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Aspects procéduraux des recours contre les décisions de l'autorité belge de la concurrence en matière de pratiques restrictives de concurrence, R.D.C.-T.B.H., 2014/3, p. 236-243

Aspects procéduraux des recours contre les décisions de l'autorité belge de la concurrence en matière de pratiques restrictives de concurrence

Evrard de Lophem [1]
RESUME
Le droit de la concurrence belge a connu une modification législative importante à la fin de l'été. Cette contribution propose d'examiner la question particulière des recours contre les décisions de l'autorité de la concurrence à la lumière de cette modification législative, mais aussi de la jurisprudence récente. Cet examen révèle que les dispositions légales, qui se rapprochent de celles qui gouvernent des contentieux voisins, ne suffisent pas à appréhender entièrement les questions procédurales posées à l'occasion de ces recours. Il est dès lors fait référence à des régimes différents, en fonction des particularités propres de ces recours: le droit judiciaire privé, le contentieux administratif, le droit processuel de l'Union européenne. Cette contribution propose, en relevant ces particularités et ces références, de faire le point sur différents aspects procéduraux de ces recours pour dégager les solutions pratiques appliquées.
SAMENVATTING
Het Belgisch mededingingsrecht heeft aan het einde van de zomer een belangrijke wetswijziging ondergaan. Deze bijdrage wil ingaan op de bijzondere kwestie van de beroepen tegen de beslissingen van de mededingingsautoriteit in het licht van deze wetswijziging, maar ook in het licht van de recente rechtspraak. Uit het in deze bijdrage gevoerd onderzoek blijkt dat de wettelijke bepalingen, die aansluiten bij deze die betrekking hebben op naburige geschillen, niet volstaan om ten volle de procedurele vragen te vatten die zich stellen naar aanleiding van deze beroepen. Er wordt dan ook verwezen naar verschillende regimes, in functie van de bijzondere kenmerken die eigen zijn aan deze beroepen: het gerechtelijk privaatrecht, de bestuursrechtspraak, het procesrecht van de Europese Unie. Deze bijdrage wil, door een overzicht te verstrekken van deze bijzondere kenmerken en verwijzingen, een stand van zaken geven over verschillende procedurele aspecten van deze beroepen om aldus te komen tot praktische en toepasbare oplossingen.

1.Le droit belge des pratiques restrictives de concurrence présente des singularités procédurales. La détermination des règles de procédure applicables n'est pas toujours aisée en cette matière. qui présente des traits administratifs, s'invite devant les cours et tribunaux, et où la comparaison avec le droit européen est tentante, et souvent tentée [2].

Nous proposons d'examiner de manière synthétique dans cette contribution certaines particularités de la procédure de recours contre les décisions de l'autorité de la concurrence.

Les recours contre les décisions de « feu » le Conseil de la concurrence ont fait l'objet de commentaires éclairés [3]. Nous tenterons de les résumer en les actualisant à la lumière de la réforme législative, ayant remplacé la loi sur la protection de la concurrence économique (LPCE) par les Livres IV et V du Code de droit économique (CDE) [4].

2.Pour comprendre les particularités procédurales de ces recours, il convient de dire un mot, d'abord, de la procédure devant l'autorité de la concurrence.

La procédure devant l'autorité de la concurrence présente deux particularités principales qui la distinguent du procès civil.

La première particularité, c'est la nature de l'autorité. Le droit de la concurrence est appliqué, en Belgique, par une autorité administrative, l'autorité belge de la concurrence (ABC), dont les contours, les organes et même la nature ont été profondément modifiés en septembre 2013 [5]. Les décisions du Collège de la concurrence sont des décisions administratives [6]. La procédure qui donne lieu à celle-ci n'est pas un procès.

La deuxième particularité, c'est la manière dont un dossier est ouvert, et dont son instruction est menée. Une entreprise qui souhaite remettre en cause le comportement d'une autre entreprise sur le plan du droit de la concurrence adresse une plainte. Cette plainte n'est pas une demande [7]: elle ne crée pas de lien d'instance; elle ne contraint pas l'ABC à statuer sous peine de déni de justice, pas plus que celle-ci n'est tenue par le principe dispositif [8]. La plainte n'est d'ailleurs pas la seule manière de saisir l'ABC: l'instruction peut avoir lieu d'office [9]. Par ailleurs, en introduisant une plainte, une entreprise ne demande rien pour elle: l'ABC ne pourrait lui accorder, par exemple, de dommages et intérêts [10]. Elle n'examine pas les droits subjectifs des plaignants.

Ces différences se traduisent par une distribution inégale des rôles entre le plaignant et l'entreprise incriminée. Il n'est pas question entre elles de procès. Il n'est donc pas question non plus d'égalité des armes, de contradictoire ou, plus généralement, de droits procéduraux équivalents [11].

3.Recours ou appel. Les décisions du Collège de la concurrence et certaines décisions de l'auditeur sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation devant la cour d'appel de Bruxelles [12].

Il ne s'agit pas d'un appel [13], pour deux raisons principales: la décision dont recours, on vient de l'écrire, n'est pas un jugement, et l'office du juge saisi du recours n'est pas exactement celui d'un juge d'appel.

4.Compétence et spécialisation. La loi précise: les recours sont introduits devant la cour d'appel de Bruxelles « exclusivement ». L'adjonction de cet adverbe est probablement superflue [14]. Mais elle souligne que la matière échappe aux règles de droit commun de la compétence territoriale [15]. La cour d'appel de Bruxelles est désignée par la loi parce qu'elle offre les compétences nécessaires - au sens scientifique [16].

En pratique, les recours contre les décisions de l'ABC sont introduits devant les 9e et 18e chambres de cette cour, selon la langue de la procédure [17]. Les recours contre les décisions de l'ABC sont traités comme en référé [18]. Ainsi, elles bénéficient d'une priorité qui leur permet de ne pas subir de retard de traitement en raison de l'arriéré important de la juridiction, et plus particulièrement encore des chambres auxquelles ce contentieux est dévolu [19]. Si elles ne subissent pas cet arriéré, il faut cependant ajouter qu'elles risquent, à l'inverse, d'y contribuer fortement, au vu du temps que leur traitement nécessite [20].

