RECHTSVORDERING
Hoedanigheid - Vennootschappen - Naamloze vennootschap - Vennootschapsvordering en minderheidsvordering - Schade aan het vennootschapsvermogen - Geen zelfstandig vorderingsrecht voor aandeelhouders
Alleen de vennootschap heeft het recht om schadevergoeding te vorderen voor schade aan haar vermogen door de fout van een derde; voor deze schade komt aan de aandeelhouders geen zelfstandig vorderingsrecht toe, zelfs in afwezigheid van door de vennootschap ingestelde vordering tot schadevergoeding.
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ACTION EN JUSTICE
Qualité - Sociétés - Société anonyme - Action de la société et action minoritaire - Dommage causé au patrimoine de la société - Pas de droit d'action individuel des actionnaires
Seule la société a le droit de réclamer réparation d'un dommage causé à son patrimoine par la faute d'un tiers; un tel dommage n'ouvre pas de droit d'action individuel aux actionnaires, même en l'absence d'action en réparation intentée par la société.
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1.La responsabilité des dirigeants sociaux est généralement envisagée avant tout sous l'angle de la faute. Les principes sont aujourd'hui bien établis sur ce point, sous réserve de quelques hésitations qui ont pu survenir à propos de l'application des règles de la responsabilité aquilienne aux administrateurs et gérants (et qui semblent aujourd'hui clarifiées [2]) ou de certains cas de responsabilités spécifiques récemment introduits par le législateur [3].
Mais on semble parfois oublier que la faute n'est qu'un des trois éléments de la responsabilité: la faute étant établie, encore faut-il démontrer qu'elle est à l'origine d'un dommage et le lien de causalité entre cette faute et ce dommage, sauf si ce lien de causalité est présumé [4]. C'est l'évidence mais il n'est pas inutile de le rappeler.
S'agissant du lien de causalité, la définition qui en est donnée par la Cour de cassation implique que le demandeur démontre, et que le juge constate, que, sans la faute, il est certain que le dommage ne se serait pas réalisé tel qu'il s'est produit in concreto. De simples conjectures ou hypothèses, voire la constatation de vraisemblances, même fortes, ne suffisent pas [5], ce qui rend souvent la tâche de la victime difficile [6], comme l'illustre le sort réservé à la théorie de la perte d'une chance par les chambres francophones de la Cour de cassation [7].
Quant au dommage, des discussions existent dans la matière qui nous occupe tant en ce qui concerne l'identification même de la victime ayant subi celui-ci - et donc de la personne ayant intérêt et qualité à agir pour en obtenir réparation - que de sa quantification qui soulève des questions d'évaluation extrêmement délicates.
2.L'arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2012 reproduit ci-dessus [8] se prononce sur le premier de ces deux aspects, lorsqu'un actionnaire réclame réparation du dommage qu'il prétend avoir subi personnellement en raison d'une atteinte portée au patrimoine de la société.
Selon la Cour, seule la société est en droit de réclamer réparation d'un tel dommage, lequel n'ouvre pas de droit d'action aux actionnaires agissant individuellement: « De vennootschap is gerechtigd om schadevergoeding te vorderen van een derde door wiens fout het vennootschapsvermogen werd aangetast. Voor deze schade aan het vennootschapsvermogen komt aan de aandeelhouders geen zelfstandig vorderingsrecht toe. » [9].
La Cour rejette ainsi les quatrième et sixième moyens formulés par les demandeurs en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 20 juillet 2010, au terme desquels les requérants faisaient valoir en substance que le dommage subi par la société entraîne un dommage par répercussion (« schade bij weerkaasting ») pour l'actionnaire, lequel a une personnalité juridique distincte de celle de la société. Ce dommage devient certain lorsque la société décide de ne pas exercer d'action en réparation contre l'auteur de la faute alléguée et peut alors donner lieu à réparation au bénéfice de l'actionnaire.
