La sanction du non-respect des formes et délais prévus pour la mise en oeuvre des déclarations et garanties dans les cessions d'actions. Une « incombance » conventionnelle
TABLE DES MATIERES
1. Introduction. Les arrêts de la Cour de cassation française des 15 mars 2011 et 14 mai 2013
2. L'information du cédant dans le mécanisme des garanties conventionnelles
3. La nature juridique des devoirs du bénéficiaire dans la mise en oeuvre de la garantie
4. La nature de la sanction du défaut d'information du débiteur de la garantie dans les délais et selon les modalités convenus 4.1. En général
4.2. Hypothèses où la sanction est expressément prévue par les parties
4.3. Hypothèses où les parties n'ont pas expressément indiqué de sanction 4.3.1. La recherche de la commune intention des parties
4.3.2. Pas de déchéance sans texte?
4.3.3. Le principe d'interprétation stricte
4.3.4. Les règles applicables en cas de doute
4.3.5. La doctrine et la jurisprudence françaises
4.3.6. Impact de la qualification d'incombance
5. Des échappatoires à la déchéance ou à la réduction? 5.1. La force majeure
5.2. Le principe de l'exécution de bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit
5.3. La connaissance antérieure du fait par le vendeur: une déchéance de la déchéance? 5.3.1. L'arrêt du 15 mars 2011
5.3.2. La « simple » connaissance du vendeur
5.3.3. Le dol et la fraude du vendeur 5.3.3.1. Notion de dol, vice du consentement. Lien avec l'existence de garanties expresses
5.3.3.2. Conséquences du dol-vice de consentement. Les recours basés sur le droit commun
5.3.4. La responsabilité, contractuelle ou extracontractuelle
5.3.5. La garantie comme un instrument de gestion des risques
6. La charge de la preuve du (non-)respect des incombances et de ses conséquences 6.1. Introduction
6.2. La charge de la preuve des faits entraînant la déchéance ou la réduction
6.3. La charge de la preuve des conséquences du non-respect des incombances
1. | Introduction. Les arrêts de la Cour de cassation française des 15 mars 2011 et 14 mai 2013 |
1.Introduction. Les déclarations et garanties consenties aux acquéreurs d'actions de société paraissent donner lieu chez nos voisins français à un contentieux plus fourni qu'en Belgique. La jurisprudence française met très souvent en oeuvre des principes juridiques semblables aux nôtres. Elle est dès lors d'un enseignement précieux pour le juriste belge confronté aux mêmes situations.
L'arrêt du 15 mars 2011, publié ci-dessous, et celui du 14 mai 2013 de la Cour de cassation française nous donnent l'occasion d'examiner une question importante en pratique en matière d'appel à la garantie dans le cadre des conventions de cession d'actions [2].
2.Synthèse des faits ayant donné lieu à l'arrêt du 15 mars 2011. Les parties avaient conclu une convention portant sur la vente de 90% des actions d'une société. Le vendeur avait garanti à l'acheteur l'absence de toute diminution de l'actif ou augmentation du passif de la société, résultant d'opérations antérieures au transfert non reflétées dans ses comptes.
La convention prévoyait que « sous peine de déchéance de tous droits, et afin que le cédant puisse faire valoir ses observations », le cessionnaire s'engageait, pour la mise en oeuvre de la garantie, à prévenir le cédant par lettre recommandée avec avis de réception, de toute vérification comptable ou sociale, de toute notification, injonction ou assignation relative à la société cédée. Cette lettre du cessionnaire devait, toujours selon la convention, parvenir au cédant dans un délai de 15 jours au plus tard suivant la réception de l'avis, de la notification ou de l'injonction ou de la signification. Le 16 octobre 2000, un avis de vérification de la comptabilité fut adressé par l'administration fiscale à la société. Le cessionnaire n'informa le cédant de cet avis que le 6 décembre 2000, soit en dehors du délai contractuel de 15 jours.
Pour s'opposer à l'appel à la garantie basé sur le redressement fiscal intervenu suite à ce contrôle, le cédant a soulevé la tardiveté de l'information qui lui avait été donnée par le cessionnaire.
3.Rigueur de la Cour de cassation de France. La cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 5 février 2009, avait rejeté la défense du cédant et l'avait condamné à exécuter la garantie. Elle avait estimé que, bien que la lettre du cessionnaire du 6 décembre 2000 ne respectât pas le délai conventionnel de 15 jours, le cédant ne pouvait soutenir qu'il avait été privé de toute possibilité de contestation ou de discussion avec l'administration fiscale dès lors que les opérations de vérification de la comptabilité s'étaient poursuivies bien au-delà de la date à laquelle il avait finalement été informé. La cour d'appel s'est basée sur l'exécution de bonne foi des conventions. Elle relève aussi que le cédant ne pouvait se prévaloir de la déchéance de la garantie au regard de ses agissements frauduleux à l'origine du passif fiscal ayant donné lieu à l'appel à la garantie.
La Cour de cassation française, par son arrêt du 15 mars 2011, casse toutefois cette décision pour violation de l'article 1134, alinéas 1er et 3, du Code civil, au motif que : « Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties. » [3].
4.L'arrêt du 14 mai 2013. Sous la réserve - fondamentale - des dispositions de la convention concernée, les faits ayant mené à l'arrêt du 14 mai 2013 sont assez semblables. La convention de cession prévoyait que l'acquéreur des actions devait effectuer une notification au vendeur dans les 30 jours à compter de la date à laquelle il a connaissance d'un préjudice susceptible de donner lieu à indemnisation en vertu de la garantie de passif. Un appel à la garantie avait été formé alors que ce délai n'avait pas été respecté et le cédant objectait de la « forclusion » de la demande dirigée contre lui. La cour d'appel de Paris avait rejeté cette défense et avait condamné le cédant à indemniser l'acquéreur, aux motifs que la convention ne prévoyait pas que le respect du délai d'information constituait une condition de mise en oeuvre de la garantie, que le retard n'avait pas entraîné de préjudice et que la forclusion n'avait été invoquée par le cédant que dans un second temps, après qu'il ait exprimé son désaccord sur le fond de la réclamation. Le pourvoi contre cet arrêt est rejeté. La Cour de cassation française décide qu'« ayant constaté que le contrat ne prévoyait aucune sanction en cas de non-respect par le cessionnaire du délai d'information de trente jours et estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation de la volonté des parties, que le respect de ce délai n'était pas une condition de la mise en oeuvre de la garantie », la cour d'appel avait justifié sa décision, indépendamment des autres motifs [4].
2. | L'information du cédant dans le mécanisme des garanties conventionnelles |
5.Les déclarations et garanties conventionnelles en matière de cession d'actions. On sait qu'en matière de cession d'actions, la position traditionnelle en doctrine et en jurisprudence est que ce sont les actions elles-mêmes qui font l'objet de la vente, et non le patrimoine de la société dont les actions sont cédées. Par conséquent, notamment, les garanties légales du vendeur (garantie d'éviction, garantie des vices cachés, conformité de la chose vendue) ne sont relatives qu'à ces actions elles-mêmes, ce qui offre en pratique peu de protection à l'acheteur [5], [6]. Cette interprétation stricte de l'objet de la cession d'actions a donné lieu à l'élaboration de « déclarations et garanties » complémentaires conventionnelles, relatives à la société elle-même (son patrimoine, des dettes, ses activités, etc.). Elles sont souvent largement inspirées de la pratique anglo-saxonne [7], [8].
Le plus souvent, les parties organisent également les modalités de la mise en oeuvre des garanties ainsi consenties (délais et formes de l'appel, limitations éventuelles en termes de montants ou de circonstances permettant de faire appel aux garanties) [9].
Pour la facilité, nous utiliserons ci-après pour désigner les parties impliquées dans la mise en oeuvre de la garantie les termes de « bénéficiaire de la garantie » (lequel est en principe, mais pas nécessairement, l'acquéreur des actions), et de « débiteur de la garantie » (lequel est en principe, mais pas nécessairement non plus, le cédant desdites actions) [10].
6.Similitudes avec le mécanisme de l'assurance. Le mécanisme des garanties contractuelles dans les cessions d'actions présente de nombreuses similitudes avec celui de l'assurance. Par le contrat d'assurance, l'assureur s'engage envers le preneur d'assurance à fournir une prestation déterminée (souvent, payer une indemnité) au cas où surviendrait un événement incertain entrant dans la couverture [11]. Il s'agit donc, tant pour le bénéficiaire de la garantie que pour l'assuré, de se couvrir d'un risque de sinistre présentant un aléa, c'est-à-dire un élément inconnu des parties. Dans les deux cas, il est habituel que certains risques soient exclus de la couverture et qu'une franchise et un plafond d'intervention soient d'application. Pour ce qui concerne notre sujet, la mise en oeuvre de la garantie suppose, comme pour l'appel à l'assurance, que certaines formalités soient effectuées par le bénéficiaire dans certains délais [12]. La matière de l'assurance a au fil du temps fait l'objet d'une législation de plus en plus élaborée et donne lieu à une doctrine et une jurisprudence fournies. Les similitudes entre ces deux mécanismes nous conduiront à proposer de nous inspirer dans certains cas des solutions retenues dans le domaine de l'assurance ou au contraire de nous en écarter en raison des spécificités propres à cette matière.
7.Devoir d'information à charge du bénéficiaire. Fréquemment les parties mettent à charge du bénéficiaire de la garantie une « obligation » [13] d'informer le débiteur de la garantie lorsque se produisent des événements de nature à déclencher la mise en oeuvre de la garantie. Parfois, le débiteur de la garantie se voit autorisé par la convention à intervenir dans la contestation opposant la société à un tiers. Dans certains cas, il peut même prendre la direction de la défense de la société. Classiquement, on prévoit également qu'une transaction relative à un litige entrant dans la garantie ne pourra pas être conclue sans l'accord du cédant [14].
L'objectif d'une telle information est de permettre au débiteur de la garantie de faire valoir ses observations ou d'intervenir afin de circonvenir ou de limiter les conséquences d'un événement qui pourrait l'amener à verser une indemnité [15].
Par exemple, en cas de contrôle fiscal visant la société dont les actions sont vendues - comme ce fut le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 15 mars 2011 -, le cédant souhaite pouvoir intervenir. D'une part en effet, il se peut qu'il dispose d'informations ou d'arguments particuliers à opposer au fisc qui sont inconnus du cessionnaire, vu que c'est le cédant qui détenait le contrôle de la société à l'époque des faits qui font l'objet du contrôle fiscal et que c'est lui qui a peut-être initié les opérations examinées. D'autre part, s'il garantit contractuellement les conséquences négatives d'un redressement fiscal, le débiteur de la garantie a, plus que le bénéficiaire ou la société elle-même, intérêt à éviter un tel redressement ou à en limiter l'ampleur. Par ailleurs, dans certaines situations, le bénéficiaire de la garantie peut, quant à lui, avoir intérêt à ne pas réagir face à un événement susceptible d'entraîner la mise en oeuvre de la garantie, tout en se retournant contre le débiteur lorsque le dommage est survenu. La situation classique à cet égard est celle dans laquelle un litige survient avec un client ou un fournisseur de la société cédée et où le cessionnaire souhaite maintenir de bonnes relations avec la partie adverse. Il pourrait dès lors être tenté de ne pas s'opposer trop farouchement à des demandes relatives à la période antérieure à la cession et ce, au détriment du débiteur de la garantie amené en fin de compte à l'indemniser.
8.Devoir d'information en l'absence de disposition contractuelle. Certains considèrent qu'en l'absence de disposition contractuelle lui imposant un tel devoir, le bénéficiaire de la garantie n'est pas tenu d'informer le débiteur de la garantie de la survenance de circonstances pouvant mener à la mise en oeuvre de celle-ci [16]. Ainsi, la Cour de cassation française a considéré que les juges d'appel avaient pu légalement décider qu'en l'absence de tout engagement particulier à cet égard, le cessionnaire n'était pas tenu d'aviser le débiteur de la garantie d'un contrôle fiscal et qu'il n'avait donc pas commis de faute [17].
Cette position nous paraît devoir être nuancée. L'obligation d'informer son cocontractant en cours d'exécution du contrat peut en effet, selon les circonstances, découler du principe d'exécution de bonne foi des conventions résultant de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil [18]. Il s'agit également d'une application de l'obligation de la victime d'éviter ou de limiter le préjudice qu'elle subit [19]. Le bénéficiaire de la garantie ne pourrait dès lors, selon nous, invoquer l'absence de disposition contractuelle spécifique pour toujours rester passif et silencieux face à la survenance de faits pouvant susciter la mise en oeuvre de la garantie. Par exemple, il devrait impliquer le débiteur de la garantie s'il pense que ce dernier dispose de moyens de prévenir ou de limiter les conséquences néfastes de ces faits [20]. En outre, même en l'absence de devoir contractuel d'information, le bénéficiaire de la garantie peut avoir intérêt à informer le débiteur afin d'éviter une discussion ultérieure avec celui-ci, notamment quant au montant de l'indemnisation qui sera ensuite réclamée [21].
A la différence de la situation où le devoir d'information est imposé contractuellement, la bonne foi ne contraindra toutefois pas le bénéficiaire de la garantie à notifier les faits dans tous les cas. Il peut y avoir des situations où il dispose d'un motif légitime de ne pas le faire. Par exemple si les circonstances, de temps notamment, ne permettent pas l'intervention du débiteur de manière effective, ou si celui-ci est déjà informé, ou encore si le bénéficiaire est persuadé que l'intervention du débiteur de la garantie n'aurait aucun impact positif. Par ailleurs, lorsque le devoir d'information repose uniquement sur le devoir d'exécution de bonne foi, il sera difficile d'imposer au bénéficiaire de la garantie de respecter un délai de rigueur ou certaines formalités pour procéder à la notification. La sanction du défaut d'information pourra par ailleurs être différente (infra, n° 44).
9.Distinction entre la notification d'un fait générateur et l'appel à la garantie lui-même. Le devoir pesant éventuellement sur le bénéficiaire de la garantie d'informer le débiteur de la garantie lorsque se produisent des événements susceptibles de déclencher un appel à la garantie (le « devoir d'information »), doit être distingué de celui reposant sur ce même bénéficiaire de formuler un appel à la garantie dans certains délais et selon certaines formes (l'« appel à la garantie »). Il est fréquent que la convention prévoie, outre un délai ultime pour former un appel à la garantie (le « délai de prescription conventionnelle »), que cet appel doit être notifié au débiteur de la garantie dans un certain délai à compter du fait générateur ou de la connaissance de celui-ci (le « délai de notification »). Donc, dans un premier temps, il peut y avoir un devoir d'informer le débiteur qu'un événement susceptible de mettre en jeu la garantie est survenu (par exemple, la société dont les actions ont été cédées est avisée d'un contrôle fiscal). On se situe alors à un stade antérieur à l'appel à la garantie lui-même, à un moment où le débiteur peut encore, le cas échéant, tenter d'éviter que les faits qui justifieraient un appel à la garantie (p. ex., un redressement fiscal) ne se produisent ou à tout le moins tenter d'en limiter l'ampleur (p. ex., réduire les sommes dues suite au redressement fiscal). Ensuite, si le fait générateur survient (le redressement fiscal dans notre exemple), il y a un devoir de notifier une réclamation (l'appel à la garantie) dans un certain délai à compter de ce fait ou de la connaissance de ce fait générateur. Enfin, l'appel à la garantie doit en tous cas intervenir dans le délai général accordé au bénéficiaire de la garantie pour former un appel aux garanties (p. ex. dans les 24 mois de la date de transfert de la propriété des actions). Si la survenance d'un fait générateur constitue en tant que telle une inexactitude des déclarations et garanties, la notification de ce fait générateur et l'appel à la garantie pourront être réalisés simultanément [22].
Le bénéficiaire de la garantie est donc susceptible de devoir respecter trois délais distincts pour pouvoir faire appel à celle-ci [23]. Il devra être attentif à faire la différence entre les diverses notifications requises et à ne pas se limiter à la première (infra, n° 11).
10.Délais préfix. L'on parle parfois de délai de « prescription » conventionnelle à propos du délai d'appel à la garantie. Il serait plus exact de se référer à des « délais préfix » pour les différents délais mis en place par les parties. La distinction entre un délai de prescription et un délai préfix, qui n'est pas toujours aisée à faire en pratique, est que le premier est extrinsèque par rapport aux droits qu'il atteint, tandis que le second fait partie d'une institution spéciale et circonscrit les droits dont il entraîne la déchéance. Le délai préfix est une sanction civile dont l'objet est de sauvegarder les intérêts de la personne à l'encontre de laquelle un droit ou une prérogative peuvent être exercés et qui tend à hâter l'accomplissement de certains actes [24]. Les règles relatives aux deux types de délais sont différentes, ainsi que nous le verrons à propos de la force majeure.
11.Illustrations jurisprudentielles de la nécessité de distinguer entre les différentes notifications à effectuer. Le bénéficiaire de la garantie ayant enclenché le mécanisme de mise en oeuvre de celle-ci et continuant à associer étroitement le débiteur de la garantie pourrait considérer qu'il n'est plus tenu d'effectuer de notification formelle ultérieurement.
La jurisprudence illustre toutefois l'importance du respect de chacune des étapes de la mise en oeuvre de la garantie. En droit anglais, dans l'affaire Laminates Acquisition, l'acquéreur avait informé le vendeur de la possibilité de survenance d'un litige couvert par la garantie, comme prévu par la convention. Il n'avait cependant pas ensuite formulé la réclamation elle-même dans le délai convenu. Après une analyse détaillée des deux types de notifications prévues, la High Court of England and Wales décide que la réclamation ne peut être admise. Elle considère que les notifications diffèrent par leur objet, par leur raison d'être et par les sanctions qui y sont attachées: « There is a significant difference between notifying a party of a claim and notifying a party that a claim may be made (…). The language of any notice has to be examined to see which side of the line it falls (…). » [25]. Bien que rendue sous l'empire du droit anglais, cette décision est pertinente, dans la mesure où les clauses des conventions d'acquisition de droit belge sont souvent inspirées de conventions rédigées initialement dans un contexte anglo-saxon - voire même purement et simplement calquées sur celles-ci [26]. Dans un arrêt du 18 avril 2003, la cour d'appel de Dijon a également rejeté l'appel à la garantie du cessionnaire au motif que, s'il avait bien respecté la condition de mise en oeuvre de la garantie en associant les vendeurs à la procédure dirigée contre la société, il n'avait pas ensuite procédé en temps utile à « la mise en oeuvre proprement dite » de la garantie [27].
