La reconnaissance par le juge belge d'une immunité à un Etat ou à une organisation internationale viole-t-elle le droit d'accès à un tribunal?
TABLE DES MATIERES
I. La Cour européenne des droits de l'homme conçoit la question différemment selon que le défendeur est un Etat ou une organisation internationale A. La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole pas systématiquement le droit d'accès à un tribunal 1. La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole pas en soi le droit d'accès à un tribunal
2. La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole le droit d'accès à un tribunal que si la portée de l'immunité reconnue excède celle que lui attribue le droit international a. Lorsque le litige concerne un contrat de travail, l'immunité de l'Etat subsiste si l'acte étatique ou la fonction contractuelle en question relève de la puissance publique
B. La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas systématiquement le droit d'accès à un tribunal 1. La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas en soi le droit d'accès à un tribunal
2. La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas le droit d'accès à un tribunal tant que sa portée respecte certaines proportions a. L'immunité d'une organisation internationale subsiste s'il existe d'autres voies pour le requérant de faire valoir ses droits
II. Les juges belges ne conçoivent pas la question si différemment selon que le défendeur est une organisation internationale ou un Etat A. Les juges belges estiment pouvoir reconnaître l'immunité d'une organisation internationale sans porter atteinte au droit d'accès à un tribunal à certaines conditions 1. Les juges belges reconnaissent les immunités d'une organisation internationale si le demandeur dispose par ailleurs d'une voie de recours offrant les garanties du procès équitable a. Les juges belges vérifient si le demandeur dispose d'une voie de recours alternative avant de reconnaître l'immunité d'exécution d'une organisation internationale
B. Les juges belges estiment pouvoir reconnaître l'immunité d'un Etat étranger sans porter atteinte au droit d'accès à un tribunal à certaines conditions cumulatives 1. Les juges belges reconnaissent l'immunité d'un Etat étranger dans la mesure prévue par le droit international
Introduction |
Depuis que la Cour européenne des droits de l'homme a affirmé en 1975 que l'accès au juge constituait pour tout individu un élément inhérent aux garanties consacrées à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme [4], la question de l'articulation entre les immunités dont jouissent les Etats et les organisations internationales devant les tribunaux nationaux, d'une part, et le droit dont dispose toute personne à ce qu'un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil, d'autre part, se pose avec acuité [5]. Etant donné que la Cour de Strasbourg reconnaît que le « droit à un tribunal » n'est pas absolu et peut se prêter à certaines limitations à condition que ces dernières ne restreignent pas l'accès offert au requérant d'une manière ou à un point tels que le droit découlant de la convention s'en trouve atteint dans sa substance même [6], la question qui se pose est plus précisément celle de déterminer la mesure dans laquelle le juge peut reconnaître l'immunité dont jouissent les sujets du droit international sans porter atteinte à la convention. Les réponses qu'y apportent respectivement la Cour européenne des droits de l'homme et les juridictions belges divergent singulièrement. Cela ne signifie pas que les décisions rendues par le juge belge ne respectent pas le prescrit de l'article 6 de la convention. Au contraire, les décisions nationales réservent plutôt à l'accès au juge une portée plus large que la Cour européenne elle-même. Si elles sont par conséquent parfaitement conformes à la Convention européenne des droits de l'homme, les décisions rendues par le juge belge n'en soulèvent pas moins des difficultés au regard des obligations internationales incombant à la Belgique de respecter les immunités des Etats et des organisations internationales. La présente étude a pour objet de souligner et d'expliquer la différence entre les manières dont la Cour européenne et les juges belges abordent cette question à travers les représentations que l'une et les autres se font des règles du droit international mises en jeu et de leurs interactions. Alors que la Cour de Strasbourg conçoit cette question différemment selon que le défendeur est un Etat ou une organisation internationale en raison de la fonction différente que lui paraît remplir l'immunité dans ces deux cas de figure (I), les juges belges semblent l'aborder de manière semblable, à l'aide de critères identiques (II).
I. | La Cour européenne des droits de l'homme conçoit la question différemment selon que le défendeur est un Etat ou une organisation internationale |
Si la Cour considère que la reconnaissance par un juge de l'immunité d'un Etat comme d'une organisation internationale ne viole pas systématiquement le droit d'accès à un tribunal, on peut constater que les motifs qui sous-tendent l'appréciation de la Cour diffèrent d'un cas (A) à l'autre (B).
A. | La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole pas systématiquement le droit d'accès à un tribunal |
Pour la Cour, la reconnaissance par un juge de l'immunité d'un Etat ne viole pas en soi le droit d'accès au tribunal du demandeur (1). Cela peut cependant être le cas si la portée de l'immunité ainsi reconnue excède celle que lui attribuent les règles du droit international (2).
1. La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole pas en soi le droit d'accès à un tribunal |
De manière constante, la Cour considère que le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et peut connaître des restrictions à condition que ces dernières poursuivent un but légitime et constituent des moyens proportionnés d'y parvenir [7]. A ses yeux, la reconnaissance par les juges nationaux de l'immunité d'un Etat - qu'il s'agisse d'une immunité de juridiction ou d'exécution - poursuit le but légitime de respecter le droit international et la souveraineté nationale des Etats aux fins de favoriser la courtoisie et les bonnes relations interétatiques [8]. Quant au caractère proportionné de cette restriction au droit d'accès à un tribunal, la Cour affirme qu'« on ne peut dès lors en règle générale considérer comme une restriction disproportionnée au droit d'accès à un tribunal tel que le consacre l'article 6, 1., des mesures prises par une Haute Partie contractante qui reflètent des principes de droit international généralement reconnus en matière d'immunité des Etats. De même que le droit d'accès à un tribunal est inhérent à la garantie d'un procès équitable accordée par cet article, de même certaines restrictions à l'accès doivent être tenues pour lui être inhérentes; on en trouve un exemple dans les limitations généralement admises par la communauté des nations comme relevant de la doctrine de l'immunité des Etats » [9].
Sous réserve de précisions relatives aux spécificités de chaque cas d'espèce qu'on étudiera par la suite, c'est dans ces termes généraux que la Cour articule les immunités reconnues aux Etats étrangers au droit des individus d'avoir accès à un tribunal, selon un raisonnement dont on peut remarquer qu'il aboutit à déduire le caractère proportionné de la restriction en question au droit d'accès au juge, de la légitimité de son objectif visant à respecter le droit international. Cette articulation amène la Cour à estimer que la reconnaissance d'une immunité à un Etat étranger ne viole pas en soi l'article 6, 1., de la convention.
Le raisonnement qu'adopte la Cour à ce sujet véhicule, à propos des rapports que les immunités des Etats étrangers entretiennent avec le droit à un tribunal, des représentations qui méritent d'être soulignées dans la mesure où ces dernières sont loin d'être unanimement partagées, que ce soit par les juges ou par la doctrine. La Cour aborde le respect de l'immunité des Etats étrangers comme une obligation découlant du droit international qui, loin de contredire la règle contenue à l'article 6, 1., de la convention, tendrait plutôt à en dessiner les contours. Proposant une interprétation conciliante des règles mises en jeu,
« [La Cour] rappelle que la convention doit s'interpréter à la lumière des principes énoncés par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, qui énonce en son article 31, 3., c) qu'il faut tenir compte de 'toute règle de droit international applicable aux relations entre les parties'. La convention, y compris son article 6, ne saurait s'interpréter dans le vide. La Cour ne doit pas perdre de vue le caractère spécifique de traité de garantie collective des droits de l'homme que revêt la convention et elle doit tenir compte des principes pertinents du droit international (…). La convention doit autant que faire se peut s'interpréter de manière à se concilier avec les autres règles du droit international dont elle fait partie intégrante, y compris celles relatives à l'octroi de l'immunité aux Etats » [10].
Cette analyse qu'on trouve de manière récurrente dans la jurisprudence de la Cour européenne a amené la Commission du droit international à estimer, dans son rapport relatif à la fragmentation du droit international, que la Cour « se réfère constamment au droit international général en partant de l'hypothèse que les droits énoncés dans la convention s'interprètent en harmonie avec le droit général et sans partir de l'idée a priori que les premiers doivent avoir la préséance » [11]. Les rapports qu'entretiennent les immunités des Etats avec le droit d'accès à un tribunal ne sont pas présentés par la Cour comme des rapports conflictuels, contrairement à certaines juridictions nationales et certains auteurs [12]. Partant, le juge national, invité à reconnaître à la fois l'immunité d'un Etat et le droit à un tribunal d'un individu, n'est pas confronté à un conflit de normes, si on vise par cette expression la situation où deux normes applicables au cas d'espèce dont le juge est saisi proposent respectivement des solutions contradictoires et où le juge n'a d'autre choix que d'appliquer l'une à l'exclusion de l'autre [13]. A suivre la Cour, il appartient plutôt au juge d'interpréter ces deux règles du droit international l'une par rapport à l'autre, en restant attentif à l'évolution de l'interprétation qui leur est réservée. Il peut sembler formaliste de souligner cette façon, pour la Cour européenne, de concevoir les rapports entre diverses règles juridiques. Son analyse ne paraît toutefois pas anodine pour comprendre le traitement que la Cour réserve à certains argumentaires plus spécifiques. Elle offre, par exemple, un éclairage quant aux raisons pour lesquelles la Cour repousse l'argument selon lequel le juge serait dans l'obligation d'écarter l'immunité d'un Etat étranger en raison du caractère impératif de la norme supposément violée par cet Etat telle que l'interdiction de la torture, par exemple. Le caractère impératif d'une norme n'étant ici un facteur déterminant que dans l'hypothèse d'un conflit de normes, on peut comprendre que la Cour ne s'y attarde pas dès lors qu'à ses yeux un tel conflit est inexistant, comme on le verra plus loin.
2. La reconnaissance de l'immunité d'un Etat ne viole le droit d'accès à un tribunal que si la portée de l'immunité reconnue excède celle que lui attribue le droit international |
La Cour européenne des droits de l'homme examine fréquemment des décisions nationales par lesquelles les juges reconnaissent aux Etats étrangers une immunité. Elle y est régulièrement invitée par des requérants qui prétendent que cette reconnaissance est parfois si large qu'on ne saurait y voir une restriction proportionnée à leur droit d'accès à un tribunal. Chaque affaire appelle des considérations particulières liées aux faits en cause et aux règles juridiques applicables. De manière générale, on peut toutefois noter que la Cour refuse de prendre en considération des exceptions ou des limites aux immunités des Etats lorsque celles-ci lui semblent insuffisamment ancrées en droit international positif. Lorsqu'elle trace les contours des immunités des Etats qui seraient acceptables à la lumière de la convention, la Cour reste principalement guidée par les règles du droit international et, plus précisément, par la distinction - aussi classique qu'évolutive [14] - entre les actes de jure imperii et les actes de jure gestionis de l'Etat qui structure ces règles. Si on devait déduire de la jurisprudence de la Cour l'attitude qu'un juge se doit d'adopter lorsqu'il est saisi d'une action dirigée contre un Etat de façon à ne pas porter atteinte à l'article 6, 1., de la convention, on pourrait la schématiser à travers les affirmations suivantes. Lorsque l'action dirigée contre l'Etat concerne un contrat de travail, le juge peut reconnaître l'immunité de l'Etat si le comportement étatique critiqué ou la fonction attribuée contractuellement par l'Etat à l'individu concerné relève de la puissance publique (a). Le juge ne peut écarter l'immunité d'un Etat lorsque l'action qui le vise entend engager sa responsabilité du fait de ses forces armées, même si ce fait a engendré des dommages sur le territoire de l'Etat du for (b). Le juge n'est pas tenu d'écarter l'immunité de l'Etat quand l'action qui vise ce dernier entend engager sa responsabilité du fait de violations de normes impératives du droit international général (jus cogens) (c). Quant aux mesures d'exécution requises à l'encontre d'un Etat étranger, le juge peut refuser de les ordonner dans la mesure prévue par le droit international (d).
a. Lorsque le litige concerne un contrat de travail, l'immunité de l'Etat subsiste si l'acte étatique ou la fonction contractuelle en question relève de la puissance publique |
Lorsque la Cour vérifie si la reconnaissance par un juge de l'immunité d'un Etat étranger dans le cadre d'un litige concernant un contrat de travail le liant à un individu porte atteinte au droit d'accès de ce dernier à un tribunal, elle apprécie la décision du juge à l'aune des règles du droit international qui précisent l'étendue des immunités des Etats dans ce cas de figure, dans une perspective dynamique qui requiert de tenir compte de l'évolution que ces règles connaissent. Plus précisément, la Cour considère que le juge ne viole pas la convention s'il reconnaît l'immunité de l'Etat dans l'hypothèse où le litige a trait à un acte ou à une fonction relevant de la puissance publique, comme cela ressort des décisions suivantes.
