuvre pour le droit national, cette fois-ci pour préserver les droits d'accéder à la justice du prétendu débiteur.
2) La préservation de l'effectivité du droit d'accès à la contestation pour le débiteur |
16.La Cour exige que les droits nationaux se combinant avec les instruments de droit judiciaire européen, permettent l'exercice des droits découlant de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cela peut s'avérer délicat soit parce que l'abstraction des réponses aux questions préjudicielles paraît inapte à faire la balance entre les différents enjeux que la procédure nationale doit concilier (a)), soit parce que le droit national se retrouve à devoir corriger le déséquilibre de l'instrument reposant sur l'inversion du contentieux (b)).
a) L'Ordonnance rendue par la Cour le 13 juin 2012 [41], énonce un certain nombre de critères que la juridiction nationale doit mettre en oeuvre pour évaluer la conformité de ses règles procédurales, en l'occurrence, les conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle, au regard du principe de protection juridictionnelle effective résultant de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il s'agissait de l'application du règlement Bruxelles I par les juridictions autrichiennes pour l'exécution d'une décision allemande. Plus précisément, une personne morale qui s'opposait à la déclaration de force exécutoire de décisions allemandes en Autriche et aux ordonnances de saisies subséquentes, effectuait une demande d'aide juridictionnelle.
Le point de départ de l'affaire consistait en une action contre une personne morale par l'administration des finances du Freistaat Bayern en Allemagne, pour faire annuler des actes à titre gratuit accomplis par M. Gribkowsky poursuivi pour corruption, détournement de fonds et fraude fiscale. En l'espèce, la société dont les biens étaient saisis devait, en application des règles de procédure autrichienne, payer des frais importants pour pouvoir exercer les recours et se prévalait de l'arrêt DEB [42] prononcé le 22 décembre 2010 par la C.J.U.E., aux termes duquel « le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l'article 47 de la charte, doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas exclu qu'il soit invoqué par des personnes morales et que l'aide octroyée en application de ce principe peut couvrir, notamment, la dispense du paiement de l'avance des frais de procédure et/ou l'assistance d'un avocat » (pt. 59, rappelé ici au pt. 38).
Les juridictions nationales doivent à cet égard examiner les restrictions au droit à l'aide juridictionnelle, pour vérifier la légitimité des objectifs que ces restrictions poursuivent ainsi que leur proportionnalité. La traduction spécifique pour les conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle aux personnes morales est livrée par la Cour de justice: « Le juge national peut tenir compte de la situation de celles-ci. Ainsi, il peut prendre en considération, notamment, la forme et le but lucratif ou non de la personne morale en cause ainsi que la capacité financière de ses associés ou actionnaires et la possibilité, pour ceux-ci, de se procurer les sommes nécessaires à l'introduction de l'action en justice. » (pt. 47).
Rappelons qu'ici l'action menée contre GREP consistait justement en l'annulation d'actes à titre gratuit accomplis par M. Gribkowsky dans un cadre d'un réseau de personnes morales.
17.L'affirmation par la Cour d'un droit à l'aide juridictionnelle accordé aux personnes morales entraîne des conséquences délicates sur le terrain du droit national, outre les conséquences budgétaires. En effet, l'examen de la demande d'aide juridictionnelle n'est pas conçu dans le cadre d'une procédure adaptée pour mener une analyse d'un montage de personnes morales et de la capacité financière des différents associés ou actionnaires. L'articulation des rôles entre une Cour de justice qui énonce des principes et les critères de mise en oeuvre du contrôle de proportionnalité d'une part, les autorités nationales qui les mettent en oeuvre d'autre part, paraît irréalisable.
b) L'arrêt prononcé en septembre 2014 [43] illustre une combinaison que l'on pourrait presque qualifier d'acrobatique entre le règlement IPE et les droits nationaux. Il s'agissait ici d'une des questions les plus épineuses [44] du droit judiciaire privé européen puisqu'étaient en cause les normes minimales relatives à la signification et à la notification, en l'occurrence de l'injonction de payer obtenue après la phase de procédure unilatérale. Or, le règlement n'a pas prévu de recours exprès pour permettre au débiteur de montrer que la force exécutoire a été délivrée de manière erronée en raison du défaut de la signification ou de la notification.
