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Chroniques d'un malentendu: les relations entre les immunités de juridiction et le Règlement Bruxelles I, R.D.C.-T.B.H., 2014/1, p. 53-61

EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en tenuitvoerlegging - Verordening (EG) nr. 44/2001 - Bevoegdheid - Artikel 18 - Voorwaarden waaraan een ambassade van een derde staat als vestiging kan worden beschouwd
EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en tenuitvoerlegging - Verordening (EG) nr. 44/2001 - Bevoegdheid - Artikel 21 - Overeenkomst die aan de werknemer de mogelijkheid biedt de rechter van een derde staat te vatten
1) Artikel 18, 2. van verordening (EG) nr. 44/2001 van de Raad van 22 december 2000 betreffende de rechterlijke bevoegdheid, de erkenning en de tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken, moet aldus worden uitgelegd dat een op het grondgebied van een lidstaat gevestigde ambassade van een derde staat in een geschil over een door die ambassade namens de zendstaat gesloten arbeidsovereenkomst een “vestiging” in de zin van die bepaling vormt wanneer de door de werknemer verrichte taken niet vallen onder de uitoefening van openbaar gezag. De aangezochte nationale rechter dient vast te stellen welke taken de werknemer precies heeft verricht.
2) Artikel 21, 2. van verordening nr. 44/2001 moet aldus worden uitgelegd dat een vóór het ontstaan van een geschil overeengekomen jurisdictiebeding onder die bepaling valt voor zover het de werknemer de mogelijkheid biedt, naast de gerechten die normaal bevoegd zijn krachtens de bijzondere regels van de artikelen 18 en 19 van die verordening, andere gerechten aan te zoeken, daaronder begrepen, in voorkomend geval, buiten de Unie gelegen gerechten.
DROIT JUDICIAIRE EUROPEEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement n° 44/2001 - Compétence - Article 18 - Conditions auxquelles une ambassade d'un Etat tiers peut être qualifiée d'établissement
DROIT JUDICIAIRE EUROPEEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement n° 44/2001 - Compétence - Article 21 - Contrat offrant au travailleur la possibilité de saisir le juge d'un Etat tiers
1) L'article 18, 2., du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une ambassade d'un Etat tiers située sur le territoire d'un Etat membre constitue un « établissement » au sens de cette disposition, dans un litige relatif à un contrat de travail conclu par celle-ci au nom de l'Etat accréditant, lorsque les fonctions accomplies par le travailleur ne relèvent pas de l'exercice de la puissance publique. Il appartient à la juridiction nationale saisie de déterminer la nature exacte des fonctions exercées par le travailleur.
2) L'article 21, 2., du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu'une convention attributive de compétence, conclue antérieurement à la naissance d'un différend, relève de cette disposition dans la mesure où elle offre la possibilité au travailleur de saisir, en sus des juridictions normalement compétentes en application des règles spéciales des articles 18 et 19 de ce règlement, d'autres juridictions, y compris, le cas échéant, des juridictions situées en dehors de l'Union.
Chroniques d'un malentendu: les relations entre les immunités de juridiction et le Règlement Bruxelles I
Natalie Joubert [1]

1.L'internationalité du litige, c'est-à-dire la présence d'un élément d'extranéité faisant perdre au cas d'espèce son caractère purement interne [2] complique la détermination du juge compétent pour le trancher. Cette difficulté est accrue lorsque l'action est intentée à l'encontre d'un Etat étranger. Se posent alors des questions ardues relevant du droit international public relatives à l'étendue de l'immunité de juridiction de l'Etat étranger devant le tribunal du for. La même question se pose lorsque l'action est intentée contre une organisation internationale, même si, dans ce dernier cas, le traité instituant cette organisation contient bien souvent des précisions sur ce point [3]. Les interactions entre le droit international public et le droit international privé, notamment européen, ne sont pas toujours faciles à démêler, et la difficulté est amplifiée lorsque l'on s'interroge sur le champ d'application du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Règlement Bruxelles I. Comme on le verra, ce règlement limitant sa portée à la matière civile et commerciale, la question se pose parfois de savoir si l'action d'un Etat ou d'une organisation internationale relève de ces matières. Cette question est, dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union souvent confondue avec celle de la détermination de l'existence d'une immunité de juridiction. On tentera donc ici d'apporter une vue d'ensemble, la plus claire possible, sur cette question, et de distinguer ce qui relève de la détermination de l'immunité de juridiction de ce qui relève de l'étendue de la compétence juridictionnelle.

2.L'existence d'une immunité de juridiction est une question qui est souvent posée devant les tribunaux, notamment parce que les Etats ont progressivement délaissé le cantonnement dans leur rôle traditionnel pour orienter leur action vers des domaines relevant en principe du droit privé. En agissant comme des personnes privées, ou des commerçants, en prenant part à l'activité économique dans l'ordre international, ils ont partiellement brouillé les distinctions clairement établies entre le droit privé et le droit public [4]. La situation concrète est la suivante: une personne privée intente une action devant les tribunaux de l'Etat du for contre un Etat étranger ou une organisation internationale dans le cadre d'un litige de droit privé. Les contentieux les plus fréquents sont des contentieux liés au droit du travail, lorsqu'un salarié est employé par l'ambassade d'un Etat étranger ou par une organisation internationale, mais il peut aussi s'agir de contentieux mettant en jeu la responsabilité civile ou les relations contractuelles des parties. Les bénéficiaires de l'immunité invoquent alors leur immunité de juridiction pour échapper à leur procès.

3.Ces dernières années, le contentieux lié à l'immunité de juridiction s'est concentré autour de la question de sa légitimité [5]. Il paraît en effet crucial à l'heure actuelle de savoir si cette protection, nécessaire à l'indépendance des Etats dans l'exercice de leur puissance publique, ne peut pas dans certaines hypothèses devenir un avantage injustifié, notamment lorsque les personnes publiques se comportent comme des personnes privées. Le débat s'est ainsi cristallisé, devant la Cour européenne des droits de l'homme, sur la contrariété des immunités de juridiction avec le droit au procès équitable défendu par l'article 6 de la CEDH [6]. De même, la question reste posée d'une éventuelle limitation de l'immunité lorsque sont en cause la violation par l'Etat étranger des droits humains, notamment lorsque l'acte de l'Etat étranger va à l'encontre de règles du jus cogens [7]. Même si la Cour de justice de l'Union européenne s'est parfois prononcée sur ce type d'hypothèses [8], le débat devant elle est beaucoup moins avancé. En vérité, cela ne doit pas étonner car, ainsi que nous le verrons, la question de l'immunité de juridiction ne concerne pas le règlement de la compétence internationale et ne devrait donc pas entrer dans le champ de compétence de la Cour de justice.