12.Nuances dans les sanctions, selon l'aspect concerné. Les sanctions d'une défaillance dans les différentes notifications ne se confondent pas. Si la sanction du non-respect du délai de « prescription » conventionnelle apparaît assez clairement, il n'en va pas de même des hypothèses où le bénéficiaire omet de respecter un devoir mis à sa charge dans la phase préalable à l'appel à la garantie. Les parties ne prévoient pas toujours explicitement les conséquences d'une information tardive quant à la survenance d'un fait générateur. Notre examen portera principalement sur les devoirs préalables à l'appel à la garantie lui-même qui pèsent sur le bénéficiaire de la garantie et en particulier le devoir d'informer le débiteur [28].
13.Déchéance en cas d'appel à la garantie formé en dehors du délai de « prescription ». Un appel à la garantie formé en dehors du délai dit de « prescription » prévu pour l'appel à la garantie lui-même est clairement sanctionné par la déchéance de la garantie. Cela tient à la raison d'être de ce délai, qui est de mettre un terme, à partir d'un moment déterminé, aux possibilités pour le cessionnaire de solliciter une indemnité à charge du cédant.
La Court of appeal anglaise vient de confirmer l'application très stricte, en droit anglais, des délais et formes de l'appel à la garantie, dans une formule dont les anglo-saxons ont le secret: « Inherent in a time limit is the notion of the parties drawing a line. Once the line is crossed, a miss is as good as a mile. » [29].
Une récente décision américaine, rendue dans le cadre de « summary proceedings », considère dans le même sens que si la notification de l'appel à la garantie formée dans le délai contractuel de prescription était défectueuse, il n'est plus possible au bénéficiaire de la garantie de remédier à ces défectuosités en adressant une notification rectificative postérieurement à l'expiration de ce délai et ce même en l'absence de préjudice dans le chef du débiteur de la garantie. La Delaware Chancery Court considère que décider le contraire « would eviscerate the express provisions of [the Agreement], which provide an explicit cut-off date for indemnity claims » [30].
Par son jugement du 25 août 2005, le tribunal de commerce de Bruxelles rejette un appel à la garantie dans un cas où le bénéficiaire n'avait respecté ni les étapes préalables de la mise en oeuvre, ni le délai ultime d'appel à la garantie [31].
Par ailleurs, le fait de simplement formuler, dans le délai contractuel, des réserves pour un appel ultérieur à la garantie ou pour un appel complémentaire à la garantie doit rester sans effet [32].
3. | La nature juridique des devoirs du bénéficiaire dans la mise en oeuvre de la garantie |
14.Caractère inapproprié de la notion d'obligation. Le concept d'« incombance ». Afin de déterminer les sanctions qui s'attachent à leur méconnaissance, il est utile de préciser la nature juridique des différents devoirs imposés au bénéficiaire de la garantie pour la mise en oeuvre de celle-ci (information du débiteur dans certains délais et selon certaines formes, communication d'informations, implication du débiteur dans la défense des intérêts de la société, notification de l'appel à la garantie, etc.).
Dans le langage courant, on dira qu'il s'agit d'« obligations » qui s'imposent au bénéficiaire. En y regardant de plus près, on constate toutefois qu'il ne s'agit pas d'obligations au sens propre. Celles-ci sont en effet définies comme un lien de droit qui permet au créancier, en vertu du droit objectif, de contraindre le débiteur, au besoin par le recours à justice, à exécuter une prestation consistant à faire, ne pas faire ou donner quelque chose [33]. Or, en l'espèce, en vertu de la volonté des parties, le débiteur de la garantie ne détient en principe aucun moyen de contrainte pour forcer le bénéficiaire de cette garantie à exécuter les devoirs qui conditionnent la mise en oeuvre de celle-ci.
On se trouve en réalité en présence d'un concept juridique qui est progressivement identifié comme tel en droit belge, à savoir celui d'« incombance » [34]. Celle-ci est définie comme une « charge, (un) devoir dont l'inobservation expose son auteur non à une condamnation, mais à la perte des avantages attachés à l'accomplissement du devoir » [35].
Cette notion a connu un certain essor au cours de la dernière décennie, en France et en Belgique notamment sous l'influence du professeur Fontaine [36]. Elle a acquis droit de cité dans certains récents traités de droit des obligations [37]. On lui reconnaît de multiples applications, notamment dans le domaine des assurances, mais aussi dans celui de la vente [38].
L'incombance suppose qu'un comportement soit exigé d'une personne. La sanction du non-respect de ce comportement n'est pas l'exécution forcée ou la responsabilité civile, mais la perte par celui qui ne s'y est pas conformé des avantages dont il aurait bénéficié s'il avait adopté le comportement prescrit. Cette perte des avantages est qualifiée de déchéance. Il s'agit en quelque sorte d'une « obligation vis-à-vis de soi-même » selon la formule de Mme Luxembourg [39]. Celle-ci classe les exigences de comportement constitutives d'incombance dans différentes catégories. On y trouve les « incombances de diligence », qui imposent de « faire quelque chose », souvent dans certains délais et selon certaines formes. Elles comprennent par exemple le devoir de déclarer un sinistre ou une aggravation de risque à l'assureur, de dénoncer les vices cachés à bref délai en matière de vente ou de fournir une information au stade précontractuel, etc. Les incombances peuvent avoir une origine légale, contractuelle ou même judiciaire [40].
15.Rejet de la critique de la notion d'incombance. Dans sa récente thèse consacrée aux déchéances, Mme Lefebvre-Masschelein critique la distinction entre obligation au sens strict et incombance, à tout le moins dans le contexte des déchéances. Se fondant sur les exemples d'incombance généralement avancés, elle estime que la réduction du droit de l'assuré qui a déclaré le sinistre avec retard ne serait « pas fondamentalement différente » de la sanction de droit commun basée sur le non-respect des obligations contractuelles. En ce qui concerne l'absence de possibilité d'exécution forcée de ce que nous qualifions d'incombance, cet auteur considère qu'il ne faut pas avoir une conception trop stricte de ce que recouvre la notion d'exécution forcée. Selon elle, la menace de la perte d'un droit constituerait également une forme d'exécution forcée [41].
Cette critique ne nous convainc pas. D'abord, il n'est pas exact que la sanction de la déchéance ne soit pas fondamentalement différente de celle qui résulte de l'application des règles de la responsabilité contractuelle. Cette différence se marque très nettement lorsque la déchéance est indépendante de l'existence d'un préjudice. Dans un tel cas, la partie qui se prévaut de la déchéance doit simplement prouver le non-respect de la charge, l'absence de conséquence de ce non-respect étant sans incidence [42]. Même dans l'exemple du retard de la déclaration faite par l'assuré, qui n'entraîne qu'une réduction à concurrence du préjudice subi par l'assureur, les deux régimes, s'ils peuvent aboutir en pratique au même résultat (l'assureur indemnise mais sous déduction du préjudice résultant du retard), présentent des différences. Ainsi, si on appliquait le régime de la responsabilité civile dans cet exemple, il faudrait considérer que l'indemnité réduite payée par l'assureur est le résultat d'une compensation (entre l'indemnité totale due par l'assureur et les dommages et intérêts qui lui sont dus par l'assuré). La déchéance partielle (ou réduction) fait quant à elle l'économie de la compensation (avec les difficultés propres que cette institution peut poser, par exemple en cas d'insolvabilité, de saisie, ou quant à la détermination du caractère certain, liquide et exigible des dettes réciproques, ou encore quant au fait qu'il n'y aurait pas identité entre créancier et débiteur, etc.). La déchéance se suffit à elle-même pour expliquer le paiement partiel que doit effectuer l'assureur [43]. Par ailleurs, il nous semble qu'inclure dans l'exécution forcée la perte d'un droit ou même la menace d'une telle perte, revient à élargir considérablement cette notion et même à la déformer. En effet, puisqu'en raison du comportement considéré, le droit est perdu, il n'y aura précisément plus d'exécution. Nous pensons donc, à l'instar des divers auteurs cités par ailleurs, que l'incombance constitue bien une notion distincte, même si son régime demande encore à être affiné [44].
16.Incombances légales similaires. Les cas de la déclaration du sinistre par l'assuré et de l'action à bref délai de l'acheteur en matière de garantie des vices cachés dans la vente présentent des analogies très fortes avec l'information à donner par le bénéficiaire d'une garantie contractuelle. Dans le premier cas, l'article 19 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre impose à l'assuré de notifier la survenance du sinistre à l'assureur « dès que possible, et en tout cas dans le délai fixé par le contrat ». Il doit en outre « fournir sans retard à l'assureur tous renseignements utiles ». L'objectif est de permettre à l'assureur de procéder rapidement aux vérifications nécessaires et de prendre d'éventuelles mesures conservatoires. L'article 21 de la loi permet à l'assureur, en cas de non-respect par l'assuré des devoirs prévus à l'article 19, de réduire sa prestation à concurrence du préjudice qu'il subit. En ce qui concerne la garantie des vices cachés dans la vente, l'article 1648 du Code civil impose à l'acheteur d'agir à « bref délai ». A défaut, il est déchu du droit d'agir. L'objectif de cette règle est notamment de permettre au vendeur d'examiner l'origine du vice et de lui laisser la possibilité de se retourner contre son propre fournisseur le cas échéant [45]. Un devoir identique de dénonciation du défaut de conformité est prévu à charge de l'acheteur dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises de 1980 (art. 39).
La sanction du défaut de l'assuré ou de l'acheteur de se conformer à son devoir de déclaration est qu'il est privé de la possibilité d'exercer le droit qu'il détenait à l'encontre de son cocontractant ou, à tout le moins, que son droit est limité [46]. Dans les deux cas toutefois, il n'est pas envisageable que l'assureur ou le vendeur agissent contre leur cocontractant pour le contraindre, respectivement, à déclarer un sinistre ou à agir en justice en raison d'un vice caché.
17.Une incombance conventionnelle en l'espèce. Tout comme dans le domaine de l'assurance l'assuré n'est pas obligé de déclarer le sinistre à l'assureur mais peut décider d'en supporter lui-même les conséquences [47], le bénéficiaire d'une garantie contractuelle n'est pas obligé de faire appel à la garantie, même si le risque garanti survient. A fortiori, le bénéficiaire n'est-il pas obligé de mettre en oeuvre les modalités préalables à un tel appel. Il supporte alors simplement lui-même les conséquences des éléments garantis. On imagine mal dans une telle situation que le débiteur de la garantie, apprenant qu'un risque garanti est survenu, agisse en exécution forcée des modalités de mise en oeuvre de la garantie qu'il a consentie. Il ne disposera en principe pas de l'intérêt requis par l'article 17 du Code judiciaire pour introduire une telle action.
En pratique, le bénéficiaire peut d'ailleurs, indépendamment d'une négligence de sa part, avoir des motifs délibérés de ne pas mettre en oeuvre la garantie. Par exemple, s'il ne souhaite pas abandonner au débiteur la conduite d'un procès avec un tiers dans des circonstances où il préfère continuer à gérer lui-même les relations avec ledit tiers.
Les charges relatives à la mise en oeuvre de la garantie ne constituent donc pas des obligations au sens strict du terme mais des incombances [48]. Cette qualification est importante pour déterminer la sanction de leur non-respect.
4. | La nature de la sanction du défaut d'information du débiteur de la garantie dans les délais et selon les modalités convenus |
4.1. | En général |
18.Modalités de l'information. Lorsque les parties organisent un système d'information, elles prévoient le plus souvent dans quel délai le cessionnaire doit informer le débiteur de la garantie de la survenance des événements considérés et selon quelles formes cette information doit être donnée (p. ex., la notification doit être faite par lettre recommandée et être accompagnée des pièces justificatives). Fréquemment, le délai d'information court à partir du moment auquel le cessionnaire a « connaissance » de la survenance de l'événement concerné. Dans la mesure où cet événement frappera généralement la société dont les actions sont cédées et non le cessionnaire, se posera la question de l'imputabilité de la connaissance [49].
19.Variation dans la pratique quant à l'indication expresse d'une sanction. Les parties peuvent aller jusqu'à prévoir les conséquences du non-respect de ces délais et formes. Sous réserve des principes de droit commun, et notamment le dol et la prohibition des peines privées (infra, n° 21), les parties peuvent exercer leur liberté contractuelle en ce domaine. Puisqu'elles sont libres de créer une incombance contractuelle, elles peuvent également en fixer les modalités et les conséquences. La pratique contractuelle varie considérablement à cet égard. Ces différences reflètent souvent le résultat de négociations sur ce point. Dans certains cas, comme dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation française du 15 mars 2011, le délai d'information est expressément prévu « à peine de déchéance » [50]. Dans d'autres situations, les parties prévoient qu'en cas de défaut ou de retard, le droit du cessionnaire à être indemnisé n'est affecté que si ce défaut ou retard a un impact sur la possibilité effective du débiteur de la garantie d'intervenir utilement, et le cas échéant dans la mesure de cet impact [51]. Enfin, il arrive souvent que la convention des parties est muette quant aux conséquences d'un retard ou d'un défaut, comme ce fut le cas de la convention examinée dans le cadre de l'arrêt de la Cour de cassation française du 14 mai 2013.
4.2. | Hypothèses où la sanction est expressément prévue par les parties |
20.Principe. Lorsque les parties prévoient explicitement qu'à défaut d'avoir informé le débiteur de la garantie dans les délais et selon les formes prévus, le cessionnaire est déchu de la possibilité de faire appel aux garanties, cette disposition doit être appliquée [52]. Nous sommes ici dans un cadre contractuel et, sous réserve de certaines exceptions examinées ci-dessous, effet doit être donné à la volonté exprimée par les parties, en vertu de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil (sur les échappatoires que le bénéficiaire pourrait invoquer dans certaines circonstances pour faire quand même appel à la garantie, voyez infra, nos 45 et s.).
21.Validité de la déchéance convenue. Si l'on considère que la déchéance est une peine privée, on peut se demander si elle est compatible avec l'ordre public et les bonnes moeurs, et en particulier avec les articles 6, 1131 et 1133 du Code civil sur la base desquels les clauses pénales excessives étaient auparavant considérées comme nulles [53]. On considère en effet traditionnellement que seul le législateur a la possibilité de prévoir une peine, c'est-à-dire une sanction allant au-delà de l'exécution de l'obligation ou de la réparation du dommage causé par son inexécution [54].
La déchéance encourue n'a cependant pas dans notre matière le caractère d'une peine privée, mais est destinée à protéger le débiteur de la garantie dans une situation dans laquelle il serait, à défaut de déchéance, lui-même dans l'impossibilité de mettre en oeuvre ses droits (vérifier la situation, faire valoir ses arguments, …) [55]. Sauf circonstances tout à fait particulières [56], la validité des clauses prévoyant une déchéance ne nous paraît dès lors pas contestable.
22.Portée de la déchéance convenue. Dans certains cas, bien que les parties aient prévu la déchéance, des contestations peuvent surgir quant à ce qu'elle sanctionne précisément: uniquement un défaut total d'information, ou également un retard dans l'information ou même une information donnée dans les délais mais de manière incomplète. Dans ce cas, les règles indiquées ci-dessous pour le cas où les parties n'ont convenu d'aucune sanction seront d'application pour apprécier dans quels cas la déchéance prévue s'applique, et notamment la recherche de la volonté des parties, l'interprétation stricte, les règles d'interprétation en cas de doute et la nature de l'incombance [57].
4.3. | Hypothèses où les parties n'ont pas expressément indiqué de sanction |
4.3.1. La recherche de la commune intention des parties |
23.Recherche d'une (hypothétique) intention commune. Si la convention ne dit rien quant à l'impact d'une notification tardive ou déficiente, le juge saisi d'un litige sur ce point devra commencer par rechercher quelle est la commune intention des parties, conformément à l'article 1156 du Code civil. Comme on le verra ci-dessous, le seul fait que les devoirs du bénéficiaire soient qualifiés d'incombance n'entraîne pas selon nous que leur non-respect se traduise nécessairement par une déchéance automatique et complète (infra, nos 33 et s.).
L'exercice de recherche d'une « commune » intention est toujours périlleux dans un contrat de vente et en particulier dans une telle situation et même, selon nous, artificiel [58]. Il est en effet loin d'être certain que les parties aient eu une « commune » intention à cet égard. Ainsi, le débiteur de la garantie a-t-il pu volontairement éviter qu'une sanction explicite soit exprimée, tout en comptant bien pouvoir, en cas de retard de l'acquéreur, se soustraire à son engagement de garantie. A l'inverse, en concluant cette même convention, l'acquéreur a-t-il pu considérer que le silence de la convention sur ce point le préservait, en cas de manquement de sa part, d'une sanction ou en tous cas d'une déchéance automatique. Devant ces difficultés, E. Montero suggère que la recherche de la commune intention des parties revient en réalité simplement à postuler que les parties ont entendu se plier aux exigences de la bonne foi et que, en présence d'une clause restrictive de responsabilité, il convient donc de supposer que les parties ont voulu lui donner une portée raisonnable et licite [59].
24.Volonté des parties de donner un effet à la clause. Un premier élément de l'intention des parties est qu'il nous paraît que si les parties ont pris la peine de prévoir que la notification de la survenance d'une circonstance doit se faire dans un délai et selon des formes déterminés, elles ont entendu y attacher des conséquences.
On ne saurait donc en tous cas pas considérer que le délai et les formes prévus par les parties sont purement indicatifs et que leur non-respect ne peut jamais entraîner aucune conséquence. Le fait de prescrire un délai implique en effet, par sa nature même, la possibilité d'une sanction. En décider autrement irait à l'encontre du précepte d'interprétation de l'article 1157 du Code civil. Selon celui-ci, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut produire de l'effet (le non-respect du délai peut avoir des conséquences) que dans le sens avec lequel elle ne pourrait en produire aucun (le non-respect du délai prévu par les parties ne peut jamais avoir de conséquence).
Cette règle d'interprétation ne signifie cependant pas que l'effet voulu par les parties soit nécessairement et automatiquement la déchéance du droit de mettre en oeuvre la garantie. La Cour de cassation a ainsi décidé, à propos de l'article 1157 du Code civil, que lorsqu'un contrat détermine l'époque à laquelle un droit contractuel peut être exercé, le juge n'est pas tenu de l'interpréter en ce sens que lorsque ce droit n'est pas exercé à l'époque ainsi déterminée, son extinction s'ensuit [60].