Les faits de la cause à l'origine de l'arrêt étaient relativement simples, si on les ramène à l'essentiel: les demandeurs en cassation, actionnaires d'une société anonyme, reprochaient à un des banquiers de cette société d'avoir, par sa faute, causé la faillite de la société. Leur demande avait été déclarée irrecevable par le tribunal de première instance de Bruxelles, à défaut d'intérêt et de qualité à agir. Elle avait été déclarée recevable mais non fondée par la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 20 juillet 2010 soumis à la censure de la Cour de cassation. Le curateur de la société faillie, qui avait également agi en responsabilité contre la banque, avait été débouté de sa demande en première instance et ne l'avait pas maintenue en appel.
3.Autrement dit, l'impact pour les actionnaires d'une atteinte portée au patrimoine de la société - en particulier la diminution de la valeur de leurs titres, de son cours de bourse ou de la « capacité dividendaire » de la société - par la faute d'un tiers ou d'un organe ne constitue pas un préjudice « par répercussion » susceptible de réparation dans leur chef. Si le préjudice allégué par les actionnaires n'est que le « reflet » de celui subi par la société, qu'il n'est que la conséquence qui en résulte pour leurs titres ou sur leur situation d'actionnaires, ils ne peuvent en obtenir réparation à titre personnel. L'arrêt de la Cour, qui considère que le moyen qui faisait valoir le contraire manque en droit, est dépourvu de toute ambiguïté sur ce point.
Le principe vaut quelle que soit la faute à l'origine du dommage, y compris si cette faute est susceptible d'une qualification pénale au titre d'un abus de biens sociaux, par exemple, et quelle que soit le fondement juridique de la demande, en particulier que celle-ci soit fondée sur les articles 263 et 528 du Code des sociétés (responsabilité solidaire des gérants et administrateurs pour violation des statuts et du Code des sociétés) ou sur l'article 1382 du Code civil.
Les exemples susceptibles de donner lieu à l'application de ce principe ne manquent pas: vente d'un actif en dessous de son « prix du marché », conclusion d'une opération à des conditions défavorables pour la société, frais indûment mis à charge de la société, prélèvements dans les actifs sociaux et autres abus de biens sociaux et, plus généralement, tout acte de mauvaise gestion affectant négativement le patrimoine de la société.
4.Le principe - dont le caractère équitable peut certes prêter à discussion - ainsi consacré par la Cour de cassation trouve son fondement dans le droit de la personnalité morale, le fonctionnement organique des personnes morales et le droit commun de la responsabilité civile.
Lorsque le patrimoine de la société subit un dommage, l'action en réparation susceptible d'en résulter et la créance en dommages et intérêts corrélative appartiennent à la société [10] et c'est à la société, agissant par son organe compétent, de décider d'introduire, le cas échéant, une telle action. C'est une conséquence à vrai dire assez élémentaire de l'existence, dans le chef des personnes morales, d'un patrimoine propre, distinct de celui de leurs associés.
Si la faute à l'origine du dommage émane des dirigeants sociaux, cette solution est consacrée par les règles du Code des sociétés organisant les actions en responsabilité: dans ce cas en effet, il appartient à la société, agissant par son assemblée générale si la responsabilité recherchée est celle d'un administrateur ou gérant [11] ou, en cas de faillite, par le curateur, de décider s'il y a lieu d'introduire l'action en responsabilité ou de donner décharge. La décision de l'assemblée générale, prise à la majorité, lie l'ensemble des actionnaires et la société, sauf si elle devait être censurée pour un détournement de pouvoir (cf. art. 64 C. soc.). Les actionnaires minoritaires ne sont pas dépourvus de toute possibilité d'agir: ils peuvent intenter l'action dite minoritaire, dans les conditions prévues par les articles 290 et 562, mais cette action est introduite « pour le compte de la société » qui en est le bénéficiaire (direct).
Dans ce système, même si le préjudice de la société se traduit par une diminution de la valeur des titres des actionnaires, cette diminution de valeur n'est censée être que le « reflet » du préjudice subi par la société. Elle ne crée pas, pour l'actionnaire, un préjudice distinct, autonome. Le caractère personnel du dommage [12] fait donc défaut dans le chef de l'actionnaire [13]. Il en est ainsi si le préjudice des actionnaires est réparé (ou censé l'être) « par répercussion », suite à la réparation du préjudice « principal » causé à la société, mais il en est également ainsi si la société décide, expressément ou tacitement, de ne pas agir en responsabilité, les actionnaires étant, dans ce cas, liés par la décision de la société (voy. également sur ce dernier point infra, n° 5).