La Cour a par exemple estimé qu'en reconnaissant une immunité aux Etats-Unis dans le cadre d'une action visant à contester le refus d'une ambassade américaine de réengager une personne en son sein, le juge britannique n'a pas porté atteinte au droit de cette dernière d'avoir accès à un tribunal. En l'espèce, madame Fogarty avait précédemment intenté une action contre l'ambassade du fait de son licenciement dont le juge britannique avait reconnu qu'il était motivé par une discrimination fondée sur le sexe. Lorsque la demanderesse avait à nouveau saisi les tribunaux pour se plaindre cette fois-ci du refus de la réintégrer à un autre poste, les Etats-Unis avaient choisi d'invoquer leur immunité de juridiction - contrairement à ce qui avait été le cas lors de la première action en justice - et avaient été suivis sur ce point. Madame Fogarty avait alors porté l'affaire devant la Cour européenne, reprochant au juge britannique d'avoir reconnu une immunité dont les contours étaient trop larges au regard de l'état contemporain du droit international pour être considérée comme une restriction proportionnée à son droit d'accès au tribunal. Evoquant la loi britannique de 1978 sur l'immunité des Etats, la Convention européenne de 1972 sur l'immunité des Etats ainsi que les travaux de la Commission du droit international sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, la Cour refuse de suivre le raisonnement de la requérante car les limites à l'immunité de l'Etat invoquées lui semblent insuffisamment établies en droit international:
« [...] la documentation dont elle dispose (...) fait apparaître une tendance en droit international et comparé à limiter l'immunité des Etats dans les litiges portant sur des questions liées à l'emploi. Toutefois, lorsqu'une procédure concerne un emploi dans une mission ou une ambassade étrangère, la pratique internationale se partage sur la question de savoir si l'immunité de l'Etat continue de s'appliquer et, dans l'affirmative, si elle vaut pour les différends relatifs aux contrats de l'ensemble du personnel ou seulement à ceux des membres de la mission qui occupent des postes élevés. L'on ne peut assurément pas dire que le Royaume-Uni soit seul à prétendre que l'immunité s'applique aux actions intentées par les agents des missions diplomatiques ou que, en accordant cette immunité, le Royaume-Uni s'écarte de normes internationales actuellement admises. Par ailleurs, la procédure que la requérante voulait engager portait non pas sur les droits contractuels d'un agent d'ambassade en poste, mais sur une discrimination prétendue dans les modalités de recrutement. Compte tenu de la nature même des missions et ambassades, l'engagement de leur personnel peut présenter des aspects sensibles et confidentiels touchant notamment à la politique diplomatique et organisationnelle d'un Etat étranger. A la connaissance de la Cour, aucune tendance ne se manifeste en droit international vers un assouplissement du principe de l'immunité des Etats en ce qui concerne les questions de recrutement dans les missions étrangères. La Cour relève à cet égard que - cela ressort clairement des documents mentionnés plus haut (...) - la Commission du droit international n'entendait pas exclure l'application de l'immunité des Etats lorsque la procédure a pour objet l'engagement d'une personne, y compris l'engagement sur un poste d'une mission diplomatique » [15].
En reconnaissant une immunité aux Etats-Unis dans ces circonstances et à la lumière de l'état du droit international d'alors, le juge britannique n'a pas violé l'article 6, 1., de la convention.
Plus de dix années plus tard, la Cour adopte, au sujet de trois litiges opposant un employé à l'Etat qui l'emploie à l'étranger, un raisonnement renvoyant également aux règles du droit international qui s'étaient entre-temps clarifiées avec l'adoption en 2004 de la Convention des Nations Unies relative aux immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens [16]. Dans une première affaire, madame Cudak qui exerçait au sein de l'ambassade polonaise à Vilnius les fonctions de secrétaire-standardiste prétendait qu'en reconnaissant une immunité à la Pologne et en se déclarant incompétent pour connaître de son action visant à réclamer une indemnité pour licenciement abusif, le juge lituanien avait méconnu son droit d'accès à un tribunal. Dans une seconde affaire, monsieur Sabeh el Leil qui exerçait au sein de l'ambassade du Koweït à Paris des fonctions de comptable estimait qu'en reconnaissant une immunité au Koweït et en considérant irrecevable son action visant à contester son licenciement, le juge français avait violé son droit d'accès à un tribunal. Dans une troisième affaire, madame Guadagnino qui travaillait au service de publications de l'Ecole française de Rome affirmait qu'en reconnaissant une immunité à la France dans le cadre d'un litige relatif à l'évaluation de sa carrière et son licenciement, le juge italien avait violé son droit d'accès à un tribunal. Dans chacune de ces affaires, la Cour se livre à un examen des lois et pratiques nationales adoptées au sujet des immunités des Etats étrangers ainsi qu'à une analyse de l'état contemporain du droit international en se référant généralement à la Convention de 1972 sur l'immunité des Etats et à la Convention des Nations Unies de 2004 relative aux immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens. A ses yeux, les règles du droit international relatives aux immunités des Etats, telles que la Convention des Nations Unies les codifie, présentent un caractère coutumier et lient les Etats concernés alors même que cette convention n'est pas encore entrée en vigueur et que les Etats concernés n'y sont pas parties, pour autant toutefois qu'ils ne s'y sont pas opposés [17]. Selon la Cour, ces règles s'appliqueraient d'autant plus qu'elles trouvent un écho dans la pratique interne des Etats concernés [18]. On ne saurait commenter ici longuement la manière dont la Cour s'y prend pour conclure à l'applicabilité à titre coutumier des règles en question aux Etats concernés. L'analyse du raisonnement adopté par la Cour sur ce point mériterait cependant d'être approfondie au regard notamment des travaux menés par la Commission du droit international au sujet des méthodes qu'il convient d'utiliser pour établir l'existence d'une coutume [19].
Ayant établi que les règles du droit international s'appliquent à titre coutumier aux affaires dont elle est saisie, la Cour en vient à étudier leur contenu. La Cour rappelle que la règle codifiée à l'article 11 de la Convention des Nations Unies prévoit qu'un Etat ne peut invoquer son immunité devant un tribunal étranger si l'action qui le vise se rapporte à un contrat de travail le liant à un employé exerçant son travail sur le territoire de l'Etat du for. La Cour souligne que cette règle admet plusieurs exceptions qui renvoient notamment aux hypothèses dans lesquelles l'employé est engagé pour s'acquitter de fonctions étroitement liées à l'exercice de la puissance publique. Examinant les fonctions de madame Cudak, la Cour relève que la requérante était notamment chargée d'enregistrer les conversations internationales, de dactylographier des textes, d'envoyer et de réceptionner des télécopies, de photocopier des documents, de fournir des informations et d'aider à organiser certains événements [20]. Estimant que de telles fonctions ne relèvent pas de l'exercice de la puissance publique, la Cour considère que la reconnaissance d'une immunité à la Pologne porte atteinte à la substance même du droit d'accès à un tribunal de la requérante et conclut que le juge lituanien viole ainsi l'article 6, 1., de la convention [21]. Dans l'affaire Sabeh el Leil, la Cour estime qu'il n'a pas été démontré en quoi les fonctions du requérant qui officiait en tant que comptable au sein de l'ambassade du Koweït « auraient été objectivement liées aux intérêts supérieurs de l'Etat du Koweït » [22] et conclut que le juge français en reconnaissant une immunité au Koweït porte atteinte à l'article 6, 1., de la convention. Dans la troisième affaire, la Cour étudie les fonctions exercées par madame Guadagnino au sein de l'Ecole française de Rome et estime que « rien ne fait présumer que les fonctions exercées par celle-ci relevaient de la puissance publique ou étaient liées aux intérêts supérieurs de la France » [23]. Pour cette raison, la Cour conclut ici encore que le juge italien, en reconnaissant une immunité à la France, viole l'article 6, 1., de la convention.
En somme, il ressort de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg que le juge national doit se référer aux règles du droit international pour reconnaître ou, le cas échéant, écarter l'immunité d'un Etat défendeur et qu'à la condition de respecter la portée de l'immunité définie par ces règles, le juge ne porte pas atteinte au droit d'accès à un tribunal de l'individu [24]. On ne saurait commenter ici l'interprétation que la Cour réserve à ces règles mais on peut dire, de manière générale, que son interprétation reste assez classique et correspond notamment à l'approche que la Commission du droit international leur réserve [25].
b. Lorsque le fait de l'Etat a causé des dommages dans l'Etat du for, l'immunité de l'Etat subsiste pour le comportement de ses forces armées |
C'est encore en référence aux règles du droit international que la Cour définit la mesure dans laquelle le juge peut reconnaître l'immunité d'un Etat étranger lorsque l'action qui le vise entend engager sa responsabilité pour des dommages causés dans l'Etat du for. Dans le cadre de l'affaire McElhinney / Irlande, le requérant reprochait au juge irlandais d'avoir reconnu une immunité au Royaume-Uni dans le cadre d'une action en responsabilité introduite du fait des tirs d'un soldat britannique en poste à la frontière entre les deux Etats. Pour le requérant, l'immunité ne pouvait être invoquée dès lors que l'acte de l'Etat était survenu dans l'Etat du for et avait engendré des dommages corporels. Son analyse s'appuyait sur des lois adoptées au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, sur la Convention de 1972 et sur ce qui n'était alors qu'un projet d'articles préparé par la Commission du droit international au sujet des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens [26]. La Cour n'a pas été convaincue qu'une telle limitation était alors suffisamment établie en droit international:
« [...] il semble exister en droit international et comparé une tendance à limiter l'immunité des Etats en cas de dommages corporels dus à un acte ou une omission survenus dans l'Etat du for, mais [...] cette pratique n'est nullement universelle. Les textes mentionnés [...] montrent en outre que cette tendance paraît concerner essentiellement les dommages corporels 'assurables', c'est-à-dire ceux causés par des accidents de la circulation ordinaires, et non des problèmes relevant de la sphère centrale de souveraineté des Etats, tels que les actes d'un soldat sur le territoire d'un Etat étranger; ceux-ci peuvent, par nature, soulever des questions sensibles touchant aux relations diplomatiques entre Etats et à la sécurité nationale. On ne peut assurément pas dire que l'Irlande soit seule à estimer que l'immunité s'applique en cas d'actions pour des dommages ainsi causés par des acta jure imperii ou, qu'en accordant cette immunité, elle se démarque de normes internationales actuellement admises. La Cour, [...], n'estime pas possible, dans l'état actuel du droit international, de conclure que le droit irlandais se heurte aux principes de celui-ci » [27].
La Cour estime qu'en reconnaissant une immunité au Royaume-Uni, le juge irlandais n'a pas porté atteinte à l'article 6, 1., de la convention. On peut souligner que l'interprétation que la Cour réserve aux règles du droit international correspond à celle qu'adopte sur ce point la Commission du droit international et la Cour internationale de justice dans l'affaire des Immunités juridictionnelles de l'Etat opposant l'Allemagne à l'Italie [28].
L'affaire Markovic mérite également d'être mentionnée. Si elle ne concerne pas à proprement parler l'immunité d'un Etat contrairement à ce qu'avançaient les requérants, l'affaire est intéressante parce que, d'une part, la Cour y précise ce que constituent « l'immunité d'un Etat » et « le droit d'accès à un tribunal » et, d'autre part, la Cour se réfère encore au droit international pour vérifier si la restriction en cause au droit d'accès à un tribunal peut être admise au regard de l'article 6, 1., de la convention. Dans cette affaire, une dizaine de personnes ayant perdu leurs proches lors du bombardement par l'OTAN en 1999 de l'immeuble abritant la radio-télévision serbe à Belgrade avaient intenté devant les tribunaux italiens une action en réparation afin d'obtenir des dommages et intérêts de la part de l'Italie en raison du soutien politique et logistique que cet Etat avait offert à cette opération. Les juges italiens s'étaient déclarés incompétents en estimant que l'acte reproché à l'Italie s'apparentait à un acte de gouvernement qui n'était pas susceptible de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel. Les requérants avaient alors saisi la Cour européenne, prétendant que les juges italiens avaient reconnu de facto une immunité à l'Italie et méconnu ainsi leur droit d'accès à un tribunal. La Cour ne partage pas leur analyse:
« La Cour n'est pas convaincue que la décision litigieuse ait consacré une immunité, en fait ou en pratique, en raison de son caractère prétendument absolu ou général. Comme le relève à juste titre le gouvernement défendeur, cette décision ne portait que sur un aspect de l'exercice de l'action en responsabilité dirigée contre l'Etat, aspect limité aux dommages découlant d'un acte de gouvernement relatif à un acte de guerre, et ne saurait être considérée comme ayant eu pour effet de soustraire arbitrairement à la compétence des tribunaux toute une série d'actions civiles. [...] Pour que l'article 6 entre en jeu, il ne suffit pas que l'inexistence en droit interne d'un motif d'agir puisse passer pour avoir le même effet qu'une immunité, en ce sens qu'elle empêche l'intéressé de réclamer en justice réparation pour une catégorie donnée de préjudices (...). La Cour considère que la décision de la Cour de cassation n'emporte pas consécration d'une immunité mais donne uniquement des indications quant à l'étendue du contrôle qu'un juge peut exercer sur un acte de politique étrangère tel qu'un acte de guerre. En l'espèce, la Cour est amenée à conclure que l'impossibilité pour les requérants de poursuivre l'Etat découlait non pas d'une immunité mais des principes régissant le droit d'action matériel en droit interne. Or, selon la tendance jurisprudentielle interne de l'époque, il n'y avait dans ce type d'affaire aucune possibilité de mettre en jeu la responsabilité de l'Etat » [29].
En soulignant que « ni l'interprétation du droit interne ni l'application, en droit interne, des traités internationaux invoqués ne permettaient de constater l'existence d'un 'droit' à réparation fondé sur la responsabilité délictuelle dans une telle situation » [30] - se référant ainsi à nouveau au droit international -, la Cour conclut finalement que l'Italie n'a pas méconnu l'article 6, 1., de la convention.
c. L'immunité de l'Etat ne doit pas être écartée lorsque l'action vise à engager la responsabilité de l'Etat pour avoir enfreint des normes relevant du jus cogens |
C'est à l'occasion de l'affaire Al-Adsani que la Cour européenne a été amenée à vérifier si la reconnaissance par un juge d'une immunité à un Etat étranger pouvait être considérée comme une atteinte au droit d'accès du requérant à un tribunal dans l'hypothèse où la règle de droit supposément violée par l'Etat présentait en droit international un caractère impératif. En l'espèce, monsieur Sulaiman Al-Adsani avait introduit devant les juridictions britanniques une action visant à engager la responsabilité du Koweït pour les mauvais traitements dont il affirmait avoir été la victime lorsqu'il avait été arrêté et emprisonné par un proche de l'émir du Koweït en raison d'une vidéo compromettante dont il disposait au sujet de l'émir. Se fondant sur la loi de 1978 sur l'immunité des Etats, les juges britanniques avaient débouté le requérant. Après s'être vu refuser l'autorisation de saisir la Chambre des Lords, il s'était tourné vers la Cour européenne et alléguait, entre autres, qu'il avait été privé de son droit d'accès à un tribunal [31]. La Cour n'a pas été convaincue par le requérant:
« même si elle note que l'importance primordiale de la prohibition de la torture est de plus en plus reconnue, la Cour ne juge pas établi qu'il soit déjà admis en droit international que les Etats ne peuvent prétendre à l'immunité en cas d'actions civiles en dommages-intérêts pour des actes de torture qui auraient été perpétrés en dehors de l'Etat du for. La loi de 1978, qui accorde l'immunité aux Etats en cas d'actions pour atteinte à l'intégrité de la personne sauf si le préjudice a été causé au Royaume-Uni, n'est pas en contradiction avec les limitations généralement admises par la communauté des nations comme relevant du principe de l'immunité des Etats » [32].