La Cour de justice considère que « en cas de méconnaissance de ces normes minimales, l'équilibre entre les objectifs, poursuivis par le règlement n° 1896/2006, de rapidité et d'efficacité, d'une part, et de respect des droits de la défense, d'autre part, serait compromis ». Notons que la Cour préfère se référer aux droits de la défense sans citer explicitement l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou l'article 6, 1., de la convention européenne des droits de l'homme.
18.Substantiellement, la Cour exige ici du droit national qu'il supplée les lacunes du règlement pour permettre la sauvegarde des droits de la défense. Si le règlement n'a pas prévu la possibilité pour le débiteur de contester les défauts de notification ou de signification, la Cour préfère en préserver une interprétation stricte, tout en renvoyant au droit national le devoir d'offrir un recours au défendeur. « Lorsque ce n'est qu'après la déclaration de force exécutoire d'une injonction de payer européenne qu'une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l'invalidité de cette déclaration de force exécutoire. »
L'équilibre à trouver entre la sauvegarde des objectifs du règlement et les droits de la défense oblige à une espèce de contorsion que les règles de procédure nationales vont devoir subir pour pallier les lacunes ou défauts du règlement.
Nous verrons maintenant que la combinaison des droits nationaux avec les règlements européens à laquelle la Cour de justice se livre, la conduit parfois à mettre les procédures prévues par le droit de l'Union et les procédures nationales en concurrence.
B. | L'effectivité de la protection du créancier par la concurrence entre les procédures prévues par le droit de l'Union et les procédures nationales |
19.Dans l'arrêt I. Szyrocka / SiGer Technologie GmbH [45], la Cour répond également à une question concernant la possibilité de demander dans l'injonction européenne le paiement des intérêts pour la période allant de la date de leur exigibilité à la date du paiement du principal. La Cour se livre à une interprétation téléologique en se référant au but du règlement IPE qui ressort de l'article 1, 1., a): « simplifier, accélérer et réduire les coûts de procédure dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées ».
La Cour examine les articles pertinents pour considérer qu'il n'y a pas de limitation de période prévue par le règlement, ce silence l'invitant à nouveau à se référer à l'objectif du règlement IPE pour raisonner. « Ainsi, force est de constater qu'une interprétation de l'article 7, 2., sous c), du règlement no 1896/2006 ne permettant pas de réclamer les intérêts ayant couru jusqu'à la date du paiement du principal serait susceptible d'accroître la durée et la complexité de la procédure européenne d'injonction de payer et d'en augmenter les coûts. » (pt. 46). L'interprétation téléologique permet donc de retenir l'interprétation qui donne au créancier la possibilité de demander le paiement des intérêts sur la plus longue période.
20.La Cour de justice procède en outre à une articulation singulière du droit de l'Union européenne avec les droits nationaux, en les mettant en concurrence. Le règlement IPE ne peut être interprété de telle sorte que les procédures nationales d'injonction de payer pourraient être plus avantageuses: « Au demeurant, une telle interprétation serait susceptible de dissuader le demandeur d'engager une procédure européenne d'injonction de payer et de l'inciter à recourir plutôt aux procédures nationales lui permettant d'obtenir l'intégralité des intérêts. S'il est, certes, vrai, ainsi que l'énonce le considérant 10 du règlement no 1896/2006, que la procédure instituée par ce règlement ne constitue qu'un instrument complémentaire et facultatif par rapport à ceux prévus par le droit national, il n'en demeure pas moins que, afin que cette procédure représente un véritable choix pour les créanciers, ces derniers doivent être en mesure d'y faire valoir les mêmes droits que dans les procédures nationales. » (pt. 47).
Pour reprendre les termes des principes d'équivalence et d'effectivité qui encadrent l'autonomie procédurale des Etats membres [46], la Cour semble considérer ici que l'effectivité de la procédure d'injonction européenne pour le créancier doit au moins équivaloir à celles des procédures d'injonction nationale.
On ne voit guère sur quelle règle la Cour s'appuie pour mettre ainsi en concurrence les deux procédures et obliger les juridictions nationales à interpréter le texte européen de la manière la plus favorable aux droits des créanciers. La déduction de l'objectif poursuivi par le règlement paraît lointaine: pour que les créanciers disposent d'un « vrai » choix entre la procédure d'injonction européenne et les procédures nationales, la procédure européenne devrait, autant que faire se peut, inclure les avantages des procédures nationales.