Du point de vue de la procédure, la question relève de la recevabilité de l'action et non du fond: l'actionnaire agissant individuellement en réparation d'un préjudice subi par la société n'a pas intérêt (ni qualité) à agir, au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire [14]. C'est donc à juste titre que, dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt commenté, le tribunal de première instance de Bruxelles avait déclaré la demande irrecevable.
5.L'arrêt commenté ne constitue pas une réelle surprise. La jurisprudence des juges du fond [15] et la doctrine majoritaire [16] considéraient déjà, de longue date, que l'actionnaire ne subissait pas de préjudice propre en cas d'atteinte portée au patrimoine social par la faute d'un organe ou d'un tiers. Une solution similaire prévaut en France [17] ainsi que dans d'autres pays [18]. L'arrêt intervient cependant à un moment où le principe était contesté par quelques auteurs [19] et remis en cause par certains plaideurs. Il tranche en outre plusieurs points qui demeuraient discutés.
Le premier de ces points est que le principe consacré par la Cour de cassation demeure applicable, même si la société n'agit pas en responsabilité contre l'auteur présumé du dommage [20]. L'attendu de la Cour reproduit ci-dessus (supra, n° 2) est à tout à fait général et ne fait aucune distinction selon que la société ait ou non agi en responsabilité, et ce alors qu'il répond à un moyen qui, sur la base de la thèse défendue par certains auteurs [21], soutenait précisément que, si la société avait renoncé à agir en responsabilité, le préjudice de l'actionnaire devenait « certain » ce qui faisait naître dans son chef un droit à réparation. La solution ne souffre donc d'aucune discussion.
Le deuxième point est que ce principe s'applique quelle que soit la qualité de la personne à l'origine du dommage sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que cette personne soit un organe ou un tiers. Certes, l'arrêt concernait une action en responsabilité contre un tiers (supra, n° 2) mais les motifs qui justifient la solution retenue par la Cour (supra, n° 4) valent a fortiori en cas d'action dirigée contre un organe.
Un troisième enseignement se déduit de l'arrêt: même si l'espèce à propos de laquelle la Cour s'est prononcée concernait une société anonyme, l'attendu ci-dessus reproduit vise toute « société » et les principes qui en résultent sont donc applicables à toutes les formes de sociétés, à tout le moins lorsqu'elles sont dotées de la personnalité morale [22].
6.Placé dans le contexte plus général des actions en responsabilité contre les dirigeants sociaux, l'arrêt du 23 février 2012 renforce, en quelque sorte, le « monopole d'action » de la société, en dehors des hypothèses spécifiques de faillite et des recours de l'administration fiscale (supra, n° 1).
Dans l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation [23], les créanciers de la société qui se trouvent dans un lien contractuel avec celle-ci ne peuvent pas non plus mettre en cause la responsabilité personnelle de leurs organes sur la base de l'article 1382 du Code civil, sauf à démontrer, en particulier, que la faute de ces organes leur a causé un préjudice distinct de celui résultant de la perte de leur créance, préjudice distinct dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est très difficile, sinon impossible, à démontrer en pratique [24].
7.L'arrêt du 23 février 2012 concerne la question du préjudice - ou plus précisément de l'absence de préjudice - subi « par ricochet » par les actionnaires en cas d'atteinte portée au patrimoine social. Il ne vise pas les demandes d'actionnaires (minoritaires) qui auraient pour objet la réparation d'un dommage propre que leur aurait causé la faute d'un dirigeant social ou d'un tiers et qui satisferait à toutes les autres conditions du dommage réparable. La jurisprudence fournit quelques illustrations de telles demandes [25]. Mais, comme on l'a déjà souligné ci-avant (supra, n° 3), un dommage qui n'est que le « reflet » sur les actions du dommage subi par la société n'est pas constitutif d'un tel dommage propre.