4.3.2. Pas de déchéance sans texte? |
25.L'exigence de principe d'un texte pour l'application d'une déchéance. La solution à la question posée serait simple si, en notre matière, on appliquait la règle « Pas de nullité (ou de déchéance) sans texte ». Il n'y aurait alors déchéance que si la convention prévoit une telle sanction de manière spécifique. Le principe selon lequel la déchéance d'un droit ne peut être prononcée en l'absence d'un texte, légal ou conventionnel, est affirmé par certains auteurs [61].
La doctrine précise toutefois que « Les juges peuvent cependant ne pas s'arrêter aux termes employés par les cocontractants dans leur convention, et rechercher leur intention réelle pour faire produire à une sanction qu'ils n'auraient pas nommée ainsi les effets d'une déchéance. » [62]. La démarche est, à cet égard, identique à celle de l'interprétation de la loi: il ne faut pas faire une exégèse du texte, mais s'attacher à l'intention du législateur [63]. Un exemple d'une telle situation peut être trouvé dans l'article 1648 du Code civil, déjà évoqué. Cette disposition dispose simplement que « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai… ». Elle n'indique nullement quelle est la sanction de cette contrainte. Pourtant, doctrine et jurisprudence s'accordent pour considérer que l'acquéreur qui n'agit pas à bref délai est déchu de son droit [64].
En fin de compte, tout reste donc une question d'interprétation de la volonté des parties, même en l'absence de texte prévoyant la déchéance.
4.3.3. Le principe d'interprétation stricte |
26.L'interprétation stricte. Il est généralement admis que les clauses dérogatoires au droit commun doivent s'interpréter de manière stricte [65]. La clause susceptible d'entraîner la déchéance d'un droit est certainement dérogatoire du droit commun et devrait donc se voir appliquer ce régime. En conséquence, il ne faudrait admettre une déchéance de la garantie que si la volonté des parties à cet égard est certaine, ce qui ne veut pas dire qu'elle doive être expresse [66], et un raisonnement par analogie (p. ex. par rapport au délai de « prescription » conventionnelle) ne pourra pas être admis.
On rappellera cependant que les garanties conventionnelles vont également au-delà de ce qui est prévu par le droit commun de sorte que, selon l'opinion traditionnelle à tout le moins, elles s'interprètent elles-mêmes de manière stricte [67]. Le débiteur de la garantie ne devrait donc être tenu que si son obligation de garantir est certaine. Cette interprétation stricte des garanties elles-mêmes (en faveur du débiteur de la garantie) aurait pour effet de contrebalancer l'interprétation stricte des clauses de déchéance de mise en oeuvre de ces garanties (en faveur du bénéficiaire de la garantie) [68].
On signalera que l'opinion selon laquelle les garanties conventionnelles dans les cessions d'actions sont d'interprétation stricte est toutefois remise en question par divers auteurs, à juste titre nous semble-t-il. De telles garanties présentent en effet aujourd'hui un caractère habituel dans les conventions de cession d'actions et on ne peut plus considérer qu'elles font figure d'exception dans la pratique [69].
Au total, il nous semble que si les parties ont organisé un droit à la garantie, souvent de manière fort détaillée d'ailleurs, il y a lieu d'être relativement circonspect avant de considérer que ce droit ne peut plus être mis en oeuvre en raison d'un manquement à un devoir préalable à l'appel à la garantie. Nous pensons donc que le principe d'interprétation stricte doit s'appliquer à propos de la déchéance elle-même et non à propos de la garantie.
4.3.4. Les règles applicables en cas de doute |
27.Règles applicables en cas de doute en matière de contrat de vente. Si, ayant recherché en vain l'intention commune des parties, à la lumière des éléments intrinsèques et extrinsèques à la convention [70], le juge aboutit à la conclusion qu'il existe un doute quant à la manière dont la clause doit, le cas échéant, être sanctionnée, il appliquera les règles d'interprétation préférentielles prévues pour cette hypothèse et en particulier les articles 1602, alinéa 2, et 1162 du Code civil.
L'article 1602, alinéa 2, propre au contrat de vente, dispose que « Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur. » La partie en faveur de laquelle le contrat de vente doit s'interpréter selon cet article est donc toujours la même: l'acheteur. La question est moins simple dans le cadre de l'article 1162 du Code civil, selon lequel « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. ». Selon les cas, l'article 1162 bénéficierait donc quant à lui soit au vendeur soit à l'acheteur, chacun d'eux stipulant et contractant des obligations. Un conflit est donc susceptible de naître entre ces deux dispositions. On considère que l'article 1602 du Code civil a prééminence car il est spécifique au contrat de vente et qu'il déroge au droit commun de l'article 1162 du Code civil. Cependant, selon l'opinion majoritaire, l'article 1602 n'est relatif qu'aux clauses ordinaires de la vente et ne s'applique pas aux clauses qui ont fait l'objet d'une négociation entre les parties ou qui sont en faveur de l'acheteur. Pour celles-ci, parmi lesquelles figurent les garanties conventionnelles dans les cessions d'actions, l'article 1162 retrouve son emprise [71].
En conclusion, la question de la sanction du défaut de notification conforme à la convention est soustraite à l'application de l'article 1602 du Code civil mais est régie par l'article 1162 de ce même code.
28.Dans le doute, interprétation favorable au débiteur de la garantie (le cédant) ou au débiteur du devoir d'information (le cessionnaire)? Encore faut-il déterminer quelle est la partie qui a « contracté l'obligation » concernée en l'espèce.
On pourrait considérer que ce qui est sujet à interprétation en l'espèce, c'est le mécanisme des garanties considéré globalement et l'obligation du vendeur de les honorer. C'est alors en faveur du vendeur, le débiteur de la garantie, que la clause devrait s'interpréter. A l'appui de cette thèse, on peut faire valoir que lorsque l'on recherche l'impact du défaut d'information sur la possibilité de mettre en oeuvre la garantie, la question d'interprétation porte moins sur le devoir d'information lui-même que sur l'obligation du débiteur de la garantie d'exécuter celle-ci. Plus précisément, la question serait de savoir si l'engagement de garantie du vendeur existe - ou doit être maintenu - alors qu'un préalable prévu par les parties n'a pas été respecté. C'est le mécanisme de garantie mis en place par les parties, considéré dans son ensemble, qui donnerait lieu à interprétation [72]. L'obligation en litige, sujette à interprétation, serait alors celle du débiteur de la garantie. C'est donc à ce dernier que le doute devrait profiter. On rejoindrait ainsi la thèse traditionnelle de l'interprétation stricte des garanties conventionnelles (supra, n° 26).
Par contre, si l'on prend en considération l'« obligation » d'information de manière spécifique, le débiteur de cette « obligation » est l'acheteur, soit le bénéficiaire de la garantie. C'est donc en sa faveur que la clause devrait être interprétée sur la base de l'article 1162 du Code civil et la déchéance devrait être écartée en cas de doute. Un auteur français se prononce en ce sens [73], à juste titre nous semble-t-il. Il est admis que « celui qui a stipulé » est le bénéficiaire de la clause concernée, même si relativement à l'obligation dont traite cette clause, ce bénéficiaire est le débiteur. C'est ainsi qu'à propos d'une clause d'exonération de garantie, bien que le débiteur de la clause soit le garant (tenu à la garantie), le doute profite au bénéficiaire de la garantie, car c'est le débiteur de la garantie qui a « stipulé » l'exonération, ou, en d'autres termes, qui bénéficie de celle-ci [74]. Dans le domaine des assurances, on considère de même que les clauses d'exclusions ou de déchéance doivent être interprétées en faveur du bénéficiaire de l'assurance et contre l'assureur, qui est pourtant le débiteur [75].
La manière dont les parties ont rédigé leur convention peut influencer le choix de l'une ou l'autre de ces positions. Selon les cas, les garanties et le mécanisme de mise en oeuvre de celles-ci sont conçus de manière relativement indépendante (ce qui entraînerait une application distincte de l'art. 1162 aux diverses clauses) ou au contraire de manière intrinsèquement liée (amenant une application de l'art. 1162 aux clauses considérées comme un ensemble) [76].
29.Interprétation contre le rédacteur de la convention. Une tendance à interpréter la convention en défaveur du rédacteur de celle-ci s'est développée dans la jurisprudence, spécialement à propos des contrats d'adhésion et des contrats standardisés et particulièrement lorsque ce rédacteur est un professionnel confronté à un profane [77].
Cette tendance conduit parfois les rédacteurs des conventions de cession d'actions à exclure spécifiquement ce type d'interprétation, ce qui nous paraît licite [78]. Même en l'absence d'une clause spécifique, l'interprétation « contra proferentem » ne nous semble en principe pas trouver sa place dans le cadre des conventions de cession d'actions, qui ne sont le plus souvent pas des textes standards mais le résultat de négociations [79].
4.3.5. La doctrine et la jurisprudence françaises |
30.La jurisprudence en faveur de la déchéance automatique et complète. Le non-respect du devoir d'information a donné lieu à de nombreux litiges en France. Il ne se dégage toutefois pas de position claire de la jurisprudence et de la doctrine françaises. Une tendance récente exprimant une sévérité envers le cessionnaire en défaut ou en retard de notification semble toutefois se dessiner [80].
Ainsi, dans un arrêt du 9 juin 2009, la Cour de cassation française rejette la critique adressée par le cessionnaire à la décision de la cour d'appel de Bordeaux de le débouter de sa demande en garantie. Elle estime que « C'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation de la volonté des parties, rendu nécessaire par l'imprécision du contrat, que la cour d'appel a décidé que l'inexécution par les cessionnaires de leur obligation d'informer les cédants … faisait à elle seule obstacle à ce qu'ils invoquent le bénéfice de celle-ci. » [81].
Certains commentateurs de cet arrêt insistent sur le fait que la clause fut interprétée par le juge du fond et que la solution se justifiait dans ce cas par les termes de la convention selon lesquels l'information était organisée « pour la mise en oeuvre de la garantie », ce qui indiquerait que, pour les parties, l'appel à la garantie était véritablement conditionné par cette information [82].
D'autres auteurs interprètent cette décision comme le signe d'un durcissement de la position de la Cour et une prise de position en faveur d'une déchéance automatique sauf clause contraire [83]. Il est en effet permis de douter que les termes précités de la convention de cession, faisant certes le lien entre le devoir d'information et la mise en oeuvre de la garantie, impliquaient véritablement, dans l'intention commune des parties, la sanction radicale de la déchéance [84].
Comme l'indiquent les commentateurs, le message est en tous cas clair pour les rédacteurs des clauses de garantie: « dès lors qu'un lien est établi entre obligation d'information et mise en oeuvre de la clause, sauf stipulation contraire, la sanction du défaut d'information, voire d'une information tardive au regard des délais fixés par la clause, est l'impossibilité pour le cessionnaire de se prévaloir de la garantie de passif contre le cédant » [85].
Dans un arrêt du 14 février 2008, la cour d'appel de Versailles applique également la solution de la déchéance automatique, basant apparemment sa décision sur le fait que le devoir d'information était prévu « pour la bonne fin » de l'engagement de garantie, de sorte que les « conditions de mise en oeuvre » de la garantie n'avaient pas été respectées [86].
31.La jurisprudence exigeant la démonstration d'un préjudice. Un arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France se départit de la position radicale exprimée ci-dessus, en considérant que dans l'espèce qui lui était soumise le défaut d'information du débiteur de la garantie ne dispensait pas celui-ci de son engagement de garantie. La cour relève, d'une part, que le débiteur de la garantie savait, dès avant la cession, qu'une dette fiscale existait en germe et, d'autre part, que la procédure de taxation d'office concernée ne pouvait ni donner lieu à une discussion contradictoire entre le contribuable et l'administration fiscale, ni aboutir à un accord transactionnel. Elle considère donc que le manquement du cessionnaire n'a causé aucun préjudice au débiteur de la garantie. La Cour de cassation française rejette la critique de cette décision en considérant que le motif du juge du fond la justifiait à suffisance [87].
De même, dans un arrêt du 3 avril 2008, la cour d'appel de Rouen considère qu'à défaut pour la convention de prévoir la déchéance de la garantie en cas de non-observation des droits à l'information des garants, il appartient à ceux-ci de démontrer l'existence d'un préjudice en relation avec cette faute [88].
Enfin, dans son arrêt du 22 mars 2012 ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2013, la cour d'appel de Paris avait considéré que l'intention des parties n'était pas de faire du respect du délai d'information une condition de la mise en oeuvre de la garantie, de sorte qu'à défaut de sanction prévue par les parties et de préjudice résultant du retard, l'appel à la garantie devait être admis [89].
32.La doctrine française. En doctrine, une première tendance propose d'appliquer le droit commun de la responsabilité civile et donc de limiter les conséquences du défaut d'information à la réparation du préjudice causé [90].
D'autres auteurs considèrent au contraire que la déchéance totale devrait constituer la sanction de principe. Les fondements juridiques de cette position ne sont pas toutefois uniformes. Une première explication est que, en prévoyant le devoir d'information, les parties auraient organisé une « fin de non-recevoir » conventionnelle au cas où il ne serait pas respecté. Cette position est basée sur le fait que, comme indiqué ci-dessus, le devoir d'informer n'est pas une obligation mais une incombance [91]. Un autre motif avancé est que l'obligation d'information aurait pour objet d'imposer au cessionnaire une obligation de loyauté vis-à-vis du débiteur de la garantie. L'inexécution de cette obligation constituerait un « acte déloyal » et cette déloyauté justifierait une fin de non-recevoir entraînant l'irrecevabilité de l'action du bénéficiaire de la garantie. Le bénéficiaire serait ainsi, en raison d'une « sorte d'exception d'indignité », privé de l'intérêt légitime requis pour agir en justice [92].
4.3.6. Impact de la qualification d'incombance |
33.Effet de la qualification? Ayant qualifié d'incombance les devoirs pesant sur le bénéficiaire de la garantie, il convient d'examiner si la nature même de ce concept n'implique pas une sanction déterminée, à défaut pour les parties d'avoir, expressément ou implicitement, pris position sur la question dans leur convention.
34.Principe de la déchéance totale et automatique en cas de non-respect d'une incombance de diligence. En principe, le non-respect des devoirs qui constituent une incombance de diligence est sanctionné par la perte du droit auquel ils se rapportent, sans qu'un préjudice ne doive être démontré. Par exemple, dans le cas de l'article 1648 du Code civil, l'acheteur est déchu de son action en garantie des vices cachés s'il n'a pas agi à bref délai sans que l'on s'interroge sur les conséquences que la notification tardive a éventuellement eue à l'égard du vendeur.
Mme Luxembourg justifie cette situation par trois motifs: la déchéance sanctionne un comportement sans que l'on tienne compte de l'influence de celui-ci sur les tiers, elle a une nature de peine privée et, lorsqu'elle est encourue pour manque de diligence, elle exerce une fonction préventive [93]. Les deux premiers motifs nous paraissent être moins de véritables arguments que les questions auxquelles on cherche précisément à répondre: faut-il tenir compte ou non de l'incidence du comportement sur les tiers et quelle est la nature exacte de la peine privée encourue? Le troisième argument, basé sur la fonction préventive des déchéances, repose sur l'idée que les déchéances ont pour but de prévenir la survenance d'un préjudice. Par exemple, la déchéance du terme pour le remboursement du prêt que subit l'emprunteur en défaut de paiement est destinée à protéger le prêteur contre l'insolvabilité. Dans notre matière, on pourrait également considérer que la déchéance a pour but d'éviter que le débiteur de la garantie ne subisse un préjudice consistant à devoir exécuter la prestation de garantie sans avoir pu mettre en oeuvre les moyens dont il disposait le cas échéant pour empêcher les faits générateurs de l'appel à la garantie ou limiter leur impact.
Il nous semble que la jurisprudence française récente examinée ci-dessus qui sanctionne par la déchéance le non-respect des modalités de mise en oeuvre de la garantie, à l'instar de l'arrêt publié ci-dessus, s'inspire de ces principes, même si le concept d'incombance n'est pas cité et si on se réfère plus volontiers à une « condition de mise en oeuvre de la garantie ».
35.Situations de déchéances conditionnelles ou partielles, à titre d'exception. Mme Luxembourg relève toutefois que, même lorsqu'elle sanctionne un manque de diligence, la déchéance est, dans certains cas, à titre d'exception, seulement partielle [94]. Elle cite à cet égard la sanction de déchéance de la garantie pour déclaration tardive en matière d'assurance et la déchéance dont la caution peut se prévaloir à l'égard du créancier en vertu de l'article 2037 du Code civil. La loi belge donne également plusieurs exemples de déchéances simplement partielles ou conditionnelles en cas de méconnaissance d'incombances légales. En matière de contrat de vente, l'article 1640 du Code civil dispose ainsi que le bénéfice de la garantie d'éviction est perdu « lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l'appel n'est plus recevable, sans appeler son vendeur, si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande » [95]. Dans cette hypothèse, la déchéance de la garantie ne sera donc prononcée à charge de l'acheteur que si, outre le fait même du défaut de mise du vendeur à la cause, ce dernier prouve qu'il aurait pu empêcher l'éviction.
Comme en France, le régime légal de la déclaration du sinistre par l'assuré prévoit que si celui-ci ne respecte pas le délai contractuel de déclaration, l'assureur doit démontrer que le retard lui a causé un préjudice. Ce n'est alors qu'à concurrence de ce préjudice qu'il peut réduire son intervention dans le sinistre (art. 21, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre). La garantie peut toutefois être refusée totalement et inconditionnellement par l'assureur si celui-ci démontre que l'assuré n'a pas rempli ses obligations dans une intention frauduleuse (art. 21, § 2).
De même, la méconnaissance du devoir de modération dans la mise en oeuvre d'un droit (soit l'interdiction de l'abus de droit), qui serait une incombance particulière, n'est pas sanctionnée par la perte du droit mais par la réduction de celui-ci à son usage normal [96].
36.Pas de règle générale de déchéance totale en droit belge. En l'absence d'une théorie générale des déchéances ou des incombances en droit belge et en présence d'exemples légaux en sens divers, il ne nous paraît pas possible de considérer qu'il existe actuellement un « droit commun des incombances » selon lequel la sanction de principe de leur non-respect serait la déchéance totale et inconditionnelle sauf exception. La sanction nous paraît dès lors devoir être déterminée de manière spécifique dans chaque cas en fonction de l'objectif poursuivi par l'incombance (à défaut de pouvoir identifier la volonté commune des parties, laquelle, rappelons-le, a toujours préséance dans le domaine contractuel).
4.3.7. Appréciation |
37.Rejet de l'application des règles de la responsabilité contractuelle. L'application du régime de la responsabilité contractuelle, préconisée par certains, impliquerait que le non-respect des devoirs de mise en oeuvre de la garantie ferait l'objet d'une réparation, en nature ou par équivalent, dans la mesure du préjudice subi, le cas échéant, par le débiteur de la garantie.
La mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle suppose toutefois la violation fautive d'une obligation, ayant causé un préjudice. Or, nous avons exposé ci-dessus que le devoir d'information ne constitue pas une obligation, dont le non-respect permettrait à l'autre partie de se plaindre. Le fait pour le bénéficiaire de la garantie de ne pas mettre celle-ci en oeuvre, notamment en exécutant les modalités préalables, ne constitue pas une faute.
Les règles de la responsabilité contractuelle ne peuvent donc pas être appliquées en l'espèce.
38.La résolution. Toujours dans le régime d'application du droit commun, certains auteurs français préconisent de baser la perte du droit à la garantie, si les circonstances le justifient, sur une résolution en vertu de l'article 1184 du Code civil. Selon ce point de vue, si le manquement du débiteur constituant à n'avoir pas informé le débiteur de la garantie ou à l'avoir fait avec retard est suffisamment grave, il peut justifier la résolution de la convention de garantie à ses torts. Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation de la gravité du manquement par rapport à l'obligation d'information, le juge pourrait alors tenir compte des circonstances et appliquer cette sanction dans certains cas et pas dans d'autres (p. ex., un dépassement limité du délai n'ayant pas entraîné de conséquence préjudiciable pourrait être considéré comme ne revêtant pas le degré de gravité suffisant) [97].
Tout comme en ce qui concerne les règles de la responsabilité contractuelle, la résolution suppose cependant un manquement contractuel et donc la violation d'une obligation au sens strict, ce que ne constitue pas le devoir d'information [98], [99].
39.L'exception d'inexécution. L'on pourrait encore considérer que le débiteur de la garantie, confronté à une inexécution de son obligation d'information par le cessionnaire, faisant usage de la panoplie de remèdes offerts par le droit des obligations, suspende l'exécution de son obligation de garantie en invoquant l'exception d'inexécution. L'on se heurte ici à la même objection: l'exception d'inexécution suppose une inexécution fautive de ses obligations par l'autre partie, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce [100].
40.Fraus omnia corrumpit. Sans que l'on ne doive, comme le font certains ainsi qu'on l'a vu ci-dessus, présumer une déloyauté dans le chef du bénéficiaire en défaut, les circonstances pourront être prises en compte pour déterminer la sanction à appliquer et le principe « Fraus omnia corrumpit » pourra sanctionner le comportement frauduleux du bénéficiaire. Nous reviendrons plus loin sur ce point (infra, n° 43).
41.Proposition de solution: la réduction à due concurrence. Comme indiqué ci-dessus, il nous paraît que la qualification d'incombance n'entraîne pas avec elle la sanction de la déchéance automatique et totale. En dehors d'une volonté claire des parties en sens contraire, une sanction plus propre à rencontrer l'objectif du devoir contractuel d'information serait que le bénéficiaire de la garantie qui a omis de respecter les devoirs mis à sa charge soit privé du bénéfice de la garantie mais uniquement dans la mesure du « préjudice » résultant de cette omission. Il s'agirait donc d'un régime analogue à celui de l'article 1640 du Code civil et de l'article 21 de la loi du 25 juin 1992. Ceci nous paraît conforme à la volonté des parties de ne pas sanctionner par la déchéance le non-respect de la charge (à défaut d'indication contraire), tout en donnant un effet utile aux dispositions de leur convention, conformément à l'article 1157 du Code civil. Selon la volonté des parties, les exigences relatives à la mise en oeuvre de la garantie ne constituent en effet pas une limitation des garanties consenties par le vendeur comme l'est par exemple un plafond d'indemnisation (« cap ») ou encore le délai de « prescription » pour l'appel à la garantie [101]. L'objet de l'incombance n'est pas véritablement de pénaliser la partie soumise à la charge mais surtout d'assurer l'efficacité du contrat [102]. L'objectif poursuivi par le mécanisme ici examiné est de permettre au débiteur d'intervenir afin de préserver ses droits s'il doit un jour exécuter la garantie. Si cet objectif a été atteint, même partiellement, malgré le non-respect des modalités convenues, il y aura lieu d'en tenir compte dans la sanction. Cette solution peut également se prévaloir d'une recherche de l'intention commune des parties à la lumière de la bonne foi et basée sur ce qui est considéré « raisonnable » (supra, n° 23), de la règle d'interprétation stricte des clauses dérogatoires au droit commun (une clause de déchéance en l'espèce) (supra, n° 26) et de l'interprétation, en cas de doute, en faveur du débiteur de la charge d'information (supra, n° 28).
Une solution similaire a parfois été retenue à propos de délais conventionnels dans le domaine du droit judiciaire [103].
Pour la clarté, nous utiliserons dans la suite de notre exposé le terme « déchéance » lorsque le bénéficiaire est purement et simplement privé de son droit, suite à la seule constatation de la défaillance, et celui de « réduction » lorsque la sanction consiste à limiter les droits qu'il aurait pu faire valoir. On peut aussi parler dans cette dernière hypothèse de « déchéance partielle » [104].
42.Applications pratiques [105]. Dans certains cas, l'absence, le retard ou la déficience dans l'information n'entraîneront aucun préjudice. Il en est ainsi par exemple lorsque, malgré le retard, le débiteur de la garantie dispose encore du temps nécessaire pour intervenir utilement par rapport à la circonstance concernée [106] ou encore lorsque le débiteur de la garantie n'avait de toute manière aucun moyen d'éviter les éléments à l'origine de l'appel à la garantie ni d'en réduire l'impact. Un exemple inspiré de la jurisprudence dans la matière du bref délai de l'article 1648 du Code civil à propos des vices cachés est la situation où un acheteur défaillant reste recevable à se plaindre s'il a été satisfait au respect du bref délai par une autre partie de sorte que l'objectif de ce délai a pu être rencontré [107].
Dans d'autres cas au contraire, le préjudice consistera dans le fait pour le débiteur de la garantie de devoir faire face à l'appel à la garantie alors qu'il disposait d'éléments qui, avec certitude, lui auraient permis d'éviter l'événement considéré ou d'en réduire l'impact. Dans cette hypothèse, le débiteur de la garantie ne devra pas exécuter la garantie s'il démontre qu'il aurait pu empêcher le risque de se réaliser ou il sera amené à payer un montant réduit à concurrence de la réduction qu'il aurait pu obtenir.
Enfin, dans de nombreux cas, le débiteur de la garantie ne pourra établir que la perte d'une chance. A défaut de pouvoir démontrer qu'il disposait de moyens certains d'éviter les éléments à l'origine de l'appel à la garantie ou de les réduire, il devra se contenter d'exposer que l'omission du cessionnaire l'a privé de la possibilité de présenter ses arguments avec certaines chances de succès. L'évaluation de la perte de cette chance se fera conformément au droit commun et notamment en appréciant le degré de succès des moyens du débiteur de la garantie [108]. Nous examinons ci-dessous (infra, nos 75 et s.) la question de la charge de la preuve des conséquences de la défaillance dans la mise en oeuvre de la garantie, et donc de la mesure de la réduction.
43.La méconnaissance frauduleuse des charges incombant au bénéficiaire constitue-t-elle une exception? De manière générale, notre droit accorde à divers égards un traitement différencié aux fautes « intentionnelles » [109]. Dans le domaine des assurances, par dérogation à la règle générale, l'assureur peut ainsi décliner la couverture en cas de non-respect par l'assuré des devoirs de déclaration commis avec une intention frauduleuse, sans que l'assureur ne doive démontrer l'existence d'un préjudice (art. 21 § 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre). La notion même de « faute intentionnelle » fait toutefois l'objet d'une controverse. Pour certains, elle se confond avec la faute simplement « volontaire », c'est-à-dire par laquelle le débiteur méconnaît ses obligations délibérément (et non simplement par inadvertance, imprudence ou négligence) [110], tandis que pour d'autres, elle suppose en outre la conscience qu'a son auteur du dommage qui va en résulter (ou en tous cas du fait qu'un dommage va en résulter) [111]. Pour éviter cette discussion, il nous paraît préférable de parler, dans ce dernier cas, de faute « frauduleuse » [112].
Même si le non-respect de l'incombance ne constitue en tant que tel pas une faute, il peut devenir fautif et même frauduleux selon les circonstances. Ainsi, dans notre cas, il y aurait une faute frauduleuse dans l'hypothèse où le bénéficiaire de la garantie non seulement (i) omet de manière délibérée de respecter les charges qui lui incombent en vertu de la convention, mais en outre (ii) le fait en comptant quand même se prévaloir de la garantie et (iii) en sachant qu'il prive ainsi concrètement le débiteur de la garantie de la protection que ces charges devaient lui apporter [113].
En matière de responsabilité civile, l'auteur d'une faute frauduleuse ne peut, selon la Cour de cassation, se prévaloir de la faute de la victime pour tenter de réduire son obligation d'indemnisation, en vertu de l'adage « Fraus omnia corrumpit » [114]. Certains y voient une exception à la théorie de l'équivalence des conditions, tandis que d'autres se fondent sur la nature « intentionnelle » de la faute et l'intention de causer le dommage [115]. Quel que soit le fondement, il ne nous semble pas que ce principe puisse être étendu sans limites et que la victime de la faute frauduleuse puisse toujours considérer que l'intégralité du dommage qu'elle subit résulte de cette faute en étant dispensée de prouver le lien de causalité. Il en va d'autant plus ainsi qu'en l'espèce le dommage concerné consiste en réalité « simplement » pour le débiteur à exécuter son obligation contractuelle de garantie. Pour ces raisons, nous pensons que même en cas de faute frauduleuse du bénéficiaire, l'impact de l'omission sur le dommage subi, c'est-à-dire sur l'obligation d'indemniser, devra être démontré pour que le débiteur puisse obtenir une libération, totale (en cas d'impact sur l'existence même d'une indemnité) ou partielle (en cas d'impact sur le montant de l'indemnité), de son obligation.
Le cas de la fraude commise par le bénéficiaire de la garantie nous paraît cependant avoir un impact sur la charge de la preuve. Il appartiendra en effet, selon nous, dans une telle situation au bénéficiaire auteur du comportement frauduleux de prouver que sa fraude n'a, en fin de compte, eu aucun impact sur les faits justifiant l'appel à la garantie et sur le montant réclamé. Ce ne serait donc pas, en raison de la fraude, au débiteur qu'il incomberait, conformément à l'article 1315, alinéa 2, du Code civil de démontrer sa libération (sur ces questions voyez infra, nos 69 et s.). La mise du fardeau de la preuve sur les épaules du bénéficiaire indélicat nous paraît pouvoir être basée sur le régime général de l'adage « Fraus omnia corrumpit » tel qu'il a récemment été affirmé. Il s'agit de priver l'auteur de la fraude du bénéfice qu'il aurait retiré de celle-ci en neutralisant les effets du comportement frauduleux [116]. Il retirerait en effet un bénéfice de son inaction délibérée si, une fois le dommage survenu, c'était au débiteur de la garantie qu'il appartiendrait de rapporter la difficile preuve de l'absence d'impact de cette inaction (et donc d'assumer le « risque » de preuve). Pour paraphraser L. Cornelis, il s'agirait donc de priver le bénéficiaire de la garantie de la possibilité d'invoquer les règles normales de la charge de la preuve car, ce faisant, il tenterait de déduire des conséquences juridiques de la fraude qu'il a commise (à savoir empêcher que l'on sache avec certitude si concrètement le débiteur aurait pu éviter ou limiter le dommage) [117].
4.4. | Hypothèses où le devoir d'information est basé sur l'obligation d'exécuter la convention de bonne foi |
44.Pas de déchéance complète et automatique. Nous avons vu que dans certains cas, bien que la convention ne prévoie pas que le cessionnaire est tenu d'informer le débiteur de la garantie de la survenance de certains événements, un tel devoir d'information peut résulter de l'obligation d'exécuter les conventions de bonne foi, selon les circonstances (supra, n° 8).
Dans une telle hypothèse, les contraintes qui s'imposeront au cessionnaire dans l'exécution de cette obligation seront déterminées par l'objectif poursuivi: mettre le débiteur de la garantie en position de réagir par rapport au risque identifié, de manière à pouvoir l'éviter ou le limiter s'il en a les moyens. Il ne sera donc certainement pas question de sanctionner automatiquement par la déchéance totale un défaut d'information ou un retard ou encore une information déficiente, mais de vérifier les conséquences concrètes du manquement au devoir d'exécution de bonne foi [118].
5. | Des échappatoires à la déchéance ou à la réduction? |
45.Position de la question. La pratique et la jurisprudence montrent que le bénéficiaire de la garantie qui n'a pas respecté la charge contractuelle tente fréquemment d'échapper à la sanction de la déchéance ou de la réduction. Nous examinons ci-dessous les moyens dont il dispose le cas échéant à cet effet et en particulier la force majeure, l'impact du principe d'exécution de bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit ainsi que l'incidence de la connaissance antérieure du débiteur.
5.1. | La force majeure |
46.La force majeure constitue en principe une exception. La force majeure paraît a priori devoir constituer une première échappatoire à la sanction de la déchéance ou de la réduction. Il s'agit de l'application du droit commun dans le domaine des délais préfix: si le bénéficiaire de la garantie se trouve dans l'impossibilité de procéder à la notification requise en raison d'un cas de force majeure, il ne peut en principe pas encourir la sanction contractuelle. Cette règle est généralement appliquée dans les autres matières où le respect d'un délai ou d'une formalité est prévu par la loi à peine de déchéance [119]. Elle est consacrée de manière explicite par la loi en matière de prescription à charge de l'assuré en matière d'assurance [120]. Il n'y a pas de raison d'appliquer une règle différente aux délais préfix conventionnels et aux incombances [121].
La force majeure est appréciée strictement. On notera notamment que la simple constatation qu'une partie a été mal informée, même par une personne qualifiée, ne suffit en principe pas à créer une erreur invincible constitutive de force majeure. Le conseil erroné donné par l'avocat ne constituera donc pas un cas de force majeure pour son client. Lorsque l'information erronée provient de la partie adverse, la situation pourrait être différente [122]. Dans cette dernière hypothèse, les principes de la bonne foi pourront alors également trouver à s'appliquer (voyez infra, nos 53 et 54).
47.Effets de la force majeure. Encore les effets de la force majeure devront-ils être strictement limités à la durée de l'impossibilité et aux éléments rendus impossibles. En ce qui concerne le délai, celui-ci est simplement prolongé pendant le temps nécessaire pour poser l'acte, après que la cause d'empêchement a disparu. Contrairement aux régimes d'interruption et de suspension en matière de prescription, la force majeure ne donne donc pas naissance à un nouveau délai qui serait égal au premier ni même qui serait égal à la durée de l'impossibilité [123]. Par ailleurs, seuls les éléments auxquels la force majeure fait obstacle bénéficieront du régime d'excuse s'attachant à ce phénomène [124].
48.Force majeure par répercussion. Situation du débiteur. Il y a toutefois une situation où, selon nous, la force majeure ne permettra pas de relever le bénéficiaire de la déchéance ou de la réduction. C'est celle où le débiteur de la garantie est lui-même affecté par le cas de force majeure considéré. Par exemple, si en raison du fait que le bénéficiaire a été empêché par un cas de force majeure de procéder à la notification requise, le débiteur, ignorant de la situation, a lui-même été empêché de prendre les mesures qui auraient permis d'empêcher le sinistre ou d'en limiter les conséquences [125]. Dans cette hypothèse il n'y a pas de raison de privilégier le bénéficiaire de la garantie par rapport au débiteur de celle-ci. Chaque partie a été empêchée par le même cas de force majeure de poser un acte qui, dans la chaîne des événements, aurait permis d'éviter ou de limiter le dommage. L'effet de la force majeure bénéficiera en fin de compte au débiteur de la garantie. Certes, il n'a pas été empêché d'exécuter la garantie en tant que telle et d'indemniser le bénéficiaire, mais il a été empêché de mettre en oeuvre les moyens qui, selon la convention des parties, étaient de nature à lui éviter d'avoir à exécuter la garantie ou à lui permettre de l'exécuter dans une mesure moindre [126].
5.2. | Le principe de l'exécution de bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit |
49.Principe: rigueur de la sanction voulue par les parties. Les règles de l'exécution de bonne foi des conventions ou de l'interdiction de l'abus de droit peuvent-elles venir au secours du bénéficiaire pour valider un appel à la garantie réalisé sans respecter l'obligation d'information, malgré les dispositions contractuelles organisant, expressément ou implicitement, une sanction?
Comme le décide la Cour de cassation française dans l'arrêt publié ci-dessous, le principe de l'exécution de bonne foi ne permet pas au juge de modifier les conventions conclues par les parties. La position est la même en Belgique [127].
En invoquant l'extinction ou la réduction du droit en vertu de la convention, le débiteur de la garantie ne peut se voir reprocher d'abuser de son droit, même si le retard est peu important ou, dans le cas de la déchéance automatique, si le non-respect des modalités n'a pas eu d'incidence ou une incidence limitée. Si c'était le cas, il pourrait également y avoir abus de droit dans le fait d'invoquer la prescription extinctive, légale ou contractuelle. L'équité ne permet pas non plus au juge de modifier la portée de la convention [128].
C'est ainsi qu'en France, la cour d'appel de Paris a récemment rejeté l'argument selon lequel le débiteur de la garantie faisait preuve de mauvaise foi en déclinant la garantie en raison du non-respect du formalisme convenu. Dans un arrêt du 21 février 2012, intéressant à plus d'un titre, la cour décide fort justement qu'il résulte du caractère obligatoire des conventions que lorsque les parties ont convenu d'attacher une sanction à la méconnaissance de la procédure de mise en oeuvre de la garantie de passif, en prévoyant, sous peine de déchéance, une notification écrite à effectuer dans un certain délai, le bénéficiaire de ladite garantie se trouve déchu de son droit de la mettre en oeuvre lorsqu'il n'a pas respecté le délai prévu. La circonstance que le débiteur de la garantie était informé du contrôle fiscal et ait même, en dehors du strict cadre conventionnel, collaboré à la préparation de la réponse à l'administration fiscale pour tenter d'éviter le redressement à l'origine de l'appel aux garanties ne dispensait pas le bénéficiaire de respecter la procédure organisée [129], [130].