4.L'immunité au sens large constitue un privilège faisant « échapper une personne, en raison de sa qualité, à un devoir ou une sujétion pesant sur les autres » [9]. Plus spécifiquement, l'immunité de juridiction constitue une exemption du pouvoir de juridiction du for, elle protège son bénéficiaire contre des demandes faites à son encontre devant les tribunaux du for. Si elle est admise, l'immunité de juridiction prive les tribunaux du for saisis de tout pouvoir de juridiction. L'existence du pouvoir de juridiction étant une condition de la détermination de la compétence internationale, cette dernière n'a donc pas lieu d'être étudiée lorsque l'immunité est accordée. Ce pouvoir de juridiction, qui est la mise en oeuvre de la compétence de juger de l'Etat lui-même, permet de déterminer le principe même d'une intervention judiciaire [10]. La mesure de ce pouvoir, nécessairement postérieure à l'affirmation de l'existence de ce pouvoir, se fera ensuite par le biais des règles de compétence internationale qui en constituent la mise en oeuvre concrète [11]. Ce caractère préalable de l'immunité de juridiction se traduit sur le plan procédural par certaines particularités. Ainsi, l'immunité est mise en oeuvre par une fin de non-recevoir, et non par une exception d'incompétence, et peut donc être soulevée par le défendeur à tout moment de la procédure (et non seulement in limine litis). Elle peut même être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation. Le juge ne pourra donc pas se prononcer sur la compétence tant qu'il n'a pas établi l'existence de son pouvoir de juridiction. Comme tout privilège toutefois, l'immunité constitue une faculté pour l'Etat étranger, ou l'organisation internationale bénéficiaire. Ceux-ci peuvent donc y renoncer, ce qui a pour conséquence de rétablir le pouvoir de juridiction des tribunaux du for. De même, cette immunité n'empêche pas leurs bénéficiaires d'intenter une action en justice, leur qualité de demandeur faisant alors présumer de leur renonciation au privilège.

5.Il est en outre admis depuis quelques temps que l'immunité ne peut être que relative et s'applique uniquement aux hypothèses dans lesquelles l'Etat étranger ou l'organisation internationale exerce des prérogatives de puissance publique. Les sources du droit semblent en effet converger en ce sens: la nouvelle convention internationale élaborée dans le cadre de l'ONU en 2004 relative aux immunités des Etats, qui consacre une immunité seulement relative [12]; le législateur français qui vient de ratifier cette convention et qui souscrit donc à cette conception restreinte [13]; la jurisprudence de la Cour eur. D.H. [14] et celle de la Cour de justice de l'Union européenne [15], ainsi que la jurisprudence des juridictions nationales [16], qui toutes retiennent une conception restrictive de l'immunité de juridiction. Cette restriction de l'immunité a des conséquences sur l'interprétation du Règlement Bruxelles I. La C.J.U.E. a parfois, en effet, été amenée à se prononcer sur la question des immunités des Etats étrangers dans le cadre de litiges portant sur l'applicabilité du règlement. Elle le fait généralement de façon assez rapide en reprenant des solutions qui sur le fond ne sont guère surprenantes. Toutefois, les décisions ainsi rendues posent en réalité des questions plus théoriques sur les frontières du droit international privé et sur la compétence du Règlement Bruxelles I pour trancher la question des immunités. En effet on verra que la Cour de justice se prononce sur les immunités dans le cadre très particulier de la détermination des limites de son champ d'application matériel et de l'interprétation de l'article 1er du Règlement Bruxelles I.

6.Lorsqu'elle est interrogée sur l'interprétation de l'article 1er du règlement 44/2001 dans le cadre d'une action introduite contre un Etat ou une organisation internationale (et les solutions seront transposables au règlement 1215/2012), la Cour mélange l'analyse du domaine d'application du règlement et celle de l'existence d'une immunité. Or, il nous semble que c'est à tort que l'on prétend que les actes couverts par une immunité de juridiction sont exclus du domaine d'application du Règlement Bruxelles I, puisqu'en réalité la question de l'immunité de juridiction n'a rien à voir avec celle de la détermination du champ d'application matériel du règlement. D'ailleurs, il n'est pas certain que la refonte du Règlement Bruxelles I [17] facilite l'interprétation des juges. Certes, le nouveau texte ajoute au précédent (art. 1, 1.) que le règlement « ne s'applique pas à la responsabilité de l'Etat pour des actes ou des omissions commis dans l'exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ». Mais en incluant cette précision au stade de la détermination du champ d'application du règlement, le texte refondu, outre qu'il ne vise que les Etats et non toutes les entités qui agiraient dans l'exercice de la puissance publique, ce qui est critiquable, maintient l'illusion que la question de l'immunité se détermine au stade de la compétence juridictionnelle. L'articulation entre les immunités de juridiction et le domaine d'application matériel du règlement reste donc une question dont toutes les difficultés n'ont, à l'heure actuelle, pas été résolues. Nous verrons ainsi dans un premier temps quel est le vrai sens de l'exclusion des actes couverts par l'immunité de juridiction du domaine d'application du Règlement Bruxelles I (I) puis dans un second temps les difficultés d'articulation entre les immunités de juridiction et le domaine d'application matériel du règlement (II).

I. Le vrai sens de l'exclusion des actes couverts par l'immunité de juridiction du domaine d'application du Règlement Bruxelles I

7.La question de l'immunité de juridiction ne relève pas en soi du Règlement Bruxelles I, elle lui est, en effet, non seulement étrangère, mais préalable (A). Pourtant, la jurisprudence de la Cour de justice semble lier la détermination de l'immunité de juridiction du défendeur et l'applicabilité matérielle du règlement (B).

A. Incompétence du droit judiciaire européen sur la détermination des immunités

8.Ainsi que le reconnaît la Cour de justice dans l'arrêt Mahamdia [18], la matière des immunités de juridiction est régie par le droit international public. Le fondement des immunités de juridiction est souvent discuté pour savoir si elles relèvent de la seule courtoisie internationale ou d'une véritable règle contraignante [19]. Il est toutefois admis à l'heure actuelle que l'immunité accordée aux Etats est fondée sur l'indépendance et l'égalité des Etats et le respect dû à leur souveraineté (que l'on retrouve dans la maxime par in parem non habet imperium). Ces immunités ne sont à l'heure actuelle régies par aucun texte en vigueur [20]. Au contraire, l'immunité des organisations internationales se justifie par la volonté de protéger leur indépendance vis-à-vis des Etats membres et en particulier vis-à-vis de l'Etat sur le territoire duquel l'organisation a son siège [21].