La distinction entre préjudice propre et préjudice par répercussion est parfois ténue comme l'illustre un arrêt de la Cour de cassation de France du 28 juin 2005 dans lequel la Cour a considéré, contrairement à ce qu'avaient décidé les premiers juges, que le préjudice résultant pour des associés minoritaires de la surévaluation d'apports effectués par un associé majoritaire « se traduit par une majoration infondée de sa participation au capital social » et « cause de ce fait aux autres associés un préjudice qui n'est pas le corollaire de celui que subit la société et dont ceux-ci sont par suite recevables à demander réparation » [26].
Un commentateur de cet arrêt y a vu un infléchissement de la position traditionnelle de la Cour de cassation de France en matière de préjudice individuel (supra, n° 5), au motif que la jurisprudence antérieure « refusait de voir dans la dépréciation des titres d'un associé un quelconque préjudice personnel, quelle que soit la faute qui en était à l'origine » [27]. Il s'observe néanmoins que, dans cette espèce, la Cour a justifié sa décision en identifiant un préjudice propre aux associés minoritaires (la dilution de leur participation consécutive à la surévaluation des apports de l'associé majoritaire) distinct de celui subi par la société et qui n'était pas commun à tous les associés.
8.L'arrêt commenté laisse par ailleurs ouverte la problématique - particulièrement complexe - du préjudice (parfois qualifié de « boursier ») susceptible de résulter pour les actionnaires/investisseurs d'une faute commise par une société, spécialement une société cotée, ou un intermédiaire financier dans la communication d'informations (« miscommunication ») et de l'identification des actionnaires/investisseurs susceptibles de réclamer réparation d'un tel préjudice [28]. Quelques décisions de jurisprudence ont été rendues en Belgique sur la question [29] mais elles sont assez disparates et l'on ne peut en tirer un enseignement d'ensemble.
En France, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que, si un actionnaire/investisseur peut obtenir réparation du préjudice propre que lui cause une faute commise dans la diffusion d'information, ce préjudice ne correspond ni à la diminution de la valeur de son investissement s'il a acquis ou conservé des titres sur la base d'une information « positive » [30], ni au manque à gagner résultant du fait qu'il a vendu ses titres sur la base d'une information « négative » [31]. Il correspond uniquement à la perte d'une chance pour l'actionnaire/investisseur d'effectuer un « arbitrage » dans la gestion de ses investissements en toute connaissance de cause. Plus spécifiquement, « celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé » [32].
Selon cette analyse, le dommage subi par l'investisseur qui a acquis des titres durant une période précédant la diffusion d'une information qui entraîne une chute du cours et qui aurait dû être diffusée plus tôt, correspond à la perte d'une chance de réaliser un autre investissement plus rentable ou à la perte de la chance d'éviter ou de limiter l'investissement « ruineux ». D'autre part, le dommage subi par l'investisseur qui s'est abstenu de vendre avant la diffusion d'une information qui entraîne une chute du cours et qui aurait dû être diffusée plus tôt équivaut à la perte d'une chance de réduire sa perte et/ou de réaliser après la vente un autre investissement plus rentable. Il n'existe cependant pas d'indication précise sur des critères objectifs de quantification de la perte de cette chance [33].
9.En conclusion, il résulte de l'arrêt du 23 février 2012 que l'impact pour les actionnaires d'une atteinte portée au patrimoine de la société - en particulier la diminution de la valeur de leurs titres, de son cours de bourse ou de la « capacité dividendaire » de la société - par la faute d'un tiers ou d'un organe ne constitue pas un préjudice « par répercussion » donnant lieu à une action en indemnisation dans leur chef.
Ce principe trouve son fondement dans le droit de la personnalité morale, le fonctionnement organique des personnes morales et le droit commun de la responsabilité civile (supra, n° 4). Il était admis de longue date tant par la jurisprudence des juges du fond que par la doctrine majoritaire et est également consacré dans d'autres systèmes juridiques, notamment en droit français et anglais. L'arrêt ne constitue donc pas une réelle surprise mais tranche néanmoins certains points qui demeuraient controversés. En particulier, le principe consacré par la Cour de cassation demeure applicable, même si la société n'agit pas en responsabilité contre l'auteur présumé du dommage (supra, n° 5).