En Belgique, la cour d'appel de Bruxelles s'est prononcée dans le même sens, à propos cette fois de la forme de la réclamation, dans un cas où seule une « interpellation » de l'avocat de l'acheteur avait été envoyée dans le délai contractuel de six mois mais ne constituait pas une réclamation valable selon la cour [131]. De même, le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 25 août 2005, déjà cité, indique que le fait pour le débiteur de la garantie d'opposer le non-respect des conditions contractuelles de l'appel à la garantie n'est pas constitutif de mauvaise foi ni d'abus de droit [132].
50.Les hésitations de la jurisprudence en matière de déchéances conventionnelles dans les contrats d'assurance. Bien que le principe de la rigueur contractuelle soit généralement admis, son interaction avec la bonne foi et l'abus de droit est moins précise dans la pratique [133].
Ceci est illustré par le sort réservé aux déchéances conventionnelles prévues dans les polices d'assurance. Nous avons vu ci-dessus qu'actuellement l'article 21 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre prévoit, de manière impérative, qu'en cas de retard (notamment) dans la déclaration du sinistre par l'assuré, l'assureur ne pouvait réduire sa prestation que pour autant qu'il subisse un dommage et à concurrence du dommage subi.
Cette question n'a pas toujours été organisée par la loi et, auparavant, les polices d'assurance prévoyaient souvent une déchéance totale en cas de manquement de l'assuré à son obligation d'information ainsi qu'à d'autres devoirs reposant sur lui.
La Cour de cassation avait, dans un arrêt du 8 mai 1971, affirmé que la déchéance prévue conventionnellement devait être respectée et que le juge ne pouvait y ajouter des conditions et notamment la preuve d'un dommage subi par l'assureur. Elle avait ainsi cassé, pour violation de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt décidant que la déclaration tardive n'entraîne la déchéance que lorsqu'un dommage en est résulté, alors que la police d'assurance applicable stipulait simplement la déchéance dans un tel cas et que le juge du fond ne s'était pas basé sur une disposition légale qui aurait justifié une dérogation à la convention [134].
Une partie de la jurisprudence des juges du fond a néanmoins souvent atténué la sanction contractuellement organisée, en exigeant quand même que l'assureur établisse un préjudice, au nom de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit. Par exemple, dans un arrêt du 4 octobre 2000 (prononcé sous l'empire de la loi ancienne), la cour d'appel de Mons décide: « Attendu que si on ne peut, sans autre motif, indépendamment de toute interprétation de la portée de la clause, dénier à un assureur le droit de se prévaloir d'une déchéance pour déclaration tardive, pour la seule raison que cet assureur n'aurait subi aucun préjudice par suite de la tardiveté de la déclaration (cf. Cass. 8 mai 1971, Pas., 1971, I, 819), force est toutefois de constater qu'en l'occurrence, l'invocation par [l'assureur] de la clause de déchéance litigieuse constitue un manquement à son devoir de modération dans la mise en oeuvre des sanctions contractuelles prévues; (…) Qu'en s'abstenant [d'intervenir dans le litige alors qu'il pouvait encore le faire] et en préférant se borner à invoquer une cause de déchéance, [l'assureur] n'a pas exécuté de bonne foi le contrat d'assurance; Que la volonté des parties à ce contrat n'a en effet pas pu être de décharger l'assureur de toute obligation dès l'instant où l'assuré se rend coupable d'un manquement dont il ne résulte aucun dommage pour l'assureur. » [135].
Par contre, d'autres décisions appliquaient très strictement les dispositions contractuelles, comme l'a fait la même cour d'appel de Mons dans un arrêt rendu près de 10 ans plus tôt [136].
51.Impact de la matière spécifique de l'assurance. La jurisprudence citée ci-dessus est relative à un rapport d'assureur à assuré, réputé partie faible. En outre, la déchéance de l'assurance peut avoir des conséquences dramatiques pour l'assuré. Ces éléments ont sans conteste été de nature à influencer les juges du fond dans l'appréciation de l'abus de droit et de la proportionnalité entre les conséquences de la mise en oeuvre de la sanction pour les parties [137].
Ce souci de protection de la partie faible, ensuite confirmé par le législateur à l'article 21 de la loi du 25 juin 1992, ne devrait par contre pas se retrouver dans le contexte des cessions d'actions, où des litiges opposent le plus souvent deux professionnels, entourés de conseillers. Dans notre matière l'avantage retiré de la mise en oeuvre de la déchéance ou de la réduction conventionnelles par le débiteur de la garantie (éviter de devoir un paiement ou le limiter) ne paraît pas disproportionné par rapport à l'inconvénient subi par le bénéficiaire (ne pas recevoir ce même paiement ou recevoir un montant plus élevé). Nous pensons donc que la bonne foi ou l'interdiction de l'abus de droit ne pourront faire obstacle à la sanction convenue par les parties que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles (voyez infra, nos 53 et 54).
52.Importance de la motivation de la décision du juge du fond. La motivation donnée à sa décision par le juge du fond joue un rôle fondamental. S'il constate, en fait, que les conditions de l'abus de droit sont réunies, il semble qu'il puisse en pratique éviter une application rigoureuse de la clause de déchéance tout en échappant à une censure de la Cour de cassation. Les arrêts de la Cour de cassation du 30 novembre 1989 et du 17 février 2012 en sont une illustration.
Par le premier arrêt, la Cour de cassation a censuré la décision du juge du fond qui avait considéré que le retard de l'assuré dans la dénonciation de la police, de « quelques jours ou (un) mois après le délai prévu convention-nellement », n'ayant causé aucun préjudice à l'assureur, celui-ci devait, malgré ce retard, accepter cette dénonciation et ne pouvait pas encaisser les primes. La Cour de cassation relève que le juge du fond en avait décidé ainsi sans constater que les inconvénients qui résulteraient pour l'assuré de l'exécution seraient sans aucune mesure avec les avantages qu'en retirerait l'assureur [138]. Par contre, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a estimé que le juge du fond avait légalement pu refuser d'appliquer une clause de déchéance d'une police d'assurance, au motif que le manquement de l'assuré, justifiant une telle déchéance, était « purement formel » et n'avait pas aggravé le risque supporté par l'assureur. Le recours de l'assureur, basé sur cette déchéance, a pu être considéré comme abusif dès lors que l'assureur entendait tirer de la négligence d'ordre administratif de l'assuré un profit « hors de toute proportion » [139].
53.Situation spécifique: devoir du débiteur de la garantie d'attirer l'attention sur les défaillances? Dans un domaine différent, en matière d'appel à une garantie bancaire à première demande, la cour d'appel de Liège a commencé par poser les principes selon lesquels le caractère littéral des garanties à première demande doit être strictement appliqué (de sorte que p. ex. un appel par télex ne peut remplacer l'appel par lettre recommandée exigé par la lettre de garantie) et que le délai pour faire appel est une « charge » que le bénéficiaire a acceptée de sorte que toute demande tardive doit être rejetée sans que la bonne foi du bénéficiaire doive être prise en considération. Elle a cependant ensuite considéré que, dans l'espèce qui lui était soumise, la banque garante avait manqué au principe d'exécution de bonne foi des conventions en rejetant une demande au motif qu'elle était irrégulière en la forme, alors qu'elle avait accepté « sans réserve ni observation aucune » les demandes précédentes établies dans la même forme. La cour fait sienne la motivation d'une décision allemande selon laquelle si la banque garante peut reconnaître immédiatement que la revendication de paiement est défectueuse au niveau des formes, elle n'est pas en droit d'attendre que la garantie soit périmée pour manifester ses objections et se soustraire ainsi à ses obligations de paiement. Une telle façon d'agir serait contraire à la loyauté et à la confiance réciproques en corrélation avec les usages admis en affaires [140].
Dans le domaine des appels à la garantie dans le cadre des cessions d'actions, nous ne pensons pas que, de manière générale, la bonne foi impose au débiteur de la garantie d'attirer l'attention du bénéficiaire de la garantie sur la déficience (ou l'absence) de l'information donnée, ou de l'appel formé, afin de lui permettre de rectifier en temps utile les irrégularités constatées. Selon les circonstances, l'attitude du débiteur de la garantie pourra toutefois être interprétée comme une renonciation à se prévaloir d'un défaut formel ou d'un retard, pour autant que les conditions strictes de la renonciation à un droit soient remplies [141]. Par ailleurs, indépendamment d'une renonciation, le débiteur de la garantie pourrait quand même être tenu en raison d'un manquement à la bonne foi s'il a adopté un comportement déloyal consistant à faire croire délibérément au bénéficiaire que les formalités avaient été remplies à sa satisfaction, pour ensuite, une fois le délai expiré, soulever l'irrecevabilité de l'appel à la garantie [142]. Dans une telle situation, on a considéré, en matière de prescription, que le débiteur abuse de son droit à invoquer la prescription, lorsque l'omission du créancier d'agir, d'interrompre à temps utile la prescription et, dès lors, l'acquisition de la prescription est due au débiteur lui-même [143].
54.Situation spécifique: dissimulation d'informations par le débiteur de la garantie. Il est une autre situation où le comportement du débiteur de la garantie devrait permettre au bénéficiaire de préserver ses droits malgré le non-respect des formalités. C'est le cas où le débiteur de la garantie dissimule lui-même des informations nécessaires pour procéder à la notification. Dans cette hypothèse, le principe de l'exécution de bonne foi et l'adage Fraus omnia corrumpit devront conduire à priver un tel comportement d'efficacité [144]. En matière de prescription légale, la question de savoir si la fraude du débiteur permet de prolonger le délai de prescription est controversée. Le législateur n'a pas repris cette situation comme un cas spécifique de prolongation. L'argument généralement opposé à une prolongation dans cette hypothèse est l'insécurité juridique qui en résulterait, laquelle serait précisément contraire à l'objectif poursuivi par le régime de la prescription légale [145]. Un tel inconvénient de politique juridique générale ne se rencontre pas dans le cas d'un délai préfix conventionnel, de sorte que les règles générales évoquées ci-dessus quant à l'effet de la mauvaise foi et de la fraude doivent trouver leur pleine application.
5.3. | La connaissance antérieure du fait par le vendeur: une déchéance de la déchéance? |
5.3.1. L'arrêt du 15 mars 2011 |
55.Position de la Cour de cassation française dans l'arrêt du 15 mars 2011. Le bénéficiaire ayant manqué à son devoir d'information peut vouloir quand même faire appel à la garantie, et ce sans réduction le cas échéant, en invoquant en particulier la connaissance par le débiteur de la garantie du fait concerné lors de la conclusion de la convention.
C'est ce que semblent avoir tenté de faire les cessionnaires dans l'affaire ici examinée, avec succès en appel mais pas devant la Cour de cassation. La cour d'appel de Versailles avait en effet considéré qu'outre l'absence de dommage résultant du retard dans l'information, le débiteur de la garantie ne pouvait se prévaloir de la déchéance prévue expressément, au motif qu'il avait déclaré que la société était à jour de paiement de l'ensemble de ses dettes fiscales alors que ses « agissements frauduleux [étaient] à l'origine directe et exclusive du passif fiscal ayant donné lieu aux notifications de redressement ». La Cour de cassation française estime toutefois que, ce faisant, l'arrêt attaqué viole l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil. Il semble - mais la formulation de l'arrêt de cassation ne permet pas de le déterminer avec une certitude absolue - que la fraude en question, relevée par la cour d'appel, avait été commise à l'égard du fisc, et non à l'égard des cessionnaires. Cela pourrait expliquer la décision de la Cour.
56.Différents types de connaissance. En cas de connaissance par le débiteur de la garantie du passif fiscal en question, lors de la signature de la convention, la sanction de la déchéance, prévue contractuellement, eût-elle pu être remise en cause? Plusieurs hypothèses de « connaissance » doivent être distinguées et plusieurs fondements peuvent être invoqués à l'appui du maintien d'un recours dans certains cas [146].
5.3.2. La « simple » connaissance du vendeur |
57.Position de certains auteurs français. Doctrine belge. Une partie de la doctrine française semble considérer que lorsque le débiteur de la garantie avait déjà lui-même connaissance du passif potentiel ayant justifié l'appel à la garantie, il ne peut pas reprocher au cessionnaire de ne pas l'avoir informé de la survenance d'un fait générateur [147]. Il n'y aurait dans ce cas pas de dommage. En Belgique, dans le cadre du droit commun de la vente, la doctrine enseigne également que le vendeur de mauvaise foi (c'est-à-dire qui a connaissance du vice caché et qui ne l'a pas déclaré) ne pourrait pas, notamment, opposer à l'acheteur l'expiration du délai de la garantie conventionnelle. Il s'agirait en effet alors de dol [148].
58.Distinction entre la connaissance d'un risque de sinistre et la connaissance d'un sinistre effectif. Cette position doit être nuancée dans la matière qui nous occupe. Ce n'est en effet pas parce que le débiteur de la garantie savait qu'un risque était susceptible de se réaliser qu'il peut être privé du droit d'être informé que ce risque s'est effectivement réalisé et dans quelles circonstances. Le débiteur de la garantie peut avoir espéré que ce risque ne se réaliserait pas et peut-être avait-il précisément préparé une argumentation pour l'hypothèse où le risque craint se réaliserait quand même. Par ailleurs, comme nous l'indiquerons ci-dessous, le seul fait de connaître un « vice » et de ne pas le déclarer n'est pas nécessairement constitutif de dol notamment lorsque les conséquences de ce vice sont garanties (infra, nos 60 et 61).
C'est donc à juste titre que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 21 février 2012 déjà cité, décide que la garantie de passif a précisément pour vocation de garantir le cessionnaire des dettes dont l'origine est antérieure à la cession mais dont la certitude et le montant sont inconnus à la date de celle-ci, de sorte que la seule connaissance par le débiteur de la garantie d'une « vérification fiscale en cours aux suites incertaines » ne dispensait pas le cessionnaire de mettre en oeuvre les dispositions de la convention relatives aux formes et délais de l'appel à la garantie [149].
Ainsi, par exemple, même si le débiteur de la garantie est conscient, avant la cession, que des opérations susceptibles de donner lieu à des redressements fiscaux ont été réalisées, la survenance d'un contrôle fiscal portant sur ces opérations devra lui être notifiée, de même qu'un redressement fiscal effectif.
En dehors d'une clause spécifique en ce sens ou de circonstances permettant d'interpréter la volonté commune des parties comme attribuant à la connaissance du vendeur un effet de dispense de notification, à considérer de manière restrictive, une telle connaissance dans le chef du vendeur, n'a donc pas d'impact quant au devoir même de l'acheteur de se conformer à son obligation de notification, ceci sous réserve de la situation où cette connaissance crée les conditions du dol (infra, nos 59 et s.), voire d'une simple faute (infra, nos 66 et s.). Toutefois, dans les cas où la sanction au défaut de communication par le bénéficiaire n'est pas la déchéance mais la réduction à concurrence du préjudice causé, la connaissance antérieure du vendeur sera pertinente pour apprécier les conséquences de la méconnaissance de cette obligation. Ainsi, un vendeur qui avait une parfaite connaissance de la situation qui aurait dû être notifiée pourra plus difficilement prétendre que le défaut de notification est la cause d'un préjudice.
5.3.3. Le dol et la fraude du vendeur |
5.3.3.1. Notion de dol, vice du consentement. Lien avec l'existence de garanties expresses |
59.Notion de dol. Le dol de l'article 1116 du Code civil est le fait d'induire le cocontractant en erreur à l'occasion de la conclusion de la convention. Il requiert notamment un élément psychologique, l'intention de tromper l'autre partie [150]. Le dol peut revêtir une forme active (une déclaration mensongère) mais aussi consister en un silence coupable (que l'on qualifie de réticence dolosive). La seule connaissance par le vendeur d'un élément pertinent pour l'acheteur ne l'oblige pas à le déclarer. Le silence ne constitue en effet un dol que si la partie considérée avait l'obligation de s'exprimer, en raison de la loi, des usages, de sa profession, de sa fonction ou des circonstances, ou si ce silence s'accompagne de manoeuvres ou de déclarations mensongères [151]. En matière de vente en particulier, les intérêts des parties sont opposés, ce qui justifie encore plus le « droit au silence » que dans des contrats d'« intérêt commun », pour reprendre la formule française, comme le contrat de franchise par exemple [152]. Dans certains cas, le dol commis peut constituer une infraction pénale, par exemple un faux en écritures et un usage de faux ou une escroquerie [153].
60.Dol et garantie conventionnelle. Le lien, sous l'angle du dol, entre la non-divulgation d'une information par le vendeur et la garantie donnée par ce vendeur quant à cette même information mérite d'être examiné. Le fait pour le vendeur de ne pas déclarer à l'acheteur un risque qu'il connaît mais, au contraire, de garantir à l'acheteur que ce risque n'existe pas est-il constitutif de dol? En d'autres termes, le vendeur peut-il valablement choisir de garantir les conséquences du risque qu'il connaît (et donc s'engager à indemniser l'acheteur le cas échéant), plutôt que de le dévoiler? Ce faisant, il pourrait faire valoir qu'il est bien prêt à assumer les conséquences d'un élément qu'il connaît mais il place ces conséquences sur un autre plan, celui des garanties. La question est d'importance car elle détermine la nature des recours disponibles pour l'acheteur: « simple » appel à la garantie ou recours de droit commun fondés sur le dol.
Sauf circonstances particulières, un tel comportement me paraît être constitutif de dol. Le fait pour les parties d'aborder de manière explicite un risque à l'occasion de la rédaction des garanties devrait normalement amener le vendeur à expliquer tout ce qu'il connaît à ce sujet. La garantie portant sur l'absence d'un risque pourtant connu du vendeur n'est en fait pas une simple réticence dolosive mais une véritable déclaration mensongère. C'est en ce sens que la cour d'appel de Bruxelles s'est prononcée dans son arrêt du 8 septembre 2011, retenant le dol et considérant que le fait qu'une garantie de l'exactitude des comptes sociaux avait été donnée démontrait que l'acheteur attachait de l'importance à ce point [154], [155].
Le débiteur de la garantie ne semble pas pouvoir choisir seul de reporter à plus tard la discussion éventuelle relative à un problème qu'il a identifié mais qui reste ignoré du cessionnaire et qu'il place dans le cadre des garanties. Il s'agit d'une décision à prendre avec le cocontractant. D'ailleurs, bien souvent, lorsque des risques sont identifiés par les parties avant la conclusion de la convention, elles négocient des conditions de garantie particulières pour ceux-ci (« indemnity », absence de « plafond » et/ou de « plancher » d'indemnisation, délais particuliers d'appel à la garantie, voire au contraire une exclusion de la garantie sous forme de « disclosure », etc.) [156]. Dès lors, si le débiteur de la garantie avait connaissance d'un risque et que, malgré cela, il a consenti une garantie impliquant qu'un tel risque n'existait pas, il nous semble qu'il a commis un dol.