9.L'immunité constitue ainsi une exception au principe de la territorialité (qui permet à l'Etat d'exercer sur son propre territoire les fonctions étatiques et, parmi elles, la fonction juridictionnelle), dont l'objet est la protection de l'indépendance des Etats ou des organisations internationales en interdisant le jugement par les tribunaux d'un Etat d'un litige concernant ces défendeurs. L'évolution des dernières décennies a toutefois été de n'admettre cette immunité que lorsque l'Etat étranger agit bien dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. S'il agit au contraire comme une personne privée en prenant part à la vie économique internationale, il n'existe plus de raisons de lui conférer ce privilège dont l'objet est limité à la protection de sa souveraineté [22]. On a ainsi pu constater au début du 20e siècle le passage d'un principe d'immunité absolue des Etats, fondée sur la seule qualité d'autorité souveraine du défendeur, à un principe, reconnu de façon quasi unanime [23], d'une immunité relative reposant sur la distinction entre les actes jure imperii et les actes jure gestionis accomplis par ce dernier. On peut même considérer que ce caractère relatif a acquis la force d'une règle coutumière de droit international public [24] corroborée notamment par deux conventions internationales: la Convention du Conseil de l'Europe sur l'immunité des Etats du 16 mai 1972 [25], non en vigueur en France, et la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 déjà mentionnée. La Cour eur. D.H. a d'ailleurs récemment admis, de façon assez originale, que des conventions non ratifiées pouvaient se voir reconnaître la valeur d'une coutume internationale et s'imposer à ce titre, y compris aux Etats ne l'ayant pas ratifiée [26]. Elle a ainsi considéré que la limitation de l'immunité réalisée par la Convention des Nations Unies de 2004 concernant les contrats de travail (art. 11) s'impose à la Lituanie (affaire Cudak) ou à la France (affaire Sabeh El Leil) nonobstant l'absence de ratification de cette convention par ces Etats. Cette dernière constitue en effet, selon la Cour, une codification de la pratique des Etats et reflète en conséquence le contenu du droit coutumier.

10.Les conventions internationales précitées ainsi que de nombreux droits nationaux comme les droits français, suisse ou encore américain et anglais utilisent le critère tiré de la nature des actes [27], soit (de façon cumulative ou alternative selon les cas) en vertu d'un critère formaliste lié à l'accomplissement d'un acte de puissance publique qui se manifeste notamment par son caractère dérogatoire du droit commun, soit selon un critère finaliste reposant sur l'accomplissement des actes dans l'intérêt du service public [28]. Ce dernier critère permet d'étendre le bénéfice de l'immunité à des personnes privées, dès lors qu'elles agissent dans l'intérêt du service public [29]. Lorsque sont en cause les contrats de travail des personnels des Etats étrangers, la jurisprudence française recherche alors notamment si le salarié occupait une fonction lui conférant une responsabilité particulière [30]. Si les actes à l'origine du litige sont des actes de puissance publique, l'immunité doit être accordée au défendeur. Au contraire si les actes sont des actes de gestion privée, ils n'empêchent pas les tribunaux du for de trancher le litige et, le cas échéant, de condamner l'Etat étranger. La qualification des actes reste le point délicat de l'opération, même si les textes et la jurisprudence donnent de nombreuses indications [31].

11.Il découle de ce qui précède que l'objet du droit des immunités est bien la détermination de l'étendue du pouvoir de juridiction des tribunaux du for, c'est-à-dire de la compétence de l'Etat lui-même de juger. La décision prise sur la question de l'immunité constitue donc clairement « une décision prise par un Etat à l'égard d'un autre Etat » [32] et relève donc non du droit international privé mais du droit international public qui régit les relations entre les Etats. Le Règlement Bruxelles I (et avant lui la Convention de Bruxelles) qui n'a pour vocation que la détermination de la compétence internationale des tribunaux des Etats membres n'a donc pas pour objet de déterminer le pouvoir de juridiction de ces tribunaux. Ce pouvoir doit être préalablement admis (en vertu de chaque droit national) pour que la question de la compétence puisse être étudiée. De même, la Cour de justice ayant pour mission, entre autres, l'interprétation du Règlement Bruxelles I, elle ne doit en principe pas se prononcer sur l'existence d'une immunité de juridiction [33].

Pourtant il arrive qu'à propos d'actions intentées contre un Etat étranger ou une organisation internationale, la Cour de justice se prononce sur des questions liées à l'immunité de juridiction. C'est ce qu'il faut maintenant étudier.

B. Le traitement de l'immunité par la CJUE

12.Si la Cour de justice traite parfois de questions liées à l'immunité de juridiction, c'est en réalité à partir de l'interprétation de l'article 1er du Règlement Bruxelles I et les décisions qu'elle a rendues ont contribué à entretenir la confusion entre la détermination des actes couverts par l'immunité et celle du champ d'application matériel du règlement. L'article 1, 1., du règlement (et de la Convention de Bruxelles avant lui) définit en effet le champ d'application matériel du texte en précisant qu'il s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ajoute qu'il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives. Suit dans l'article 1, 2., une liste de matières exclues du champ d'application matériel du règlement. C'est en interprétant l'article 1, 1., afin de déterminer si les litiges soumis à son contrôle entraient dans le champ d'application du règlement, que la Cour de justice a eu l'occasion de s'intéresser à la question des immunités de juridiction ou plus exactement à la notion d'actes couverts par l'immunité.

13.Dans l'arrêt Eurocontrol tout d'abord [34], la Cour a précisé que la notion de matière civile et commerciale devait s'interpréter de façon autonome en se référant, « d'une part, aux objectifs et au système de la convention, et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droits nationaux ». La Cour de justice a alors exclu du champ d'application de la Convention de Bruxelles (mais le raisonnement sera le même pour le Règlement Bruxelles I qui lui a succédé), une décision « rendue dans un litige opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique ». Le critère retenu est l'exercice par une autorité publique d'une prérogative de puissance publique qui permet selon la Cour d'exclure le litige de la matière civile et commerciale et d'écarter l'applicabilité du règlement [35]. La Cour précisait d'ailleurs à cette occasion que « si certaines décisions rendues dans des litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé, peuvent entrer dans le champ d'application de la convention, il en est autrement lorsque l'autorité publique agit dans l'exercice de la puissance publique ». Ainsi, il semble bien que dans l'esprit de la Cour le critère de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, c'est-à-dire le critère des actes couverts par l'immunité de juridiction, permette de délimiter le domaine des matières civiles et commerciales. La Cour de justice ne se prononce donc pas à proprement parler sur la notion d'immunité de juridiction mais sur le domaine d'application matériel du règlement qui dépend de l'inclusion ou non des faits litigieux dans la matière civile et commerciale. A cet égard, la Cour ne dépasse pas la mesure de sa compétence interprétative. Toutefois, l'utilisation du critère des actes de puissance publique, lequel est devenu, avec l'affirmation du caractère relatif de l'immunité, le critère déterminant en matière d'immunités, crée une confusion dans l'esprit du lecteur entre les deux problématiques.

