Article

Cour d'appel Liège (3e ch.), 30/06/2015, R.D.C.-T.B.H., 2015/10, p. 1020-1023

Cour d'appel de Liège (3e ch.)30 juin 2015

ASSURANCES
Assurances terrestres - Assurance de personnes - Généralités - Assurance décès - Désignation bénéficiaire des héritiers légaux du preneur - Institution de légataires universels par disposition testamentaire - Prescription - Absence de révocation de la désignation bénéficiaire
S'agissant d'une action tendant au versement de la prestation prévue en cas de décès par un contrat d'assurance vie, le délai de prescription de 3 ans institué par l'article 34 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre - devenu l'article 88 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances - commence à courir à la date du décès de la tête assurée. L'interruption du délai de prescription consécutive à la demande de versement de la prestation d'assurance perdure aussi longtemps que l'assureur n'a pas pris position sur cette demande.
L'article 110/1 de la LCAT - devenu l'article 174 de la loi relative aux assurances -, selon lequel, en cas de désignation bénéficiaire générique des héritiers légaux, la prestation d'assurance est due, jusqu'à preuve du contraire ou sauf clause contraire, à la succession du preneur d'assurance, n'est pas applicable aux contrats dont le preneur (tête assurée) est décédé avant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 13 janvier 2012 ayant introduit cette disposition dans la LCAT, étant donné que cette loi prévoyait la possibilité de renoncer, jusqu'en mars 2014, à l'application de ladite disposition, ce qui présupposait, à tout le moins, que le preneur d'assurance fût encore en vie à cette date.
Dans les circonstances de l'espèce, un testament par lequel la défunte a institué deux personnes étrangères à sa famille comme légataires universels ne prouve pas qu'elle ait eu l'intention de révoquer, fût-ce tacitement, la désignation bénéficiaire antérieurement faite dans le contrat d'assurance vie au profit de ses héritiers légaux.
VERZEKERINGEN
Landverzekering - Persoonsverzekering - Algemeen - Overlijdensverzekering - Begunstiging van de wettelijke erfgenamen van de verzekeringnemer - Aanwijzing van algemene legatarissen door een testamentaire beschikking - Verjaring - Geen herroeping van de begunstiging
In geval van een vordering die ertoe strekt betaling te bekomen van de verzekeringsprestatie bij overlijden voorzien in een levensverzekeringsovereenkomst, begint de driejarige verjaringstermijn bepaald in artikel 34 van de wet van 25 juni 1992 op de landverzekeringsovereenkomst - nu artikel 88 van de wet van 4 april 2014 betreffende de verzekeringen - te lopen vanaf het overlijden van de verzekerde. De stuiting van de verjaringstermijn als gevolg van de vordering tot betaling van de verzekeringsprestatie duurt zolang de verzekeraar hierover geen standpunt heeft ingenomen.
Artikel 110/1 van de WLVO - nu artikel 174 van de wet betreffende de verzekeringen -, dat bepaalt dat wanneer de wettelijke erfgenamen als begunstigden worden aangewezen zonder bij name te zijn vermeld, onder voorbehoud van tegenbewijs of andersluidend beding, de verzekeringsprestatie verschuldigd is aan de nalatenschap van de verzekeringnemer, is niet van toepassing op overeenkomsten waarvan de verzekeringnemer (de verzekerde) overleden is vóór de datum van inwerkingtreding van de wet van 13 januari 2012 die deze bepaling heeft ingevoegd in de WLVO, aangezien deze wet de mogelijkheid voorzag om tot in maart 2014 af te zien van de toepassing van deze bepaling, wat minstens veronderstelt dat de verzekeringnemer op die datum nog in leven was.
In casu, toont het testament waarbij de erflater twee personen als algemene legataris heeft aangewezen die geen lid waren van haar familie niet aan dat zij de intentie zou hebben gehad om, zelfs stilzwijgend, de begunstiging te herroepen die zij daarvoor al had gedaan in de levensverzekeringsovereenkomst ten voordele van haar wettelijke erfgenamen.