Il pourrait en être autrement en raison de circonstances particulières, par exemple si, dans une opération complexe où de multiples risques peuvent exister, le vendeur juge de bonne foi qu'un risque particulier est tellement théorique ou d'une ampleur si peu importante qu'il se justifie qu'il fasse l'objet d'une garantie plutôt que d'ouvrir une discussion spécifique à son sujet. Dans ce cas, la condition psychologique d'intention de tromper serait absente.
61.Importance de la formulation de la garantie. La manière dont la garantie est rédigée peut être importante quant à la qualification de dol. Ainsi, si une garantie est donnée non quant à l'inexistence d'un risque mais quant à sa non-réalisation, le simple fait pour le vendeur de connaître le risque en question sans le déclarer ne sera pas en principe constitutif de dol. La jurisprudence française a ainsi admis, au sujet de la validité des clauses limitatives de la garantie, qu'une distinction pouvait être faite entre la connaissance par le vendeur du risque de redressement fiscal (la dissimulation de revenus par la société cible) et le redressement fiscal lui-même [157]. Tout est question de circonstances bien entendu.
5.3.3.2. Conséquences du dol-vice de consentement. Les recours basés sur le droit commun |
62.Effet du dol - Vice de consentement. En droit belge, il n'est pas permis d'écarter ou de limiter contractuellement les recours fondés sur le dol au sens de l'article 1116 du Code civil. L'acquéreur peut toujours solliciter, sur cette base, l'annulation de la convention et/ou des dommages et intérêts, selon les circonstances, même en l'absence de garantie conventionnelle et sans tenir compte des limitations prévues par la convention [158]. Certains soulignent l'analogie avec la garantie légale du vendeur, lequel ne peut se prévaloir des limitations convenues à la garantie légale s'il est de mauvaise foi [159].
En cas de dol du débiteur de la garantie [160], la victime peut donc exercer un recours non sur la base du mécanisme contractuel de garanties mais en se fondant sur le droit commun. En conséquence, le cessionnaire échapperait aux contraintes que la convention lui impose pour mettre en oeuvre ses droits, dont celle d'une information préalable selon certaines formes et dans certains délais.
Le cessionnaire invoquerait alors soit un « dol principal », de nature à entraîner la nullité de la convention, soit un « dol incident ». Dans le second cas, le dol aurait eu une influence non sur l'existence du contrat mais sur les conditions auxquelles il a été conclu. Il y aurait alors lieu à des dommages et intérêts et non à la nullité de la convention. La détermination et la preuve de l'impact du dol sur les conditions de la vente ne seront cependant pas toujours évidentes [161]. Les termes des garanties conventionnelles pourront, même dans le cadre de l'application du droit commun du dol, aider le juge dans la recherche de cet impact selon la volonté des parties [162].
La nullité des seules incombances contractuelles et autres limites restreignant le recours du cessionnaire pourrait également être demandée (plafonds, notification préalable, …). L'acheteur pourrait en effet faire valoir que s'il avait été informé de l'existence d'un risque spécifique, connu du vendeur, il aurait négocié une garantie spécifique (ou « indemnity »), à laquelle ces limites et conditions de mise en oeuvre ne se seraient pas appliquées. On se trouverait alors dans un régime mixte: après avoir obtenu la nullité de ces limitations et incombances sur la base de l'article 1116 du Code civil, le cessionnaire exercerait un recours contre le débiteur de la garantie sur la base de ces garanties ainsi épurées de leurs contraintes [163].
5.3.3.3. Conséquences du dol appréhendé comme fraude: non prise en compte de la faute de la victime. « Fraus omnia corrumpit » |
63.Caractère insatisfaisant des remèdes du dol - Vice de consentement, selon les circonstances. Le fait de mettre en oeuvre le régime des vices de consentement, dont fait partie le dol au sens de l'article 1116 du Code civil, est assez radical puisqu'il implique que l'on se situe en principe en dehors du cadre contractuel. La convention de cession pourra être annulée, le cas échéant partiellement, et/ou des dommages et intérêts pourront être alloués, sur la base de la responsabilité extracontractuelle. L'annulation de la convention dans son ensemble pourrait toutefois ne pas être le souhait des parties, tandis qu'une annulation partielle, limitée aux clauses organisant l'information du débiteur de la garantie, pourrait ne pas se justifier à défaut de divisibilité des différentes dispositions (voyez supra, note 163 ainsi que n° 41 et note 98).
Par ailleurs, comme indiqué ci-dessus, le cessionnaire risque d'avoir des difficultés à démontrer que les manoeuvres et l'élément caché ont influencé le principe de la vente ou même les conditions de celle-ci (et constituent donc bien un dol au sens de l'art. 1116 du Code civil) et dans quelle mesure. Il peut dès lors avoir intérêt à quand même retomber sur le mécanisme des garanties prévues par la convention.
64.L'adage « Fraus omnia corrumpit ». Le dol est une forme particulière de fraude, qui se manifeste au niveau de la formation des conventions, et dont l'effet est de vicier le consentement du cocontractant. La notion de « fraude » est cependant plus large. Elle implique également « la volonté malicieuse, la tromperie intentionnelle, la déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain », mais l'impact requis sur le consentement du débiteur n'est pas aussi précis que dans le cas du dol [164].
Les règles générales relatives à la fraude, basées sur l'adage « Fraus omnia corrumpit », permettent dès lors d'identifier une autre sanction, laquelle est indépendante des conditions de l'article 1116 du Code civil et qui pourrait s'avérer plus adéquate. Cet adage est érigé comme principe général de droit dans notre droit positif. Il se distingue en cela de la règle de droit « simple » qui régit exclusivement la situation spécifique qu'elle définit (art. 1116 C. civ. dans notre exemple) et il connaît un nombre indéfini et imprévu d'applications [165].
L'application de l'adage permettra d'éviter que l'auteur de la fraude, le débiteur de la garantie, puisse invoquer le non-respect par le cessionnaire des délais et formes conventionnels pour se soustraire à son obligation contractuelle d'exécuter la garantie. Point ne sera besoin de prononcer la nullité, totale ou partielle, de la convention de cession ou d'indemniser le cessionnaire sur une base autre que la convention. Il s'agit de paralyser les défenses que l'auteur de la fraude s'était préconstituées [166].
Le débiteur de la garantie est déchu du droit d'invoquer la déchéance du cessionnaire ou la réduction de ses droits. On retrouve ainsi un régime similaire à celui qui rend inapplicables les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité en cas de « dol » ou même de faute frauduleuse [167]: le contrat n'est pas annulé et la victime n'obtient pas de dommages et intérêts, mais l'auteur de la fraude est privé de la possibilité de faire obstacle à la demande dirigée contre lui en se retranchant derrière le mécanisme qui le protègerait des conséquences de sa fraude.
65.La non-prise en compte de la faute de la victime de la fraude. Il semble en outre actuellement admis, malgré les critiques de certains auteurs, que l'auteur d'une fraude ne peut invoquer la faute de la victime pour atténuer les conséquences de sa fraude, sauf si la faute de la victime est elle-même une faute intentionnelle. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, l'auteur d'une escroquerie ne peut en effet prétendre limiter son obligation de réparer le préjudice qu'il a occasionné en invoquant des imprudences de sa victime dans la mise en place de mesures préventives [168]. En application de ces principes, le défaut pour le bénéficiaire d'avoir respecté les incombances nous semble a fortiori [169] ne pas pouvoir être invoqué comme défense par le débiteur auteur de la fraude.
5.3.4. La responsabilité, contractuelle ou extracontractuelle |
66.Faute, aquilienne ou contractuelle. Le dol et la « fraude » sont difficiles à prouver, particulièrement en raison de la nécessité de démontrer l'élément psychologique [170]. En n'informant pas le cessionnaire d'une circonstance qu'il connaissait, le débiteur de la garantie a pu, selon les circonstances, commettre un dol au sens de l'article 1116 du Code civil, une « fraude », mais aussi tout simplement une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Par exemple, le vendeur pourrait ne pas avoir dévoilé une information sans intention de tromper mais en raison d'une simple négligence de sa part (notamment dans la communication de l'information ou dans l'organisation de ses services chargés de rassembler l'information) [171] ou d'une mauvaise appréciation de la situation. Nous partageons à cet égard l'avis de la doctrine et de la jurisprudence selon lesquelles le dol suppose une connaissance effective du fait non divulgué et ne peut être retenu au seul motif que la partie concernée « aurait dû connaître » le fait en question [172]. Par contre, le fait de ne pas être informé alors qu'on aurait dû l'être peut en tant que tel constituer une faute [173].
Encore faut-il, pour que ce défaut d'information constitue une faute, qu'un vendeur normalement prudent et raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, eût communiqué l'information en question [174]. L'on rappellera que, selon l'opinion majoritaire, qu'il n'existe pas, en droit belge, de devoir général d'un vendeur d'actions de communiquer des informations au sujet de la société [175]. Il peut aussi s'agir d'une faute contractuelle, par exemple parce que, en vertu d'un engagement précontractuel (telle une offre de principe acceptée) ou de la convention de cession elle-même, le cédant était tenu de communiquer l'information en question [176].
67.Conséquences de la faute. Si une faute est établie, les règles générales de la responsabilité pourront être appliquées. Concrètement, il faudra déterminer si, sans cette faute, la situation aurait été différente. Il s'agit d'une question de fait, dont la preuve incombera au bénéficiaire de la garantie. Selon les situations, la faute peut n'avoir eu aucune incidence sur la convention [177] ou avoir eu une incidence sans conséquence sur le non-respect des modalités de mise en oeuvre de la garantie [178]. Dans ce cas, la faute du vendeur ne sera pas de nature à relever le bénéficiaire de la déchéance ou à atténuer les conséquences du non-respect des modalités de mise en oeuvre de la garantie. Dans d'autres hypothèses, les dispositions ou même les conditions du contrat auraient été différentes et cette différence aurait une incidence concrète par rapport au non-respect constaté en l'espèce.
Il faut tenir compte non seulement de l'incidence éventuelle de la faute sur le mécanisme des garanties dans le cadre duquel la défaillance est intervenue [179] mais également sur d'autres conditions ou dispositions du contrat [180]. Selon les circonstances, la réparation de cette faute pourra s'opérer en nature, en relevant le bénéficiaire de la déchéance ou en ne limitant pas ses droits, ou par l'allocation de dommages et intérêts [181].
5.3.5. La garantie comme un instrument de gestion des risques |
68.Absence d'aléa. Un autre fondement est parfois donné à la possibilité pour le cessionnaire de solliciter une indemnisation en dehors des conditions contractuelles au cas où le débiteur de la garantie avait connaissance du risque ou du passif. On se base sur la nature de la garantie conçue comme un instrument de gestion des risques: si le risque est incertain, soit parce qu'il n'existe pas encore, soit parce qu'il est ignoré des parties, il peut être couvert par la garantie. Par contre, si au jour de la signature, le risque est certain et connu de l'une des parties, il perd son caractère aléatoire et la partie consciente de la situation réelle ne peut se prévaloir des dispositions mises en place dans un système de gestion des risques [182]. Ce fondement ne nous paraît pas totalement satisfaisant. Il semble en outre inutile. Tout d'abord, il n'est pas exact - comme déjà indiqué - que la seule connaissance par le vendeur du fait susceptible de déclencher un appel à la garantie supprime l'aléa. Le vendeur peut être conscient d'un risque non dévoilé à l'acquéreur tout en espérant que ce risque ne se réalisera pas [183]. L'aléa subsiste dès lors, même si c'est sous une forme qui peut être atténuée. Le fondement basé sur l'absence d'aléa nous paraît par ailleurs inutile puisqu'il suppose que le vendeur ait connu le risque (et ne l'ait pas dévoilé). Or, dans ce cas, nous avons vu que les règles relatives à la fraude ou, à tout le moins, les principes de la responsabilité civile accordent un remède adéquat.
6. | La charge de la preuve du (non-)respect des incombances et de ses conséquences |
6.1. | Introduction |
69.Distinction entre les éléments à prouver. En cas de contentieux relatif à une défaillance alléguée dans la mise en oeuvre des garanties, le juge saisi va, sur le plan des faits, d'abord devoir décider si cette défaillance est établie (le délai pour effectuer une notification a pris cours à une certaine date, une information requise n'a pas été donnée, a été donnée tardivement ou de manière incomplète, les formes prévues n'ont pas été respectées, etc.). Ensuite, une fois le principe de la défaillance acquis, le juge va devoir en déterminer les conséquences. Si, selon les règles que nous avons précisées (supra, nos 18 et s.), il constate que cette défaillance est sanctionnée par une déchéance de la garantie, son oeuvre va pouvoir s'arrêter là, sous réserve de la question des éventuelles échappatoires (supra, nos 45 et s.). Par contre, dans l'hypothèse où la sanction voulue par les parties est une réduction éventuelle des droits du bénéficiaire, selon l'impact de la défaillance, cet impact lui-même va devoir être déterminé. Il s'agit d'autant d'éléments dont les parties vont devoir apporter la preuve.
70.Rappel des règles générales relatives à la charge de la preuve. On sait qu'en matière de preuve, l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. L'article 1315, alinéa 2, dispose quant à lui que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. L'article 870 du Code judiciaire confirme [184], en des termes plus généraux, que chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue. Dans la pratique, ces principes sont toutefois grandement tempérés par la volonté des parties de rapporter la preuve de certains faits même lorsque la charge ne leur incombe pas, afin de mieux convaincre le tribunal. Par ailleurs, on admet généralement que les parties sont tenues de collaborer dans l'établissement des faits et que le juge peut lui-même jouer un certain rôle dans la recherche de ceux-ci. Malgré ces assouplissements pratiques, les règles légales sur le fardeau de la preuve continuent à jouer un rôle important dans l'issue du procès puisqu'elles désignent la partie qui supporte le « risque » de la preuve et donc qui n'obtiendra pas gain de cause si une incertitude subsiste quant au fait concerné [185]. L'on rappellera enfin que les règles relatives à la preuve ne sont pas d'ordre public ni impératives, de sorte que les parties peuvent les aménager conventionnellement. De tels aménagements se retrouvent régulièrement dans notre matière. Comme nous le verrons ci-dessous, la charge de la preuve peut être reportée sur une partie non seulement en vertu d'une clause expresse en ce sens mais également implicitement, en raison de la manière dont les parties ont formulé la garantie et les conditions ou modalités de sa mise en oeuvre [186].
6.2. | La charge de la preuve des faits entraînant la déchéance ou la réduction |
71.Preuve de l'obligation de garantie ou preuve de la déchéance de la garantie? L'application de l'article 1315 du Code civil pourrait, dans une première conception, conduire à ce que le débiteur de la garantie, qui se prétend libéré, doive apporter la preuve des faits fondant sa libération. C'est ainsi que l'on considère qu'il incombe à celui qui se prévaut de la forclusion liée à un délai préfix de prouver que ce délai a pris cours et est écoulé [187], [188]. La situation n'est toutefois pas aussi simple.
Sur la base de l'article 1315, alinéas 1er et 2, du Code civil, une distinction devrait en réalité être faite selon ce qui fait l'objet de la preuve. Une première situation est celle dans laquelle l'exécution d'un certain devoir est considérée comme une condition de la garantie. La garantie ne prend vie que si cette condition [189] est remplie. C'est au bénéficiaire qu'il appartient alors de prouver que cette condition est remplie et que son droit à garantie a dès lors pris naissance (application de l'al. 1er de l'art. 1315). A l'opposé, si l'on considère que la dette de garantie existe dans un premier temps, de par les seuls termes de la convention, mais qu'elle est susceptible de s'éteindre si certains devoirs ne sont pas réalisés, c'est alors au débiteur de la garantie - qui serait autrement tenu mais qui se prétend libéré - qu'il appartient de rapporter la preuve de ce que les faits entraînant la déchéance et l'ayant libéré se sont produits (application de l'al. 2 de l'art. 1315) [190]. Dans cette application de l'article 1315 du Code civil, la manière dont la clause est rédigée peut donc influencer la charge de la preuve (voyez supra, n° 28, ainsi que l'exemple cité par B. Bellen et N. Watzeels [191]). C'est en ce sens que s'est prononcé le tribunal de commerce de Bruxelles dans un jugement du 25 août 2005 [192]. Comme expliqué dans les paragraphes qui suivent, les débats relatifs à la charge de la preuve des déchéances et exclusions dans le domaine des assurances et la doctrine suisse amènent toutefois à se demander si une telle application ne pourrait pas être remise en cause.
72.Charge de la preuve des exclusions et déchéances dans le domaine de l'assurance. Un vif débat a animé, et anime toujours, les spécialistes de l'assurance dans une question analogue: appartient-il à l'assuré de prouver qu'il a exécuté les devoirs qui lui incombaient afin de bénéficier de la couverture d'assurance ou est-ce, au contraire, l'assureur qui doit établir qu'une cause de déchéance ou d'exclusion est intervenue et l'a libéré? Pendant longtemps, une distinction a été faite entre, d'une part, la situation dans laquelle l'assureur invoquait une cause d'exclusion de l'assurance, auquel cas - puisqu'il faisait valoir qu'il n'avait pas d'obligation en raison de la non-couverture du fait à l'origine du sinistre -, la charge de la preuve de la couverture incombait à l'assuré, et, d'autre part, celle dans laquelle l'assureur faisait état de la survenance d'une cause de déchéance ayant pour conséquence que l'assuré qui, autrement, aurait bénéficié de la couverture ne pouvait plus la revendiquer, auquel cas - l'assureur se prétendant libéré - la charge de la preuve incombait à l'assureur [193]. Selon une formule reprise par cette doctrine, dans le premier cas, il y a « absence de droit », tandis que dans le second, il y a « retrait de droit » [194]. Il s'agissait donc d'une application de l'article 1315 du Code civil semblable à celle que nous avons décrite au numéro précédent.