14.Dans un arrêt plus récent concernant la réparation de dommages de guerre causés par l'Etat allemand [36], la Cour de justice a, à nouveau, exclu l'application de la Convention de Bruxelles en considérant que les actes de l'Etat étranger n'entraient pas dans la définition de la matière civile et commerciale permettant la mise en oeuvre du texte. La juridiction grecque avait posé la question préjudicielle de savoir « s'il est conforme à l'économie de la Convention de Bruxelles que l'Etat défendeur invoque l'exception d'immunité, de sorte que, en cas de réponse affirmative, la convention cesse automatiquement d'être applicable, et cela à l'égard d'actes et d'omissions des forces armées du défendeur qui ont eu lieu avant l'entrée en vigueur de ladite convention, à savoir au cours des années 1941-1944 ». La Cour de justice ne répond pas à cette question qui portait directement sur l'étendue de l'immunité de l'Etat défendeur. Conforme à la compétence d'interprétation limitée de la Cour de Justice, cette absence de réponse maintient toutefois la confusion entre immunité et champ d'application du droit judiciaire européen. La Cour de justice se contente en effet de considérer que puisque l'acte commis par l'Etat étranger n'entre pas dans la définition de la matière civile et commerciale, la Convention de Bruxelles n'est pas applicable. La Cour relève pour ce faire, et en se fondant sur la jurisprudence issue de l'arrêt Eurocontrol, que les actes commis dans l'exercice de la puissance publique n'entrent pas dans la définition de la matière civile et commerciale et sont en conséquence exclus du champ d'application matériel de la convention. Même si la Cour ne mentionne pas la question de l'immunité, ici encore la confusion demeure car les critères utilisés et les exemples donnés par la Cour (considérants 32 et s.) relèvent typiquement des hypothèses dans lesquelles l'immunité pourrait être accordée.

15.La Cour a ensuite  [37] été saisie d'une question préjudicielle concernant la contestation de son licenciement par un ancien salarié de l'ambassade d'Algérie en Allemagne. La questions de l'immunité fut à nouveau posée de façon très claire puisque l'Etat algérien l'avait invoquée devant les juridictions allemandes. La Cour de justice a considéré que l'Etat algérien ne pouvait bénéficier de l'immunité de juridiction qu'il invoquait dans la mesure où, en application des règles issues de la pratique internationale, l'immunité « n'a pas une valeur absolue », mais se limite « aux actes de souveraineté accomplis jure imperii ». Elle doit en conséquence être exclue selon la Cour pour les « actes accomplis jure gestionis » comme c'est le cas en l'espèce s'agissant d'une procédure de licenciement d'un salarié n'exerçant pas une activité relevant de la mise en oeuvre de la puissance publique de l'Etat étranger. La Cour en déduit (considérant 56) que non seulement l'immunité ne peut être accordée en l'espèce à l'Etat étranger, mais qu'en outre le litige entre dans le champ d'application matériel du règlement. La solution retenue par la Cour n'est pas très étonnante et le refus de l'immunité, comme l'appartenance du litige à la matière civile et commerciale, apparaît évidente dans un tel cas [38]. Pourtant, les termes de la décision de la Cour conduisent à de nouvelles interrogations. En effet, même si la solution est justifiée sur le fond, elle conduit à lier de façon indissociable la détermination de l'immunité et celle du domaine matériel du règlement. Or, ainsi que nous l'avons montré, les deux questions devraient en principe être résolues de façon indépendante, ce qui n'est ici le cas que de façon formelle puisque le même critère est utilisé pour trancher les deux questions.

16.Interrogée à nouveau sur l'interprétation de l'article 1er du règlement dans une affaire concernant la réparation de dommages de guerre [39], et pour laquelle la question de l'immunité de juridiction n'était pas soulevée, la Cour de justice a dû répondre à la question de savoir si une action en répétition de l'indu entrait dans le champ d'application du règlement lorsque cette action repose sur un paiement fait par erreur par un organisme public, le Land Berlin, sur injonction d'une autorité créée par une loi réparatrice des persécutions exercées par un régime totalitaire (ici l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale). Rappelant ses précédentes décisions, notamment les arrêts Lechouritou et Mahamdia, la Cour de justice fait de la nature des rapports juridiques entre les parties et de l'objet du litige le critère d'interprétation de l'article 1, 1. A nouveau, ce n'est pas la qualité de personne publique mais la nature des actes accomplis qui justifie la mise à l'écart éventuelle du règlement. Recherchant alors si l'acte en question relève de l'exercice de la puissance publique, la Cour relève que le droit à réparation à l'origine du versement litigieux n'est pas spécifique aux entités publiques mais s'applique également aux propriétaires privés, que le remboursement de l'excédent versé ne fait pas partie de la procédure administrative prévue par la loi de réparation et qu'il a pour fondement les règles du Code civil allemand. De ces éléments, la Cour déduit que l'action en répétition de l'indu, dans cette hypothèse, relève bien de la matière civile et commerciale, mêlant à nouveau cette question à celle de la qualification d'actes de puissance publique.

17.Enfin dans le dernier arrêt en date [40], la Cour de justice a considéré que le règlement était applicable concernant une action en dommages et intérêts intentée par une autorité publique en raison de la participation des défendeurs à une fraude fiscale. Relevant notamment que « le rapport juridique existant entre les Commissioners et Sunico n'est pas un rapport juridique fondé sur le droit public, en l'occurrence, le droit fiscal, impliquant le recours à des prérogatives de puissance publique » (considérant 40) et que l'autorité publique doit dans un tel cas emprunter les voies de droit ordinaires pour faire valoir son droit à réparation, la Cour en déduit que, s'il est avéré - ce que doit vérifier la juridiction de renvoi - que l'autorité publique est placée dans la même situation de droit qu'une personne privée, le litige relève bien de la matière civile et commerciale. Même si dans cette décision la référence aux actes de puissance publique est moins évidente, elle découle néanmoins de la recherche d'actes dérogatoires au droit commun qui les caractérisent. C'est d'ailleurs tout autant dans l'esprit de la Cour la nature de l'action intentée que la législation applicable à l'acte à l'origine de cette action (législation fiscale ou législation civile), qui sont examinées afin de déterminer l'applicabilité du règlement.

18.Dans toutes les affaires soumises à la Cour de justice, on constate donc une confusion réelle entre le champ d'application du règlement et la notion d'actes de puissance publique, ce dernier critère, fondamental pour la détermination de l'étendue des immunités de juridiction, servant également à l'interprétation de l'article 1, 1., du règlement. Ainsi que cela a déjà été mentionné [41], la refonte du Règlement Bruxelles I n'est pas de nature à limiter ces confusions. Le nouveau texte exclut en effet de la matière civile et commerciale, expressément, les actes jure imperii, qui viennent simplement grossir la liste des matières constituant l'exception de droit public (matières administrative, fiscale, douanière), sans d'ailleurs que les considérants, pourtant nombreux, du règlement expliquent cet ajout [42]. En procédant de la sorte, et en reprenant sur ce point la jurisprudence de la Cour de justice, la refonte valide l'idée, pourtant fausse, que l'immunité relève de la détermination du champ d'application du règlement. C'est la raison de ces confusions qu'il faut maintenant analyser.