[1] | Avocat au barreau de Bruxelles, maître de conférences à l'Université Libre de Bruxelles. |
[2] | Voy. en particulier Cass., 7 novembre 1997, R.C.J.B., 1999, p. 730 et note de V. Simonart et Cass., 20 juin 2005, R.D.C.B., 2006, p. 418. Pour une synthèse de la jurisprudence de la Cour de cassation quant à la responsabilité aquuilienne des organes sociaux, voy. X. Dieux, « La responsabilité des administrateurs ou gérants d'une personne morale à l'égard des tiers: derniers développements? », Rev. not. belge, 2006, p. 258. |
[3] | Nous songeons en particulier aux difficultés posées par les dispositions introduites par la loi-programme du 20 juillet 2006 (art. 442quater C.I.R. et art. 93undecies C.T.V.A.). Sur ces dispositions, voy. notamment T. Afschrift, « Les dispositions fiscales des lois du 20 juillet 2006 », J.T., 2006, p. 733. |
[4] | Voy. par exemple l'art. 633, dernier al., du Code des sociétés en cas de perte du capital social. Voy. également l'art. 530 en cas de faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite. Voy., en droit financier, l'art. 61, § 2, de la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés et l'art. 21, § 2, de la loi du 1er avril 2007 sur les offres publiques d'acquisition. |
[5] | P. Van Ommeslaghe, Les obligations; De Page, Traité de droit civil belge, t. II, vol. 2, Bruylant, 2013, p. 1613, n° 1095. |
[6] | « Dit is vaak geen sinecure » comme l'écrivent H. Braeckmans et R. Houben à propos de la preuve du dommage et du lien de causalité en cas de violation des statuts ou du Code des sociétés (Handboek vennootschapsrecht, Intersentia, 2012, p. 342, n° 617) mais le constat vaut aussi pour les autres cas de responsabilité. |
[7] | Cass., 12 octobre 2005, Pas., 2005, I, p. 1913; Cass., 12 mai 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1170. |
[8] | L'arrêt a été publié en français à la Pasicrise (Pas., 2012, I, 431). Il a été publié également au T.R.V., 2012, p. 319 et note de J. Vananroye (« Aandeelhouders hebben geen zelfstandig vorderingsrecht voor afgeleide schade ») et au R.W., 2011-2012, p. 1658 et note de F. Parren. |
[9] | Cet attendu de principe est ainsi traduit à la Pasicrisie: « Une société a le droit de réclamer réparation à un tiers par la faute duquel il a été portée atteinte au patrimoine de la société. Ce dommage n'ouvre pas de droit d'action propre aux actionnaires. » |
[10] | De ce point de vue, la solution se justice également par le fait que cette créance fait donc partie du « gage commun » des créanciers de la société. |
[11] | Si la société entend mettre en cause la responsabilité d'un membre du comité de direction, d'un délégué à la gestion journalière ou, plus généralement, d'un employé ou prestataire de services, la décision relève de la compétence de son organe de gestion. |
[12] | Cass., 17 juin 1975, Pas., 1975, I, p. 999: Cass., 30 novembre 1978, Pas., 1979, I, p. 376. |
[13] | P. Van Ommeslaghe, Les obligations, o.c., n° 1073, p. 1564. |
[14] | En ce sens: K. Geens e.a., « Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen (1999-2010) », T.P.R., 2012, n° 244, p. 306 qui évoquent également une condition de recevabilité. Comp. Comm. Bruxelles, 8 décembre 2009, T.R.V., 2010, p. 58 qui considère que des actionnaires minoritaires de Fortis se plaignant « d'une atteinte à leur patrimoine consécutive aux fautes prétendument commises à leur détriment » (des cessions d'actifs réalisées à des conditions contestées par ces actionnaires) ont un « intérêt spéculatif - peut-être - mais légitime, né et actuel » et sont en conséquent « recevables à plaider le fond de leur affaire ». |