G.D. et G.L. / Belfius Insurance

Siég.: M.-A. Lange (juge unique)
Aff.: 2014/RG/911

Vu la requête du 4 février 2014 par laquelle G.D. et G.L. interjettent appel du jugement prononcé le 18 février 2014 par le tribunal de première instance de Namur et intiment la SA Belfius Insurance;

1. Les faits de la cause et l'objet des demandes ont été correctement relatés par le premier juge dans un exposé tenu pour ici reproduit. Il convient seulement de rappeler que:

- madame J.L.A a souscrit un contrat d'assurance vie, lié à des fonds d'investissement, auprès de Belfius en date du 30 juin 2000;

- par testament olographe du 25 novembre 2004, les demandeurs ont été institués par madame L. comme légataires universels, testament remis en mains du notaire M. le 24 janvier 2006;

- le 29 novembre 2005, Belfius est avisée du décès de madame L.A survenu le 24 novembre 2005.

Les demandeurs manifestent leurs prétentions à toucher le produit de l'assurance, notamment par leur lettre circonstanciée du 16 janvier 2007.

L'assureur répond le 26 mars 2007:

« (...) Nous ne pouvons, dans l'état actuel du dossier, pas donner suite à vos divers courriers dans la mesure où nous sommes en attente d'une pièce, l'acte de notoriété complété, afin de pouvoir poursuivre la procédure de liquidation. Vous comprendrez aisément qu'il ne nous est pas possible de payer à vos clients respectifs sans avoir obtenu les documents probants prévus à l'article 8 des conditions générales du contrat Dexia Life Fund. Il semble donc injustifié de lancer citation à notre égard (...) ».

Le 8 novembre 2011, l'assureur écrivait à nouveau au conseil de l'appelante qui l'avait encore interpellé pour réclamer la liquidation du contrat en sa faveur:

« (...) Or, à ce jour, nous ne sommes toujours pas en mesure de déterminer l'existence ou non d'héritiers légaux.

Nous réclamons, en effet, la copie de l'acte d'hérédité depuis 2006 mais en vain (cf. courriers des 22 août 2006, 6 octobre 2006 et 10 janvier 2007).

En conséquence, dans l'état actuel du dossier, nous sommes contraints de maintenir la suspension de la procédure de liquidation du contrat litigieux.

Nous vous invitions à nous faire parvenir au plus vite soit un acte d'hérédité mentionnant l'identité des éventuels héritiers légaux soit l'accord irrévocable des héritiers légaux quant à une liquidation en faveur des légataires (...) ».

Citation sera lancée le 25 mai 2012.

2. Il convient d'abord de déterminer si l'action des demandeurs était prescrite lorsque celle-ci a été intentée, ainsi que le premier juge l'a retenu et comme le soutient l'assureur à titre principal.

La matière est régie par les articles 34 et 35 de la loi du 25 juin 1992 lesquels énoncent:

« Art. 34. Délai de prescription

§ 1er. Le délai de prescription de toute action dérivant du contrat d'assurance est de trois ans. En assurance sur la vie, le délai est de trente ans en ce qui concerne l'action relative à la réserve formée, à la date de la résiliation ou de l'arrivée du terme, par les primes payées, déduction faite des sommes consommées.

Le délai court à partir du jour de l'événement qui donne ouverture à l'action. Toutefois, lorsque celui à qui appartient l'action prouve qu'il n'a eu connaissance de cet événement qu'à une date ultérieure, le délai ne commence à courir qu'à cette date, sans pouvoir excéder cinq ans à dater de l'événement, le cas de fraude excepté (...).

Art. 35. Suspension et interruption de la prescription

§ 1er. La prescription court contre les mineurs, les interdits et autres incapables, sauf en ce qui concerne l'action visée à l'article 34, § 2.

§ 2. La prescription ne court pas contre l'assuré, le bénéficiaire ou la personne lésée qui se trouve par force majeure dans l'impossibilité d'agir dans les délais prescrits.