La Cour en déduit qu'il n'y a pas en l'espèce de violation de l'article 6, 1., de la convention. Cette conclusion est atteinte à la faveur d'une très courte majorité puisque seuls neuf des dix-sept juges y souscrivent. Dans une opinion dissidente commune, plusieurs juges partagent l'analyse du requérant selon laquelle les juges britanniques auraient dû faire prévaloir la norme interdisant la torture sur celle garantissant l'immunité des Etats en raison de la nature impérative de la première [33]. Ces juges envisagent le cas de figure comme un conflit normatif opposant l'interdiction de la torture à l'obligation de respecter l'immunité de l'Etat, alors que la Cour ne décèle pas de contradiction entre ces deux règles comme l'extrait reproduit ci-dessus permet de l'illustrer [34]. Malgré les vives critiques auxquelles elle a été soumise, la Cour a confirmé son raisonnement dans une affaire qu'il importe de présenter même si elle porte moins sur l'immunité de juridiction que sur l'immunité d'exécution des Etats. Dans cette affaire, monsieur Kalogeropoulou et 256 autres requérants avaient obtenu, de la part des juges grecs, une condamnation de l'Etat allemand à leur verser des dommages et intérêts en raison des crimes contre l'humanité dont le Troisième Reich s'était rendu responsable. Lorsqu'ils avaient tenté de faire exécuter cette décision, ils s'étaient heurtés au refus du ministre grec de la Justice motivé par l'immunité qu'il estimait devoir reconnaître à l'Allemagne. Saisissant alors la Cour européenne des droits de l'homme, les requérants soutenaient que « le droit international relatif aux crimes contre l'humanité est si fondamental qu'il constitue une norme de jus cogens qui l'emporte sur tous les autres principes de droit international, y compris le principe de l'immunité souveraine » [35]. Réaffirmant sa position, la Cour ne considère pas
« [...] qu'il soit déjà admis en droit international que les Etats ne peuvent prétendre à l'immunité en cas d'actions civiles en dommages-intérêts pour crimes contre l'humanité qui sont introduites sur le sol d'un autre Etat. Il ne saurait donc être demandé au gouvernement grec d'outrepasser contre son gré la règle de l'immunité des Etats. Cela est au moins vrai dans la situation du droit international public actuelle, telle que la Cour l'a constaté dans l'affaire Al-Adsani précitée, ce qui n'exclut pas un développement du droit international coutumier dans le futur » [36].
Pour la Cour, le refus d'accorder aux requérants l'autorisation de procéder à la saisie de biens allemands situés en Grèce ne saurait dès lors constituer une restriction disproportionnée au droit d'accès à un tribunal et le grief doit être rejeté car il est manifestement mal fondé [37].
A nouveau, la Cour se réfère à l'état contemporain du droit international pour déterminer la mesure dans laquelle un juge peut reconnaître l'immunité d'un Etat tout en respectant le prescrit de l'article 6 de la convention. On peut noter au surplus que l'interprétation proposée sur ce point par la Cour européenne est partagée par la Cour internationale de justice qui affirme, dans l'affaire des immunités juridictionnelles de l'Etat, qu'« en l'état actuel du droit international coutumier, un Etat n'est pas privé de l'immunité pour la seule raison qu'il est accusé de violations graves du droit international des droits de l'homme ou du droit international des conflits armés » [38].
d. L'immunité d'exécution de l'Etat peut être reconnue dans la mesure prévue par le droit international |
Lorsque la Cour doit déterminer si la reconnaissance par un juge de l'immunité d'exécution d'un Etat étranger porte atteinte au droit du demandeur d'avoir accès à un tribunal, c'est également à l'aune des règles du droit international applicables qu'elle apprécie la question. Trois affaires découlant de litiges concernant des biens immobiliers affectés par l'Etat étranger à certaines fonctions publiques peuvent être mentionnées à cet égard. Dans une première affaire, monsieur Kirov et madame Kirova s'étaient vus reconnaître par une juridiction bulgare un titre de propriété à l'égard d'une villa occupée par la mission consulaire de la République de Turquie et avaient tenté d'obtenir l'exécution de cette décision sans succès. Dans une deuxième affaire, monsieur Manoilescu et madame Dobrescu s'étaient vus reconnaître par une Commission administrative roumaine un titre de propriété à l'égard d'une villa occupée par la mission diplomatique de la Fédération de Russie et avaient saisi les juges roumains aux fins d'obtenir l'exécution de la décision rendue par la Commission sans plus de succès. Dans une dernière affaire quelque peu différente, monsieur Hirschhorn avait même obtenu une décision ordonnant la restitution à son bénéfice d'un immeuble que la Roumanie s'était appropriée sans titre valable et avait donné en location à une agence dénommée « United-States - Peace Corps ». Ces divers requérants déçus de ne pouvoir entrer en possession de leurs biens avaient porté l'affaire devant la Cour de Strasbourg en arguant notamment du fait que le défaut des juges nationaux d'ordonner les mesures d'exécution nécessaires constituait une violation de leur droit d'accès à un tribunal.
Se fondant sur la Convention de 1972, la Convention des Nations Unies de 2004 ainsi que les résolutions de l'Institut de droit international relatives aux immunités des Etats adoptées en 1954 et en 1991, la Cour constate que le droit international consacre le principe selon lequel les Etats étrangers bénéficient, sous réserve de certaines exceptions strictement définies, de l'immunité d'exécution sur le territoire du for. La Cour relève que cette protection est accrue s'agissant des biens appartenant à leurs missions diplomatiques ou consulaires. Si la Cour décèle une tendance à limiter l'immunité de juridiction de l'Etat étranger lorsque le litige se rapporte à un bien immobilier situé dans l'Etat du for, elle relève qu'il n'en est pas de même de l'immunité d'exécution relative aux biens affectés à des missions consulaires ou diplomatiques:
« Aucune tendance ne va à la connaissance de la Cour vers un assouplissement de la règle de l'immunité d'exécution des Etats étrangers en ce qui concerne les biens de ces Etats qui constituent des locaux de missions consulaires ou diplomatiques sis dans l'Etat du for. Compte tenu des règles de droit international énoncées ci-dessus, il ne saurait donc être demandé au gouvernement roumain d'outrepasser contre son gré la règle de l'immunité des Etats qui vise à assurer le fonctionnement optimal des missions diplomatiques (ne impediatur legatio) et, plus généralement, à favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats souverains. Cela vaut du moins en l'état actuel du droit international public, ce qui n'exclut pas pour l'avenir un développement du droit international coutumier ou conventionnel » [39].
Sur la base de ce raisonnement, la Cour considère, dans les deux premières affaires, que le refus de procéder à des mesures d'exécution concernant un bien immobilier affecté à une mission consulaire ou diplomatique ne saurait constituer une restriction injustifiée au droit d'accès des requérants à un tribunal. Dans la troisième affaire, la Cour aboutit à la conclusion inverse à la faveur d'un raisonnement similaire. La Cour estime que le refus des juges roumains de mettre le bien à la disposition du requérant ne se fonde pas sur l'immunité dont jouirait supposément l'agence « United-States - Peace Corps », cette immunité étant douteuse et n'ayant d'ailleurs été invoquée qu'à un stade ultérieur de la procédure [40]. Leur refus semble plutôt justifié par l'existence d'un bail qui permettait à « United-States - Peace Corps » de demeurer dans les lieux, un bail dont la Cour doute qu'il puisse encore constituer un obstacle à la demande du requérant étant donné qu'il était arrivé à échéance. N'étant pas convaincue par les motifs invoqués par les juges pour dénier au requérant le pouvoir de disposer de son bien, la Cour en conclut qu'« en refusant de se plier au jugement définitif ordonnant la restitution de l'immeuble au requérant, les autorités nationales l'ont privé d'un accès effectif à un tribunal » et y voit une violation de l'article 6, 1., de la convention [41].
En somme, le juge national ne porte pas atteinte au droit d'accès à un tribunal s'il applique les règles du droit international relatives à l'immunité d'exécution des Etats, immunité dont on peut relever qu'elle connaît moins d'exceptions que l'immunité de juridiction.
Une dernière affaire doit enfin être citée même si elle traite de la question différente de savoir si l'acceptation par un juge du refus d'un Etat étranger de se voir signifier une assignation en justice viole le droit d'accès au juge. En l'espèce, madame Wallishauser qui était employée à l'ambassade des Etats-Unis située à Vienne en tant que photographe avait obtenu, devant les tribunaux autrichiens, une décision condamnant les Etats-Unis à lui verser des indemnités suite à la rupture du contrat de travail qui les liait. La décision étant restée sans effet, madame Wallishauser avait tenté d'en obtenir l'exécution mais les juges avaient estimé qu'ils ne pouvaient se prononcer à ce sujet dans la mesure où les Etats-Unis refusaient de se voir signifier l'assignation en justice. Saisie par madame Wallishauser qui affirmait avoir été privée de son droit d'accès à un tribunal, la Cour européenne examine si la décision des juges autrichiens constitue une restriction proportionnée à ce droit. A ses yeux, cette restriction poursuit un but légitime - similaire à celui que poursuit la reconnaissance par le juge d'une immunité à un Etat étranger - consistant à respecter le droit international et la souveraineté nationale des Etats aux fins de favoriser la courtoisie et les bonnes relations interétatiques [42]. Quant à son caractère proportionné, la Cour adopte une approche similaire à celle qu'on a étudié précédemment, en vérifiant si le refus des juges autrichiens se justifie au regard des règles du droit interne et du droit international relatives à la signification ou la notification des assignations en justice auprès des Etats étrangers. Estimant que leur décision se limite à constater l'absence d'accords particuliers entre Etats à ce sujet et à souligner que la notification au ministère des Affaires étrangères ne constitue pas un moyen de signification organisé par le droit autrichien sans vérifier l'état des règles du droit international coutumier en la matière, la Cour estime que cette décision a vidé le droit d'accès à un tribunal de sa substance et conclut dès lors à la violation de l'article 6, 1., de la convention [43].
Notons au surplus que la Cour relève, sans toutefois en faire un critère déterminant, que l'action en justice de madame Wallishauser concernait un litige relatif à un contrat de travail, litige à l'égard duquel l'Etat ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction [44], suggérant ainsi qu'il faille aborder la signification ou la notification des actes introductifs d'instance différemment selon que l'Etat puisse ou non se prévaloir d'une telle immunité. Si une seconde décision a été rendue dans cette affaire, aucune précision n'a été apportée à cette occasion sur ce point [45].
B. | La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas systématiquement le droit d'accès à un tribunal |
La manière dont la Cour européenne des droits de l'homme aborde l'immunité d'une organisation internationale se distingue de celle dont elle appréhende l'immunité d'un Etat en raison notamment de la fonction différente que l'immunité lui paraît remplir respectivement dans ces cas de figure. La Cour se réfère à d'autres facteurs pour établir que la reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas en soi le droit d'accès à un tribunal (1) et n'y porte pas atteinte tant que sa portée demeure dans certaines proportions (2).
1. La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas en soi le droit d'accès à un tribunal |
Comme en ce qui concerne l'immunité des Etats, la Cour rappelle, à propos de l'immunité des organisations internationales, que le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et peut se prêter à des restrictions à condition que ces dernières poursuivent un but légitime et constituent des moyens proportionnés de l'atteindre [46]. Si cette analyse est adoptée dans les deux cas de figure, les raisonnements qui la sous-tendent divergent à deux égards. D'une part, l'objectif poursuivi par les immunités n'est pas conçu de manière tout à fait identique. Alors que le respect des immunités étatiques se justifie au regard du droit international et de la souveraineté des Etats afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations internationales, il s'agit, dans le cas des immunités des organisations internationales, de garantir le « bon fonctionnement de celles-ci, sans ingérence unilatérale des Etats » [47], un bon fonctionnement qu'il est particulièrement important d'encourager étant donné l'élargissement et l'intensification de la coopération internationale. D'autre part, les critères utilisés par la Cour pour apprécier le caractère proportionné de la restriction au droit d'accès au juge que constituent les immunités et l'objectif qu'une telle restriction poursuit diffèrent. En ce qui concerne les immunités des organisations internationales, la Cour ne fait pas du respect des règles du droit international en la matière et, plus particulièrement, de la distinction entre acte de jure gestionis et acte de jure imperii un critère déterminant de son analyse. Cette position se comprend d'ailleurs. D'abord, les règles du droit international qui s'appliquent aux immunités des organisations internationales sont principalement issues d'accords bilatéraux entre l'organisation et l'Etat de siège, donnant lieu à des formules multiples et adaptées à chaque cas de figure qui sont peu propices à la production d'un corps de règles coutumières similaire à celui qu'on trouve dans le domaine des immunités des Etats. En outre, la différence entre actes de jure imperii et actes de jure gestionis - si décisive dans le domaine des immunités étatiques - ne paraît pas aussi déterminante dans celui des organisations internationales, comme la Cour le suggère dans l'affaire Chapman. Lorsque monsieur Chapman a prétendu devant la Cour que le juge belge n'aurait pas dû reconnaître l'immunité de l'OTAN dans la mesure où l'action judiciaire qu'il avait introduite contre cette organisation était relative à un contrat de travail et non à un acte relevant de sa « fonction publique », la Cour n'a pas analysé cet argument, ni pour le prendre en considération ni pour l'écarter [48]. Peut-être la Cour estime-t-elle que cette distinction manque de pertinence lorsqu'on analyse les actes des organisations internationales, à l'instar de certains auteurs [49] et au contraire de certaines juridictions nationales qui ont parfois estimé que la nature privée ou publique de l'acte reproché à l'organisation internationale peut se révéler utile pour apprécier les contours de son immunité [50]. Pour déterminer si la reconnaissance des immunités d'une organisation internationale constitue une restriction proportionnée au droit d'accès à un juge, la Cour vérifie plutôt s'il existe, pour les requérants qui entendent se plaindre du comportement de l'organisation, des « voies raisonnables pour protéger efficacement leurs droits garantis par la convention » [51], un critère auquel elle n'accorde aucune ou peu d'attention lorsqu'elle traite des immunités des Etats [52]. Si des voies raisonnables de recours existent, le juge interne peut reconnaître à l'organisation une immunité sans craindre de porter atteinte à l'article 6, 1., de la convention. Si tel n'est pas le cas, le juge peut encore reconnaître cette immunité, tout en respectant le prescrit de l'article 6, 1., de la convention, s'il estime que le bon fonctionnement de l'organisation le requiert, comme le suggère la décision récente rendue dans l'affaire des Mères de Srebrenica [53]. On aura l'occasion d'analyser la jurisprudence de la Cour à ce sujet [54]. Soulignons simplement à ce stade que, pour importante qu'elle soit, l'existence de voies de recours alternatives à celles qu'offre l'Etat du for ne constitue pas le seul critère déterminant aux yeux de la Cour mais s'apparente plutôt à un « facteur matériel » à prendre en considération parmi d'autres pour s'assurer que la reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale est proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit [55].