[15] | Bruxelles, 11 décembre 2003, D.A. O.R., 2004, p. 70 qui décide que « l'action fondée sur l'article [527 du Code des sociétés] ne peut être intentée que par la société et donc, une fois la faillite déclarée, par le curateur » sans se prononcer expressément sur la question du dommage subi par l'actionnaire; Mons, 3 décembre 2003, J.L.M.B., 2005, p. 245 qui se prononce dans le même sens; Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005, p. 85 dont il ressort qu'un actionnaire peut agir à titre individuel à l'encontre des administrateurs sur la base de l'art. 1382 du Code civil à condition de prouver l'existence d'un dommage individuel, distinct de celui qu'il subit indirectement en raison de l'atteinte portée au patrimoine social; Civ. Bruxelles, 3 février 2011, T.R.V., 2011, p. 199 qui décide, dans le cadre d'un recours introduit par des actionnaires minoritaires de Fortis contre l'Etat belge, que « De schade van de aandeelhouders is echter in deze niets anders dan de schade van de vennootschap die alle aandeelhouders op gelijke wijze treft, in verhouding tot hun participatie (…) et que « De vordering van eisers tot vergoeding van materiële schade is ongegrond, onderscheiden van de schade van de vennootschap waarvan zij aandeelhouder is »; Gand, 19 décembre 2012, T.R.V., 2013, p. 257. |
[16] | R.O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, t. II, Bruylant 1692, p. 312, nos 2996 et s.; J. Van Ryn, Principes de droit commercial, Bruylant, 1954, t. I, 1e éd., pp. 396 et s.; P. Van Ommeslaghe, « Développements récents de la responsabilité civile professionnelle en matière économique », in Evolution récente du droit commercial et économique, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1978, p. 19; Les obligations, o.c., n° 1090, p. 1605; E. Dirix, Het begrip schade, Anvers, Kluwer, 1984, n° 148, 100; X. Dieux, « La responsabilité civile des dirigeants de la société anonyme: questions de principes », in Actualités en droit des sociétés, Bruylant, 2006, p. 108; X. Dieux et Y. De Cordt, « Examen de jurisprudence. Les sociétés commerciales (1991-2005) », R.C.J.B., 2008, p. 621; J.-F. Goffin, o.c., p. 197, n° 128; J. Malherbe, Y. De Cordt, P. Lambrecht et P. Malherbe, Droit des sociétés, Précis, 4e ed., Bruylant, 2011, n° 1033, p. 684; K. Geens e.a., o.c., n° 244, p. 306. Voy. également: H. Laga, « De minderheidsvordering en het deskundigenonderzoek », in NV en BVBA na de wet van 18 juli 1991, Kalmthout, Biblo, 1992, n° 5, 221; L. Fredericq, Handboek van Belgisch Handelsrecht, Bruylant, 1962, n° 830; H. Braecmans et R. Houben, o.c., n° 652, p. 360. |
[17] | Cass. fr. (com.), 1er avril 1997, R.T.D. com., 1997, p. 647. La chambre criminelle de la Cour de cassation de France s'est également ralliée à cette jurisprudence dans le cadre d'actions civiles intentées par des actionnaires à la suite d'abus de biens sociaux (Cass. fr. (crim.), 13 décembre 2000, Rev. des Sociétés, 2001, p. 394). Sur la jurisprudence de la Cour de cassation de France, voy. également infra, nos 7 et 8. |
[18] | Tel est le cas notamment au Royaume-Uni (voy. J. Lee, « Minority shareholders' enforcement of corporate governance in takeovers: an English perspective on the Belgian Fortis Case », Rev. prat. soc., 2009, p. 396) et en droit italien (S. Belinguier-Raiz, « Le dommage réparable en droit des groupes de sociétés italien: vers une refonte des frontières entre le préjudice social et le préjudice individuel de l'associé en cas de danno riflesso? », Rev. prat. soc., 2012, p. 69). La solution a également été consacrée par un arrêt du 5 février 1970 de la Cour internationale de Justice dans une affaire opposant la Belgique à l'Espagne (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, C.I.J. Recueil, 19710, p. 3). |