A l'occasion de la réforme du droit belge de la concurrence, un projet initial envisageait de confier le traitement des recours contre les décisions de l'autorité de la concurrence à une « Cour des marchés » spécialisée [21]. Le projet a été abandonné, en raison de critiques importantes sur l'absence d'un certain nombre de garanties procédurales [22]. De plus, les avancées qu'était censée apporter cette Cour des marchés - rapidité, spécialisation des magistrats - pouvaient probablement être atteintes par une augmentation des moyens dont dispose la cour d'appel de Bruxelles. Mais cette augmentation n'a pas eu lieu.

5.Procédure. La question se pose de savoir si, dès lors que la cour d'appel de Bruxelles est le juge compétent, il convient d'appliquer à la procédure les règles du Code judiciaire.

La LPCE ne le précisait pas. Le CDE ne le précise pas non plus [23]. Ce mutisme n'est pas étonnant: le Code judiciaire dit lui-même qu'il s'applique de manière complémentaire [24]. Il n'est pas nécessaire qu'un autre texte le répète [25].

En revanche, la question de savoir si ce sont les règles relatives à l'appel qui s'appliquent ne nous semble pas tranchée [26]. Dans un contentieux voisin, également dévolu à la cour d'appel de Bruxelles [27], le législateur l'a expressément prévu [28].

6.Mode introductif. Les recours sont introduits par requête [29]. Cette requête ne correspond pas à la requête contradictoire visée à l'article 1056, 2°, du Code judiciaire.

C'est en effet au requérant qu'il appartient de notifier cette requête, à peine de nullité, dans les 5 jours du dépôt de cette requête au greffe [30]. C'est donc sur le requérant que pèse le risque d'une irrégularité de la notification [31].

La question du délai de comparution applicable reste à ce jour ouverte. S'agit-il d'un délai de 15 jours, comme le délai de comparution ordinaire en appel, de 8 jours voire de deux jours, puisque le contentieux emprunte les formes du référé [32]? La question est actuellement pendante devant la 18ème chambre de la cour d'appel, et l'arrêt est attendu sous peu [33].

7.Parties. La requête est notifiée par le requérant aux personnes à qui la décision attaquée a été notifiée. La liste de ces personnes est d'ailleurs reprise, à peine de nullité, dans la requête. Il s'agira, selon la qualité du requérant [34], des entreprises incriminées lors de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, du plaignant ou d'autres tiers intéressés.

Cela ne suffit cependant pas à mettre ces personnes à la cause [35]. Le CDE prévoit en effet que la cour peut mettre d'office à la cause « les personnes qui étaient parties dans la procédure qui a conduit à la décision attaquée » [36]: cela signifie que, bien que la requête leur ait été notifiée, une démarche est nécessaire pour qu'elles soient à la cause. Si elles ne sont pas mises d'office à la cause par la cour, elles peuvent intervenir volontairement [37].

Certaines personnes ne doivent cependant pas effectuer une telle démarche. Ainsi, le CDE prévoit expressément que le recours est introduit contre l'ABC [38], ce qui fait de celle-ci la partie défenderesse [39]. Cette précision est nouvelle. Elle fait suite à l'arrêt VEBIC de la Cour de justice [40]. Il nous eût semblé plus indiqué de parler, comme en contentieux administratif général, de partie adverse, s'agissant du procès fait à un acte plutôt qu'à son auteur [41]. Pour la même raison, il nous paraît exclu, dans un tel contentieux, que la non-comparution de l'ABC puisse entraîner un arrêt par défaut ouvrant le droit à une opposition [42].

L'intervention du ministre concerné [43] dans un recours n'est pas non plus soumise à un acte préalable de sa part [44]. Le CDE prévoit en effet que la cour fixe d'office le délai dans lequel le ministre peut déposer ses observations [45]: il n'est pas requis qu'il ait formé une requête en ce sens, ni qu'il ait comparu à l'audience d'introduction.

8.Effets du recours et office du juge. Le recours devant la cour d'appel de Bruxelles, certainement depuis l'entrée en vigueur des lois d'avril 2013, n'a pas la nature d'un appel. En a-t-il les effets?

Tout d'abord, au contraire de l'appel, le recours prévu à l'article IV.79 du CDE n'a pas d'effet suspensif [46]. C'est la règle en matière de contentieux administratif [47].

La question se pose de savoir si ce recours a un effet relatif et un effet dévolutif. Cette question se mêle, en réalité, à celle de l'office du juge: quels sont les éléments auxquels la cour peut avoir égard à l'occasion de son contrôle? La réponse à cette question s'articule autour de la notion de « pleine juridiction » [48] qui caractérise la compétence de la cour d'appel [49]. La cour d'appel a récemment décidé d'interroger la Cour de cassation à ce sujet [50]. La Cour de cassation vient de rendre son arrêt [51]. Celui-ci fera l'objet de commentaires plus approfondis, mais il nous semble que l'on peut en déduire les éléments suivants. Ces conclusions sont cependant soumises à une réserve importante: la Cour de cassation était interrogée sur l'interprétation de la LPCE, et non du CDE.

En ce qui concerne l'effet relatif du recours, tout d'abord. L'effet relatif consiste en ce que « sur le seul appel d'une partie, le juge d'appel ne peut aggraver la situation de celle-ci, même pour appliquer des normes d'ordre public » [52]. Le recours contre les décisions de l'ABC ne nous semble pas revêtir entièrement cet effet relatif.

Il nous semble en effet que la cour pourrait - à l'instar du Tribunal de l'Union européenne [53] - alourdir le montant de l'amende infligée par l'ABC [54]. De cette manière, elle pourrait « aggraver » la situation de la partie incriminée qui aurait introduit le recours [55].