II. La difficile articulation des immunités et du domaine d'application du Règlement Bruxelles I

19.La confusion entre le domaine de l'immunité et le champ d'application matériel du règlement provient très certainement de la rédaction du texte et de sa genèse. C'est la fameuse exception de droit public qui devrait peut-être à l'heure actuelle être repensée (A). Une fois la distinction clairement établie entre les deux problématiques, il reste à s'assurer que le Règlement Bruxelles I constitue une base de compétence envisageable pour les actions intentées à l'encontre d'un Etat étranger (B).

A. Immunités et exception de droit public

20.En réalité, et en dehors de la problématique spécifique au Règlement Bruxelles I, la confusion entre immunité de juridiction et compétence internationale est assez fréquente. Elle apparaît même dans des textes qui ont pour objet explicite de traiter de l'étendue des immunités. Ainsi dans un certain nombre de systèmes juridiques, le critère tiré de la nature de l'acte accompli paraît insuffisant à définir le champ de l'immunité. Plus précisément, il est exigé, en plus de la nature jure gestionis de l'acte, que ce dernier présente avec le for des liens suffisants [43]. L'objectif, ainsi que l'a justement noté un auteur, semble seulement éviter que l'Etat étranger « se comporte en commerçant dans les relations intéressant l'Etat du for, sans acquitter les obligations correspondantes » [44]. Certains textes ou jurisprudences mêlent donc des considérations liées à la détermination de l'immunité (essentiellement la qualification des actes) et des critères liés à la recherche de la compétence internationale (recherche d'un rattachement significatif avec le for, considérations de bonne administration de la justice, etc.) [45].

21.Concernant le Règlement Bruxelles I, la confusion est alimentée par la définition même du champ d'application du règlement. Calqué sur celui de la Convention de Bruxelles de 1968, l'article 1, 1., du règlement vise, d'une part, la matière civile et commerciale et exclut de cette matière, d'autre part, les matières fiscales douanières administratives [46]. Le règlement exclut donc de son champ d'application les matières du droit public ou administratif, selon une dichotomie fondamentale connue dans certains systèmes juridiques, mais absente d'autres systèmes comme le droit anglais. Ce champ d'application s'expliquait parfaitement à l'époque de la rédaction de la Convention de Bruxelles. En effet, l'immunité alors reconnue était assez largement absolue et mise en oeuvre dès lors que l'acte litigieux avait été commis par un Etat ou une personne publique. Ainsi, le domaine des immunités de juridiction était parfaitement calqué sur celui de la matière administrative qui était son double négatif. Le rapport Schlosser indique d'ailleurs que les actes régis par le droit public sont présumés être des actes de souveraineté exclus du champ d'application de la convention [47]. C'est cet argumentaire que l'on retrouve dans les décisions de la Cour de justice qui font de l'existence d'un acte de puissance publique un critère de l'exclusion de l'applicabilité du règlement [48].

22.On doit pourtant constater, avec d'autres, que la situation est bien différente à l'heure actuelle où « la multifonctionnalité des Etats disqualifie le critère purement organique » [49]. Avec l'incursion des Etats dans les relations privées, économiques, internationales, les frontières entre le droit international privé et le droit international public ont tendance depuis quelques temps à se brouiller. Dès lors, la participation d'un Etat ou d'une organisation internationale à une relation juridique n'implique plus ni que l'acte soit nécessairement un acte de puissance publique, ni que cet acte soit nécessairement soumis au droit public de l'Etat concerné. Quand bien même il le serait, la Cour de cassation française a pu admettre que la soumission d'un contrat de travail au droit public étranger n'empêchait pas nécessairement la compétence des conseils de prud'hommes français [50]. Inversement, une personne privée peut tout à fait se trouver investie d'une mission de service public, ce qui est le cas par exemple lorsqu'un salarié remplit de telles fonctions. On peut admettre alors que les litiges le concernant soient couverts par l'immunité.

23.Exception de droit public et immunité n'ont d'ailleurs pas nécessairement le même champ d'application. Tel est le cas notamment dans l'hypothèse de la renonciation par un Etat à son immunité. La renonciation rétablit, dans un tel cas, le pouvoir de juridiction et permet aux tribunaux de rechercher leur compétence. Il n'est pas exclu pour autant que la situation entre dans le domaine de la matière administrative et se trouve donc hors du champ d'application matériel du règlement. Pourtant, la Cour de justice dans l'arrêt Mahamdia [51] justifie l'applicabilité du règlement par l'absence d'immunité. L'activité du salarié ne relevant pas de l'exercice de la puissance publique, « au vu du contenu dudit principe de droit international coutumier sur l'immunité juridictionnelle des Etats, il y lieu de considérer qu'il ne s'oppose pas à l'application du règlement 44/2001 » (considérant n° 56). De même dans l'affaire The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs / Sunico [52] la Cour de justice fait de l'applicabilité du droit public étranger (notamment dans le considérant 40) le critère d'application du règlement. Ainsi pour la Cour, la mise en oeuvre de prérogatives exorbitantes du droit commun justifierait l'inapplicabilité du règlement, et la constatation que ce n'était pas le cas en l'espèce permet à la Cour d'affirmer que le litige relève bien de la matière civile et commerciale. Ce raisonnement pourrait être tout à fait justifié s'il n'avait pour objectif (considérants 34 et 35) de déterminer si le litige concerne l'exercice de prérogatives de puissance publique dans la ligne de la jurisprudence antérieure. Mais, à nouveau, la Cour mêle ici encore la question de l'exception de droit public (donc celle du champ d'application matériel du règlement) et la détermination des actes de puissance publique (donc la question de l'immunité de juridiction).

24.Il s'agit donc bel et bien de savoir si, lorsque l'immunité n'est pas admise, ou lorsqu'elle n'est pas réclamée par son bénéficiaire (renonciation en tant que défendeur ou position procédurale de demandeur, ce qui était le cas dans l'affaire The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs / Sunico), il faut nécessairement exclure ces actes du champ d'application du règlement [53]. Dans une telle hypothèse, l'immunité ne doit pas être accordée puisque la souveraineté de l'Etat étranger ou de l'organisation internationale n'est pas en cause. Reste alors à interpréter l'exception de droit public qui permet d'exclure les litiges relevant de ces matières. C'est sur ce plan que raisonne la Cour de justice dans l'affaire The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs / Sunico puisque l'arrêt fait de l'applicabilité du droit public étranger (notamment dans le considérant 40) le critère d'application du règlement. Ainsi pour la Cour, la mise en oeuvre de prérogatives exorbitantes du droit commun justifierait l'inapplicabilité du règlement et la constatation que ce n'était pas le cas en l'espèce permet à la Cour d'affirmer que le litige relève bien de la matière civile et commerciale. Toutefois, ainsi que cela a déjà été mentionné, l'application du droit public étranger ne devrait pas nécessairement exclure l'applicabilité du règlement et l'extension de l'exception de droit public, réalisée par l'identité des critères retenus n'est alors pas nécessairement appropriée. Au contraire, il convient dans un premier temps de déterminer si le litige peut ou non être couvert par l'immunité. Puis dans un second temps bien distinct de la réflexion, il s'agit de vérifier si le litige entre ou non dans l'exception de droit public c'est-à-dire s'il n'est pas justifié que le règlement s'applique à lui. Cependant, cette partie de la réflexion ne concerne plus le pouvoir de juridiction mais la compétence internationale elle-même. C'est ce dernier point qu'il convient d'étudier.