Plus fondamentalement, la manière dont la Cour traite l'immunité des organisations internationales en lien avec le droit d'accès à un tribunal véhicule des représentations particulières des rapports qu'entretiennent ces deux règles, des représentations différentes de celles mises en évidence au sujet des immunités étatiques. Si la Cour manifeste ici également le souci d'interpréter autant que possible la Convention européenne des droits de l'homme en harmonie avec le droit international [56], elle n'aborde pas les immunités des organisations internationales et le droit d'accès au tribunal comme des règles qui se comprennent et se définissent les unes par rapport aux autres. Aux yeux de la Cour, ces règles nourrissent des rapports plus conflictuels qui l'amènent moins à les interpréter de façon conciliante qu'à privilégier l'une par rapport à l'autre, selon les circonstances. Dans ce cas de figure, la Cour suggère au juge de mettre en balance le bon fonctionnement de l'organisation internationale, d'une part, et le droit de chaque individu d'avoir accès à un tribunal, d'autre part, sans se référer aux règles juridiques gouvernant les immunités des organisations internationales dont on a déjà souligné qu'elles ne constituent pas un corps de règles coutumières aussi intégré que celui qu'on trouve dans le domaine des immunités étatiques. En d'autres termes, le juge saisi d'une action visant une organisation internationale est moins amené à déterminer précisément les contours des règles du droit international qu'il doit appliquer qu'à choisir de faire prévaloir l'une sur l'autre, à la lumière des intérêts présents en l'espèce.
2. La reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale ne viole pas le droit d'accès à un tribunal tant que sa portée respecte certaines proportions |
Pour vérifier si la reconnaissance d'une immunité à une organisation internationale constitue une restriction proportionnée au droit d'accès à un tribunal, la Cour prend en compte plusieurs facteurs. En principe, le juge peut reconnaître l'immunité d'une organisation internationale s'il existe d'autres voies pour le requérant de faire valoir ses droits (a). En l'absence de voies alternatives, la Cour semble suggérer que le juge peut tout de même reconnaître l'immunité de l'organisation internationale si le bon fonctionnement de cette dernière le requiert (b).
a. L'immunité d'une organisation internationale subsiste s'il existe d'autres voies pour le requérant de faire valoir ses droits |
Dans les affaires Waite et Kennedy et Beer et Regan, la Cour affirme que le juge peut reconnaître une immunité de juridiction à une organisation internationale sans violer le droit d'accès à un tribunal du demandeur si le juge s'assure qu'il existe pour ce demandeur des voies raisonnables pour protéger efficacement les droits qui lui sont garantis par la convention [57]. Dans ces deux affaires, la Cour était saisie par d'anciens consultants mis à la disposition de l'Agence spatiale européenne (ci-après, ASE) par leurs sociétés respectives. A la suite du non-renouvellement de leurs contrats ou de leur licenciement par ces sociétés, ces consultants avaient intenté une action contre l'ASE devant les juridictions du travail allemandes afin de faire reconnaître leur qualité d'agent de cette organisation et contester ainsi les mesures dont ils avaient fait l'objet. A leur yeux, la résiliation de leurs contrats était sans incidence sur la relation de travail qu'ils avaient établie avec l'organisation et ils demeuraient dès lors employés par l'ASE. Les juges allemands déclarant leurs demandes irrecevables en raison de l'immunité de juridiction de l'ASE, les requérants avaient alors saisi la Cour européenne en alléguant que la reconnaissance de cette immunité violait leur droit d'accès à un tribunal. Pour répondre à cette allégation, « il importe, selon la Cour, d'examiner si les requérants disposaient d'autres voies raisonnables pour protéger efficacement leurs droits garantis par la convention » [58]. Or, en l'espèce, la Cour constate qu'il existe au sein de l'ASE une Commission de recours compétente pour traiter des conflits relatifs aux contrats de travail liant l'organisation à ses employés, une Commission que les requérants auraient pu et dû saisir. Etant donné qu'une voie de recours était disponible au sein de l'ASE, le juge allemand n'était pas tenu d'écarter l'immunité de l'organisation internationale car sa reconnaissance constitue, dans de telles circonstances, une limitation proportionnée au droit d'accès au tribunal [59]. Ce raisonnement a été confirmé dans l'affaire Mazéas dont les circonstances sont assez similaires à celles qui viennent d'être évoquées. Une employée de l'Union latine avait intenté une action contre son employeur aux fins de contester les conditions de son licenciement et estimait que son droit d'accès à un tribunal avait été violé par les juges français lorsqu'ils avaient reconnu à cette organisation une immunité de juridiction. Constatant qu'il existe au sein de l'Union latine une commission de recours compétente pour de tels litiges vers laquelle la requérante aurait pu se tourner, la Cour estime que les juges français, en reconnaissant l'immunité de juridiction de l'Union latine, n'ont pas porté atteinte à l'article 6, 1., de la convention [60].
Quant à la manière dont la Cour s'assure de la disponibilité d'une « voie raisonnable pour protéger efficacement les droits garantis par la convention », elle consiste principalement à vérifier qu'un organe compétent pour traiter de plaintes individuelles existe, sans exiger qu'un tel mécanisme présente toutes les garanties relatives à un procès équitable, renvoyant au caractère public des audiences ou au délai raisonnable du traitement des plaintes par exemple [61]. Ce n'est qu'en cas de contradiction flagrante entre les caractéristiques d'un tel mécanisme et les garanties offertes par l'article 6 de la convention qu'un juge national doit écarter l'immunité de l'organisation internationale, la Cour adoptant sur ce point une appréciation assez souple du caractère « raisonnable » des voies disponibles pour protéger les droits de l'individu [62]. En outre, lorsqu'elle analyse ces mécanismes, la Cour les examine à la lumière des dispositions gouvernant leurs modalités et leurs procédures telles qu'elles sont consignées dans les textes pertinents, sans évaluer les conditions concrètes de leur mise en oeuvre. Dans l'affaire Mazéas déjà mentionnée, la Cour étudie principalement le statut du personnel de l'Union latine et se réfère à la Commission de recours de l'Union latine comme à une commission indépendante alors même qu'elle est composée d'experts élus pour trois ans seulement par le conseil exécutif de l'Union latine [63]. Dans les affaires Waite et Kennedy et Beer et Regan, la Cour s'appuie sur l'article 33, § 1, du statut du personnel de l'ASE qui présente la Commission de recours comme « indépendante de l'Agence » [64] pour considérer que tel est bien le cas [65]. L'approche que la Cour réserve à la vérification des garanties définies par l'article 6 de la convention reste assez formaliste. La Cour reste très prudente lorsqu'il s'agit d'examiner le fonctionnement d'une organisation internationale qui n'est par définition pas partie à la convention, une prudence dont elle a d'ailleurs déjà fait preuve dans d'autres contextes. On rappellera à ce sujet l'affaire Gasparini où la Cour n'avait pas à se prononcer sur la reconnaissance par un juge d'une immunité à une organisation internationale mais à vérifier si la Belgique et l'Italie avaient respecté la Convention en veillant, au moment de la création de l'OTAN, à ce que l'organisation mette en place un mécanisme de recours interne [66]. Dans cette affaire, la Cour souligne le caractère plus limité du contrôle qu'elle est habilitée à exercer à l'égard de la procédure applicable devant la Commission de recours de l'OTAN (CROTAN, ci-après), en comparaison avec celui qu'elle est susceptible d'assurer vis-à-vis des recours organisés par les Etats [67]. Examinant le règlement du personnel civil de l'OTAN, la Cour rappelle que l'OTAN dispose d'une personnalité juridique propre et que l'organisation n'est pas partie à la Convention européenne des droits de l'homme, et affirme que ni l'impossibilité pour le requérant de solliciter une audience publique, ni la limitation du mandat des membres de la CROTAN à trois ans n'était de nature à contredire manifestement les exigences du procès équitable [68].
Notons enfin que si la Cour n'exige pas que les voies mises à la disposition des individus pour se plaindre du comportement d'une organisation internationale satisfassent aux exigences de l'article 6 de la convention pour être prises en considération par les juges nationaux aux fins de reconnaître (ou non) une immunité à une organisation internationale, elle ne leur interdit pas de se livrer à un tel contrôle. Les Etats restent libres d'être plus exigeants que ce que requiert d'eux la Convention européenne des droits de l'homme telle qu'elle est interprétée par la Cour, comme l'illustre d'ailleurs l'article 53 de la convention. Dans l'affaire Chapman, la Cour n'a pas reproché au juge belge de s'être assuré que la CROTAN présentait les garanties définies par l'article 6 afin de déterminer s'il pouvait ou non reconnaître à l'OTAN une immunité [69]. Aux yeux de la Cour, l'approche du juge belge constitue a fortiori une limitation proportionnée au droit d'accès au tribunal [70]. Si elle ne pose aucune difficulté au regard du respect de la Convention européenne des droits de l'homme, pareille approche peut toutefois être problématique au regard des règles du droit international régissant les immunités des organisations internationales, comme on le verra à l'occasion de l'analyse de la jurisprudence belge développée à ce sujet.
En somme, la Cour vérifie s'il existe des voies permettant aux individus de faire valoir les droits qui leur sont reconnus par la convention pour déterminer si la reconnaissance par un juge national de l'immunité à une organisation internationale constitue une limitation proportionnée au droit d'accès au juge. Si certains auteurs avancent qu'en l'absence de telles voies de recours, le juge doit écarter l'immunité de l'organisation sous peine de violer le droit d'accès au tribunal de l'individu [71], la Cour ne s'est jamais prononcée explicitement en ce sens et semble même plutôt suggérer le contraire, comme on le verra à présent.
b. En l'absence de voies alternatives, l'immunité d'une organisation internationale subsiste si son bon fonctionnement le requiert |
Dans une affaire récente concernant les Mères de Srebrenica, une organisation et plusieurs individus avaient cherché à engager la responsabilité de l'ONU devant les juridictions néerlandaises du fait de sa passivité lors du massacre de Srebrenica et s'étaient vus opposer l'immunité de juridiction des Nations Unies. Les requérants avaient alors saisi la Cour européenne pour se plaindre d'une atteinte à leur droit d'accès à un tribunal [72]. A cette occasion, la Cour précise que, si l'existence de voies de recours alternatives a été déterminante dans le cadre d'affaires précédemment traitées concernant des litiges opposant une organisation internationale à ses employés, elle ne présente pas la même pertinence dans le contexte d'un litige opposant des individus à l'ONU au sujet de l'action que cette dernière poursuit en vertu des pouvoirs que lui confère la Charte des Nations Unies [73]. Selon la Cour, la reconnaissance par le juge d'une immunité à une organisation internationale, en l'absence de voies de recours alternatives, ne viole pas systématiquement l'article 6, 1., de la convention:
« It does not follow, however, that in the absence of an alternative remedy the recognition of immunity is ipso facto constitutive of a violation of the right of access to a court. In respect of the sovereign immunity of foreign States, the ICJ has explicitly denied the existence of such a rule (Jurisdictional Immunities of the State (Germany / Italy: Greece intervening), § 101). As regards international organisations, this Court's judgments in Waite and Kennedy and Beer and Regan cannot be interpreted in such absolute terms either » [74].
Pour vérifier le caractère proportionné de cette limitation au droit d'accès au tribunal, la Cour apprécie si la reconnaissance de l'immunité de l'organisation internationale en l'espèce se justifie au regard du but légitime qu'elle poursuit consistant à permettre le bon fonctionnement de cette organisation et à empêcher l'ingérence des Etats dans ses activités. Cette appréciation la conduit à évaluer in concreto l'impact que la décision rendue par le juge est susceptible d'avoir sur les missions clés de l'organisation. Pour la Cour,
« To bring [operations established by United Nations resolutions under Chapter VII] within the scope of domestic jurisdiction would be to allow individual States, through their courts, to interfere with the fulfillment of the key mission of the United Nations in this field including with the effective conduct of its operations » [75].
Alors qu'attraire une organisation internationale devant une juridiction interne pour régler un litige avec un ancien fonctionnaire est peu susceptible de produire une interférence indue de l'Etat dans les activités de l'organisation, il n'en est pas de même d'une action qui requiert du juge national qu'il se prononce sur la manière dont cette organisation s'acquitte des missions qui lui ont été confiées et qui justifient sa création [76]. Le raisonnement de la Cour suggère, d'une certaine manière, qu'il faille distinguer entre les actes relevant de la fonction de l'organisation et les actes relevant de sa gestion, une distinction qui n'est pas sans rappeler celle qu'on établit entre les actes de jure imperii et les actes de jure gestionis à laquelle la Cour ne se réfère en principe que dans le domaine des immunités étatiques. Il ressort de cette décision que les rapports entre les immunités des organisations internationales, d'une part, et le droit d'accès à un tribunal, d'autre part, ne peuvent être réfléchis de manière monolithique. Les juges sont invités à appréhender ces rapports à l'aide de critères adéquats et adaptés à chaque cas de figure, selon le type de litige qui oppose l'individu et l'organisation. Certes, ces perspectives d'analyse ne s'ouvrent qu'à la faveur d'une décision qui concerne, qui plus est, l'ONU dont les missions consistant à garantir la paix et la sécurité internationales expliquent peut-être en partie le raisonnement adopté la Cour [77]. A défaut d'être fermement établie, la position de la Cour relativise à tout le moins l'approche tendant à faire de l'existence d'une voie de recours alternative le critère déterminant pour vérifier si la reconnaissance de l'immunité d'une organisation internationale porte atteinte au droit d'accès à un tribunal.