Par ailleurs, un recours incident peut, par ailleurs, faire échec à cet effet relatif - comme c'est le cas d'un appel incident en droit commun de la procédure.

En ce qui concerne l'effet dévolutif [56], ensuite. Cet effet permet au juge d'appel d'examiner des points litigieux même non abordés par le premier juge [57]. Ainsi, la cour pourrait-elle repartir du projet de décision soumis au Collège de la concurrence par l'auditorat [58], voire du dossier de l'instruction, et décider à nouveau? La cour d'appel a semblé - sous l'empire de la LPCE - donner à cette question une réponse affirmative [59]. Le récent arrêt de la Cour de cassation nuance cette réponse.

La Cour de cassation, utilisant le vocabulaire du droit commun de la procédure, considère que le recours devant la cour d'appel, sur base de la LPCE, présente « l'effet dévolutif de l'appel » et que la cour d'appel statue « sur toutes les questions de droit ou de fait de la cause telle qu'elle a été examinée par le Conseil de la concurrence » [60].

En revanche, la Cour de cassation indique que la Cour voit sa saisine limitée « aux griefs ou éléments pris en considération dans le rapport motivé de l'auditeur et examinés par le Conseil » [61]. La limite est, en réalité, triple. Premièrement, il n'est question que des éléments que l'auditeur aura considérés. Deuxièmement, encore faut-il parmi ceux-ci faire le tri: ce sont les éléments pris en considération dans le rapport motivé qui sont pertinents [62]. Troisièmement, enfin, encore faut-il que ces éléments ou griefs aient été examinés par le Conseil [63].

Notons enfin qu'en réponse à la troisième question préjudicielle qui lui était posée, la Cour de cassation indique ce que la cour d'appel peut faire si elle estime que le Conseil a injustement rejeté un grief retenu par l'auditeur dans son rapport motivé. Pour la Cour de cassation, la cour d'appel peut statuer à nouveau, sans devoir passer par l'annulation, sur ce point, de la décision lui soumise. Mais, précise aussitôt la Cour de cassation, cette conclusion ne vaut qu'en ce qui concerne les pratiques restrictives « de droit belge ». La cour d'appel ne dispose en revanche, s'agissant des pratiques restrictives visées aux articles 101 et 102 du TFUE, que d'une compétence d'annulation. La Cour de cassation rappelle à cet égard que la cour d'appel n'est pas une autorité de la concurrence au sens du règlement 1/2003 [64].

On l'a dit, la Cour de cassation était interrogée sur l'interprétation de la LPCE, et non du CDE. De plus, dans son arrêt, la Cour insiste très nettement sur la nature juridictionnelle du Conseil de la concurrence [65]. L'ABC quant à elle n'est pas de nature juridictionnelle. Il nous semble dès lors qu'il serait hasardeux de transposer mutatis mutandis les réponses de la Cour de cassation aux procédures contre les décisions de l'ABC, autorité administrative.

9.Recours incident. La loi prévoit la possibilité d'introduire un recours incident. Elle utilise également, de manière inopportune, l'expression d'« appel incident ». Procéduralement en effet, le recours incident diffère nettement de l'appel incident. Tout d'abord parce que le recours incident n'est, pas davantage que le recours principal, un appel. Ensuite parce que les conditions de l'appel incident trouvent malaisément à s'appliquer [66]. Ainsi, en particulier, seule une partie valablement intimée peut être le sujet actif d'un appel incident. Or, aucune partie n'est intimée par le recours contre les décisions de l'ABC. Mais le recours incident diffère également de l'appel incident de droit commun en ce qu'une limite temporelle pour l'introduire est fixée par la loi: ce recours incident ne peut être introduit que dans le mois de la notification de la requête [67].

10.Mise en état. La cour d'appel connaissant des recours contre les décisions de l'ABC statue « selon la procédure comme en référé », c'est-à-dire, pratiquement, au bénéfice de l'article 1066 du Code judiciaire. Le législateur a ainsi voulu que la cour d'appel de Bruxelles réserve au traitement de ces affaires, comme des affaires en matière de régulation [68], un traitement prioritaire [69]. Cette priorité n'est évidemment pas négligeable, devant des chambres dont le rôle est particulièrement encombré [70].

La mise en état s'effectue selon les règles du Code judiciaire [71]. Ainsi, les parties échangent leurs conclusions [72] et les déposent au greffe [73].

En revanche, le CDE prévoit que les observations du ministre sont notifiées aux parties par le greffe. Cette solution peut être problématique dans le cas d'une mise en état rapide. Toutefois, rien n'interdit naturellement que le ministre prenne l'initiative de communiquer ses observations aux autres parties.

11.La question particulière des pièces. Le CDE organise la communication du dossier à la partie incriminée ainsi que, le cas échéant, aux tiers, dont le plaignant, durant la procédure devant l'ABC [74].

Il ne l'organise pas, en revanche, devant la cour d'appel. La question se pose, dès lors, de savoir si les parties peuvent recevoir un accès différent - plus large [75] - au dossier devant la cour que celui qu'elles avaient obtenu devant l'ABC.

La cour d'appel s'est exprimée à cette occasion dans deux arrêts, l'un de la 18e chambre [76], et le second de la 9e chambre [77]. La lecture conjointe de ces deux arrêts livre aux plaideurs un précieux mode d'emploi en la matière.

Sans s'étendre en détails sur ces arrêts - cela a déjà été fait [78] - il nous semble que l'on peut en retenir, globalement, quatre enseignements.

Premièrement, le recours devant la cour d'appel ne modifie pas par principe les droits des parties. Les tiers demeurent des tiers, quand bien même ils seraient à l'origine du recours devant la cour [79]. Leurs droits seront limités. La partie incriminée demeure incriminée. Ses droits seront inchangés.