L'on aurait pu au contraire considérer que l'avantage de la procédure européenne tient à sa force exécutoire dans l'ensemble des Etats membres et que les garanties minimales d'information du débiteur devraient donc être interprétées en sa faveur dans un cadre transfrontière. Ainsi, comme le rappelle la Cour, la créance étant internationale, la question de la loi applicable à la relation entre les parties se pose afin de déterminer les intérêts dus. La Cour indique que ce n'est pas le règlement qui permet de déterminer si des intérêts sont échus pour quelle période et à quel taux. Or, l'exigibilité de la créance, comme celle des intérêts, en application de la lex causae, ne fera l'objet d'un éventuel examen qu'en cas d'opposition du défendeur. La procédure simplifiée et accélérée ne se fonde pas sur une vérification de la réalité de la créance mais sur la présomption du consentement du débiteur à la demande du créancier [47]. Toutes les règles qui concernent la vérification apparente du bien-fondé de la demande et l'information du débiteur devraient être interprétées selon nous également au regard de la nécessaire protection du débiteur et pas seulement de la facilitation de la procédure pour le créancier.
Conclusion |
21.Cette série de décisions rend compte de la complexité de la matière qui suppose de combiner parfois plusieurs règlements de l'Union ou de combiner ces instruments avec les droits nationaux. Ces combinaisons s'avèrent souvent particulièrement délicates. En effet, chaque dispositif d'inversion du contentieux repose sur un équilibre fragile tentant de concilier l'effectivité de l'accès des créanciers à un titre exécutoire (les demandeurs) et l'effectivité de l'accès des débiteurs à la contestation devant un juge (les défendeurs sur lesquels reposent la charge de l'initiative de la contestation).
L'analyse de chacune de ces décisions montre que tout détail procédural permet d'améliorer ou de fragiliser la situation de l'une des parties en présence: l'encadrement des informations demandées par les juridictions nationales dans la phase unilatérale, la possibilité de couvrir une période d'intérêts anticipant celle allant jusque l'exécution du titre, la vérification de la compétence, les recours en cas de défaut de notification, les délais pour former opposition, le régime spécifique de cette opposition et la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle pour contester une ordonnance.
Les interprétations auxquelles se livre la Cour de justice dans ces décisions privilégient tantôt l'effectivité de l'accès au titre pour le créancier ou l'effectivité de l'accès à la contestation pour le débiteur, sans qu'il soit vraiment possible d'en déduire une ligne générale. Sans doute l'arrêt le plus récent qui déduit « des droits de la défense » un contrôle de la notification ou de la signification de l'injonction de payer, nous semble-t-il faire pencher la balance du côté des droits du prétendu débiteur. Cela nous paraît une sauvegarde nécessaire du droit au procès équitable dans ces procédures d'inversion du contentieux. Dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la création de titre exécutoire ou la circulation de ces titres ne peuvent en effet se fonder que sur des procédures qui garantissent l'information des parties [48].