II. | Les juges belges ne conçoivent pas la question si différemment selon que le défendeur est une organisation internationale ou un Etat |
Alors que la Cour européenne réserve à l'articulation entre les immunités et le droit d'accès à un tribunal des approches qui sont différentes selon qu'on reconnaisse ces immunités à un Etat ou à une organisation internationale, les juges belges sont plus enclins à aborder ces deux cas de figure de manière semblable et à l'aide de critères identiques. S'ils ont égard aux raisonnements adoptés par la Cour européenne, les juges belges en étendent et en modifient considérablement la portée, tant en ce qui concerne les immunités des organisations internationales (A) que celles des Etats (B).
A. | Les juges belges estiment pouvoir reconnaître l'immunité d'une organisation internationale sans porter atteinte au droit d'accès à un tribunal à certaines conditions |
Lorsque les juges belges sont saisis d'une action visant une organisation internationale, ils estiment pouvoir reconnaître l'immunité de cette dernière sans craindre de porter atteinte au droit d'accès à un tribunal du demandeur à condition de s'assurer que ce dernier dispose d'une autre voie de recours lui permettant de faire valoir ses droits et répondant aux exigences du procès équitable (1). Dans l'hypothèse où une voie de recours alternative n'est pas disponible, les juges reconnaissent parfois tout de même l'immunité de l'organisation internationale lorsque le bon fonctionnement de cette dernière le requiert (2).
1. Les juges belges reconnaissent les immunités d'une organisation internationale si le demandeur dispose par ailleurs d'une voie de recours offrant les garanties du procès équitable |
La Cour de cassation a forgé sa position à ce sujet à l'occasion de trois arrêts rendus le 21 décembre 2009 dans le cadre de litiges concernant la fonction publique de l'Union de l'Europe Occidentale (U.E.O., ci-après) et du Secrétariat Général du Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Secrétariat des ACP, ci-après) [78]. Dans ces trois affaires, la Cour de cassation affirme que le juge peut reconnaître l'immunité d'une organisation internationale si le demandeur dispose de voies de recours alternatives pour faire valoir ses droits. Se fondant ainsi sur le raisonnement que la Cour européenne des droits de l'homme a développé au sujet des immunités de juridiction des organisations internationales, la Cour de cassation en étend la portée à deux égards. D'une part, la Cour vérifie également l'existence de voies de recours alternatives dans des affaires mettant en jeu les immunités d'exécution d'organisations internationales (a). D'autre part, la Cour exige que les voies de recours alternatives respectent les standards du procès équitable pour être prises en considération, se montrant sur ce point plus exigeante que la Cour européenne (b).
a. Les juges belges vérifient si le demandeur dispose d'une voie de recours alternative avant de reconnaître l'immunité d'exécution d'une organisation internationale |
Dans les affaires B.D. / Secrétariat des ACP et Secrétariat des ACP / L.M.-A, la Cour de cassation a été amenée à vérifier si un juge peut reconnaître l'immunité d'exécution à une organisation internationale sans craindre de porter atteinte au droit d'accès au tribunal garanti au demandeur par l'article 6, 1., de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ces affaires, les demandeurs avaient obtenu une condamnation du Secrétariat des ACP à leur verser des indemnités suite à la non-reconduction de leurs contrats et requéraient une saisie-arrêt sur les comptes du Secrétariat aux fins d'exécuter cette décision [79]. A leurs yeux, l'immunité d'exécution de l'organisation internationale devait être écartée sous peine de méconnaître leur droit d'accès à un tribunal. La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est pas prononcée à ce jour sur cette question précise puisque les arrêts qu'elle a rendus quant à l'interaction entre l'immunité d'exécution et le droit d'accès au tribunal concernent uniquement des immunités étatiques dont on a vu qu'elles ne doivent pas, aux yeux de la Cour de Strasbourg, être analysées pareillement aux immunités des organisations internationales [80]. Saisie de cette question inédite, la Cour de cassation établit qu'un juge ne doit reconnaître l'immunité d'exécution d'une organisation internationale qu'à la condition que le requérant dispose de voies de recours alternatives [81]. Ce faisant, la Cour de cassation se réfère au critère utilisé par la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne l'immunité de juridiction des organisations internationales et l'applique à une affaire mettant en jeu leur immunité d'exécution, avalisant par là même ce qu'avait décidé précédemment la cour du travail dans son arrêt:
« Dès lors qu'il constate que la défenderesse était privée pour faire valoir ses droits de toute voie de droit effective autre que la saisie litigieuse, l'arrêt, sans avoir à exercer quelque autre contrôle de proportionnalité, justifie légalement sa décision d'écarter l'immunité invoquée par le demandeur » [82].
C'est une analyse identique qui amène un tribunal de première instance, dans l'affaire SA International Hotels Worldwide / SA Grandvision Belgium, à considérer qu'un juge peut écarter l'immunité d'exécution de l'OTAN en l'absence de voies de recours permettant aux demandeurs d'obtenir l'exécution d'une décision arbitrale condamnant l'organisation à s'acquitter du paiement de loyers pour un bâtiment que l'organisation utilisait au Kosovo [83].
Le raisonnement qu'adoptent les juges belges est sous-tendu par une représentation particulière de la question à laquelle ils sont confrontés et, partant, du rôle qu'ils sont appelés à jouer. Lorsqu'ils sont saisis d'une action visant une organisation internationale, les juges belges s'assurent de ne pas porter atteinte au droit d'accès à un tribunal en reconnaissant à cette organisation une immunité. C'est cette considération qui semble principalement les guider et qui les conduit à opérer un contrôle de proportionnalité, à l'instar de la Cour européenne des droits de l'homme, entre la limitation au « droit à un tribunal » que constitue la reconnaissance de l'immunité de l'organisation internationale et le but légitime que poursuit cette limitation consistant à assurer le bon fonctionnement de l'organisation [84]. Pour les juges belges, les deux normes de droit international mises en jeu entrent en conflit l'une avec l'autre et il convient de résoudre ce conflit en réalisant une balance des intérêts en jeu. Selon la Cour de cassation par exemple,
« S'il est vrai qu'aucune règle du droit international ne règle le conflit entre l'article 6, 1., précité, et une disposition qui, tel le protocole n° 3 de la Convention de Lomé IV, accorde une immunité d'exécution à une organisation internationale, il ne s'en déduit pas que cette immunité pourrait être opposée sans restriction à une personne se réclamant en Belgique des garanties dudit article 6. Il appartient au juge qui constate l'existence d'un conflit entre ces deux normes du droit international également applicables dans l'ordre interne et respectivement invoquées par les parties au litige, non de faire prévaloir l'une sur l'autre, mais d'examiner la mesure dans laquelle l'immunité d'exécution peut produire les effets que la partie qui l'invoque prétend en déduire à l'égard, non de la Belgique, mais d'un justiciable d'une juridiction belge, et d'arbitrer ce conflit en pesant les droits en balance » [85].
Dans cet extrait, la Cour suggère de dépasser le conflit de normes en question en mettant en balance le droit de l'individu d'avoir accès à un tribunal et l'immunité d'exécution dont jouit l'organisation internationale, en prenant soin de mesurer l'impact que la reconnaissance d'une telle immunité peut avoir sur la situation de l'individu ainsi privé de recours. Le raisonnement suggère que la Cour est plus soucieuse de faire respecter le droit d'accès à un tribunal du demandeur que de garantir l'immunité de l'organisation internationale, privilégiant implicitement le premier au détriment de la seconde même si la Cour s'en défend [86]. On peut se demander ce qui justifie que les juges belges se sentent davantage obligés de faire respecter les droits de la personne que de mettre en oeuvre les obligations internationales auxquelles la Belgique s'est engagée vis-à-vis des organisations internationales. Ces dernières ne jouissent pas nécessairement d'une immunité absolue et il n'est pas rare que l'accord de siège ou l'instrument précisant les contours de l'immunité reconnue à l'organisation prévoie certaines restrictions [87]. Dans la mesure où ces immunités sont d'origine conventionnelle, les Etats peuvent les moduler aisément, de commun accord avec l'organisation, lorsqu'ils concluent une convention avec cette dernière. On peut se demander également si le raisonnement adopté par la Cour de cassation n'enjoint pas le juge à écarter systématiquement l'immunité des organisations tant il est rare que ces dernières mettent en place un mécanisme consacré à l'exécution des décisions rendues à leur encontre. Si l'existence de tels mécanismes peut paraître souhaitable, il convient de rappeler que leur absence n'empêche pas, en tant que telle, les organisations internationales de respecter généralement les décisions qui sont prises à leur encontre [88].
b. Les juges belges vérifient que les voies de recours alternatives disponibles rencontrent les standards du procès équitable avant de les prendre en considération |
Alors que la Cour européenne des droits de l'homme estime qu'avant de reconnaître une immunité à une organisation internationale dans le cadre de litiges liés à un contrat de travail, le juge doit vérifier s'il existe des voies de recours alternatives qui répondent globalement aux exigences du procès équitable, la Cour de cassation considère qu'un tel contrôle est insuffisant. Pour cette dernière, le juge belge doit plus précisément s'assurer que ces autres recours offrent toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 6 de la Convention européenne avant de reconnaître l'immunité de l'organisation internationale s'il ne veut pas porter atteinte au droit d'accès à un tribunal du demandeur. Cette position plus exigeante que celle de la Cour européenne peut être illustrée par les affaires suivantes.
Dans l'affaire S.M. / Union de l'Europe Occidentale, une employée de l'organisation entendait la faire condamner au versement d'une indemnité complémentaire suite à la rupture du contrat de travail qui les liait l'une à l'autre. La cour du travail avait accédé à cette demande et écarté l'immunité de l'organisation car la Commission de recours mise en place en son sein n'offrait pas de garanties d'indépendance suffisantes [89]. Si la cour du travail rappelle que dans des contextes similaires, la Cour européenne n'a « pas examiné si le recours prévu offrait toutes les garanties inhérentes à la notion de procès équitable telle que conçue par l'article 6, 1. », elle estime pour sa part être tenue de réaliser un tel examen afin de respecter le droit d'accès à un tribunal, sans expliquer cependant ce qui motive cette approche plus stricte [90]. La Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour du travail sur ce point et ajoute que le juge ne peut se limiter à un examen trop formaliste à ce sujet:
« Lorsque, pour déterminer si l'immunité de juridiction invoquée par une organisation internationale est admissible au regard de l'article 6, 1., de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge saisi de la contestation constate que la personne à laquelle cette immunité est opposée dispose de la possibilité de soumettre le litige à une Commission de recours, il ne peut se limiter à prendre acte que les instruments qui instituent cette Commission la qualifient d'indépendante » [91].
In casu, la Cour de cassation considère que la Commission de recours de l'U.E.O. n'est pas indépendante dès lors que ses membres sont désignés par des Etats et nommés pour un mandat de deux ans seulement [92]. Le contraste entre les approches de la Cour de cassation et de la Cour européenne est frappant si on se souvient que, dans l'affaire Chapman, la Cour européenne avait estimé que le juge belge n'était pas obligé d'écarter l'immunité de l'OTAN alors même que les membres de la Commission de recours de cette organisation étaient nommés par des représentants des Etats, pour un mandat de trois ans seulement [93].
L'attitude exigeante que la Cour de cassation suggère aux juges d'adopter n'a cependant pas été suivie par la cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire SA Energies Nouvelles et Environnement / Agence spatiale européenne [94]. Dans cette affaire, la société Energies Nouvelles et Environnement (E.N.E., ci-après) reprochait à l'Agence spatiale européenne de ne pas lui avoir octroyé un marché portant sur les activités de recherche dans le domaine des cellules solaires. La société avançait que l'immunité de juridiction de l'Agence devait être écartée dans la mesure où elle ne disposait pas d'autres voies de recours que les tribunaux belges pour faire valoir ses droits. La cour d'appel n'écarte pas toutefois l'immunité de l'organisation. A supposer qu'il faille s'assurer de l'existence de voies de recours alternatives dans des litiges qui n'ont pas trait à la fonction publique d'une organisation internationale comme c'est le cas en l'espèce [95], la Cour note que la société disposait en tout état de cause d'autres voies pour faire valoir ses droits [96]. Elle pouvait demander par exemple à la représentation belge au sein de l'Agence spatiale d'intercéder en sa faveur, introduire une action contre les sociétés étrangères ayant joué un rôle quant à son évincement ou encore faire appel à l'Ombudsman de l'Agence [97]. Loin d'examiner si les voies de recours répondent aux exigences du procès équitable, la cour d'appel se contente d'en vérifier la disponibilité. S'il est prématuré de considérer que cette décision marque un revirement dans la jurisprudence belge, elle n'en illustre pas moins une approche des rapports entre les immunités des organisations internationales et le droit d'accès à un tribunal qui diffère de la position prônée par la Cour de cassation tendant à étendre considérablement la portée du droit d'accès au tribunal au bénéfice des individus.