Deux éléments sont toutefois susceptibles de remettre en cause ces certitudes. D'une part, en ce qui concerne la qualification des clauses, la distinction faite contractuellement entre exclusion et déchéance a été remise en cause. Il semble en effet qu'une technique se soit développée consistant à utiliser, dans les contrats d'assurance, le système de l'exclusion plutôt que celui de la déchéance, notamment pour influencer la charge de la preuve [195]. Il a alors été soutenu, au motif que le juge n'est pas lié par la qualification donnée par les parties, qu'il appartenait aux tribunaux de rechercher si ce que l'assureur qualifie d'exclusion n'est pas en réalité un cas de déchéance, avec les conséquences qui en découlent quant à la charge de la preuve [196]. La jurisprudence a effectivement admis une requalification en déchéance de situations explicitement qualifiées d'exclusions [197]. D'autre part, la jurisprudence de la Cour de cassation semble avoir évolué sur la question. Par son arrêt du 7 juin 2001, la Cour de cassation a considéré qu'il y avait lieu pour l'assureur de rapporter la preuve de la réalisation tant des causes d'exclusion que des causes de déchéance [198]. La motivation de cette jurisprudence, depuis lors confirmée, reste discutée. M. Fontaine justifie la position de la Cour de cassation au motif que « L'assureur qui se prévaut d'une exclusion conteste une apparence de couverture, une 'situation acquise', résultant du fait que le sinistre répond de prime abord à la définition du risque. L'assureur assume une obligation de principe d'une certaine portée. L'exclusion qu'il invoque le dégagerait de cette obligation, bien que le sinistre se situe a priori dans le domaine couvert. » [199]. M. Kirkpatrick invoque quant à lui la théorie de « la dispense légale implicite », selon laquelle la formulation de la loi fait implicitement reposer la charge de la preuve sur une partie [200].
En appliquant ces raisonnements à notre matière, le bénéficiaire de la garantie pourrait soutenir, en présence d'un risque a priori couvert par la garantie [201], qu'en lui opposant qu'une « condition de la garantie » n'est pas remplie à défaut pour le bénéficiaire d'avoir accompli certaines démarches, le débiteur de la garantie conteste en réalité une « apparence de garantie » ou encore une « obligation de principe d'une certaine portée ». Ce serait alors au débiteur de la garantie qu'il incomberait d'établir la réalité des éléments de nature à renverser cette apparence [202].
73.Jurisprudence et doctrine suisses en matière d'incombance. La qualification d'incombance pourrait également avoir une incidence sur la charge de la preuve, comme le montre le commentaire d'un arrêt du Tribunal fédéral suisse du 12 juillet 2012. Dans le cadre d'un contrat d'entreprise, le maître de l'ouvrage s'était plaint du caractère défectueux des travaux exécutés. L'entrepreneur avait invoqué la tardiveté de la notification relative aux défauts invoqués. La question de la preuve de la date de connaissance des vices allégués s'était posée. Cette date devait déterminer si la notification était tardive ou non. Le Tribunal fédéral suisse décide que c'est au maître de l'ouvrage qu'il appartient de démontrer non seulement qu'il a effectué la notification, mais aussi qu'il l'a fait en temps utile. Il doit donc prouver également le moment où il a eu connaissance des défauts. Le commentateur de cet arrêt indique que « La justification de cette position repose sur l'idée que l'avis fait à temps est un fait générateur de droit (rechtsbregründend). A ce titre, le maître de l'ouvrage doit prouver non seulement l'existence d'un avis, mais également qu'il a été fait en temps utile. » Cet auteur poursuit cependant: « Si l'on admet que l'avis des défauts est une incombance (Obliegenheit), c'est-à-dire un devoir dont le non-respect entraîne un désavantage juridique, on doit admettre que la créance ou le droit formateur découlant de l'existence de défauts préexiste l'exercice de l'incombance. Il nous semble dès lors difficile de qualifier l'avis des défauts comme un fait générateur de droit; son absence ou sa tardiveté constitue plutôt un fait destructeur de droit (rechtsvernichtend). » [203]. Comme dans le cadre de la discussion relative aux déchéances et exclusions en matière d'assurances, le point est donc de savoir si un droit existe et disparaît ensuite à défaut pour son bénéficiaire d'avoir adopté un certain comportement ou, au contraire, si le droit en question ne naît que pour autant que le comportement en question ait été adopté. Dans le premier cas, c'est la partie qui invoque la disparition du droit (et donc sa libération) qui devra la prouver, tandis que dans le second cas, c'est celui qui invoque la naissance de ce droit qui devra prouver une telle naissance. Puisque le non-respect d'une incombance est sanctionné par la perte d'un droit, cela signifie, selon cet auteur, que ce droit existait et que l'on se trouve dans la première situation.
74.Conclusions sur la charge de la preuve du non-respect de l'incombance. Il est exact qu'a priori la manière dont les parties ont rédigé la convention, soit en faisant du respect de l'incombance une condition du droit à la garantie du bénéficiaire, soit en faisant du non-respect de l'incombance une cause de libération du débiteur, a une influence directe sur la charge de la preuve, conformément aux alinéas 1er et 2 de l'article 1315 du Code civil. Les parties sont d'ailleurs libres d'aménager la charge de la preuve, y compris de manière implicite. On peut toutefois se demander si, en dehors du cas d'une expression claire des parties à cet égard, une telle application de l'article 1315 du Code civil correspond bien à leur intention. Ne faut-il pas plutôt considérer que la volonté des parties est que, à partir du moment où le risque couvert par la garantie s'est réalisé, le débiteur de la garantie est, comme certains l'indiquent en matière d'assurance, tenu par une « apparence »? Il est en principe tenu et s'il entend se libérer, c'est à lui d'établir les causes de sa libération et donc le non-respect des modalités de mise en oeuvre de ce droit. Il y aurait, en reprenant la vision d'autres auteurs en matière d'assurance, « dispense conventionnelle implicite » de preuve au profit du bénéficiaire de la garantie [204]. Lorsque le fait de nature à libérer le débiteur de la garantie est un fait négatif (p. ex., le bénéficiaire n'a pas effectué certaines démarches), il y aura lieu de tenir compte de la souplesse admise dans ce contexte par la jurisprudence [205] ainsi que de l'obligation des parties de collaborer à la charge de la preuve [206]. Ces incertitudes montrent en tous cas ici aussi l'intérêt primordial d'une expression claire de la volonté des parties au travers de la rédaction des clauses du contrat.
6.3. | La charge de la preuve des conséquences du non-respect des incombances |
75.Charge de la preuve de l'impact du non-respect d'une incombance. Une fois rapportée la preuve du non-respect des devoirs mis par la convention à charge du bénéficiaire, il faut encore déterminer quelle partie devra prouver les conséquences qui en découlent éventuellement, si ce non-respect n'est pas sanctionné par une déchéance automatique et totale. Il s'agit d'établir à la fois le lien de causalité et l'ampleur de l'impact [207]. Dans les exemples légaux de réduction, mentionnés ci-dessus, c'est, en vertu de la loi spécifique, au débiteur de la garantie (le vendeur ou l'assureur) qu'il appartient d'apporter la preuve des conséquences de la non-mise à la cause du vendeur (art. 1640 C. civ.) ou de la déclaration tardive du sinistre (art. 21 de la loi du 25 juin 1992).
L'article 1315, alinéa 2, du Code civil nous paraît mener à la même conclusion en cas d'appel à la garantie: une fois que l'existence d'une cause de réduction est établie, c'est au débiteur de la garantie qu'il appartient d'établir dans quelle mesure il est libéré et donc dans quelle mesure sa prestation de garantie peut être réduite en raison de la non-mise en oeuvre des incombances du bénéficiaire. Cela étant, la formulation de la clause peut, ici également, avoir pour effet de renverser, explicitement ou implicitement, la charge de la preuve (voyez supra, n° 71).
76.Incidence de la fraude du bénéficiaire. Nous avons vu ci-dessus que si le bénéficiaire omet frauduleusement de respecter les charges conventionnelles, il lui incombe selon nous d'établir que son omission n'a pas aggravé la situation du débiteur (supra, n° 43).
77.La portée de la preuve requise. En principe et sous réserve de la fraude du bénéficiaire (supra, n° 43), les conséquences du non-respect des charges s'imposant au bénéficiaire devront être prouvées avec certitude. A défaut, le débiteur de la garantie ne pourrait faire valoir que la perte d'une chance (supra, n° 42). Toutefois, le tribunal pourrait, selon les circonstances, en donnant effet à l'intention des parties, être plus sévère à l'encontre du bénéficiaire négligent et lui appliquer la sanction de la déchéance ou de la réduction dans des circonstances où il n'est pas ou plus possible d'établir l'impact concret de sa négligence. Nous avons déjà relevé le régime fort comparable de l'article 21 de la loi du 25 juin 1992 selon lequel l'assureur peut, en cas de retard dans la déclaration du sinistre, réduire l'indemnité à concurrence du préjudice qu'il subit et dont il rapporte la preuve. Dans une affaire où l'assuré avait attendu près de deux ans après l'intentement d'une action contre lui, se soldant par sa condamnation, avant d'informer son assureur, la cour d'appel de Liège a allégé au profit de ce dernier la charge de la preuve du préjudice. Elle décide « on ne peut exiger de l'assureur qui n'a pas été prévenu en temps utile qu'il démontre avec une certitude absolue qu'il aurait obtenu un résultat différent s'il avait pu intervenir dès le début de la procédure » [208]. H. De Rode s'interroge, à juste titre selon nous, sur la différence qui existe alors entre le système légal de réduction proportionnelle de l'indemnité et une déchéance totale de la garantie [209].
7. | En guise de conclusions |
78.Importance d'une rédaction soignée des conventions. Quel homme d'affaires ne s'est pas un jour montré abasourdi par la manière dont ses conseillers négociaient les textes des conventions dans les moindres détails, alors qu'il avait depuis longtemps trouvé un accord avec son partenaire [210]? Le cas de la procédure d'appel aux garanties montre pourtant que lorsque ces garanties doivent être mises en oeuvre, les nuances du texte peuvent se révéler déterminantes. Pour le dire dans la langue la plus souvent utilisée en cette matière: « The devil is (sometimes) in the detail. »
79.Confirmation d'une nouvelle catégorie juridique. Sans en être conscientes, les parties aux conventions de cession d'actions mettent en oeuvre une nouvelle catégorie juridique. A défaut notamment de pouvoir faire l'objet d'une exécution forcée et de causer en tant que tels un préjudice à une autre personne en cas de non-respect, les devoirs mis à charge du bénéficiaire de la garantie comme préalable de la mise en oeuvre de celle-ci ne constituent pas des obligations au sens strict, mais des incombances conventionnelles. Ils rejoignent ainsi d'autres incombances déjà identifiées par la doctrine, ayant principalement une origine légale. Il résulte notamment de cette qualification que les règles de la responsabilité contractuelle ne sont pas applicables pour déterminer les conséquences qui découlent du non-respect de ces devoirs.
80.Opportunité de clarification expresse de la sanction. Rigueur du choix des parties. Lorsque les parties prévoient de tels devoirs préalables, les rédacteurs des conventions de cession d'actions seront bien inspirés d'indiquer de manière expresse quelles conséquences ils entendent attacher à leur non-respect. Si, de manière expresse ou implicite, les parties sanctionnent par la déchéance le non-respect des règles contractuelles de mise en oeuvre de la garantie, leur volonté doit être respectée par le juge, comme le confirme l'arrêt de la Cour de cassation française du 15 mars 2011. Les règles relatives à la bonne foi et à l'interdiction de l'abus de droit ne seront en principe d'aucun secours au cessionnaire négligent. Les praticiens retiendront aussi de la jurisprudence que le libellé des clauses peut amener les tribunaux à déceler une volonté implicite des parties d'attacher telle ou telle sanction au non-respect des délais et formalités convenus.
81.Incertitudes en l'absence de choix. Si les parties, par oubli ou par stratégie délibérée, n'expriment pas leur volonté, elles s'exposent à une grande insécurité juridique, comme la situation en France en témoigne. A priori, à ce jeu, c'est le bénéficiaire de la garantie qui se trouve le plus exposé, vu la tendance française qui s'exprime en faveur de la sanction de la déchéance automatique.
Avec d'autres, et comme les juges du fond dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation française du 14 mai 2013, nous penchons toutefois, vers un examen concret des circonstances et en particulier des conséquences que le retard, la déficience ou l'absence de communication ont effectivement eues sur les causes de l'appel à la garantie. La sanction devrait alors être à la mesure de l'impact éventuel du non-respect de l'incombance et prendre la forme d'une réduction à due concurrence des droits du bénéficiaire de la garantie. La qualification d'incombance n'implique en effet pas, selon nous, automatiquement la déchéance du bénéficiaire. Cette approche plus souple nous paraît conforme aux règles d'interprétation des conventions. A cet égard, il sera souvent vain de rechercher une intention « commune » des parties mais il y aura lieu d'appliquer les règles de bonne foi, d'interprétation stricte de la sanction souhaitée par les parties et d'interprétation en faveur du bénéficiaire de la garantie, étant ici « celui qui a contracté l'obligation » au sens de l'article 1162 du Code civil. De cette manière, on pourra préserver l'édifice des garanties conventionnelles souvent méticuleusement négocié par les parties, tout en réalisant l'objectif que les clauses d'information préalable poursuivent.
82.Terrain propice à la fraude. En raison sans doute des enjeux concernés, les cessions d'actions semblent, proportionnellement par rapport à d'autres types de contrats, un domaine privilégié de comportements frauduleux, que ce soit lors de la conclusion des conventions ou de l'exécution de celles-ci. L'adage « Fraus omnia corrumpit » permet de neutraliser les attitudes déloyales, soit en privant le cédant indélicat de la possibilité d'opposer un non-respect des incombances pour faire obstacle à l'exécution de la garantie consentie, soit en contraignant le cessionnaire, si c'est lui qui se rend coupable de fraude, à prouver que son comportement n'a pas eu d'effet sur l'obligation d'indemnisation du débiteur de la garantie.
83.Opportunité des conventions relatives à la charge de la preuve. Il ne suffit pas d'avoir raison, encore faut-il pouvoir le démontrer. La question de la charge de la preuve est complexe dans un domaine où les « obligations au sens large » des parties s'entremêlent. La charge de la preuve, à la fois du respect, ou non, des devoirs du bénéficiaire et, le cas échéant, des conséquences de ce non-respect, est un autre domaine dans lequel il est dès lors opportun que les parties prennent position de manière explicite. Ici également, on sera attentif aux pièges que la rédaction orientée de ces clauses peut faire courir à la partie distraite.