Deuxièmement, c'est la cour qui est maître des questions d'accès au dossier [80]. Elle peut revenir sur ce qu'avait décidé l'ABC et donner aux tiers un accès plus large. Elle précise à cet égard être guidée par le critère de l'efficacité de la procédure, et non de l'intérêt subjectif des tiers [81]. A cet égard, la cour pourrait prendre en considération la présence ou non de l'ABC, voire celle du ministre. Les arrêts du 6 mai 2010 et du 28 juin 2013 ont été prononcés dans un cas où ceux-ci n'étaient pas présents, en sorte que le seul contre-argumentaire opposé à la partie incriminée était celui des tiers, et notamment du plaignant. La présence accrue de l'ABC et du ministre dans les procédures de recours devant la cour d'appel pourrait changer la donne. En ce cas en effet, un contre-argumentaire est présenté à la cour, et l'efficacité de la procédure semble assurée sans qu'il faille forcément donner un accès au dossier plus étendu aux tiers. Ce critère de l'efficacité, envisagé du point de vue de la cour, doit être examiné au regard du pouvoir de la cour. L'arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2013 indique que les éléments que la cour d'appel prendra en compte sont limités à ceux pris en considération par l'auditeur et examinés par le Conseil. Par conséquent, il ne serait pas efficace - ni même utile - de donner aux tiers un accès à d'autres éléments que ceux auxquels la cour peut avoir égard [82].

Troisièmement, la cour veille au maintien de la confidentialité des pièces du dossier, en exigeant la production de versions non confidentielles [83]. La question de la confidentialité et de la protection du secret des affaires a, elle aussi, été abondamment commentée [84]. Il nous semble logique que les pièces du dossier [85], qui n'ont pas été soumises spontanément à la cour par les entreprises concernées, mais sollicitées, le cas échéant, à l'occasion de demandes de renseignements [86], voire saisies à l'occasion d'une perquisition [87], puissent échapper au strict respect du principe du contradictoire [88]. La question se pose, en revanche, pour les pièces que les parties soumettraient spontanément, pour la première fois, à la cour. La Cour de cassation semble admettre que le strict respect du contradictoire puisse être aménagé si ces pièces contiennent des éléments confidentiels [89]. La solution nous paraît convaincante si l'on vise les pièces soumises par la partie incriminée pour se défendre. Elle l'est moins si on vise les pièces soumises par les tiers, dans le but d'obtenir une condamnation de la partie incriminée [90].

Quatrièmement, enfin, la cour d'appel indique clairement que la prise de connaissance de pièces du dossier ne peut servir « qu'à l'étaiement d'une thèse par rapport à la décision litigieuse » [91]. On le conçoit sans peine: si la cour soumet, au nom de l'efficacité de la procédure, des pièces du dossier à une partie qui est, par rapport à la partie incriminée, un tiers, ce n'est pas pour qu'elle s'en serve à d'autres fins. L'hypothèse visée est clairement celle du recours en dommages et intérêts. Cette solution a été critiquée, mais la cour n'est pas revenue sur ce point [92]. Cette solution s'explique par le fait que les pièces en question ont en général été transmises par la partie incriminée sous la contrainte - soit qu'elles ont été saisies, soit qu'elles ont été soumises à l'occasion d'une demande de renseignements.

Ces arrêts ont été rendus dans le cadre de recours contre des décisions du Conseil de la concurrence, sous l'empire de la LPCE. Il nous semble néanmoins que les orientations que cette jurisprudence a données restent pertinentes, tout comme les principes qui la sous-tendent (compétence de la cour, asymétrie entre les « parties », protection de la confidentialité). En revanche, l'application de ces orientations pourrait donner lieu à des résultats différents - en particulier pour ce qui concerne le critère de l'efficacité de la procédure - si l'ABC devait systématiquement comparaître, et ainsi ne pas laisser à des tiers l'exclusivité du « contre-argumentaire » opposé à la partie incriminée.

La jurisprudence de la cour sur cette question de l'accès au dossier est propre à la procédure en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ainsi, en matière de recours contre des décisions d'autorités de régulation, la règle est celle de l'accès au dossier pour toutes les parties [93] - c'est là une application du principe de la transparence administrative [94] -, tempérée notamment par la protection de la confidentialité [95].

12.Indemnité de procédure. Outre la question particulière des pièces, évoquée ci-avant, un autre « débat dans le débat » est susceptible de naître, celui de l'indemnité de procédure. Il faut admettre qu'au vu des enjeux financiers considérables des affaires faisant l'objet des recours devant la cour d'appel de Bruxelles, cette question est parfois laissée au second plan. Cela n'empêche pas qu'à ce sujet, certaines approximations soient rencontrées. Il nous semble dès lors utile de rappeler deux éléments.

Premièrement, le « litige » porté par le recours n'est pas évaluable en argent. Il s'agit d'un recours en annulation d'une décision de l'ABC: l'objet de la « demande » est l'annulation. Il ne s'agit donc pas de calculer le montant de l'indemnité de procédure sur base du montant de l'amende [96]. La jurisprudence le confirme [97].

Deuxièmement, aucune indemnité de procédure n'est due aux parties intervenantes, pas plus qu'elle ne peut être mise à leur charge, dès lors que cette partie ne triomphe ni ne succombe [98].

13.Conclusion. Un contentieux administratif, en matière d'infractions, est confié à un juge judiciaire, à des chambres civiles: les recours contre les décisions de l'autorité de la concurrence devant la cour d'appel de Bruxelles présentent des caractéristiques très diverses. La détermination des règles de procédure applicables reflète cette diversité. Cette question reçoit des réponses ponctuelles, partielles, au gré de la jurisprudence, desquelles il serait malaisé de tirer un principe général.

A notre sens, la plupart des enseignements en la matière conservent leur pertinence malgré la réforme institutionnelle fondamentale qui a donné naissance à la nouvelle ABC. A ce jour toutefois, le ciment de la réforme est encore frais, et aucune décision de l'ABC n'a encore fait l'objet d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles.