[19] | Voy. en particulier L. Cornelis, « Persoonlijk: over schade en de aansprakelijkheidsvordering van de curator », in Liber Amicorum Yvettes Merchiers, die Keure, 2001, p. 61, spéc. nos 10 et s.; D. De Marez, De afgeleide schade van aandeelhouders van een naamloze vennootschap, Proefschrift, K.U.Leuven, spéc. n° 139 et nos 647 et s.; H. De Wulf, « Aandeelhoudersvorderingen met het oog op schadevergoeding - of waarom elke aandeelhouder vergoeding van reflexschade kan vorderen, België class actions met invoeren en de minderheidsvordering moet hervormen », in 10 jaar Wetboek Vennootschappen in werking. 10 ans d'entrée en vigueur du Code des sociétés, Kluwer, 2011, p. 475, spéc. pp. 486 et s. La thèse en vertu de laquelle un actionnaire disposerait d'un droit d'action individuel contre les administrateurs qui ont, par leur faute, porté atteinte au patrimoine social n'est pas récente. Elle a été défendue par le professeur Kirkpatrick dès 1964 (« La responsabilité des administrateurs de société anonyme à l'égard de chaque actionnaire en droit positif belge », Rev. prat. soc., 1964, p. 1, spéc. n° 16). |
[20] | J. Vananroye, o.c., p. 319. |
[21] | D. De Marez, o.c., spéc. n° 655; H. De Wulf, o.c., p. 486; voy. également J. Kikpatrick, o.c., n° 16 qui reconnaissait également à l'action individuelle de l'actionnaire dont il défendait l'admissibilité un caractère en quelque sorte subsidiaire par rapport à l'action de la société. |
[22] | Sur l'application de ces principes aux sociétés sans personnalité morale, voy. X. Dieux et Y. De Cordt, o.c., n° 65, p. 621 qui écrivent à ce sujet que « Dans les sociétés de personnes (…), l'élément contractuel l'emporte (…) en sorte que les gérants répondent en principe de leur gestion devant les associés, chacun étant en droit d'exercer l'action en responsabilité à concurrence de sa part. » La solution ne s'applique cependant pas si l'atteinte au « patrimoine » social est causée par la faute d'un tiers (comp. J. Vananroye, o.c., n° 4). |
[23] | Cass., 7 novembre 1997, R.C.J.B., 1999, p. 730 et note de V. Simonart. |
[24] | J.-F. Goffin, o.c., n° 86, p. 133. |
[25] | Cass., 26 janvier 1922, Pas., 1922, I, 143 (demande de dommages et intérêts introduite par des actionnaires à l'encontre d'administrateurs et du commissaire auxquels il était reproché « la publication de bilan et d'inventaires frauduleux dissimulant la situation réelle de [la] société » avec pour conséquence que ces actionnaires « avaient été amenés à acheter un certain nombre d'actions, devenues sans valeur, de ladite société »); Cass. fr. (com.), 8 novembre 2005, Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 502 et note de J.-J. Daigre (action à l'encontre d'administrateurs à qui il était reproché d'avoir « intentionnellement induit en erreur » des actionnaires minoritaires sur les causes et conditions d'une réduction de capital par rachat d'actions propres dans le cadre de laquelle ces actionnaires minoritaires avaient cédé leurs titres). |
[26] | Cass. fr. (com.), 28 juin 2005, Bull. Joly, 2006, p. 80. |
[27] | S. Messai-Bahri, « Après discussions autour de l'indemnisation du préjudice individuel de l'associé », Bull. Joly, 2006, p. 80. |
[28] | Voy. notamment sur cette question: X. Dieux, « Examen de jurisprudence. Droit financier (1990-2003) », R.C.J.B., 2004, p. 257, nos 15 et 16; J.-M. Gollier, « Information financière et lien de causalité », in Les offres publiques et le prospectus, Bruges, Vanden Broele, 2007, p. 245; E. Vandendriessche, Fraud-on-the-market: een causaliteitstheorie inzake beleggersverliezen, Financial Law Institue, Working Paper Series, 2011-07, septembre 2011; H. De Wulf, o.c., p. 475. En droit français, voy.: H. Le Nabasque, note sous Cass. fr., 9 mars 2010, Rev. des Sociétés, 2010, p. 230; J.-J. Daigre, « La perte d'une chance d'arbitrer à bon escient l'investissement dans une société cotée », Rev. des Sociétés, 2007, p. 102 et note sous cour d'appel de Paris, 31 octobre 2005, Rev. des Sociétés, 2009, p. 121; N. Spitz, La réparation des préjudices boursiers, Paris, RB Edition, 2010. |