[1] | Professeure des Universités, CEJEC (Centre d'études juridiques européennes et comparées), EA 2320, Université Paris Ouest Nanterre La Défense. |
[2] | Voir p. ex. le communiqué de presse IP/11/923 du 25 juillet 2011, de la Commission européenne au cours d'une étape d'adoption du règlement portant création d'une procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière des créances en matière civile et commerciale du 15 mai 2014 (J.O.U.E., 27 juin 2014, L. 189/59). |
[3] | Voir p. ex., « The 2014 EU Justice Scoreboard, Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Central Bank, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions », COM(2014) 155 final. |
[4] | Voir quelques études d'ensemble par la doctrine française: E. Guinchard, « L'Europe, la procédure civile et le créancier: l'injonction de payer européenne et la procédure européenne de règlement des petits litiges », R.T.D. com., 2008. 465; E. Jeuland, « Les développements procéduraux récents de l'espace judiciaire européen: la naissance d'un ordre processuel interétatique », Trav. com. fr. DIP, 2008-2010, p. 55; M.-C. Lasserre, Le droit de la procédure civile européenne forme-t-il un ordre procédural?, Thèse, Nice, 2013; A. M. Leroyer et E. Jeuland (dirs.), Quelle cohérence pour l'espace judiciaire européen?, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2004; M.-L. Niboyet, « 2005: la coopération judiciaire européenne prend sa vitesse de croisière », Dr. et patr., février 2005, n° 145, p. 110; « 2006-2007: normalisation et nouveau souffle de la communautarisation », Dr. et patr., février 2008, n° 167, p. 100; en doctrine belge, voir not. A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2013, pp. 405 et s.; P.-E. Partsch, Le droit international privé européen, Bruxelles, Larcier, 2003; A.-L. Sibony, « Les avancées du traité de Lisbonne en matière de coopération judiciaire », Rev. Dr. ULg, 2008, pp. 249 et s. Voir égal., C. Criffò, Cross-Border Enforcement of Debts in the European Union, Kluwer Law International. |
[5] | L. d'Avout, « La refonte du Règlement Bruxelles I », D., 2013, p. 1014; F. Cadet, « Le nouveau règlement Bruxelles I ou l'itinéraire d'un enfant gâté », J.D.I., 2013, comm. 7; H. Gaudemet-Tallon et Ch. Kessedjian, « La refonte du Règlement Bruxelles I », Rev. trim. dr. eur., 2013, p. 435; Ch. Kessedjian, « Le Règlement 'Bruxelles I révisé': Much ado about... what », Europe, 2013, étude 3; A. Marmisse d'Abbadie d'Arrast, « Le règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012 », R.T.D. com., 2013 p. 37; C. Nourissat, « Refonte du Règlement 'Bruxelles I': much ado about nothing… », Procédures, 2013, alerte 26; A. Nuyts, « La refonte du Règlement Bruxelles I », R.C.D.I.P., 2013, p. 1; A. Nuyts, « Bruxelles Ibis: présentation des nouvelles règles sur la compétence et d'exécution des décisions en matière civile et commerciale », Actualités en droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 77 et s.; M. Selie, « De nieuwe Brussel Ibis-Vo op het vlak van de exequaturprocedure en de openbare orde-exceptie: meer praktische problemen dan praktische relevantie », R.D.C., 2013, pp. 334 et s. |
[6] | Voir déjà en matière familiale, le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 instaurant la force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l'enfant. Par la suite, ont été également adoptés entre autres le règlement n° 861/2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges; le règlement n° 4/2009 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires. |