[1] Avocat au barreau de Bruxelles, assistant à l'ULB.
[2] Nonobstant le principe de l'autonomie procédurale; voy. X. Taton, Les recours juridictionnels en matière de régulation. Energie, communications électroniques, audiovisuel, transports, finance et concurrence, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 180-181 et la référence à l'arrêt Arcor de la Cour de justice.
[3] Voy. principalement X. Taton, Les recours juridictionnels en matière de régulation, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 246.
[4] Loi du 3 avril 2013 portant insertion du Livre IV « Protection de la concurrence » et du Livre V « La concurrence et les évolutions de prix » dans le Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au Livre IV et au Livre V et des dispositions d'application de la loi propres au Livre IV et au Livre V, dans le Livre Ier du Code de droit économique (M.B., 26 avril 2013) et loi du 3 avril 2013 portant insertion des dispositions réglant des matières visées à l'art. 77 de la Constitution, dans le Livre IV « Protection de la concurrence » et le Livre V « La concurrence et les évolutions de prix » du Code de droit économique (M.B., 26 avril 2013). Voy. not. les différentes contributions à la T.B.M./R.C.B., 2013/2.
[5] Le Conseil de la concurrence, qui faisait partie de l'autorité belge de concurrence (art. 1er, 4°, LPCE) était une juridiction administrative (art. 11 LPCE). L'ABC est au contraire une autorité administrative: elle n'a plus le caractère d'une juridiction. La qualité d'autorité administrative, plutôt que de juridiction administrative, de l'ABC était appelée des voeux de certains auteurs (X. Taton et J. Marchandise, « Le droit processuel belge des pratiques de concurrence », Le nouveau droit belge de la concurrence, Liège, Anthémis, CUP, vol. 124, p. 168). Sur la réforme de 2013, voy. not. H. Gilliams, « Het nieuwe Belgisch mededingingsrecht », R.D.C., 2013, p. 479.
[6] L'ABC est un « service autonome doté de la personnalité juridique » (art. IV.16 CDE).
[7] Voy. C. Schurmans et X. Taton, « Questions actuelles de procédure en droit de la concurrence. A la recherche d'un système cohérent entre l'autorité de concurrence et l'ordre judiciaire », Actualité du droit de la concurrence, Formation UB3, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 103: « Il a été souligné, à juste titre, que le plaignant n'a pas la qualité de 'demandeur' et qu'il n'assume pas la charge de la preuve des infractions alléguées. »
[8] Sur les effets de la demande en droit judiciaire privé, voy. not. D. Mougenot, Principes de droit judiciaire privé, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 122-123.
[9] Art. IV.41 CDE. Il est également prévu que l'instruction peut être ouverte sur demande du ministre ou de certains organismes publics.
[10] Ni d'ailleurs, le cas échéant, d'indemnité de procédure.
[11] Bruxelles, 6 mai 2010, 2009/MR/3 à 8, T.B.M./R.C.B., 2010, p. 32, point 27 et note D. Vandermeersch et A.-S. Cloots, « De toegang tot het dossier in zaken van restrictieve mededingingspraktijken voor de Raad voor de Mededinging en het hof van beroep ».
[12] Art. IV.79 CDE.
[13] « L'appel est traditionnellement défini comme la voie de recours ordinaire par laquelle la partie qui s'estime lésée par un jugement, en sollicite la réformation par la juridiction supérieure. » (G. Closset-Marchal et J.-F. van Drooghenbroeck, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 51 et les références).
[14] Comp. art. 75 LPCE.
[15] Art. 622 et s. C. jud.
[16] D'autres contentieux sont également concentrés entre les mains de certaines juridictions, par exception aux règles de droit commun de la compétence territoriale. Citons par exemple, en matière de propriété intellectuelle les demandes visées à l'art. 574, 11°, 14° et 19°, du Code judiciaire (voy. art. 633quinquies, § 1er, C. jud.; G. de Leval et F. Georges, Précis de droit judiciaire, t. 1: « Les institutions judiciaires: organisation et éléments de compétence », Bruxelles, Larcier, 2010, p. 373). On retrouve cet esprit de spécialisation dans la réforme du paysage judiciaire, par la création de divisions au sein des tribunaux d'instance (à ce sujet, voy. F. Georges, « L'organisation judiciaire », Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, CUP, vol. 145, 2013, pp. 32 et s.).
[17] La 9e chambre traite les affaires en français, et la 18e chambre en néerlandais. Cette situation a changé à plusieurs reprises - jusqu'il y a peu, la 18e chambre était une chambre bilingue, traitant les recours dans les deux langues -, et il n'est pas exclu qu'elle évolue à nouveau.
[18] Art. IV.79, § 2, CDE; art. 1066 C. jud.
[19] A ce sujet, voy. H. Mackelbert, « La modélisation des conclusions: une éclaircie après trente ans », J.T., 2013, p. 509. Il convient d'observer toutefois que les chambres francophone (9e) et néerlandophone (18e) ne sont pas logées à même enseigne, la chambre francophone cumulant ces compétences exclusives avec le traitement de toute une série d'autres matières en appel.
[20] Les écrits dépassant habituellement largement la centaine, voire plusieurs centaines de pages pour chaque partie.
[21] Voy. p. ex. FEB, Reflect, _1/2013 (http://issuu.com/vbofeb/docs/reflect_fr_complet_graphius/18) et « Un tribunal de la régulation », Le Soir, 12 mai 2012.
[22] Voy. p. ex. « Beleidsnota betreffende het voorontwerp van wet tot bescherming van de mededinging 2012 », T.B.M./R.C.B., 2012/1.
[23] Bruxelles (18e ch.), 25 septembre 2013, 2013/MR/9, inédit, point 6.