Si elle peut se comprendre, la position de la Cour de cassation n'est pas sans soulever des difficultés d'ordre pratique et conceptuel qui expliquent peut-être en partie qu'elle n'ait pas été adoptée par la cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire mentionnée. Le juge belge est-il suffisamment outillé pour se livrer à un examen minutieux de la manière dont les voies de recours propres à une organisation internationale fonctionnent et de leur adéquation au prescrit de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme? A supposer qu'il le soit, quelles voies de recours établies au sein des organisations internationales seraient susceptibles de passer l'examen avec succès [98]? On imagine mal quel mécanisme pourrait assurer la Cour de cassation de l'indépendance des commissions et juridictions propres aux organisations internationales tant la durée des mandats qui y sont exercés est généralement limitée (à l'exception peut-être du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies où les juges sont élus pour sept ans [99]) et tant il est courant que leurs membres soient nommés par les Etats [100]. Plus fondamentalement, quelle fonction le juge belge s'arroge-t-il lorsqu'il en vient à vérifier si les voies de recours internes à une organisation internationale respectent bien le prescrit de la Convention européenne des droits de l'homme? Lui revient-il de s'ériger ainsi en gardien de la Convention européenne des droits de l'homme, un gardien bien plus exigeant que ne l'est la Cour européenne elle-même? Finalement, le contrôle que le juge exerce ici n'en vient-il pas à vider l'immunité dont l'organisation internationale jouit de son sens, compromettant ainsi l'objectif d'une telle immunité qui consiste précisément à garantir le bon fonctionnement de l'organisation et à la mettre à l'abri de l'ingérence des Etats [101]?
2. En l'absence de voies de recours alternative, le juge belge reconnaît parfois l'immunité d'une organisation internationale si le bon fonctionnement de celle-ci le requiert |
Une récente décision rendue dans l'affaire Etat belge / International Hotels Worldwide Inc suggère qu'en l'absence de voies de recours alternatives, le juge belge peut tout de même reconnaître l'immunité d'une organisation internationale s'il estime que cette reconnaissance est nécessaire à son bon fonctionnement [102]. Si cette décision reste encore isolée, elle mérite qu'on s'y intéresse en raison des perspectives qu'elle ouvre à ce sujet. Le contexte factuel de cette affaire est identique à celui de l'affaire SA International Hotels Worldwide / SA Grandvision Belgium précédemment évoquée [103]: la société International Hotels Worldwide titulaire d'une créance à l'égard de l'OTAN et forte d'une sentence arbitrale condamnant l'OTAN au paiement de cette créance en avait obtenu l'exequatur. Une saisie-arrêt avait alors été effectuée entre les mains d'un débiteur de l'OTAN qui n'était pas cette fois une société privée mais l'Etat belge. Une somme d'argent que la Belgique entendait affecter au budget de l'OTAN s'était alors trouvée bloquée sur un compte bancaire. Si le tribunal de première instance a accédé à la demande de la société et écarté l'immunité d'exécution de l'OTAN s'étendant supposément à cette somme, la cour d'appel reconnaît par contre l'immunité de l'organisation pour deux motifs. Premièrement, si l'OTAN a certes renoncé à son immunité de juridiction dans le cadre de l'arbitrage ayant eu lieu à ce sujet, cette renonciation n'emporte pas la renonciation à son immunité d'exécution [104]. Deuxièmement, la reconnaissance de son immunité d'exécution constitue une limitation proportionnée au droit d'accès à un tribunal car elle est nécessaire au bon fonctionnement de l'organisation. Sur ce point, la Cour précise qu':
« […] en l'espèce, les avoirs financiers devant revenir à l'instance internationale bénéficiant de l'immunité d'exécution sont nécessaires à son fonctionnement (budget auquel la Belgique s'est obligée) et à l'accomplissement de ses missions. La contribution belge aux différents budgets de l'OTAN par l'Etat belge se trouve bloquée. Cet élément est prépondérant par rapport aux droits de la personne contre laquelle l'immunité d'exécution est invoquée. La Cour estime dès lors qu'en l'espèce la proportionnalité entre l'immunité de l'OTAN et les droits d'accès à un tribunal tel que consacré par l'article 6, 1., de la CEDH n'est pas entravée par le fait de respecter l'immunité d'exécution. Le bon fonctionnement de l'organisation internationale (à vocation particulière pour le respect de la paix mondiale) prévaut sur la protection des droits subjectifs de International Hotels Worldwide telle que garantie par la CEDH » [105].
Au-delà des considérations relatives à la vocation pacifique de l'OTAN qui laissent songeurs [106], on peut constater que la mise en balance des intérêts en présence opérée ici contraste avec celle réalisée dans l'affaire SA International Hotels Worldwide / SA Grandvision. Dans des contextes factuels très similaires - si l'on excepte l'identité du saisi qui est ici l'Etat belge -, le contrôle de proportionnalité auquel se livre le juge aboutit d'un côté, à privilégier la société créancière de l'OTAN au nom du respect de son droit d'accès à un tribunal, de l'autre, à privilégier l'OTAN au nom de la garantie de son bon fonctionnement. La nature du mandat de l'organisation liée à la sécurité collective à laquelle le juge semble accorder une certaine importance permet peut-être d'expliquer le résultat de la mise en balance des intérêts réalisée par le juge. En ce sens, le raisonnement du juge belge se rapprocherait de celui des juges de Strasbourg qui, dans l'affaire des Mères de Srebrenica précédemment analysée, ont également considéré que la reconnaissance d'une immunité à l'ONU se justifiait lorsque son bon fonctionnement le requérait, indépendamment de l'existence ou non de voies de recours alternatives offertes aux demandeurs [107].
B. | Les juges belges estiment pouvoir reconnaître l'immunité d'un Etat étranger sans porter atteinte au droit d'accès à un tribunal à certaines conditions cumulatives |
Lorsqu'on analyse les rares affaires dans lesquelles un demandeur a fait valoir qu'un juge ne pouvait reconnaître l'immunité d'un Etat étranger au risque de violer son droit d'accès à un tribunal, il ressort que les juges belges adoptent à ce sujet un raisonnement qui se distingue en partie de celui de la Cour européenne des droits de l'homme. Afin de garantir le droit d'accès à un tribunal, les juges belges ne reconnaissent l'immunité d'un Etat étranger que si deux conditions sont remplies. D'une part, cette reconnaissance doit être permise par le droit international, conformément à ce que suggère la Cour de Strasbourg (1). D'autre part, les demandeurs doivent disposer de voies de recours alternatives répondant aux garanties du procès équitable pour faire valoir leurs droits, une considération à laquelle la Cour de Strasbourg n'a par contre pas eu égard au sujet des immunités étatiques (2).
1. Les juges belges reconnaissent l'immunité d'un Etat étranger dans la mesure prévue par le droit international |
La jurisprudence belge évoquant les interactions entre l'immunité d'un Etat étranger et le droit d'accès à un tribunal n'est pas foisonnante. Elle montre toutefois clairement que les juges belges évitent de porter atteinte à l'article 6, 1., de la Convention européenne des droits de l'homme en prenant le soin de reconnaître l'immunité d'un Etat étranger dans la mesure prévue par le droit international, suivant sur ce point le raisonnement développé par la Cour de Strasbourg à laquelle ils ne manquent pas de se référer explicitement, comme l'illustre l'affaire opposant la C.S.C. et la F.G.T.B. aux Etats-Unis qu'on évoquera à titre d'exemple. Saisis par deux organisations syndicales souhaitant que l'ambassade des Etats-Unis organise des élections sociales, les juges belges ont été invités à déterminer s'ils pouvaient reconnaître aux Etats-Unis une immunité de juridiction sans porter atteinte au droit d'accès au tribunal des demanderesses. Pour le tribunal de travail, l'immunité d'un Etat doit être reconnue dans la mesure prévue par le droit international coutumier pour qu'une telle reconnaissance soit conforme au droit d'accès à un tribunal [108]. Le tribunal se fonde à ce sujet sur la distinction classiquement retenue en droit international entre les actes de jure imperii et les actes de jure gestionis. Estimant que l'organisation des relations sociales collectives relève d'une décision souveraine de l'Etat, le tribunal reconnaît l'immunité des Etats-Unis:
« Il semble raisonnable d'admettre, avec monsieur l'auditeur du travail dans son avis oral, que le choix de la manière d'organiser les relations sociales collectives avec les personnes engagées à son service relève de l'autonomie souveraine de chaque Etat. En effet, il s'agit d'un choix relevant de la politique sociale sur laquelle repose l'ordre social de la société, et non de la simple gestion d'une relation de travail individuelle » [109].
Le litige en question ne concernant pas un contrat de travail, il ne saurait dès lors constituer une exception à l'immunité de juridiction de l'Etat étranger codifiée à l'article 11 de la Convention des Nations Unies de 2004 [110]. Si la décision a été attaquée ensuite devant la cour du travail, le raisonnement adopté sur ce point n'a pas été remis en cause [111].
Cette position est également adoptée par le juge belge en ce qui concerne l'immunité d'exécution de l'Etat. Pour être considérée comme une restriction proportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel de Bruxelles a récemment établi que l'immunité d'exécution de l'Etat doit être conforme au droit international [112], sans que cela ne donne lieu à de plus amples développements dans la mesure où ce point n'était pas contesté en l'espèce.
2. Les juges belges ne reconnaissent l'immunité de l'Etat que si les demandeurs disposent d'autres voies de recours répondant aux garanties du procès équitable |
Contrairement à la Cour européenne des droits de l'homme qui n'a jamais considéré que l'existence de voies de recours alternatives devait exercer une influence sur la décision d'un juge de reconnaître ou non l'immunité d'un Etat, les juges belges estiment que cette circonstance doit être prise en considération, qu'il s'agisse d'ailleurs de reconnaître à l'Etat une immunité de juridiction ou une immunité d'exécution. Cette position ressort notamment de la décision que la cour du travail a rendue dans l'affaire déjà évoquée concernant l'action des organisations syndicales contre l'ambassade des Etats-Unis [113]. S'appuyant sur les décisions rendues par la Cour de cassation au sujet des immunités d'exécution des organisations internationales, les parties appelantes reprochaient au tribunal du travail d'avoir reconnu l'immunité des Etats-Unis alors qu'elles ne disposaient pas de voies de recours alternatives pour faire valoir leurs droits. A ce sujet, la cour du travail estime qu'aux fins de respecter le droit d'accès au tribunal des demanderesses, le juge ne doit en effet reconnaître une immunité à l'Etat que s'il est convaincu qu'il existe d'autres voies de recours disponibles offrant toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance de la justice [114]. La cour reprend ainsi les principes dégagés par la Cour de cassation dont elle estime qu'ils « demeurent dans une certaine mesure pertinents en l'espèce » bien que de son propre aveu, ces principes concernent des affaires mettant en jeu des immunités d'exécution (et non des immunités de juridiction) reconnues à des organisations internationales (et non à des Etats étrangers) [115]. Outre qu'il est délicat d'utiliser un critère originellement développé dans un cas de figure pour traiter d'un autre cas de figure, l'analyse reprise par la cour du travail amène surtout le juge belge à se livrer à une appréciation du système judiciaire d'un autre Etat à l'aune de standards définis par la Convention européenne des droits de l'homme auxquels cet Etat étranger n'est pas forcément partie. L'appréciation à laquelle le juge est invité à se livrer paraît d'autant plus compliquée que les juridictions belges, contrairement à ce que suggère la Cour européenne dans le cas des organisations internationales, estiment que cette appréciation ne doit pas se limiter à une vérification formelle et marginale mais doit permettre au juge de s'assurer que les voies de recours alternatives présentent in concreto toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance. Une telle ambition pose question au regard du principe de l'égalité souveraine des Etats. Certes, on admet que le juge évalue parfois la pratique législative, exécutive ou judiciaire d'un Etat étranger au regard de certains standards au respect desquels cet Etat ne s'est pas systématiquement obligé. C'est notamment le cas lorsque le juge belge, avant d'appliquer une loi étrangère, s'assure qu'elle ne porte pas atteinte à l'ordre public international tel qu'il est défini dans l'ordre juridique belge. C'est le cas également lorsque le juge belge, avant de permettre l'extradition d'un ressortissant étranger vers un Etat tiers, s'assure qu'il n'existe pas de risque que ce ressortissant y soit soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ou encore à des actes de torture. De telles évaluations paraissent en soi moins problématiques dans la mesure où elles restent marginales. Le cas de figure étudié ici est assez différent puisque le juge belge entend se livrer à une évaluation bien plus approfondie qui lui permet certes d'assurer le respect de certaines obligations internationales (le droit d'accès à un tribunal, conçu largement) au détriment toutefois d'autres obligations internationales (les immunités des Etats étrangers, conçues classiquement). La tâche à laquelle s'astreint le juge paraît bien ardue et on ne peut que constater que dans l'affaire examinée, la cour du travail ne s'y est pas appesantie, se limitant à souligner qu'« en l'espèce, les parties appelantes ne peuvent pas soutenir qu'elles sont privées de toute voie de recours alternative ni qu'un recours introduit aux Etats-Unis d'Amérique ne présenterait pas les garanties de respect du droit à un procès équitable » [116]. Dans la mesure où des voies de recours satisfaisantes semblaient disponibles, la cour du travail a estimé que la reconnaissance de l'immunité des Etats-Unis se justifiait pleinement.
Il est remarquable de constater qu'à la faveur d'un raisonnement similaire, le juge belge aboutit à une conclusion contraire dans des affaires concernant, non plus l'immunité de juridiction des Etats-Unis, mais l'immunité d'exécution de la Malaisie et de l'Ethiopie. D'anciens employés des ambassades de ces Etats avaient saisi les tribunaux du travail et obtenu leur condamnation au paiement d'une indemnité suite au licenciement dont ils avaient fait l'objet sans préavis, l'un des employés ayant été licencié parce qu'il avait atteint l'âge limite de 60 ans sans avoir jamais été averti auparavant qu'il s'agissait là d'une cause de licenciement. Ces décisions avaient donné lieu à des saisies sur des comptes bancaires affectés au fonctionnement des ambassades en question. Tant la Fédération de Malaisie que la République d'Ethiopie avaient alors tenté d'obtenir la mainlevée des saisies, en se fondant sur l'immunité d'exécution attachée aux comptes de leurs ambassades en vertu de la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Certes, la question posée ici est différente de celle qu'on a examinée jusqu'à présent en ce qu'elle concerne l'immunité d'exécution dont jouissent les missions diplomatiques et non l'immunité générale d'exécution des Etats ou des organisations internationales. Ces affaires semblent toutefois intéressantes dans la mesure où elles s'inspirent des raisonnements examinés précédemment. Prenant appui sur les décisions rendues par la Cour de cassation en matière d'immunités d'exécution des organisations internationales, le juge des saisies suggère que la reconnaissance de l'immunité d'exécution des Etats constitue une limitation proportionnée au droit à un procès équitable tant que les individus disposent d'autres voies pour faire valoir leurs droits fondamentaux [117]. Si une telle vérification paraît à nouveau difficile, le juge s'en acquitte en considérant notamment que
« sur la possibilité d'agir en justice en Malaisie, la demanderesse se contente d'avancer une affirmation que rien dans son dossier vient étayer. Force est de relever qu'elle ne livre aucune précision sur la possibilité pour un étranger d'agir en justice en Malaisie, sur le coût ni sur la durée des procédures ni sur les chances d'aboutir en combattant le couperet des soixante ans, à supposer qu'y existe une législation sociale comparable, question que la demanderesse n'aborde même pas. Rien dans ses conclusions pas plus que dans les pièces de son dossier ne permet de croire que dans un litige comme celui-là la justice malaisienne aurait la latitude d'écarter cette date butoir. Dès lors il est pour le moins spécieux d'affirmer que le défendeur pouvait demander l'exequatur de la décision belge en Malaisie: on imagine mal qu'il aurait pu obtenir gain de cause » [118].
