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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 17/10/2013, R.D.C.-T.B.H., 2014/1, p. 122-123

Cour de justice de l'Union européenne 17 octobre 2013

DROIT INTERNATIONAL PRIVE - CONVENTION DE ROME SUR LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
Articles 3 et 7, paragraphe 2 - Liberté de choix des parties - Lois de police - Directive 86/653/CEE - Agents commerciaux indépendants - Rupture du contrat d'agence par le commettant - Réglementation nationale de transposition prévoyant une protection allant au-delà des exigences minimales de la directive
INTERNATIONAAL PRIVAATRECHT - VERDRAG VAN ROME INZAKE HET RECHT DAT VAN TOEPASSING IS OP VERBINTENISSEN UIT OVEREENKOMST
Artikelen 3 en 7, lid 2 - Rechtskeuze door partijen - Bepalingen van bijzonder dwingend recht - Richtlijn 86/653/EEG - Zelfstandige handelsagenten - Verbreking van agentuurovereenkomst door principaal - Nationale omzettingsregeling die ruimere bescherming biedt dan door richtlijn opgelegde minimum

Unamar / Navigation Martime Bulgare

Affaire: C-184/12

Dans un intéressant arrêt au 17 octobre 2013, rendu dans l'affaire C-184/12, Unamar / NMB, la Cour de justice a interprété l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome, lu en combinaison avec les dispositions de la directive 86/653 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. Dans son arrêt, la Cour a répondu à la question posée par la Cour de cassation de Belgique relative à l'application, en tant que loi de police du for au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome et en dépit du choix de la loi applicable bulgare opéré par les parties au contrat, des dispositions de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale (M.B. 2 juin 1995), par laquelle la directive 86/653 a été transposée dans le droit belge.

Le litige au principal oppose Unamar, une société de droit belge agissant en qualité d'agent commercial à Navigation Maritime Bulgare, dont le siège se trouve à Sofia, agissant en qualité de commettant. Les parties ont conclu un contrat d'agence commerciale portant sur l'exploitation du service de transport maritime régulier par conteneurs de NMB. Le contrat était soumis par la volonté des parties au droit bulgare et prévoyait que tout différend le concernant devait être porté devant un tribunal arbitral bulgare. A la suite de la rupture des rapports contractuels par NMB, Unamar a engagé une action devant le tribunal de commerce d'Anvers en vue d'obtenir le paiement d'indemnités en vertu des articles 18, 20 et 21 de la loi relative au contrat de l'agence commerciale, en soutenant que ces dispositions, en tant que loi de police, doivent prévaloir sur la loi applicable au contrat. La protection large de l'agent prévue par la loi belge a été refusée à la demanderesse par la cour d'appel d'Anvers qui a estimé que cette loi n'était pas d'ordre public et ne relevait pas non plus de l'ordre public international belge, au sens de l'article 7 de la convention de Rome. En outre, elle a estimé que le droit bulgare choisi par les parties offrait également à Unamar, en tant qu'agent maritime de NMB, la protection prévue par la directive 86/653, même si cette dernière ne prévoit qu'une protection minimale. Dans ces conditions, selon la cour d'appel, le principe de l'autonomie de la volonté des parties devait prévaloir et, partant, c'était le droit bulgare qui devait s'appliquer au contrat. Unamar s'étant pourvue en cassation, la Cour de cassation a interrogé les juges de Luxembourg sur la question de savoir si l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome permet que les lois de police du pays du juge qui offrent une protection plus étendue que la protection minimale imposée par la directive 86/653, telles que les dispositions des articles 18, 20 et 21 de la loi relative au contrat d'agence commerciale, soient appliquées au contrat, même s'il apparaît que le droit applicable au contrat est le droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne, qui a transposé la directive 86/653 dans son ordre juridique correctement mais en se limitant à une protection minimale. La Cour de cassation a décidé de limiter sa question préjudicielle aux aspects des conflits de lois, bien que la question de la compétence des juridictions belges à connaître du litige a également été débattue devant les juridictions anversoises.

Il est intéressant de relever la différence entre les réponses à cette question données, d'une part, par M. l'avocat général N. Wahl, et d'autre part par la Cour. En effet, ayant relevé, notamment, que la directive 86/653 a prévu une harmonisation minimale, l'avocat général a considéré que les articles 3 et 7, paragraphe 2, de la convention 3, lus en combinaison avec les dispositions de la directive 86/653, permettent que les lois de police du pays du juge du for qui offrent à l'agent commercial une protection plus étendue que la protection imposée par cette directive soient appliquées au contrat, même s'il apparaît que le droit applicable au contrat est le droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne dans lequel la protection minimale découlant de directive en cause a été mise en oeuvre.

Plus prudente dans sa réponse, la Cour a insisté sur la nécessité de garantir l'application uniforme de droit de l'Union. Elle a relevé que, si l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome n'impose au juge saisi aucune condition d'application de lois de police du for, la qualification de dispositions nationales de lois de police et de sûreté par un Etat membre ne peut viser que les dispositions dont l'observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'Etat membre concerné. La Cour a également indiqué que l'application des lois de police d'un Etat membre ne saurait méconnaître la primauté des libertés instaurées par le traité et qu'elle ne devrait pas, non plus, compromettre l'effet d'harmonisation voulu par la directive 86/653, ni l'application uniforme de la convention de Rome au niveau de l'Union. A cet égard, elle a notamment relevé la différence entre le litige au principal, dans lequel l'application de la loi de police du for aboutissait à l'éviction d'une loi d'un autre Etat membre mettant en oeuvre une directive et l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt Ingmar (arrêt du 9 novembre 2000, C 381/98), dans laquelle la loi écartée au profit d'une loi de police était une loi d'un Etat tiers. Enfin, la Cour a relevé que, dans la mesure où l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome instaure une exception du principe d'autonomie de la volonté des parties au contrat, il doit être interprété de manière stricte.

Compte tenu de ces considérations, la Cour a décidé que les articles 3 et 7, paragraphe 2, de la convention de Rome doivent être interprétés en ce sens que la loi d'un Etat membre de l'Union qui satisfait à la protection minimale prescrite par la directive 86/653, choisie par les parties à un contrat d'agence commerciale, peut être écartée par la juridiction saisie, établie dans un autre Etat membre, en faveur de la loi de police du for transposant la même directive uniquement si la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de cette transposition, le législateur de l'Etat du for a jugé crucial, au sein de l'ordre juridique concerné, d'accorder à l'agent commercial une protection allant au-delà de celle prévue par directive 86/653, en tenant compte à cet égard de la nature et de l'objet de telles dispositions.