[24] « Les règles énoncées dans le présent code s'appliquent à toutes les procédures, sauf lorsque celles-ci sont régies par des dispositions légales non expressément abrogées ou par des principes de droit dont l'application n'est pas compatible avec celle des dispositions dudit code. » (art. 2 C. jud.). A ce sujet, voir, en général, G. Closset-Marchal, Code judiciaire: droit commun de la procédure et droit transitoire, Bruxelles, Larcier, 2010.
[25] Dans le cadre d'un recours contre une décision (de sanction) de la FSMA, la cour, après avoir observé les particularités de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, a néanmoins écarté la suggestion consistant à se référer à la procédure pénale plutôt que civile (Bruxelles, 19 juin 2013, 2013/SF/1).
[26] Rappelons toutefois qu'en vertu de l'art. 1042 du Code judiciaire, les règles relatives à l'instance sont en principe applicables aux voies de recours.
[27] Et confié aux mêmes chambres.
[28] « Pour l'ensemble des aspects ayant trait à la procédure devant la cour d'appel de Bruxelles qui ne sont pas traités par ce chapitre, les dispositions du Code judiciaire relatives à l'appel sont d'application. » (loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges, dite loi « IBPT-recours », telle que modifiée par la loi du 31 mai 2009 (M.B., 10 juillet 2009)).
[29] Art. IV.79, § 4, CDE.
[30] On notera, sur un plan plus anecdotique, que les frais de requête (mise au rôle) ne diffèrent pas par rapport à une requête d'appel de droit commun.
[31] A l'inverse, une irrégularité de notification d'une requête d'appel de droit commun est sans conséquence sur la validité et sur la recevabilité de l'appel (voy. Cass., 27 novembre 1997, C.970213, www.juridat.be).
[32] On observera que dans une affaire, la requête avait même été déposée la veille de l'audience d'introduction (Bruxelles, 6 avril 2011, 2011/MR/3).
[33] Affaire 2013/MR/30.
[34] Le recours n'est pas ouvert qu'aux parties incriminées. S'agissant d'un contentieux objectif, il est intéressant de noter que le requérant devra présenter un intérêt, plutôt que revendiquer la lésion d'un droit pour fonder son recours (voy. à ce sujet M. Leroy, Contentieux administratif, 5e éd., Limal, Anthémis, 2011, p. 78).
[35] Xavier Taton indique - à propos du régime sous l'empire de la LPCE - que l'exigence de notification de la requête unilatérale n'a pas pour effet de mettre à la cause les personnes à qui cette notification est adressée (Les recours juridictionnels en matière de régulation, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 246). C'est également notre avis, sauf pour ce qui concerne le ministre et, sous l'empire du CDE, l'autorité.
[36] Art. IV.79, § 5, al. 3, CDE. L'expression « parties » nous semble mal choisie.
[37] Art. 813 C. jud. Il convient pour ce faire que ces parties fassent preuve d'un intérêt. Il faut en outre que cette intervention soit conservatoire (ce qui rejoint la prohibition, prévue à l'art. 812, al. 2, C. jud., de l'intervention agressive en degré d'appel; voy. Cass., 13 septembre 2012, J.L.M.B., 2013, p. 344 et B. Biémar, H. Boularbah, F. Laune et Ch. Marquet, « L'instruction de la cause et les incidents », Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, CUP, vol. 145, 2013, p. 270). Ainsi, l'intervention volontaire ne sera en principe recevable que pour autant que la partie intervenante n'introduit pas d'actions distinctes et qu'il n'invoque pas d'autres moyens en annulation que ceux-ci invoqués par la partie requérante initialement (voy., en matière de régulation économique, Bruxelles, 22 septembre 2009, 2008/AR/3257, point 7. Comp. Cass., 15 mars 2001, J.L.M.B., 2002, p. 316).
[38] Art. IV.79, § 4, al. 1er, CDE.
[39] La compétence de représenter l'ABC est donnée à son président (art. IV.20, § 1er, 4°, CDE). Il peut déléguer cette tâche (art. IV.17, § 1er, CDE).
[40] C.J.U.E., 7 décembre 2010, VEBIC, C-439/08, Rec., p. I-12471 et J.T., 2011, p. 245 et observations. L'arrêt de la cour d'appel posant la question préjudicielle a été publié à la R.D.C., 2009, p. 473 et note A.-M. Van den Bossche.
[41] C'est le vocable que retient, à juste titre, le législateur dans la loi du 17 janvier 2003 précitée (loi « IBPT-recours »).
[42] En contentieux administratif général, l'opposition de la partie adverse n'est ouverte, dans certains cas, que si cette partie adverse « s'est abstenue de toute défense » parce qu'elle « s'est trouvée dans l'impossibilité de se défendre » (art. 41 du règlement de procédure; arrêté du régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat (M.B., 23-24 août 1948)).
[43] Sous l'empire de la LPCE, seul était visé le ministre ayant l'économie dans ses attributions (voy. art. 1er LPCE). Il semble que cette possibilité soit à présent étendue à d'autres ministres également, même si le CDE ne le précise pas, faute de définition des termes « ministre » ou « ministre concerné » propres au Livre IV de ce code. Le ministre ayant l'économie dans ses attributions demeure cependant, par définition, concerné.
[44] Il peut également introduire lui-même un recours, sans devoir démontrer d'intérêt, et sans être nécessairement intervenu lors de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée. Sur ce point également, la procédure diffère nettement du droit commun de l'appel.
[45] Art. IV.79, § 5, al. 4, CDE.
[46] Art. IV.79, § 2, al. 4, CDE.
[47] La règle résulte du privilège du préalable de l'administration (voy. not. J. Salmon e.a., Le Conseil d'Etat de Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 393; D. Batselé, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 11).