§ 3. Si la déclaration de sinistre a été faite en temps utile, la prescription est interrompue jusqu'au moment où l'assureur a fait connaître sa décision par écrit à l'autre partie.

§ 3bis. L'interruption ou la suspension de la prescription de l'action de la personne lésée contre un assuré entraîne l'interruption ou la suspension de la prescription de son action contre l'assureur.

L'interruption ou la suspension de la prescription de l'action de la personne lésée contre l'assureur entraîne l'interruption ou la suspension de la prescription de son action contre l'assuré.

§ 4. La prescription de l'action visée à l'article 34, § 2, est interrompue dès que l'assureur est informé de la volonté de la personne lésée d'obtenir l'indemnisation de son préjudice. Cette interruption cesse au moment où l'assureur fait connaître par écrit, à la personne lésée, sa décision d'indemnisation ou son refus. »

L'événement qui donne cours à l'action, visé à l'article 34 de la loi du 25 juin 1992 est le décès à partir duquel le délai triennal court, les parties demanderesses n'alléguant pas en avoir eu connaissance postérieurement à cette date.

Ce délai de prescription a été interrompu le 16 janvier 2007 par la réclamation du conseil des demandeurs et cette interruption n'a jamais pris fin, Belfius n'ayant jamais fait savoir qu'elle ne paierait pas les indemnités en mains des appelants dès lors qu'elle n'a cessé de réclamer l'acte de notoriété mentionnant les héritiers légaux avant de pouvoir prendre position.

Cet acte lui sera communiqué dans le décours de la procédure judiciaire et sur la base de cet acte elle considère que l'action des demandeurs n'est pas fondée.

La prescription triennale applicable en l'espèce n'était pas atteinte lors de l'intentement de l'action judiciaire, par application de l'article 35, § 4, de la loi du 25 juin 1992.

3. Quant au fond, il convient de déterminer si les appelants sont bénéficiaires du contrat souscrit par la défunte auprès de Belfius.

3.1. Le contrat souscrit par la défunte le 30 juin 2000 attribue la qualité de bénéficiaire en cas de décès aux enfants nés et/ou à naître, par parts égales; à défaut, les héritiers légaux de la personne assurée, sauf l'Etat.

Les appelants ont été institués légataires universels par testament de la défunte.

La désignation bénéficiaire est soumise à une règle de forme impérative dans la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre; l'article 106, alinéa 2 fait référence à l'article 10 de la loi et donc à l'exigence d'un écrit. Les héritiers légaux ont été expressément désignés par la défunte dans les conditions particulières de la police.

L'article 731 du Code civil définit précisément les héritiers légaux: Les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à son conjoint non divorcé ni séparé de corps, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et, dans les limites des droits qui lui sont conférés, à son cohabitant légal, dans l'ordre et suivant les règles ci-après déterminés.

La prétention des appelants ne peut se fonder sur l'article 110/1 de la loi du 25 juin 1992. La loi du 13 janvier 2012 insérant un article 110/1 dans la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, pour ce qui concerne la désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie a été publiée au Moniteur belge du 24 février 2012. La loi est entrée en vigueur le 3 mars 2012. Le contenu de cet article est repris dans l'article 174 de la nouvelle loi du 4 avril 2014.

Pour les contrats d'assurance vie conclus depuis cette date lorsque les héritiers légaux sont désignés comme bénéficiaires sans indication de leurs noms, la prestation d'assurance est due, jusqu'à preuve du contraire ou sauf clause contraire, à la succession du preneur d'assurance.

Pour les assurances vie conclues avant le 3 mars 2012 et qui contiennent la clause « héritiers légaux », le preneur d'assurance peut, à l'initiative de l'assureur, déclarer jusqu'au 3 mars 2014, au moyen d'un avenant, qu'il renonce à l'application de l'article 110/1.

Dès lors que la preneuse d'assurance est décédée le 24 novembre 2005, que les conditions générales du contrat précisent que le contrat prend fin en cas de décès de l'assuré, le nouvel article 110/1 ne peut trouver à s'appliquer au contrat litigieux car celui-ci n'est plus en cours après le décès de la tête assurée.