[7] | Outre les articles et ouvrages cités dans la note n° 4, C. Chainais, « L'injonction de payer française, modèle d'une protection juridictionnelle monitoire », Mélanges en l'honneur de S. Guinchard, Dalloz, 2010, p. 621; J.-P. Correa Delcasso, « Le titre exécutoire européen et l'inversion du contentieux », R.I.D.C., 2001, p. 61; Fr. Ferrand, « Le nouveau titre exécutoire européen », Dr. et patr., octobre 2004, p. 70; « La future injonction de payer européenne », Dr. et proc., novembre-décembre 2004, p. 319; « Le titre exécutoire européen ou les possibles tensions entre jugement sans frontières et procès équitable », in Mélanges en l'honneur de Mariel Revillard, Defrénois, 2007, p. 107; « L'injonction de payer européenne est arrivée! », Dr. et proc., mars-avril 2007, p. 66; E. Jeuland, « Le titre exécutoire européen: un château en Espagne? », Gaz. Pal., 28 mai 2005, n° 148, p. 15; C. Legros, « Commentaires du règlement CE n° 1896/2006 instituant une procédure d'injonction de payer européenne », L.P.A., 30 juillet 2007, pp. 8 à 15; M. Lopez de Tejada et L. D'Avout, « Les non-dits de la procédure européenne d'injonction de payer », R.C.D.I.P., 2007, p. 717; C. Nourrissat, « Titre exécutoire européen », Procédures, mai 2004, p. 18; « Le règlement (CE) n° 1896-2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer », Procédures, juillet 2007, étude 10; H. Péroz, « Le règlement CE n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées », J.D.I., 2005, p. 671; M. Salord, Rép. Dalloz Proc. Civ., v° Procédure européenne d'injonction de payer; H. Storme, « Europese betalingsbevelprocedure », N.J.W., 2009, p. 98; M. Traest, « Nieuw Europees internationaalprivaatrechtelijk procesrecht van toepassing », R.W., 2008-2009, p. 858; J.-F. van Drooghenbroeck et S. Brijs, Un titre exécutoire européen, Bruxelles, Larcier, 2006. |
[8] | Cons. not. à ce propos H. Boularbah, Requête unilatérale et inversion du contentieux, Bruxelles, Larcier, 2010. |
[9] | N. Cochet, « La force exécutoire en l'absence de procédure harmonisée » et A. David, « La force exécutoire dans les procédures harmonisées (procédure européennes d'injonction de payer et de règlement des petits litiges) », in F. Jault-Seseke, J. Lelieur-Fischer et Ch. Pigache (dirs.), L'espace judiciaire européen civil et pénal, Thèmes et commentaires, Dalloz, 2009; M. Douchy-Oudot, « La force exécutoire à dimension européenne », Procédures, août 2008, doss. 4. |
[10] | Voir not. J.-P. Correa-Delcasso, o.c. |
[11] | C. Chainais, o.c. |
[12] | C. Chainais, o.c., n° 18, p. 630. |
[13] | Voir not. l'analyse de M. Lopez de Tejada et L. D'Avout, o.c. Dans le cadre du Règlement Bruxelles 1, l'amiable ne crée pas le titre mais participe à prolonger sa force exécutoire; M.-C. Lasserre, thèse précitée, nos 344 et s. |
[14] | Pour une analyse empirique, B. Thullier, Fr. Leplat et L. Sinopoli, La prise en charge de l'impayé contractuel en matière civile et commerciale. Recherche dans le cadre du GIP Mission droit et justice, 2010, www.cedcace.fr/docs/1361917412.pdf; « Un éclairage empirique. La baisse du contentieux de l'impayé en matière contractuelle devant les tribunaux français », R.D.A.I./I.B.L.J., n° 5/2012, pp. 612-618. |
[15] | Voir la timide loi française promulguée récemment en ce sens; M. Bacache, « Action de groupe et responsabilité civile. Mireille Bacache », R.T.D. civ., 2014, p. 450; D. Mainguy et M. Depincé, « L'introduction de l'action de groupe en droit français », J.C.P. Entreprise et Affaires, n° 12, 20 mars 2014, 1144; V. Rebeyrol, « La nouvelle action de groupe », D., 2014. 940. |
[16] | F. Caballero, « Plaidons par procureur! De l'archaïsme procédural à l'action de groupe », R.T.D. civ., 1985. 247; M. Cappelletti, « La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (métamorphoses de la procédure civile) », R.I.D.C., 1975, p. 571, spéc. n° 3, p. 575; M.-A. Frison-Roche, « Les résistances du système juridique français à accueillir la class action », L.P.A., 10 juin 2005, p. 22; S. Guinchard, « Une class action à la française? », D., 2005, p. 2180; I. Omarjee et L. Sinopoli, Les actions en justice au-delà de l'intérêt personnel, Thèmes et commentaires, Dalloz, 2014. |
[17] | Voir not. M. Lopez de Tejada et L. D'Avout, o.c. Plus nuancée, C. Criffò, o.c., pp. 143 et s. Pour une présentation des différents droits nationaux, voir W. H. Rechberger et G. E. Kodek, L'injonction de payer dans l'Union européenne, Kluwer Law International, 2001. |