Le raisonnement tenu dans le litige concernant l'Ethiopie est assez similaire. Le juge y souligne, à propos des assurances données par l'ambassade à trouver un règlement du litige par voie diplomatique, que le requérant
« ne dispose toutefois d'aucune garantie quant à ce point vu le comportement adopté antérieurement par la République fédérale démocratique d'Ethiopie. En outre, les voies alternatives qui peuvent être prises en compte par la juridiction nationale doivent pouvoir offrir 'des voies de recours en cas d'inexécution (...) des décisions prises' (Cass., 21 décembre 2009, op. cit.). En l'espèce, la proposition faite tardivement par la République fédérale démocratique d'Ethiopie n'offre nullement de telles garanties » [119].
Par contre, dans une affaire concernant l'immunité d'exécution de l'Argentine, la mainlevée ordonnée par le juge des saisies a été confirmée par la cour d'appel de Bruxelles en vertu de l'immunité d'exécution dont jouit cet Etat. Si l'Argentine contestait que l'existence de voies de recours alternatives soit un critère pertinent dans le cadre de litiges impliquant des Etats, la cour d'appel s'est rapportée à ce critère:
« contrairement à ce que prétend la République d'Argentine, il n'y a pas lieu de réserver l'application de ce critère uniquement aux immunités dont bénéficient les organisations internationales. Ce n'est pas parce que l'immunité d'un Etat couvre uniquement les biens nécessaires aux fonctions iure imperii de cet Etat, que le critère d'autres voies raisonnables d'exécution ne pourrait être retenu pour déterminer si une immunité est proportionnée » [120].
Quant à savoir si d'autres voies raisonnables d'exécution étaient disponibles et si l'immunité d'exécution de l'Argentine constituait une restriction proportionnée au droit d'accès à un tribunal, la Cour mentionne pour s'en convaincre certaines saisies auxquelles la société créancière de l'Argentine a d'ores et déjà procédé dans différents Etats et souligne que l'Argentine dispose de moyens suffisants pour honorer ces dettes [121], faisant ici état de critères d'appréciation très différents de ceux évoqués à propos de la Malaisie et de l'Ethiopie.
Il paraît ici aussi délicat d'utiliser un critère développé par la Cour de cassation au sujet de l'immunité d'exécution des organisations internationales lorsqu'on traite de l'immunité d'exécution des missions diplomatiques dont la Cour de cassation a d'ailleurs rappelé que le respect par la Belgique implique « qu'aucune saisie ou mesure d'exécution ne peut être pratiquée sur les biens affectés au fonctionnement d'une mission diplomatique, sauf si l'Etat accréditant consent expressément à l'adoption de mesures de contrainte pour cette catégorie de biens ou une partie de cette catégorie » [122]. Plus fondamentalement, les décisions mentionnées ci-dessus illustrent combien l'appréciation par un juge belge de l'existence de voies de recours alternatives peut mobiliser des raisonnements et des critères divers pour aboutir à des conclusions diverses sans qu'on comprenne les raisons de telles divergences.
Conclusion |
Comme cette étude tente de le montrer, les interactions entre les immunités des Etats et des organisations internationales, d'une part, et le droit d'accès au tribunal, d'autre part, sont conçues différemment par la Cour européenne des droits de l'homme et les juges belges. Ces derniers se révèlent être des défenseurs de l'article 6, 1., de la Convention européenne plus ardents que la Cour européenne elle-même. Ce constat peut paraître paradoxal étant donné que les juges belges sont tenus de respecter - de manière plus prégnante que la Cour - les règles du droit international conventionnel et coutumier qui lient la Belgique dans le domaine des immunités et qu'ils n'ont pas été institutionnellement investis de la mission de faire respecter la Convention européenne dans la même mesure que la Cour de Strasbourg. En privilégiant la démarche jugée la plus protectrice du droit d'accès au tribunal et en l'appliquant dans tous les scénarios - qu'il s'agisse d'immunité de juridiction ou d'exécution, qu'il s'agisse d'immunité d'Etats ou d'organisations internationales -, les raisonnements produits par les juges belges permettent d'écarter ces immunités plus aisément et plus fréquemment que ne l'exige la Cour européenne. Si cette tendance est réjouissante en ce qu'elle renforce la protection des droits de la personne, elle n'en pose pas moins question, juridiquement et politiquement. Si l'on s'en tient à des considérations juridiques, les raisonnements proposés par les juges belges peuvent parfois interpeller, non seulement au regard de la prépondérance qu'ils accordent au droit d'accès au tribunal par rapport aux immunités dont le respect se justifie pourtant tout autant, mais également au regard de l'uniformité avec laquelle ils se déploient dans des cas de figure très différents requérant souvent des analyses adaptées. Ces raisonnements ne s'expliquent pas forcément par le risque d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme tant on a vu que la Cour se montre moins exigeante au sujet de la portée qu'il convient d'accorder au droit d'accès à un tribunal. Le risque d'une condamnation par la Cour internationale de justice paraît plus plausible au regard de l'interprétation que cette juridiction réserve à cette question et qui l'a amenée en 2012 à condamner l'Italie en raison de décisions par lesquelles les juges italiens avaient écarté l'immunité de l'Allemagne en considérant que le respect des droits de la personne les y obligeaient. La Belgique a elle-même été condamnée en 2002 par la Cour en raison de la violation par un juge, au nom du respect des droits de la personne, des immunités attachées à un ministre des affaires étrangères. Si cette décision ne concerne pas les immunités des Etats ou des organisations et si elle été fortement critiquée, elle n'en reste pas moins illustrative de la manière dont la Cour internationale de justice se figure les rapports entre les immunités et les droits de la personne. Dans un registre plus politique, les raisonnements proposés par les juges belges paraissent motivés par leur volonté de jouer un rôle de premier plan dans la promotion des droits de la personne souvent présentée comme une entreprise nécessairement lancée à l'encontre des Etats et des organisations internationales. Outre qu'elle n'est pas partagée unanimement, cette représentation de la promotion des droits de la personne peine surtout à convaincre lorsqu'elle est proclamée sur le plan des principes mais aboutit finalement à traiter certains Etats (les Etats-Unis, l'Argentine) et certaines organisations internationales (l'OTAN) plus favorablement que d'autres (la Malaisie, l'Ethiopie, le Secrétariat du groupe des Etats d'Afrique-Pacifique-Caraïbes, l'Union de l'Europe Occidentale).
[1] | Professeure-assistante, Centre de droit international et de sociologie appliquée au droit international, Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles (U.L.B.). |
[2] | Assistant, Centre de droit international et de sociologie appliquée au droit international, Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles (U.L.B.). |
[3] | Les auteurs remercient Pierre Klein et Rafaël Jafferali pour les précieux conseils et remarques qu'ils ont formulés à l'endroit de cet article. La responsabilité de toute erreur éventuelle incombe bien entendu aux seuls auteurs. |
[4] | Cour eur. D.H., 21 février 1975, Golder / Royaume-Uni, §§ 28-36. Toutes les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme peuvent être consultées à partir de la base de données disponible à l'adresse suivante: http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/Pages/search.aspx#. |
[5] | Fl. Poirat, « Les immunités des sujets du droit international », in J. Verhoeven (s.l.d.), Droit international des immunités: contestation ou consolidation?, Bruxelles-Paris, Larcier-LGDJ, 2004, pp. 51 et s. |
[6] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 34; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 53; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 33; Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a); Cour eur. D.H., 3 mars 2005, Manoilescu et Dobrescu / Roumanie et Russie, § 68; Cour eur. D.H., 2 octobre 2006, Kirovi / Bulgarie et Turquie, sous la rubrique En droit, § 2.a; Cour eur. D.H., 26 juillet 2007, Hirschhorn / Roumanie, § 50; Cour eur. D.H., 16 juin 2009, Grosz / France, sous la rubrique En droit, § 2; Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, § 55; Cour eur. D.H., 18 janvier 2011, Guadagnino / Italie et France, § 56; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 47; Cour eur. D.H., 17 juillet 2012, Wallishauser / Autriche, § 59; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, § 55. |
[7] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 59; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 34; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 53; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 33; Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a); Cour eur. D.H., 3 mars 2005, Manoilescu et Dobrescu / Roumanie et Russie, § 68; Cour eur. D.H., 2 octobre 2006, Kirovi / Bulgarie et Turquie, sous la rubrique En droit, § 2.a; Cour eur. D.H., 26 juillet 2007, Hirschhorn / Roumanie, § 50; Cour eur. D.H., 16 juin 2009, Grosz / France, sous la rubrique En droit, § 2; Cour eur. D.H., 18 janvier 2011, Guadagnino / Italie et France, § 56; Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, § 55; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 47; Cour eur. D.H., 17 juillet 2012, Wallishauser / Autriche, § 59; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, § 55. |
[8] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 35; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 54; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 34; Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a); Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, § 60; Cour eur. D.H., 18 janvier 2011, Guadagnino / Italie et France, § 66; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 55; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, § 60. |
[9] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 37. Voy. aussi, Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 56; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 36. |
[10] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 34. Voy. aussi, Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 36; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 55; Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a); Cour eur. D.H., 3 mars 2005, Manoilescu et Dobrescu / Roumanie et Russie, § 70; Cour eur. D.H., 2 octobre 2006, Kirovi / Bulgarie et Turquie, sous la rubrique En droit, § 2.a; Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, § 56; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 48; Cour eur. D.H., 17 juillet 2012, Wallishauser / Autriche, § 59; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, § 56. |
[11] | Rapport du Groupe d'étude de la Commission du droit international, Fragmentation du droit international: difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du droit international, A/CN.4/L.682, 13 avril 2006, p. 95. Voy. aussi, R. Pavoni, « Human Rights and the Immunities of Foreign States and International Organizations », in E. De Wet et J. Vidmar (s.l.d.), Hierarchy in International Law - The Place of Human Rights, Oxford-New York, Oxford University Press, 2012, p. 92. |
[12] | Fl. Poirat, « Les immunités des sujets du droit international », op. cit., p. 11; M. Cosnard, La soumission des Etats aux tribunaux internes, Paris, Pedone, 1996, p. 49; S. El Sawah, Les immunités des Etats et des organisations internationales - Immunités et procès équitable, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 16-17. |
[13] | P. d'Argent, « Remarques sur le conflit entre normes de droit interne et de droit international », Rev. b. dr. intern., 2012/2, p. 14. Pour une définition plus large du conflit de normes et une étude détaillée de cette question, voy. J. Pauwelyn, Conflict of Norms in Public International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, pp. 164 et s. |
[14] | Opinion individuelle des juges Higgins, Kooijmans et Buergenthal, C.I.J., 14 février 2002, Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo / Belgique), Rec. C.I.J., 2002, pp. 85-86, § 72. |
[15] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, §§ 37-38. |
[16] | G. Hafner et L. Lange, « La Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens », A.F.D.I., 2004, pp. 45-76. |
[17] | Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, §§ 66-67; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 57; Cour eur. D.H., 18 janvier 2011, Guadagnino / Italie et France, § 70. |
[18] | Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, §§ 67-68; Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, §§ 58-59; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, §§ 67-68. |
[19] | Voy. pour une étude approfondie de cette question et une bibliographie complète à ce sujet, Premier rapport sur la formation et l'identification du droit international coutumier, présenté par Sir Michael Wood en tant que rapporteur spécial de la Commission du droit international des Nations Unies, 17 mai 2013, A/CN.4/663, 64 p. |
[20] | Cour eur. D.H., 23 mars 2010, Cudak / Lituanie, § 70. |
[21] | Ibid., § 74. |
[22] | Cour eur. D.H., 29 juin 2011, Sabeh El Leil / France, § 62. |
[23] | Cour eur. D.H., 18 janvier 2011, Guadagnino / Italie et France, § 72. |
[24] | Signalons que l'approche de la Cour est similaire lorsque l'action qui vise l'Etat concerne une transaction commerciale; Cour eur. D.H., 14 mars 2013, Oleynikov / Russie, §§ 69-71. |
[25] | Projet d'articles sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens et commentaires y relatifs, 1991, Annuaire de la Commission du droit international, 1991, vol. II (Deuxième partie), pp. 42-46; Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante et unième session, A/CN.4/L.576, Annuaire de la Commission du droit international, 1999, vol. II (Deuxième partie), pp. 173-175. |