En outre, la lecture de la loi permet de conclure qu'elle ne peut s'appliquer aux contrats où le preneur d'assurance est décédé avant son entrée en vigueur puisqu'elle laisse à celui-ci la possibilité de renoncer à l'application de l'article 110/1, ce qui présuppose à tout le moins qu'il soit encore en vie.

Belfius cite à ce propos en note 1 page 8 de ses conclusions les documents parlementaires desquels il ressort que le législateur a envisagé l'hypothèse où lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle le preneur d'assurance était décédé et les indemnités non liquidées, hypothèse rencontrée dans le présent litige, et que cette hypothèse n'a pas été intégrée dans le champ d'application de la nouvelle loi.

3.2. Les appelants soutiennent encore que le testament rédigé à leur profit serait une révocation implicite mais certaine de la clause bénéficiaire.

Or, en l'espèce la défunte n'a pas expressément révoqué ses héritiers légaux dans le cadre de l'assurance litigieuse lorsqu'elle a rédigé son testament et rien ne démontre qu'elle aurait tacitement mais de façon certaine révoqué la clause bénéficiaire.

Il est inexact de soutenir que la défunte n'avait pratiquement que des héritiers légaux éloignés dont elle ne connaissait même pas l'existence dès lors que par exemple, la déclaration de décès a été faite auprès de Belfius le 29 novembre 2005 par monsieur B., l'un de ses héritiers légaux habitant à Namur. La liste des héritiers légaux établie par le généalogiste mentionne 26 cousins à Namur et environs et 38 cousins en Belgique.

Belfius reconnaît avec raison que le testament pourrait constituer un commencement de preuve par écrit du désir de la défunte de révoquer l'attribution bénéficiaire en faveur des héritiers légaux mais en l'espèce, il faut constater que le testament a été rédigé le 25 novembre 2004, soit plus de 4 ans après la conclusion du contrat d'assurance et qu'aucun élément complémentaire n'est avancé pour appuyer la thèse de la révocation, la phrase manuscrite le 24 juillet 2005 démontrant seulement le souhait de privilégier d'autres personnes que celles issues de la famille, ce que la rédaction du testament confirme. Dans cette optique, il était cohérent d'avantager des tiers à la famille tout en faisant bénéficier les héritiers légaux de certains avantages.

3.3. Les parties appelantes font encore état de l'absence de volonté éclairée et animée par l'animus donandi lorsque la défunte a souscrit la police litigieuse le 30 juin 2000; elles invoquent un manque d'explication par l'intermédiaire professionnel mais ne le démontrent nullement.

A suivre les appelants, il conviendrait de dire que la défunte n'a pas manifesté de consentement éclairé en 2000 lors de la souscription de la police d'assurance mais qu'il en aurait été différemment lorsqu'elle aurait rédigé postérieurement ses deux testaments; rien ne démontre cette affirmation.

La sécurité juridique impose de privilégier la volonté exprimée sans équivoque par rapport à des analyses d'intention faites par des personnes y ayant un intérêt direct.

3.4. Il en résulte que l'action des appelants n'est pas fondée dès lors que la défunte a réservé le bénéfice de la police à ses héritiers légaux dont l'existence a été prouvée en cours de procédure.

4. Les appelants succombent dans leur action et doivent être condamnés au paiement des entiers dépens correctement liquidés par Belfius à la somme de 11.357,92 EUR.

Les bénéficiaires de la police litigieuse n'étant pas à la cause, il n'appartient pas à la juridiction de céans d'autoriser Belfius à prélever le montant de la facture du généalogiste sur l'indemnité d'assurance leur revenant.

Par ces motifs,

la cour, statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Reçoit l'appel et le dit non fondé,

Condamne les appelants G.D. et G.L. aux dépens des deux instances correctement liquidés par Belfius à la somme de 11.357,92 EUR.

(…)