[48] Xavier Taton a synthétisé les deux acceptions que l'expression peut revêtir: soit elle désigne le pouvoir de décision propre - y compris en opportunité -, soit elle désigne les éléments auxquels la cour peut avoir égard (Les recours juridictionnels en matière de régulation. Energie, communications électroniques, audiovisuel, transports, finance et concurrence, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 261). Sur cette notion, voy. égal., p. ex. e.a. D. Vandermeersch, De mededingingswet, Malines, Kluwer, 2007, pp. 470 et s.; P. Boucquey et P.-O. de Broux, « Les recours juridictionnels contre les décisions des autorités de régulation », La protection juridictionnelle du citoyen face à l'administration, Bruxelles, la Charte, 2007, par. 66 et s.; C. Schurmans et X. Taton, « Questions actuelles de procédure en droit de la concurrence. A la recherche d'un système cohérent entre l'autorité de concurrence et l'ordre judiciaire », Actualité du droit de la concurrence, Formation UB3, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 64 et s.; T. Hennen et N. Petit, « Les autorités de régulation de la concurrence », R.D.C., 2007, pp. 527 et s., spéc. pp. 543 et s.; C. Schurmans, « Le rôle des juridictions de recours des régulateurs de la concurrence. Développements récents dans certains Etats membres », AEDC, déjeuner-causerie du 15 septembre 2008, www.aedc-vsmr.be; plus anciennement, X. Taton, « Les recours objectifs de pleine juridiction et les pouvoirs limités du juge judiciaire », R.D.C., 2005, pp. 799 et s.; plus généralement, S. Boullart, « De ene volle rechtsmacht is de andere niet », C.D.P.K., 2007, p. 245.
[49] Art. IV.79, § 2, CDE; art. 75 LPCE. Au contraire de la LPCE, le CDE semble exprimer la double acception de la « pleine juridiction » (comp. les deux alinéas de l'art. IV.79, § 2).
[50] Bruxelles (9e ch.), 28 juin 2013, 2009/MR/3 à 8, point 17.
[51] Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F.
[52] G. Closset-Marchal et J.-F. van Drooghenbroeck, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 150. Voy. égal. F. Georges, « Développements récents relatifs aux voies de recours ordinaires », Actualités en droit judiciaire, Liège, Anthémis, 2010, CUP, vol. 122, p. 216.
[53] « (…) le Tribunal statue avec compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l'amende (…) » (T.U.E., 25 octobre 2005, T-38/02, Danone, Rec., p. II-04407, point 51 et les références).
[54] C'est en tout cas ce que confirment explicitement les travaux préparatoires (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2012-2013, n° 53-2591/001, p. 166). Contra, H. Gilliams, « 'Volle rechtsmacht' en de rol van het hof van beroep in de toepassing van het mededingingsrecht », Mijlpalen uit het Belgisch mededingingsrecht geannoteerd. Liber amicorum Jules Stuyck, Malines, Kluwer, 2013, p. 314. Voy. égal., sur la question des amendes en général, P. Wytinck, « Boetes en andere sancties (in perspectief) », Mijlpalen uit het Belgisch mededingingsrecht geannoteerd. Liber amicorum Jules Stuyck, Malines, Kluwer, 2013, pp. 421 et s.
[55] Au-delà de la question de l'amende, la Cour de cassation a indiqué que la cour d'appel doit « statuer sur tous les faits de la cause et dire s'ils constituent des pratiques restrictives », mais ce « si elle en est requise par les parties » (Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, point 18).
[56] Art. 1068, al. 1er, C. jud.
[57] F. Georges, « Développements récents relatifs aux voies de recours ordinaires », Actualités en droit judiciaire, Liège, Anthémis, 2010, CUP, vol. 122, p. 219.
[58] Art. IV.30, § 1er, 3°.
[59] Voy. Bruxelles, 13 février 2013, 2008/MR/3, point 29. Voy. égal. D. Gérard et B. Gielen, « Het finale Honda-arrest van Cassatie: volle rechtsmacht, hervormingsbevoegdheid en marginale rechterlijke toetsing », T.B.M./R.C.B., 2012, p. 20. Cette conclusion est influencée par la nature juridictionnelle du Conseil de la concurrence, au contraire de l'ABC (X. Taton, Les recours juridictionnels en matière de régulation. Energie, communications électroniques, audiovisuel, transports, finance et concurrence, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 264).
[60] Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, point 15. Nous soulignons. La Cour ajoute plus loin, poursuivant dans le même champ lexical, que la cour d'appel est une « instance de recours judiciaire ».
[61] Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, point 16.
[62] La Cour indique ainsi expressément que la cour d'appel ne pourrait étendre sa propre saisine en demandant à l'auditeur un (nouveau) rapport. Ce mécanisme, que la loi autorise, ne donne en effet pas lieu à un nouveau rapport motivé, ou à un rapport complémentaire, qui intervient lors de la procédure devant le Conseil. De nouveaux griefs ne pourraient donc être retenus sur cette base. Quant aux développements survenus postérieurement à la décision du Conseil, ils peuvent certes être considérés, mais uniquement pour « éclairer les griefs et éléments sur lesquels le Conseil s'est prononcé » (Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, point 16).
[63] Ainsi en ira-t-il des éléments et griefs expressément retenus ou rejetés, mais également, selon nous, des éléments dont la décision du Conseil ou la procédure menée devant lui révèlent qu'ils ont été examinés par lui (p. ex. par des questions lors de l'audience), mais qui ne font pas l'objet d'une analyse expresse et spécifique dans la décision - par exemple parce qu'ils auraient paru surabondants au Conseil.
[64] Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, points 21 à 24.
[65] La cour ouvre son raisonnement par une triple précaution à cet égard: « Le Conseil de la concurrence est une juridiction administrative (…). Il exerce (…) son pouvoir juridictionnel en toute indépendance. Les décisions qu'il rend en matière de pratiques restrictives sont de nature juridictionnelle. » (Cass., 20 décembre 2013, H.13.0001.F, point 14).