[29] | Comm. Bruxelles, 16 avril 1996, Rev. prat. soc., 1996, p. 431 et note de B. Féron; Bruxelles, 25 juin 2002, citée par X. Dieux, o.c., R.C.J.B., 2004, p. 257 (aff. Nagelmackers); Bruxelles, 9 septembre 2003, Rev. Banq., 2005, p. 332 et note de L. Van Den Steen; Comm. Bruxelles, 17 octobre 2003, D.A. O.R., 2004, p. 83 et note de S. Delaey; Bruxelles, 3 octobre 2006, D.A. O.R., 2007, p. 227 (aff. Barack Mines). Voy. également Comm. Bruxelles, 26 mars 1997, T.R.V., 2000, p. 100 et Bruxelles, 8 mars 2002, Dr. Banc. Fin., 2002, p. 234 (aff. Confederation Life). Pour une analyse détaillée de ces décisions, voy. E. Vandendriessche, o.c., nos 47 et s. |
[30] | Exemple: un investisseur acquiert en bourse des actions au prix de 100 alors que la société émettrice s'est fautivement abstenue de communiquer une information « négative » (un « profit warning », par exemple) qui, lorsqu'elle est rendue publique, entraîne une baisse du cours de 20. Dans ce cas, selon la jurisprudence de la Cour de cassation de France, le préjudice de l'investisseur n'est pas égal à 20. L'exemple est évidemment extrêmement simplifié, notamment parce que d'autres éléments « extrinsèques » peuvent avoir un impact sur le cours de bourse, comme le climat économique général ou la tendance des marchés boursiers, et parce que le cours de bourse peut remonter après la diffusion de l'information. Le cours de bourse peut en outre « suréagir » à la diffusion tardive de l'information. |
[31] | Exemple (extrêmement simplifié également): un investisseur vend les actions d'une société au prix de 100 alors que la société émettrice s'est fautivement abstenue de communiquer une information « positive » (l'obtention d'un nouveau contrat ou une augmentation de ses bénéfices) qui, lorsqu'elle est rendue publique, entraîne une hausse du cours de 20. Dans ce cas, selon la jurisprudence de la Cour de cassation de France, le préjudice de l'investisseur n'est pas égal à 20. |
[32] | Cass. fr., 9 mars 2010, Rev. des Sociétés, 2010, p. 230. |
[33] | Comp. avec l'analyse proposée par N. Spitz qui distingue entre ce qu'il appelle le préjudice « de condition » et le préjudice « de décision ». Le préjudice de condition « est évalué par la différence entre le prix auquel la transaction a été évaluée et le cours auquel elle aurait dû l'être dans des conditions de bon fonctionnement du marché (c'est-à-dire en l'absence de faute boursière) » (o.c. p. 212, n° 337). Dans l'exemple cité en note 30, le préjudice de condition serait de 20. Il s'agit donc d'un préjudice objectif, qui ne dépend pas du comportement ou des intentions de l'investisseur. Le préjudice de décision résulte de la décision d'investissement elle-même. Dans ce cas, « L'investisseur demande (…) d'être mis dans la situation dans laquelle il se trouverait s'il n'avait pas pris les décisions d'investissement fondées sur l'information fausse ou trompeuse. » (o.c., p. 333, n° 377). Ce préjudice de décision s'ajoute au préjudice de condition, lorsque les conditions de son indemnisation sont remplies: ainsi, toujours dans le même exemple, si l'investisseur revend les actions alors que le cours est à 50, il pourrait réclamer outre les 20 (préjudice de condition) les 30 résultant de la baisse « normale » du cours non liée à la mauvaise communication, voire les bénéfices que lui aurait rapportés un autre placement qu'il aurait pu faire. L'auteur admet que « les préjudices de décision suscitent cependant de nombreuses questions ». |