B. Immunités et détermination de la compétence juridictionnelle

25.Une fois écartée l'immunité de juridiction, par des motifs fondés sur le droit national de chaque Etat et sur le droit international public coutumier ou conventionnel, la question de la détermination de l'étendue de la compétence juridictionnelle, qui constitue l'objet du Règlement Bruxelles I, peut être abordée. C'est à ce moment seulement de la réflexion qu'il faut s'interroger sur le champ d'application matériel du règlement. Plus précisément, il s'agit alors de savoir si les chefs de compétence prévus par le texte peuvent s'appliquer au litige en cause. La question de l'immunité ayant été préalablement résolue, il ne s'agit plus en principe de savoir si l'exercice de sa compétence judiciaire par le for est susceptible de porter atteinte à la souveraineté ou à l'indépendance de l'Etat étranger ou de l'organisation internationale en cause. La seule interrogation qui demeure est l'adéquation du système de compétence mis en place par le texte avec les caractéristiques du litige. La pertinence des critères de compétence juridictionnelle classiques pour trancher un litige mettant en cause une personne publique étrangère a pu être discutée [54]. Notamment, il ressort de la jurisprudence en matière d'immunités de juridiction que les Etats sont assez réticents à admettre leur compétence à l'encontre d'un Etat étranger. Ceci explique que dans de telles hypothèses, les chefs de compétence soient soigneusement étudiés et le caractère raisonnable de l'assertion de compétence ainsi réalisée longuement soupesé. Tel est le sens de l'exigence dans de nombreux systèmes juridiques d'un lien suffisant entre le litige et le for afin d'écarter l'immunité de juridiction [55]. En réalité, cette exigence constitue une aggravation des critères de compétence lorsqu'un Etat étranger est en cause afin de s'assurer que la compétence internationale repose bien sur des critères significatifs et suffisants pour en légitimer l'exercice [56]. Pourtant, une telle solution apparaît discriminatoire à l'égard des autres justiciables, personnes privées, qui méritent tout autant que la compétence internationale exercée à leur encontre soit fondée sur des critères raisonnables et aptes à protéger leurs droits, notamment leur droit au procès équitable [57]. En outre, la phase préalable d'étude de l'immunité de juridiction devrait avoir vidé la spécificité du litige en tant qu'il concerne une personne publique.

26.Reste alors à décider si les chefs de compétence retenus par le règlement sont appropriés pour trancher des litiges mettant en cause des personnes publiques ou s'il est nécessaire de définir pour eux des critères de rattachement spécifiques. Les raisons de cette spécificité ne pourraient toutefois être trouvées que dans le caractère particulier du litige, tout comme des raisons particulières de protection de la partie faible ont conduit à créer des règles de compétence spéciales pour trancher les litiges mettant en cause des consommateurs, des travailleurs ou des assurés. Les règles de compétence du règlement étant fondées sur la nature des litiges et sur des objectifs de bonne administration de la justice, de localisation du litige et de proximité des preuves notamment, qui trouvent application dans les litiges étudiés, on ne voit pas pourquoi elles ne pourraient pas s'appliquer à l'encontre d'un Etat étranger une fois admis que l'immunité ne peut lui être accordée [58]. La mise à l'écart du système de compétence élaboré par le règlement ne pourrait avoir lieu que dans certains cas justifiés par l'applicabilité du droit public étranger [59], ou par la spécificité du contentieux administratif [60]. Mais ces hypothèses devraient être définies avec précision et l'exception large de droit public semble à l'heure actuelle manquer de pertinence. Les interrogations concernant les litiges impliquant des personnes publiques au regard de la compétence internationale, et de leur appartenance ou non au contentieux civil et commercial sont donc loin d'être taris.