[66] Art. 813 C. jud.
[67] Art. IV.79, § 5, CDE.
[68] Voy. l'art. 2 de la loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges (loi « IBPT-recours » (M.B., 24 janvier 2003)) et l'art. 29bis de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité (M.B., 11 mai 1999).
[69] Ces affaires sont regroupées dans les « compétences exclusives » de la cour d'appel de Bruxelles.
[70] Une affaire « non prioritaire » introduite fin 2013 devrait être plaidée en octobre 2018 (siège à trois conseillers, 9e chambre). Il convient d'ajouter que les affaires « prioritaires » participent, parfois lourdement, à cet encombrement. La cour d'appel s'en émeut régulièrement dans ses rapports annuels, et pointe le manque criant de moyens à sa disposition pour faire face au traitement de telles affaires, en plus de toutes les autres (www.juridat.be/appel/bruxelles/images/rapport_2012.pdf). Cela conduit à de légitimes interrogations sur le bien-fondé de cette priorité et sur la logique qui lui est sous-jacente. Il s'agit cependant là d'un débat de société qui dépasse le cadre modeste de cette contribution.
[71] Art. 741 et s.
[72] La LPCE utilisait le terme « observations écrites » plutôt que « conclusions ». Le CDE reprend ce terme, s'agissant des observations du ministre. Nous ne voyons cependant pas de différence sémantique entre ces termes, qui sont d'ailleurs indifféremment utilisés par les plaideurs.
[73] La LPCE prévoyait que la cour fixait d'office le calendrier de mise en état. En pratique toutefois, les parties tentaient d'abord de fixer ce calendrier à l'amiable. C'est cette solution, de droit commun, que consacre le CDE.
[74] Art. IV.45 CDE.
[75] L'inverse est matériellement impossible: on ne peut retirer un accès déjà donné.
[76] Bruxelles, 6 mai 2010, 2009/MR/3 à 8, T.B.M./R.C.B., 2010, p. 32 et note D. Vandermeersch et A.-S. Cloots, « De toegang tot het dossier in zaken van restrictieve mededingingspraktijken voor de Raad voor de Mededinging en het hof van beroep ».
[77] Bruxelles (9e ch.), 28 juin 2013, 2009/MR/3 à 8.
[78] Voy. la note précitée de D. Vandermeersch et A.-S. Cloots, et « For your eyes only - L'accès des tiers au dossier de l'instruction dans les procédures en matière de pratiques restrictives de concurrence, en droit belge », T.B.M./R.C.B., 2010, p. 10.
[79] Bruxelles, 6 mai 2010, 2009/MR/3 à 8, T.B.M./R.C.B., 2010, p. 32, point 27.
[80] X. Taton et J. Marchandise, « Le droit processuel belge des pratiques de concurrence », Le nouveau droit belge de la concurrence, Liège, Anthémis, CUP, vol. 124, p. 203.
[81] Bruxelles, 6 mai 2010, précité, points 26 à 28. C'est donc bien du point de vue de la cour, et non des tiers qui sollicitent un accès plus étendu au dossier, qu'il convient de se placer.
[82] La cour elle-même n'a d'ailleurs accès, en principe, qu'au dossier de la procédure (art. IV.79, § 5, al. 3, CDE). C'est cependant déjà ce que prévoyait la LPCE (art. 76, § 3, LPCE), sans que la notion de dossier de la procédure soit expressément définie.
[83] Bruxelles, 28 juin 2013, précité, point 12.
[84] Voy. sur ce point les contributions de J.-P. Buyle, « La production forcée de documents au regard du secret et de la confidentialité » et de D. Mougenot, « L'utilisation de données confidentielles en matière judiciaire: quelques réflexions d'un magistrat », R.D.C., 2013, resp. p. 1078 et p. 1092; voy. égal. B. Allemeersch, « Zakengeheimen in burgerlijk proces en bewijs », Zakengeheimen, Coll. Recht en onderneming, vol. 41, Bruges, la Charte, 2012 et D. Mougenot, « L'administration de la preuve et les mesures d'instruction », Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, CUP, vol. 145, 2013, p. 312.
[85] Sur la distinction entre dossier d'instruction et dossier de procédure, voy. D. Gérard et A. de Crayencour, « La réforme du droit belge des pratiques restrictives de concurrence », T.B.M./R.C.B., 2013/2, p. 141.
[86] Art. IV.41, § 2, CDE.
[87] Art. IV.41, § 3, al. 5, CDE.
[88] « Le droit à une procédure contradictoire implique, pour une partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou pièces produites par l'autre, ainsi que de les discuter » (Cour eur. D. H., 26 juin 1993, Ruiz-Mateos / Espagne, Req. n° 12952/87, point 63).
[89] Cass., 2 novembre 2012, J.T., 2013, p. 174 et observations.
[90] « Couvrez cette pièce que je ne saurais voir », J.T., 2013, p. 174.
[91] Bruxelles, 6 mai 2010, précité, point 35.
[92] Bruxelles (9e ch.), 28 juin 2013, 2009/MR/3 à 8, point 35.
[93] Voy. not. art. 2, § 3 de la loi « IBPT-recours »; Bruxelles, 1er juin 2010, 2009/AR/3015; Bruxelles, 14 septembre 2010, 2010/AR/2003 e.a.
[94] Art. 32 Const.; loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration (M.B., 30 juin 1994). Il est d'ailleurs question de dossier administratif et non de dossier de la procédure.
[95] Voy. not. art. 2, § 3, de la loi « IBPT-recours »; Bruxelles, 30 juin 2009, 2006/AR/2332 e.a., point 32; Bruxelles, 6 novembre 2012, 2011/AR/2261 e.a., point 129.
[96] Le recours ne vise pas le remboursement de l'amende. Celle-ci n'est d'ailleurs pas perçue par l'ABC, qui est la partie « défenderesse ».
[97] Bruxelles, 18 novembre 2008, 2007/MR/1, point 67. Le montant de base de l'indemnité de procédure est donc - à ce jour - de 1.320 EUR.
[98] Bruxelles, 3 mars 2010, J.L.M.B., 2010, p. 1564 et H. Boularbah et V. Pire, « Actualités en matière de répétibilité des frais et honoraires d'avocat », Actualités en droit judiciaire, Liège, Anthémis, 2010, CUP, vol. 122, p. 167; H. Boularbah, « Les frais et les dépens, spécialement l'indemnité de procédure », Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, CUP, vol. 145, 2013, p. 369.