[26] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 30. |
[27] | Ibid., § 38. |
[28] | Projet d'articles sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens et commentaires y relatifs, 1991, op. cit., pp. 46-48; C.I.J., 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne / Italie; Grèce - intervenant), § 72. |
[29] | Cour eur. D.H., 14 décembre 2006, Markovic et autres / Italie, §§ 113-114. |
[30] | Ibid., § 111. |
[31] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 43. |
[32] | Ibid., § 66. |
[33] | Opinion dissidente commune à MM. les juges Rozakis et Caflisch, à laquelle déclarent se rallier M. Wildhaber, M. Costa, M. Cabral Barreto et Mme Vajic. Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani / Royaume-Uni, § 3. Voy. également l'opinion dissidente de M. le juge Loucaides, ibid. |
[34] | Pour une analyse de la Cour internationale de justice qui ne décèle pas non plus de contradiction, voy. C.I.J., 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne / Italie), op. cit., § 93. |
[35] | Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a). |
[36] | Ibid. Voy. aussi, Cour eur. D.H., 16 juin 2009, Grosz / France, sous la rubrique En droit, § 2. |
[37] | Cour eur. D.H., 12 décembre 2002, Kalogeropoulou et autres / Grèce et Allemagne, sous a). |
[38] | C.I.J., 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne / Italie), op. cit., § 91. |
[39] | Cour eur. D.H., 3 mars 2005, Manoilescu et Dobrescu / Roumanie et Russie, § 81; voy. aussi, Cour eur. D.H., 2 octobre 2006, Kirovi / Bulgarie et Turquie, sous la rubrique En droit, § 2.a. |
[40] | Cour eur. D.H., 26 juillet 2007, Hirschhorn / Roumanie, §§ 58-59. |
[41] | Ibid., §§ 58-63. |
[42] | Cour eur. D.H., 17 juillet 2012, Wallishauser / Autriche, § 64. |
[43] | Ibid., §§ 72-73. |
[44] | Ibid., § 71. |
[45] | Cour eur. D.H., 20 juin 2013, Wallishauser / Autriche. |
[46] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 49; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 59; Cour eur. D.H., 13 novembre 2008, Mazéas / France, p. 6; Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, § 139. |
[47] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 53; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 63; Cour eur. D.H., 13 novembre 2008, Mazéas / France, p. 7; Cour eur. D.H., 7 juillet 2009, Lopez Cifuentes / Espagne, § 26; Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, §§ 139 et 164. |
[48] | Cour eur. D.H., 5 mars 2013, Chapman / Belgique, §§ 47-52. |
[49] | Ch. F. Amerasinghe, Principles of the Institutional Law of International Organizations, Cambridge, Cambridge University Press, New York, 2005, p. 322. Sur la pertinence de cette distinction, voy. N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme: la jurisprudence strasbourgeoise et sa prise en compte par les juridictions nationales », Journ. dr. intern., vol. 4 (2006), pp. 14-15. |
[50] | Voy. les décisions citées dans Ph. Sands et P. Klein, Bowett's Law of International Institutions, London, Sweet & Maxwell, 2009, p. 494. |
[51] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 53; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 63; Cour eur. D.H., 13 novembre 2008, Mazéas / France, p. 7; Cour eur. D.H., 7 juillet 2009, Lopez Cifuentes / Espagne, § 26; Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, §§ 139 et 164. |
[52] | Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, Fogarty / Royaume-Uni, § 31; Cour eur. D.H., 21 novembre 2001, McElhinney / Irlande, § 38. Voy. aussi, N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme: la jurisprudence strasbourgeoise et sa prise en compte par les juridictions nationales », op. cit., p. 11. |
[53] | Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, § 164. |
[54] | Voy. infra, I. B. 2. b. |
[55] | Ibid. § 163. Voy. aussi, N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme: la jurisprudence strasbourgeoise et sa prise en compte par les juridictions nationales », op. cit., p. 19. |
[56] | Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, § 139 (e). |
[57] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 58; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 68. |
[58] | Ibid. |
[59] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 63; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 73. |
[60] | Cour eur. D.H., 13 novembre 2008, Mazéas / France, p. 7. |
[61] | J. Wouters et P. Schmitt, « Challenging Acts of Other United Nations' Organs, Subsidiary Organs and Officials », in A. Reinisch (s.l.d.), Challenging acts of international organizations before national courts, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 100; Ph. Sands et P. Klein, Bowett's Law of International Institutions, op. cit., p. 498. |
[62] | Pour une position plus exigente, voy. E. Gaillard et I. Pingel-Lenuzza, « International Organisations and Immunity from Jurisdiction: To Restrict or to Bypass », The International and Comparative Law Quarterly, vol. 51 (1 janvier 2002), no 1, p. 11; E. Voyiakis, « Access to Court v. State Immunity », International and Comparative Law Quarterly, vol. 52 (2003), p. 313; H. Tigroudja, « L'immunité de juridiction des organisations internationales et le droit d'accès à un tribunal », Rev. trim. dr. h., vol. 2000 (2000), no 41, p. 104; J. Wouters, C. Ryngaert et P. Schmitt, « Belgian Court of Cassation-responsibility of international organizations-immunities-domestic courts-access to justice », The American Journal of International Law, vol. 105 (1 juillet 2011), no 3, p. 105. |
[63] | Cour eur. D.H., 13 novembre 2013, Mazéas / France, pp. 4 et 7. |
[64] | Cour eur. D.H., 18 février 1999, Beer et Regan / Allemagne, § 59; Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 69. |
[65] | Voy. aussi, Cour eur. D.H., 7 juillet 2009, Lopez Cifuentes / Espagne, § 31. |
[66] | Cour eur. D.H., 12 mai 2012, Gasparini / Italie et Belgique, p. 4. |
[67] | Ibid., p. 7. |
[68] | Ibid., pp. 9-10. |
[69] | Cour eur. D.H., 5 mars 2013, Chapman / Belgique, § 52; on notera toutefois que la Cour prend note du fait que M. Chapman n'a pas saisi la Commission de recours de l'OTAN et reste dès lors en défaut de démontrer les défaillances qu'il impute à la Commission. On restera néanmoins prudent sur les conclusions qu'il faudrait tirer de cet obiter dictum au vu de son caractère laconique et éminemment subsidiaire. |
[70] | Ibid. |
[71] | Ph. Sands et P. Klein, Bowett's Law of International Institutions, op. cit., p. 498; A. Reinisch et U.A. Weber, « In the Shadow of Waite and Kennedy-The Jurisdictional Immunity of International Organizations, the Individual's Right of Access to the Courts and Administrative Tribunals as Alternative Means of Dispute Settlement », Int'l Org. L. Rev., vol. 1 (2004), p. 79; Fr. Sudre, « Immunité de juridiction et droit de saisine du juge: la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in I. Pingel (s.l.d.), Droit des immunités et exigences du procès équitable - Actes du colloque du 30 avril 2004, Paris, Editions A. Pedone, 2004, p. 27; J. Wouters et P. Schmitt, « Challenging Acts of Other United Nations' Organs, Subsidiary Organs and Officials », op. cit., p. 96. Contra, N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », op. cit., p. 16. |
[72] | Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, § 164. |
[73] | Ibid., §§ 119 et 152. |
[74] | Ibid., § 164. |
[75] | Ibid. |
[76] | En ce sens, N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », op. cit., p. 15. |
[77] | Cour eur. D.H., 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica and others / the Netherlands, § 154. |
[78] | Cass. (3e ch.) 21 décembre 2009, Secrétariat Général du Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique / B.D., Pas., 2009, RG C.07.0407.F, p. 3117, n° 769; Cass. (3e ch.) 21 décembre 2009, Secrétariat Général du Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique / L.M.-A., Pas., 2009, RG C.03.0328.F, p. 3105, n° 768; J.T., 2010 p. 129; Cass. (3e ch.) 21 décembre 2009, Union de l'Europe Occidentale / S.M., Pas., 2009, RG S.04.0129, p. 3143, n° 773, Concl. av. gén. Génicot. |
[79] | On note que cette condamnation avait été rendue possible par le fait que l'accord de siège entre la Belgique et le Secrétariat des ACP n'était alors pas entré en vigueur et l'organisation ne disposait donc pas d'une immunité de juridiction. |
[80] | Cour eur. D.H., 3 mars 2005, Manoilescu et Dobrescu / Roumanie et Russie; Cour eur. D.H., 2 octobre 2006, Kirovi / Bulgarie et Turquie. |
[81] | Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat Général du Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique / B.D., op. cit., p. 3121. |
[82] | Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat des ACP / L.M.-A., op. cit., p. 3116. En sens identique, Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat des ACP / B.D., op. cit., p. 3121. |
[83] | Civ. Bruxelles (sais.), 23 juin 2011, SA International Hotels Worldwide / SA Grandvision Belgium, J.T., 2011, pp. 655-657, obs. E. David. |
[84] | Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat des ACP / L.M.-A., op. cit., p. 3116; Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat des ACP / B.D., op. cit., p. 3121. |
[85] | Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Secrétariat des ACP / B.D., op. cit., p. 3122. |
[86] | N. Angelet et A. Weerts, « Les immunités des organisations internationales face à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », op. cit., p. 24. |
[87] | On note ainsi que l'accord de siège entre la Belgique et Secrétariat des ACP prévoit une exception à l'immunité de juridiction de l'organisation en matière de roulage. Voy. la loi portant assentiment à l'Accord de siège entre le Royaume de Belgique et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, signé à Bruxelles le 26 avril 1993 (M.B., 22 juin 2000, art. 26). |
[88] | P. Klein, La responsabilité des organisations internationales dans les ordres juridiques internes et en droit des gens, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 287. |
[89] | C. trav. Bruxelles (4e ch.), 17 septembre 2003, S.M. / Union de l'Europe Occidentale, J.T., 2004, p. 619. |
[90] | Ibid. |
[91] | Cass. (3e ch.), 21 décembre 2009, Union de l'Europe Occidentale / S.M., op. cit., p. 3166. |
[92] | Ibid. |
[93] | Cour eur. D.H., 5 mars 2013, Chapman / Belgique, § 52; voy. aussi Cour eur. D.H., 12 mai 2012, Gasparini / Italie et Belgique, p. 10. |
[94] | Civ. Bruxelles (4e ch.), 1 décembre 2005, SA Energies Nouvelles et Environnement / Agence spatiale européenne, J.T., 2006, p. 173; Bruxelles (21e ch.), 23 mars 2011, SA Energies Nouvelles et Environnement / Agence spatiale européenne, publiée dans ce numéro, p. 85. Les auteurs remercient Nicolas Angelet d'avoir porté cette affaire à leur connaissance |
[95] | Bruxelles (21e ch.), 23 mars 2011, SA Energies Nouvelles et Environnement / Agence spatiale européenne, §§ 16-22. |
[96] | Ibid., §§ 16 et s. |
[97] | La possibilité d'attraire d'autres sujets que l'organisation internationale devant les cours et tribunaux avait déjà été évoquée par la Cour européenne des droits de l'homme : Cour eur. D.H., 18 février 1999, Waite et Kennedy / Allemagne, § 70. |
[98] | En ce sens J. Wouters et P. Schmitt, « Challenging Acts of Other United Nations' Organs, Subsidiary Organs and Officials », op. cit., p. 100. |
[99] | Statut du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies, A/RES/63/253, Art. 4. |
[100] | Voy. par exemple, Statut du Tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail, adopté par la Conférence internationale du Travail le 9 octobre 1946 et modifié par la Conférence le 29 juin 1949, le 17 juin 1986, le 19 juin 1992, le 16 juin 1998 et le 11 juin 2008, Art. 3. |
[101] | E. Robert, « The juridictional immunities of international organizations: the balance between the protection of the organizations' interests and individual rights », Droit du pouvoir - Pouvoir du droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 1460. |
[102] | Bruxelles (17e ch.), 26 juin 2012, Etat belge / International Hotels Worldwide Inc., disponible sur www.coe.int/t/dlapil/cahdi/Source/state_immunities/Belgium_2013_Caselaw1.pdf, consulté le 10 septembre 2013, p. 11. |
[103] | Voy. supra, p. 46. |
[104] | Bruxelles (17e ch.), Etat Belge / International Hotels Worldwide Inc., op. cit., p. 11. |
[105] | Ibid., pp. 15-16. |
[106] | Voy. Concept stratégique pour la défense et la sécurité des membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord adopté par les chefs d'Etat et de Gouvernement au sommet de l'OTAN à Lisbonne, les 19 et 20 novembre 2010, disponible sur www.nato.int/strategic-concept/pdf/Strat_Concept_web_fr.pdf, consulté le 10 septembre 2013, p. 8. |
[107] | On note que l'arrêt de la cour d'appel a été cassé le 4 octobre 2013 sans que la Cour de cassation ne se prononce toutefois sur les rapports entre droit à un tribunal et immunités de l'OTAN. Voy. Cass., 4 octobre 2013, RG C.12.0614.F, International Hotels Worldwide / Etat belge et Banca Monte Paschi Belgio, inédit. |
[108] | Trib. trav. Bruxelles, 4 octobre 2010, Chr. D. S., 2012, p. 531, § 18. |
[109] | Trib. trav. Bruxelles, 23 avril 2010, Chr. D. S., 2012, p. 528. |
[110] | Trib. trav. Bruxelles, 23 avril 2010, Chr. D. S., 2012, p. 529. |
[111] | C. trav. Bruxelles, 3 mai 2012, J.T.T., 2012, p. 345. |
[112] | Bruxelles, 28 juin 2013 (inédit), p. 8, dont une copie est publiée dans le présent numéro, p. 99. |
[113] | C. trav. Bruxelles, 3 mai 2012, J.T.T., 2012, p. 346. |
[114] | Ibid. |
[115] | Ibid. |
[116] | Ibid. |
[117] | Civ. Bruxelles (sais.), 28 mars 2011, J.T., 2011, p. 398; Civ. Bruxelles (sais.), 25 octobre 2012, disponible sur le site du Conseil de l'Europe: www.coe.int/t/dlapil/cahdi/Source/state_immunities/Belgium_2013_Caselaw2.pdf, consulté le 15 septembre 2013. |
[118] | Civ. Bruxelles (sais.), 28 mars 2011, J.T., 2011, p. 400. |
[119] | Civ. Bruxelles (sais.), 25 octobre 2012, op. cit. |
[120] | Bruxelles, 28 juin 2013 (inédit), p. 8, dont une copie est publiée dans le présent numéro, p. 99. |
[121] | Ibid., p. 9. |
[122] | Cass. (1re ch.), 22 novembre 2012, Pas., p. 2290, n° 630, concl. av. gén. Leclercq; J.T., 2013, p. 290, obs. P. d'Argent. |