[1] Maître de conférences à l'Université de Bourgogne, CREDIMI.
[2] Sur la notion d'internationalité du litige, V.D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, tome 1, 2e édition, PUF, 2010, spéc. n° 9 et les références.
[3] Nous n'étudierons pas la question des immunités diplomatiques qui ont peu évolué et présentent en règle générale un caractère absolu afin de garantir l'indépendance du personnel diplomatique à l'égard de l'Etat accréditaire. La Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques permet d'écarter l'immunité seulement dans des hypothèses très marginales (art. 31) et la jurisprudence interprète le texte restrictivement.
[4] Il arrive en sens inverse que des personnes privées prennent part à l'exercice de la puissance publique ou influent sur l'édiction de normes. V. sur ces questions M. Audit, Les Conventions transnationales entre personnes publiques, LGDJ, 2002, préf. P. Mayer; S. Lemaire, Les contrats internationaux de l'administration, LGDJ, 2005, préf. P. Mayer. V. également H. Muir Watt et E. Pataut, « Les actes iure imperii et le Règlement Bruxelles I, à propos de l'affaire Lechouritou », Rev. Crit. DIP 2008.61.
[5] Voir notamment, I. Pingel et E. Gaillard, « L'immunité de juridiction des organisations internationales: restreindre ou contourner? », in Mélanges Ph. Kahn, Litec, 2000, p. 205; I. Pingel (dir.), Droit des immunités et exigences du procès équitable, Pedone, 2004; J. Verhoeven (dir.), Le droit international des immunités: contestation ou consolidation?, Larcier, 2004; H. Chanteloup, « Les immunités de juridiction et le droit d'accès à la justice », Gaz. Pal., 15 janvier 2005, n° 15, p. 2; N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention EDH », JDI 2007, p. 3; K. Gachi, « L'immunité de juridiction », Rev. dr. trav., 2010, p. 218; J.-F. Flauss, « Immunités des organisations internationales et droit international des droits de l'homme », in La soumission des organisations internationales aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, Pedone, 2009, p. 71; S. Corneloup et N. Joubert, « Accès au juge et immunités de juridiction », in V. Donier et B. Lapérou (dirs.), L'accès au juge: recherche sur l'effectivité d'un droit, Bruylant, 2013, pp. 104-123.
[6] Voir notamment Cour eur. D.H. (Gde ch.), 23 mars 2010, n° 15869/02, Cudak / Lituanie, spéc. § 66, JCP 2010, Actu. 395, obs. Picheral; JCP 2010. Doctr. 859, n° 9, obs. Sudre et Cour eur. D.H. (Gde ch.), 29 juin 2011, n° 34869/05, Sabeh El Leil / France, JCP 2011, p. 874, veille par K. Grabarczyk, et p. 914, obs. F. Sudre, Procédures 2011 n° 8, comm. 266, note N. Fricero.
[7] Civ. 1, 16 décembre 2003, n° 02-45961, 27 avril et 2 juin 2004, Rev. Crit. DIP 2005.75, note H. Muir Watt; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni; Civ.1, 9 mars 2011, n° 09-14.743, FS-P+B+I, GIE La Réunion aérienne et a. / La Jamahiriya Arabe Libyenne populaire et socialiste, JDI 2011.19, note Ph. Delebecque et S. Adeline; Rev. Crit. DIP 2011.385, avis de l'av. gén. P. Chevalier, et p. 401, rapport du conseiller Pascal; C.I.J., 3 février 2012, Allemagne / Italie, disponible sur le site de la Cour www.icj-cij.org et H. Muir Watt, « Les droits fondamentaux devant les juges nationaux à l'épreuve des immunités juridictionnelles - A propos de l'arrêt de la Cour internationale de justice (Allemagne / Italie [Grèce Intervenant]), du 3 février 2012 », Rev. Crit. DIP 2012.539.
[8] Voir notamment CJCE, 15 février 2007, C-292/05, Lechouritou et H. Muir Watt et E. Pataut, op. cit.
[9] Vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant, G. Cornu (dir.), Paris, PUF, v° Immunité.
[10] Voir sur ce point une jurisprudence constante de la première chambre civile de la Cour de cassation depuis 1e Civ., 15 avril 1986, Rev. crit. DIP 1986, p. 723, note G. Couchez, confirmée en dernier lieu par 1e Civ., 9 mars 2011, n° 10-10.044, Rev. Crit. DIP 2011, p. 716, note H. Gaudemet-Tallon, RTD civ. 2011, p. 382, obs. Ph. Théry, Gaz. Pal., 18 octobre 2011, n° 291, p. 21, note A. Loiseau. Sur la distinction entre pouvoir et compétence, voy. not. Ph. Théry, Pouvoir juridictionnel et compétence (Etude de droit international privé), thèse dactyl., Paris II, 1981, pp. 223 et s.
[11] H. Motulsky, note sous Civ. 1e, 27 janvier 1969, Rev. Crit. DIP 1969.533, spéc. 537.
[12] Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, non encore en vigueur.
[13] Loi de ratification n° 2011-734 du 28 juin 2011, JCP 2011, p. 876, veille par J. Jehl.
[14] Cour eur. D.H. (Gde ch.), 29 juin 2011, n° 34869/05, Sabeh El Leil / France, op. cit.
[15] CJUE 19 juillet 2012, C-154/11, Ahmed Mahamdia, RDT 2012. 588, chron. F. Jault-Seseke, Rev. Crit. DIP 2013.217, note E. Pataut.
[16] En France, Civ. 25 février 1969, Soc. Levant Express, Rev. Crit. DIP 1970.102, note Bourel, Ch. Mixte, 20 juin 2003, Ecole saoudienne de Paris, Rev. Crit. DIP 2003.647, note H. Muir Watt, JDI 2003.1124, note I. Pingel; v. également C. Kessedjian, Rép. Dalloz de Droit international, V° Immunités, juin 2011 spéc. n° 78. Pour l'Allemagne, BAG, 20 octobre 1997, 2 AZR 631/96; BAG, 15 février 2005, 9 AZR 116/04; BAG, 30 octobre 2007, 3 AZB 17/07. V. aussi, pour le droit américain, Foreign Sovereign Immunities Act, 21 octobre 1976, Rev. Crit. DIP 1978.396 et pour le droit anglais State Immunity Act, 20 juillet 1978, Rev. Crit. DIP 1980.156.
[17] Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), JOUE L 351, 20 décembre 2012, p. 1.
[18] CJUE 19 juillet 2012, C-154/11, préc., considérants nos 54 et s.
[19] Sur ces questions, v. N. Joubert, La notion de liens suffisants avec l'ordre juridique (Inlandsbeziehung) en droit international privé, Travaux du CREDIMI n° 29, Litec, 2007, spéc. n° 307.
[20] Voir toutefois pour le droit américain, Foreign SovereignImmunities Act, 21 octobre 1976, Rev. Crit. DIP 1978.396 et pour le droit anglais State Immunity Act, 20 juillet 1978, Rev. Crit. DIP 1980.156.
[21] L'immunité des organisations internationales prend sa source dans un traité international, le traité constitutif de l'organisation ou l'accord de siège. Il n'existe donc aucun régime général. L'immunité est instituée au cas par cas, pour chaque organisation internationale, même si l'on observe un certain alignement de fait des traités sur la convention du 13 février 1946 relative aux privilèges et immunités des Nations Unies ; voir sur ce point, J.-F. Flauss, op. cit., spéc. p. 72.
[22] En France pour la première fois, Req. 19 février 1929, DP 1929.1.73, note Savatier, S. 1930.1.49, note Niboyet. Sur l'évolution, v. par ex. B. Ancel et Y. Lequette, Les grands arrêts du droit international privé, Dalloz, 5e édition, 2006, n° 47.
[23] Pour une présentation du droit comparé, v., M. Cosnard, La soumission des Etats aux tribunaux internes - Face à l'immunité des Etats, Paris, Pédone, 1996, spéc. pp. 22 et s. V. aussi, I. Pingel-Lenuzza, Les immunités des Etats en droit international, Bruxelles, Bruylant, 1997, spéc. n° 8 et 41 et s.; P. Mayer, « Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence », Rev. Crit. DIP 1979, pp. 1 et s., pp. 349 et s. et pp. 537 et s.
[24] Voir N. Joubert, op. cit., spéc. nos 313 et s. et les références.