[18] | Livre vert sur la révision du règlement (CE) n° 44/2001 du 21 avril 2009, COM (2009) 175 final; pour une critique voir not. M. Lopez de Tejada, La disparition de l'exequatur, Thèse Paris II Assas, L.G.D.J., 2013; F. Marchadier, « La suppression de l'exequatur affaiblit-elle la protection des droits fondamentaux dans l'espace judiciaire européen? », J.E.D.H., 2013/3, pp. 374 et s., spéc. p. 379; M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de La Pradelle, Droit international privé, 4e éd., L.G.D.J., n° 81, Proposition de la Commission du 14 décembre 2010 , COM(2010) 748 final. |
[19] | C.J.U.E. (6e ch.), 13 juin 2012, C-156/12, GREP GmbH / Frestaat Bayern; C.J.U.E. (3e ch.), 21 mars 2013, C-324/12, Novontech-Zala kft. / Logicdata Electronic & Software Entwicklungs GmbH; E. Guinchard, « Première jurisprudence européenne sur la première procédure civile européenne », Rev. trim. dr. eur., 2013 p. 335; L. Idot, « Erreur de l'avocat dans le calcul des délais d'opposition », Europe, n° 5, mai 2013, comm. 247; C. Nourissat, Procédures, n° 6, juin 2013, comm. 184. |
[20] | Voir ainsi: - C.J.U.E. (1e ch.), 13 décembre 2012, C-215/11, I. Szyrocka / SiGer Technologie GmbH; E. Guinchard, note précitée; C. Nourissat, « Première interprétation de la CJUE concernant l'injonction de payer européenne », Procédures, n° 3, mars 2013, comm. 73; - C.J.U.E. (3e ch.), 13 juin 2013, C-144/12, Goldbet Sportwetten GmbH / Massimo Perindeo; L. Idot, « Opposition sans contestation de la compétence », Europe, n° 8, août 2013, comm. 388; C. Nourissat, « Opposition à une 'IPE' et comparution du défendeur au sens du Règlement 'Bruxelles I' », Procédures, nos 8-9, août 2013, comm. 240, M. Lopez de Tejada, « Effets d'une opposition à l'injonction de payer européenne », R.C.D.I.P. 2014, p. 135 ; D. 2014. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke; - C.J.U.E. (9e ch.), 5 décembre 2013, C-508/12, W. Vapenik / J. Thurner; L. Idot, « Notion de consommateur et application des règles protectrices », Europe, n° 2, février 2014, comm. 111; C. Nourissat, « Délimitation du champ matériel couvert par le règlement 'TEE' », Procédures, n° 2, février 2014, comm. 46; - C.J.U.E. (5e ch.), 11 septembre 2014, C-119/13 et C-120/13, eco cosmetics GmbH & Co. KG / Virginie Laetitia Barbara Dupuy et Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH / Tetyana Bonchyk. |
[21] | C.J.U.E. (9e ch.), 5 décembre 2013, C-508/12, W. Vapenik / J. Thurner. |
[22] | C.J.U.E. (1e ch.), 13 décembre 2012, C-215/11, Iwona Szyrocka / SiGer Technologie GmbH. |
[23] | M. Roccati, Le rôle du juge national dans l'espace judiciaire européen. Du marché intérieur à la coopération civile, Thèse, Bruylant, 2013, nos 312 et s. |
[24] | Voir les délais des procédures d'injonction de payer prévues dans les systèmes nationaux recensés par J.-P. Correa Delcasso, o.c. |
[25] | C.J.U.E. (3e ch.), 21 mars 2013, C-324/12, Novontech-Zala kft. / Logicdata Electronic & Software Entwicklungs GmbH. |
[26] | C.J.U.E. (3e ch.), 13 juin 2013, C- 144/12, Goldbet Sportwetten GmbH / Massimo Perindeo. |
[27] | C.J.U.E. (6e ch.), 13 juin 2012, C-156/12, GREP GmbH / Frestaat Bayern. |
[28] | C.J.U.E. (3e ch.), 4 septembre 2014, Eco cosmetics… C. Nourrissat, Le droit d'accès au juge en matière de coopération judiciaire civile: ombre et lumière pour la Charte des droits fondamentaux, www.gdr-elsj.eu/2014/11/14/cooperation-judiciaire-civile/l e-droit-dacces-au-juge-en-matiere-de-cooperation-judiciaire-civile-ombre-et-lumiere-pour-la-charte-des-droits-fondamentaux/. |
