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Actualité : Cour constitutionnelle, 16/01/2014, R.D.C.-T.B.H., 2014/3, p. 313-314

Cour constitutionnelle 16 janvier 2014

Affaire: 3/2014
BREVET
Brevet européen - Généralités - Traduction


OCTROOI
Europees octrooi - Algemeen - Vertaling


L'article 5 de la loi belge du 8 juillet 1977, qui porte notamment approbation de la Convention de 1973 sur le brevet européen, prévoit que si le texte du brevet européen n'est pas rédigé dans une des langues nationales (le français, le néerlandais ou l'allemand), le breveté doit déposer une traduction dans une de ces langues dans les 3 mois de la délivrance du brevet. A défaut, le brevet européen est, dès l'origine, réputé sans effet en Belgique. Aucune procédure de restauration n'est possible sous la législation actuelle.

L'absence d'une possibilité de restauration avait déjà fait l'objet d'une question préjudicielle posée à la Cour constitutionnelle (à l'époque « Cour d'arbitrage »). Celle-ci n'y avait pas vu une violation de l'interdiction constitutionnelle de discrimination (arrêt 69/2000 du 14 juin 2000). Depuis lors, les compétences de la Cour constitutionnelle ont été étendues au contrôle du respect d'autres dispositions, parmi lesquelles les articles de la Constitution relatifs aux droits et libertés, et notamment l'article 16 qui garantit le droit de propriété. C'est sur cette base nouvelle que, par un arrêt du 16 janvier 2014, la Cour constitutionnelle censure la disposition légale précitée.

La Cour constitutionnelle a considéré que l'article 16 de la Constitution, qui protège le droit de propriété, doit être lu conjointement avec l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. De la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, elle retient que ces dispositions protègent donc aussi la propriété intellectuelle, qu'une ingérence dans le droit au respect des biens doit toujours ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, et que les moyens employés doivent être proportionnés au but poursuivi par la mesure privative de propriété.

La Cour constitutionnelle reconnaît que l'exigence d'une traduction est justifiée compte tenu des droits attachés à un brevet européen et dès lors de l'importance de l'information des tiers même s'il est rédigé en anglais.

Elle relève que depuis le 13 décembre 2007, date de l'entrée en vigueur de la Convention modifiée sur le brevet européen (« CBE 2000 »), le maintien du brevet sous une forme modifiée après opposition (tel était le cas concret en litige) suppose que le titulaire ait produit à l'Office des traductions en allemand et en français des revendications modifiées, qui sont ensuite publiées par l'Office « dès que possible ».

Certes l'article 65 de la CBE 2000 permet-il à tout Etat contractant de prévoir que si la traduction imposée n'est pas déposée conformément à la réglementation nationale, le brevet européen est, dès l'origine, réputé sans effet dans cet Etat.

Toutefois, la manière dont le législateur fait usage de cette possibilité doit être justifiée au regard des dispositions constitutionnelle et européenne protégeant le droit de propriété, et la CBE 2000 n'impose pas la sanction extrême du défaut d'effet du brevet européen, tandis que « l'absence d'une partie de la traduction n'influence presque pas la connaissance que des tiers peuvent acquérir de l'existence et de la portée du brevet européen ». Selon la Cour, une sanction moins extrême aurait ainsi pu être choisie par le législateur.

La Cour constitutionnelle en conclut que la privation de propriété que constitue la sanction du défaut d'effet du brevet européen, n'est pas proportionnée au but poursuivi et porte une atteinte non justifiée au droit de propriété du titulaire du brevet européen.