[25] Et notamment son préambule, RTD europ. 1973.313.
[26] Cour eur. D.H. (Gde ch.), 23 mars 2010, n° 15869/02, Cudak / Lituanie, préc. spéc. § 66 et Cour eur. D.H. (Gde ch.), 29 juin 2011, n° 34869/05, Sabeh El Leil / France, op. cit., spéc. § 54.
[27] Voir les références supra, note 16.
[28] Voir D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, tome 1, PUF, 2010, spéc. n° 90.
[29] Par ex., Crim. 23 novembre 2004, aff. Erika, n° 04-84265; M.-L. Niboyet et G. de la Pradelle, Droit international privé, 3e édition, LGDJ, 2011, spéc. n° 599.
[30] Soc., 31 mai 2011, n° 10-24751, inédit; I. Pingel, « Immunité de juridiction et contrat de travail: du nouveau », JDI 2003. 1115; Soc., 31 mars 2009, n° 07-45.618, D. 2009. 1148, JCP 2009. II. 10097, note F. Mélin. La même solution est retenue par la Cour eur. D.H. dans les arrêts Cudak et Sabeh El Leil précités. Voir aussi plus récemment, Cass. Soc., 28 février 2012, D. 2012. 688, Rev. Crit. DIP 2013.179, note L. d'Avout considérant que l'acte de gestion administrative consistant pour un Etat étranger à déclarer ou à ne pas déclarer un salarié à un régime français de protection sociale en vue de son affiliation n'est pas un acte de souveraineté et n'est en conséquence pas couvert par l'immunité de juridiction.
[31] Voir également la position éclairante du Tribunal Fédéral suisse, pour lequel il s'agit de soupeser les intérêts respectifs de l'Etat défendeur à la protection de sa souveraineté d'une part, et du demandeur à obtenir la protection des tribunaux de l'Etat du for d'autre part: Tribunal Fédéral, 22 mai 1984, S. / Etat de l'Inde, ATF 110 II 255, JDI 1987.997 (extraits), traduction P. Lalive.
[32] M. Cosnard, La soumission des Etats aux tribunaux internes - Face à l'immunité des Etats, op. cit., spéc. pp. 15-16; B. Stern, « Conclusions générales », in L'immunité d'exécution de l'Etat étranger, 4e journée d'actualité internationale, Cahiers du CEDIN n° 4, Paris, Montchrestien, 1990, p. 219.
[33] En ce sens également, E. Pataut, note précitée sous l'arrêt Mahamdia, Rev. Crit. DIP 2013.217.
[34] CJCE, 14 octobre 1976, Eurocontrol, aff. 29/76, Rec. 1541, concl. Reischl, Rev. Crit. DIP 1977. 772, note G.A.L. Droz, JDI 1977. 707, obs. A. Huet.
[35] Voir aussi CJCE, 15 mai 2003, C-266/01, Préservatrice foncière TIARD, Rec. I, 4867, concl. Ph. Léger, JDI 2004. 646, obs. J.-M. Bischoff, RTD com. 2003. 608, obs. A. Marmisse, Procédures 2003, comm. 172, obs. C. Nourissat qui distingue selon que le rapport juridique correspond ou non « à l'exercice par l'Etat de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ».
[36] CJCE, 15 février 2007, C-292/05, Lechouritou, op. cit.
[37] CJUE, 19 juillet 2012, C-154/11, Ahmed Mahamdia, op. cit.
[38] En ce sens également, F. Jault-Seseke, RDT 2012. 588 et E. Pataut, Rev. Crit. DIP 2013.217.
[39] CJUE, 11 avril 2013, C-645/11, Land Berlin / Sapir, Europe, juin 2013. Comm. 290, obs. L. Idot.
[40] CJUE, 12 septembre 2013, C-49/12, The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs / Sunico.
[41] Supra, n° 6.
[42] Même si l'on suppose qu'il s'agissait de s'aligner sur la formulation d'autres règlements européens comme le règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées ou sur le règlement (CE) n° 861/ 2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, cela ne justifie pas plus la mention qui paraît pour le moins maladroite.
[43] Voir notamment N. Joubert, op cit., spéc. n° 326 et s. présentant la jurisprudence du Tribunal Fédéral suisse qui exige non seulement un acte de gestion mais encore une Binnenbeziehung, un rattachement avec le for, suffisante. On retrouve cette confusion également dans les conventions internationales comme la convention européenne sur l'immunité des Etats de 1972 et la convention des Nations Unies de 2004, op. cit., nos 353 et s.
[44] B. Audit, note sous Civ. 1, 1er octobre 1985, Sonatrach, Rev. Crit. DIP 1986.535.
[45] Sur cette pratique et les confusions sur lesquelles elle repose, voir N. Joubert, op. cit., spéc. nos 348 et s.
[46] Sur la position maladroite du règlement n° 1215/2012 (Règlement Bruxelles I refonte) sur ce champ d'application, voir supra, n° 6 et n° 18.
[47] Rapport Schlosser JOCE C 59, 5 mars 1979, n° 23.
[48] Pour une approche plus conforme aux principes, voir l'avant-projet de Convention de La Haye sur les jugements, dont l'art. 1 affirmait en son paragraphe 4 que « la Convention n'affecte pas les privilèges et immunités dont jouissent les Etats souverains, leurs émanations ou les organisations internationales », Conférence de La Haye, « Avant-projet de Convention sur la compétence et les jugements étrangers en matière civile et commerciale » et Rapport de P. Nygh et F. Pocar, Doc. Prél. n° 11, août 2000, disponible sur le site de la conférence: www.hcch.net.
[49] H. Muir Watt et E. Pataut, « Les actes iure imperii et le Règlement Bruxelles I, à propos de l'affaire Lechouritou », Rev. Crit. DIP 2008.61.
[50] Soc., 26 janvier 1989, Air Algérie, Rev. crit DIP 1989. 754, note H. Gaudemet-Tallon. Pour la possibilité théorique d'application du droit public étranger dans les contentieux entre personnes publiques d'Etats différents, voir M. Audit, Les conventions transnationales entre personnes publiques, LGDJ, 2002, préf. P. Mayer, pp. 317 et s. et S. Lemaire, Les contrats internationaux de l'administration, LGDJ, 2005, préf. P. Mayer. Adde, I. Rueda, « La place de la matière administrative et des immunités au sein d'un code européen de droit international privé », in M. Fallon, P. Lagarde et S. Poillot-Peruzzetto (dirs.), Quelle architecture pour un code européen de droit international privé?, Peter Lang, 2012, p. 223.
[51] Op. cit.
[52] CJUE, 12 septembre 2013, op. cit.
[53] Pour une présentation des actes qui entrent ou n'entrent pas dans le champ d'application du règlement selon la Cour de justice, voir H. Muir Watt et E. Pataut, op. cit., spéc. n° 5.
[54] Voir H. Muir Watt et E. Pataut, op. cit., spéc. n° 20 et les références.
[55] Sur toute cette discussion, voir N. Joubert, op. cit., spéc. nos 387 et s.
[56] Sur l'exigence d'un rattachement suffisant en général, voir P. Lagarde, « Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain », RCADI 1986-1, tome 196, p. 9.
[57] R. Higgings, « Certain Unresolved Aspects of the Law of State Immunity », NILR 1982.265, spéc. p. 267; C. Kessedjian et C. Schreuer, « Le projet d'articles de la Commission du droit international des Nations Unies sur les immunités des Etats », RGDIP 1992.229, spéc. p. 316.
[58] En faveur de la pertinence des règles de compétence du règlement dans ce type d'hypothèses, y compris lorsqu'il s'agit de condamner des actes illégaux ou des violations des droits de l'homme, voir H. Muir Watt et E. Pataut, op. cit., spéc. nos 26 et s. Voir également, I. Rueda, « La place de la matière administrative et des immunités au sein d'un code européen de droit international privé », op. cit., spéc. p. 229.
[59] Voir cet argument dans l'affaire The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs / Sunico, CJUE, 12 septembre 2013, C-49/12, op. cit.
[60] Sur le « tabou » du droit public, voir H. Muir Watt, « Aspects économiques du droit international privé », RCADI 2004, tome 307, nos 273 et s.