[29] | L'article 6 du règlement n° 805/2044 prévoit notamment comme conditions de la certification en tant que titre exécutoire européen: « 1. Une décision relative à une créance incontestée rendue dans un Etat membre est, sur demande adressée à tout moment à la juridiction d'origine, certifiée en tant que titre exécutoire européen si les conditions suivantes sont remplies: a) la décision est exécutoire dans l'Etat membre d'origine; b) la décision n'est pas incompatible avec les dispositions en matière de compétence figurant dans les sections 3 et 6 du chapitre II du règlement (CE) n° 44/2001; c) la procédure judiciaire dans l'Etat membre d'origine a satisfait aux exigences énoncées au chapitre III dans le cas d'une créance incontestée au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b) ou c); et d) la décision a été rendue dans l'Etat membre où le débiteur a son domicile au sens de l'article 59 du règlement (CE) n° 44/2001, dans le cas: - où il s'agit d'une créance incontestée au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b) ou c) du présent règlement; et - où elle se rapporte à un contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle; et - où le débiteur est le consommateur. » |
[30] | Précisons que celle-ci ne sera plus nécessaire une fois applicable le règlement Bruxelles I refondu, le 10 janvier 2015. |
[31] | Voir dans le même sens l'article 6, 2., du règlement IPE. |
[32] | Un auteur a relevé que dans un arrêt du même jour la Cour de justice considérait au contraire non pertinente la référence au Règlement Bruxelles I pour interpréter le régime procédural de la lutte contre les clauses abusives, C. Nourissat, Procédures, n° 2, février 2014, comm. 46, « Délimitation du champ matériel couvert par le règlement 'TEE' », citant C.J.U.E., 5 décembre 2013, C-413/12, Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León. |
[33] | C.J.U.E. (3e ch.), 13 juin 2013, C-144/12. |
[34] | M.-C. Lasserre, n° 239, pp. 201 et s. prône une vérification de compétence obligatoire par l'autorité sollicitée d'une injonction de payer européenne. |
[35] | C.J.C.E., 24 juin 1981, n° 150/80, Elefanten Schuh. |
[36] | Sur la jurisprudence plus pertinente à cet égard, voy. C. Nourissat, Procédures, nos 8-9, août 2013, comm. 240 « Opposition à une 'IPE' et comparution du défendeur au sens du Règlement 'Bruxelles I' ». |
[37] | Ibid. |
[38] | C.J.U.E., C-324/12, Novontech-Zala kft. / Logicdata Electronic & Software Entwicklungs GmbH. |
[39] | C.J.U.E. (1e ch.), 13 décembre 2012, C-215/11. |
[40] | Sur la détermination de la période pour laquelle des intérêts peuvent être inclus dans la demande d'injonction de payer, voir infra B. |
[41] | C.J.U.E. (6e ch.), 13 juin 2012, C-156/12, GREP GmbH / Freistaat Bayern. |
[42] | C.J.U.E., 22 décembre 2010, C-279/09, DEB, Rev. trim. dr. eur., 2011, p. 173, chron. L. Coutron; D. Simon, Europe, n° 2, février 2011, comm. 38. |
[43] | C.J.U.E. (3e ch.), 4 septembre 2014, Eco cosmetics… |
[44] | Voir not. les références note 7. |
[45] | C.J.U.E. (1e ch.), 13 décembre 2012, C-215/11. |
[46] | Voir M. Roccati, thèse précitée. |
[47] | Sur l'analyse en termes de règlement amiable, voir not. M. Lopez de Tejada et L. D'Avout, o.c. |
[48] | Dans le domaine de la protection des consommateurs de l'Union, l'inversion du contentieux risque également d'être confrontée au rôle conféré au juge qui examine la requête dans la phase unilatérale. En matière de clauses abusives, la Cour a en effet considéré que le rôle du juge national devait être renforcé; ce raisonnement doit-il être étendu dans le cas où l'autorité nationale statue dans le cadre d'une procédure européenne? C.J.U.E. (1e ch.), 14 juin 2012, C-618/10, Banco Español de Crédito SA / Joaquín Calderón Camino; C. Aubert de Vincelles, « Une protection des consommateurs renforcée par la Cour de justice », Rev. trim. dr. eur., 2012, p. 66; M. Meister, Europe, n° 8, août 2012, comm. 347; G. Paisant, « L'élargissement, par la CJUE, du pouvoir d'office du juge et le refus de la révision d'une clause déclarée abusive », J.C.P., n° 37, 2012, 975; sur l'office du juge en matière de protection des consommateurs, voir not. M. Roccati, thèse précitée, nos 196 et s. |