[1] | Avocat à Bruxelles et Solicitor England & Wales, Strelia. |
[2] | Cet arrêt a également été publié à la revue française Dr. Sociétés, 2011, comm. 126 et note M.-L. Coquelet, « Garantie de passif, déchéance pour défaut d'information et office du juge ». |
[3] | On rapprochera cette décision d'un autre arrêt de la Cour de cassation française, du 22 avril 2011. Les vendeurs garantissaient un certain actif net de la société vendue au 31 décembre 1992 mais la convention prévoyait que le bilan à cette date devait être établi dans les 60 jours de la date de cession des titres et être vérifié ensuite par le cessionnaire dans les 15 jours. La cour d'appel de Lyon avait rejeté l'appel à la garantie en considérant qu'à défaut pour le cessionnaire de justifier d'avoir procédé à un contrôle de l'exactitude de comptes et de produire un arrêté contradictoire des comptes, il ne pouvait se prévaloir de la clause de garantie d'actif net. La Cour rejette le pourvoi contre cette décision (Cass. fr. com., 22 avril 2011, 09-16.008). |
[4] | Cass. fr. com., 14 mai 2013, 12.19.766, inédit. |
[5] | Pour des confirmations récentes en doctrine de cette position traditionnelle et sur la discussion à cet égard, voy. notamment notre étude, « Les changements significatifs défavorables ('Material Adverse Change') dans les contrats de cession d'actions ou d'actifs en droit belge », R.D.C., 2011, p. 5, spéc. n° 15, p. 12; Y. Verleisdonk, E. Janssens et M. Wilkenhuysen, Due Diligence, Bruxelles, Larcier, 2011, pp. 16-17; S. Ververken, « De begunstigde van contractuele garantieclausules bij de overdracht van aandelen », D.A. O.R., 2010/96, pp. 365 et s.; B. Bellen, « Niet-concurrentiebedigen in overnameovereenkomsten », T.R.V., 2011, pp. 319-320; F. Hellemans et B. Heynickx, « Wilsgebreken in het vennootschapsrecht », in Wilsgebreken, Brugge, die Keure, 2006, p. 219; B. Bellens et N. Watzeels, « Bijzondere aandachtspunten bij de redactie van verklaringen en garanties in acquisitieovereenkomsten. Aansprakelijkheid voor bodemverontreiniging. Bewijslastverdeling », T.R.V., 2011, pp. 596-597; J. Vananroye et M. Wauters, « Contracten met of met betrekking tot vennootschappen: enkelen aandachtspunten », in Vennootschapsrecht. Acadamiejaar 2012-2013, deel 74, Brugge, die Keure, pp. 121-122; K. Byttebier, Handboek fusies en overnames, Antwerpen-Cambridge, Intersentia, 2012, nos 502 et suiv., pp. 359-361; D. Van Gerven, « Kroniek Vennootschapsrecht (2011-2012) », T.R.V., 2012, p. 584, n° 53; N. Hallemmersch, « De niet-concurrentieverbintenis bij de overdracht van een handelsactivitieit », D.A. O.R., 2013, pp. 25-26 (qui expose la controverse mais ne prend pas position). Les partisans de la thèse opposée n'ont cependant pas renoncé: F. Mourlon Beernaert, « L'interprétation de la vente », in Manuel de la vente, Kluwer, 2010, p. 114, n° 207, qui se rallie à la thèse de X. Dieux, « Les garanties en matière de cessions d'actions. Pour un retour au droit commun », in Liber Amicorum, Commission Droit et Vie des Affaires, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 487. Dans ce sens également : C. Alter et R. Thüngen, « Les effets de la vente. Section 2. Les obligations du vendeur », in Manuel de la vente, Kluwer, 2010, pp. 201-202, n° 399. |
[6] | Dans le cadre d'une application plus large des garanties légales en matière de vente d'actions la question se poserait, dans certains cas, du régime spécial appliqué par la jurisprudence aux « vendeurs professionnels », lesquels sont présumés avoir connaissance des vices cachés affectant la chose vendue. En outre, dans ce cas, il ne sera pas facile de déterminer ce qui constituerait un « vice » au sein d'une société. La détermination d'un vice n'est déjà pas chose aisée pour un objet corporel d'occasion. Que dire d'une société, qui connaît une « vie » propre composée de succès et de pertes ou périls? |
[7] | Voy. à ce sujet l'ouvrage de D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions. Analyse juridique et conseils pratiques de rédaction, Bruxelles, Larcier, 2009; A. Coibion, « Quelques réflexions sur les garanties conventionnelles en matière de cession d'actions et sur l'influence de la pratique anglaise », R.D.C., 2003, pp. 864 et s.; P.-O. Mahieu, « La réparation du dommage dans les appels à la garantie liés aux cessions d'entreprises », in Liber Amicorum Michel Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 265; P. Leys, « Verklaringen en waarborgen in een Belgische overeenkomst tot overdracht van aandelen », in Liber Alumnorum Kulak. Actualia Vermogensrecht, die Keure, 2005, pp. 447 et s.; D. Philippe, « Warranties & representations - material adverse change - Faux amis et innovation », in La rédaction des contrats internationaux, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 233; S. Ververken, « De begunstigde … », o.c., D.A. O.R., 2010/96, pp. 367-368; R. Tas et M. Wauters, « De overdracht van aandelen: een contract over aandelen met garanties inzake de vennootschap », in Vennootschaps- en Financieel Recht, Themis, Academie jaar 2001-2002, pp. 27 et s. Pour un aperçu de la pratique, B. Bellen et F. Wijckmans, « De nieuwe Belgische M&A-index », T.R.V., 2013, p. 211, spécialement pp. 218 et s. En France, P. Mousseron, Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux, Levallois-Perret, Nouvelles Editions Fiduciaires, 1997; Garanties de passif. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, Levallois, Ed. Francis Lefebvre, 2006; Ch. Hausmann et Ph. Torre, Les garanties de passif, Paris, Ed. EFE, 2003. En droit anglais, A. Stilton, Sale of Shares and Businesses. Law, Practice and Agreements, London, Sweet & Maxwell, 2011. |
[8] | Les termes « déclarations et garanties » sont une traduction littérale des termes anglais « representations and warranties ». Ceux-ci ont pourtant, en droit anglais et américain, une signification bien particulière et la High Court anglaise vient de rappeler aux praticiens que « warranty » ne se confond pas avec « representation » (High Court of Justice - Chancery Division, 30 novembre 2012, Sycamore Bidco v Breslin [2012] E WHC 3443). Voy. également D. Philippe, « Warranties & representations - Material adverse change - Faux amis et innovation », o.c., p. 244. Nous leur préfèrerons le terme de « garanties (conventionnelles) ». |
[9] | Outre les références citées à la note qui précède, voy. H.-L. Delsol, « Rédiger et négocier les conditions de mise en oeuvre d'une garantie d'actif et de passif », Dr. Sociétés, 2011, prat. 2. |
[10] | Par exemple, la société cédée elle-même peut être bénéficiaire des garanties, en vertu d'une stipulation pour autrui, de même qu'une société du groupe du cédant peut intervenir comme débiteur des garanties données. Spécifiquement sur l'implication de tiers dans la mise en oeuvre des garanties, voy. S. Ververken, « De begunstigde … », o.c., D.A. O.R., 2010/96, pp. 365 et s. En France, une jurisprudence récente fait la distinction entre « garantie de valeur » (ou garantie d'actif) au profit du cessionnaire et « garantie de passif » au profit de la société cédée elle-même, cette qualification ayant une incidence quant à la cessibilité de la garantie en question (Cass. fr. com., 9 octobre 2012, n° 11-21528; Cass. fr. com., 14 mai 2013, n° 12-15.119). |
[11] | Voy. art. 1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. |
[12] | Sur l'analogie avec l'assurance et la maîtrise des risques découlant de la cession d'une entreprise, voy. également D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 192 et s. et note 647. |
[13] | Nous reviendrons ci-dessous sur la nature juridique exacte de cette « obligation ». |
[14] | Pour des exemples de clauses, voy. D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 457 et s. En pratique, de telles clauses ne se rencontrent que lorsque la cession des actions entraîne une cession du contrôle de la société puisque c'est uniquement dans ce cas que les parties disposent d'une influence suffisante sur la société pour rendre efficace l'intervention du cédant au sein de celle-ci. Dans certaines situations, la question pourra se poser de savoir si ces clauses, qui ont une incidence sur le comportement de la société elle-même, qui est un tiers au contrat, peuvent lui être imposées et sont conformes à son intérêt social (Ch. Hausmann et Ph. Torre, o.c., p. 124, n° 166). |
[15] | Sur le caractère impropre du terme « indemnisation » dans le contexte des garanties conventionnelles, voy. D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 200 et s.; Liège 17 janvier 2012, J.L.M.B., 2013/29, p. 1488. |
[16] | M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, Paris, Economica, 2009, p. 361, note 2; A. Couret et D. Ledouble, La maîtrise des risques dans les cessions d'actions, Paris, GLN Joly, 1994, p. 59, n° 122. |
[17] | Cass. fr. com., 23 novembre 1999, Dr. Sociétés, 1999, n° 165-1; Cass. fr. com., 21 juin 1994, Bull. Joly, 1994, p. 1218, n° 328, note A. Couret; Cass. fr. com., 28 novembre 1995, Bull. Joly, 1995, p. 202 et note A. Couret. Voy. Garanties de passif. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, o.c., pp. 127-128, n° 2740 et les références. |
[18] | De manière générale, quant au devoir d'information dans le cadre de l'exécution du contrat: F. Glansdorff, « Introduction générale », in Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil, CUP, Larcier, 2006, p. 21; A. De Boeck, Informatierechten en -plichten bij de totstandkoming en uitvoering van overeenkomsten, Anvers, Intersentia, 2000, p. 526, nos 1226 et s. Spécifiquement en matière d'appel aux garanties contractuelles: A. Viandier et J.-J. Caussain, « Chronique Droit des Sociétés », Sem. jur., Doctrine, 1993, 3715, p. 457. |
[19] | Sur cette obligation, les différents fondements qui lui sont attribués, ses contours et les controverses dont son principe même fait l'objet, voy. J.-L. Fagnart, La causalité, Waterloo, Kluwer, 2010, p. 300; S. Stijns, Verbintenissenrecht, Brugge, die Keure, 2013, n° 143, p. 112; J. van Zuylen, « Fautes, bonne foi et abus de droit: convergences et divergences », Ann. Dr., 2011, pp. 278-279; K. Vanderschot, « Rechtsverwerking en rechtsmisbruik: een stand van zaken, in het bijzonder met betrekking tot de opeising van verwijlintresten », R.G.D.C., 2003, p. 448; Bruxelles, 20 décembre 2011, R.G.A.R., 2012, p. 14877. Dans le domaine de l'assurance, H. De Rode, Le contrat d'assurance en général, Rép. not., Larcier, 2013, nos 74 et 75, p. 80. En France, P. Jourdain, « Vers une sanction de l'obligation de minimiser son dommage? », R.T.D. civ., 2012, p. 324. A notre sens, l'obligation de limiter le montant des indemnités à payer par le débiteur de la garantie s'impose même si l'on considère que les garanties conventionnelles ne sont pas une application du régime de la responsabilité contractuelle. Comp. D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 214-215, n° 165 et p. 453, n° 342. Les parties insèrent souvent une clause prévoyant expressément une obligation du cessionnaire de limiter le « dommage » en cas de survenance d'un fait susceptible de déclencher la mise en oeuvre des garanties. |
[20] | En ce sens, Ch. Hausmann et Ph. Torre, o.c., p. 123, n° 165; P. Mousseron, o.c., pp. 291-292, n° 548. |
[21] | Pour un cas où - sans que l'on sache si la convention comportait ou non une obligation expresse d'information -, il a été jugé que le débiteur de la garantie ne pouvait se plaindre de ce que les montants réclamés par le bénéficiaire résultaient d'une négociation avec l'administration fiscale, voy. Bruxelles, 8 septembre 2011, Rev. prat. soc., 2011, p. 563 et note D. Leclercq, « La mise en cause de la responsabilité des vendeurs des actions d'une société en leur qualité d'anciens administrateurs ». La cour relève la passivité du débiteur face aux demandes d'aide du bénéficiaire et le fait que rien ne permet d'établir, au vu du dossier, que la poursuite de la procédure aurait mené à un résultat plus favorable pour la société que la transaction fiscale. |
[22] | Par exemple, si le cédant avait garanti l'absence de litige, la simple découverte d'un litige constitue un motif d'appel à la garantie (si l'existence de ce litige crée en soi un dommage, p. ex. des frais) même si aucune condamnation n'en résulte encore pour la société. |
[23] | Dans certains cas, la convention prévoit en outre une obligation pour le bénéficiaire qui a fait appel à la garantie d'introduire, en cas de contestation, une procédure en justice dans un certain délai après l'appel à la garantie. Le but est de ne pas laisser indéfiniment en suspens des appels en garantie qui ont été formulés (A. Stilton, Sale of Shares …, o.c., p. 205). Pour des exemples de clauses, voy. D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 231-232, nos 177-178 et pp. 457 et s., nos 346-347. |
[24] | H. De Page, Traité de droit civil belge, t. VII, n° 1135, A; C. Eyben et J. Acolty, « La prescription extinctive en droit civil et commercial », in La prescription, Limal, Anthémis, 2011, pp. 17-18, n° 9. |
[25] | Laminates Acquisition Co / BTR Australia Ltd. [2003] EWHC 2540 (Comm), du 31 octobre 2003, disponible sur www.judgmental.org.uk/judgments/EWHC-Comm/2003 [2003]-EWHC_2540_(Comm).html. |
[26] | Voy. P.-A. Foriers et V. Marquette, « L'interprétation et la portée de certaines clauses usuelles dans le cadre des cessions d'actions », in Droit des sociétés, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 121 et s.; D. Philippe, « Warranties & Representations - Material adverse change. Faux amis et innovation », o.c., p. 233. Nous considérons que dans la recherche de l'intention des parties, le juge belge peut être amené à tenir compte des pratiques internationales en la matière eu égard au contexte dans lequel de tels textes ont été établis (voy. notre article, « Les changements significatifs défavorables … », o.c., R.D.C., 2011, p. 15, n° 24). |
[27] | Dijon, 18 avril 2003, Dr. Sociétés, 2003, comm. 146 et note H. Hovasse. |
[28] | Un autre devoir préalable consiste par exemple à confier au cédant la gestion d'un procès avec un tiers. |
[29] | Court of Appeal, 31 juillet 2012, Ener-G Holdings Plc / Hormell, [2012] EWCA Civ 1059. |
[30] | Chancery Court Delaware, Memorandum Opinion 31 août 2012, C.A. No. 4323-UCP (Impact Investments Colorado LLC and Baker Investment Trust / Impact Holding, Inc.). |
[31] | Comm. Bruxelles, 25 août 2005, T.R.V., 2011, p. 593 et note B. Bellen et N. Watzeels. |
[32] | Dans ce sens, récemment en droit américain, la décision de la Delaware Chancery Court du 12 décembre 2012 (Winshale / Viacom International, Inc. et al. - Del. Ch. Dec. 12, 2012). La Chancery Court précise en outre: « It is irrelevant that [the purchaser] notified [the seller] of the alleged breach of the representations and warranties before this time, as [the seller] argues, because the Merger Agreement refers to notification of claims. » |
[33] | P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. I, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 24, n° 7; W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, Leuven, Acco, 2006, pp. 33-34. |
[34] | A l'instar de la tendance qui semble se dégager dans la doctrine francophone, nous utilisons ce néologisme, provenant du droit suisse. En néerlandais, certains ont parlé de « last ». Le terme allemand découlant du droit suisse « Obliegenheit » est également utilisé. |
[35] | Vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant. |
[36] | M. Fontaine, « Obliegenheit, incombance? », in Liber Amicorum Hubert Claassens, Anvers-Louvain- La Neuve, Maklu-Academia Bruylant, 1998, p. 154; M. Fontaine, « Le droit des contrats à l'écoute du droit comparé », in Liber Amicorum Michel Coipel, Waterloo, Kluwer, 2004, pp. 305-307; voy. également M. Storme, « Quelques aspects de la causalité en droit des obligations et des assurances », Bull. ass., 1990, p. 444; K. Willems, De natuurlijke verbintenis, Brugge, die Keure, 2011, pp. 17-20; J. van Zuylen, « Fautes, bonne foi et abus de droit: convergences et divergences », Ann. Dr., 2011, pp. 335-336; P. Wéry, « L'article 1370 du Code civil et la nomenclature des sources des obligations », in Les sources d'obligations extracontractuelles, die Keure-la Charte, 2007, pp. 9-10; P. Bazier, « Abus de droit, rechtsverwerking et sanctions de l'abus de droit », R.G.D.C., 2012, pp. 396-397; P. Wéry, « Les sanctions de l'abus de droit dans la mise en oeuvre des clauses relatives à l'inexécution d'une obligation contractuelle », in Mélanges Ph. Gérard, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 132 et s. Pour une critique de ce concept: M.A. Lefebvre-Masschelein, Het verval van een recht in het materieel privaatrecht. La déchéance, Antwerpen-Cambridge, Intersentia, 2010, pp. 27 et s. En France, ce concept a été étudié en détail par F. Luxembourg, La déchéance des droits. Contribution à l'étude des sanctions civiles, Paris, Editions Paris Assas, 2007. |
[37] | P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., t. I, pp. 28-29, n° 8; P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, 2e éd., Larcier, 2011, pp. 19-20, n° 7. |
[38] | M. Houbben, « La déclaration de sinistre au sens de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre: nature juridique et sanctions » (note sous Mons, 17 janvier 2007), R.G.D.C., 2010, pp. 184 et s.; M. Houbben, « L'exigence d'action à 'bref délai' en matière de garantie des vices cachés: comparaison entre vente, bail et entreprise », R.G.D.C., 2011, pp. 283 et s.; P. Bazier, « Abus de droit, rechtsverwerking et sanctions de l'abus de droit », R.G.D.C., 2012, p. 393, spéc. 396. En France, H. Ramparany-Ravololomiarana, Le raisonnable en droit des contrats, Poitiers, L.G.D.J., 2009, nos 67 et s., pp. 83 et s.; H. Boucard, « L'agréation de la livraison dans la vente: dits et non-dits de la Cour de cassation », Sem. jur., 2010, p. 842; M. Séjean, La bilatéralisation du cautionnement? Le caractère unilatéral du cautionnement à l'épreuve des nouvelles contraintes du créancier, Paris, L.G.D.J., 2011; M. Faure-Abbad, « La clause de conciliation préalable prévue entre l'agent commercial et son mandant n'affecte pas la perte du droit à réparation consécutive au défaut de notification dans le délai d'un an », Sem. jur., 2006, p. 1207. En Suisse, le devoir du client de la banque de prendre connaissance de la communication bancaire et de réclamer dans le délai conventionnel est qualifié d'incombance: L. Bruchez, « La clause de banque restante dans la gestion de fortune », Bulletin CEDIDAC, n° 44, février 2006, p. 2. |
[39] | F. Luxembourg, o.c., p. 341, n° 895. |
[40] | F. Luxembourg, o.c., pp. 94 à 100, nos 191 et s. En matière contractuelle, la liberté des parties à cet égard peut être limitée, comme c'est le cas par exemple de l'art. 21 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, examiné ci-dessous, ou encore de l'art. 11 de cette même loi. |
[41] | M.A. Lefebvre-Masschelein, o.c., pp. 27-29. |
[42] | Sur la charge de la preuve, voy. infra, nos 69 et s. |
[43] | On comparera avec le régime de la perte des droits du créancier à l'égard de la caution dans certaines situations: « Apparaît progressivement l'incongruité d'une responsabilité civile qui ne s'invoquerait que par voie d'exception: si la caution a véritablement subi un préjudice, pourquoi devrait-elle attendre les poursuites de l'auteur du préjudice afin de demander réparation? », M. Séjean, La bilatéralisation du cautionnement, o.c., p. 312, n° 350. Cet auteur qualifie la compensation avancée comme explication de certaines hypothèses de réduction de « déchéance déguisée » (pp. 351 et s., nos 391 et s.). |
[44] | Tout comme d'ailleurs le régime de la déchéance, ce qui n'est pas une raison de ne pas la reconnaître. |
[45] | V. Pirson, « Les sanctions de la garantie des vices cachés en matière de vente », R.G.D.C., 2001, pp. 422-423; J. Dewez, « Le régime des vices cachés dans les contrats de vente, de bail et d'entreprise », R.G.D.C., 2008, pp. 50-51; J. Dewez, « Les droits de l'acheteur confronté à un défaut de la chose vendue », in Chronique de jurisprudence en matière de contrats spéciaux, Anthémis, 2011, p. 77; H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, Les principaux contrats, 4e éd., par A. Meinertzhagen-Limpens, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp. 289-290. Sur la discussion relative à la nature du « bref délai » et de sa sanction, voy. C. Delforge, Y. Ninane et M.-P. Noël, « De quelques délais emblématiques du contrat de vente », in Contrats spéciaux. Recyclage en droit, Limal, Anthémis, 2013, 2, pp. 102 et s., nos 28 et s.; C. Alter et R. Thüngen, « Les effets de la vente. Section 2. Les obligations du vendeur », o.c., pp. 226-227, n° 455. |
[46] | Sur ces deux cas, voy. M. Houbben, « L'exigence d'action à 'bref délai'… », o.c., R.G.D.C., 2011, p. 283 et « La déclaration du sinistre… », o.c., R.G.D.C., 2010, p. 184. On peut ajouter à ces exemples le devoir imposé à l'assureur par l'art. 88, al. 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre de notifier à l'assuré son intention d'exercer l'action récursoire « aussitôt » qu'il a connaissance des faits justifiant sa décision. L'assureur n'est pas tenu d'effectuer une telle notification mais à défaut de celle-ci, ou si elle est tardive, il est privé de son droit de recours. |
[47] | H. De Rode, « Le contrat d'assurance en général », o.c., n° 80, p. 81. |
[48] | En faveur de la qualification d'incombance, E. Lamazerolles, o.c., Dall., 2010, p. 287. |
[49] | Sur cette question, voy. P.-A. Foriers et V. Marquette, « L'interprétation et la portée de certaines clauses usuelles dans le cadre des cessions d'actions », o.c., pp. 121 et s. |
[50] | Selon D. Leclercq, la mention que le délai est prévu à peine de forclusion ne se rencontrerait que très rarement dans la pratique (o.c., Les conventions de cession d'actions, p. 462). |
[51] | Par exemple dans un litige pendant devant la Delaware Chancery Court, le contrat prévoyait « Any notice given pursuant to this [Section] shall be in writing and shall describe the applicable Adverse Consequence, the amount thereof, if known, and the method of computation of such Adverse Consequence, all with reasonable particularity and containing a reference to the provision of this Agreement … provided, however, that the omission by the Indemnified Party to give notice as provided herein shall not relieve the Indemnifying Party of its indemnification obligations under this [Section], except to the extent that such Indemnifying Party is materially prejudiced as a result of such failure to give notice. » Comme on pouvait le craindre en présence d'une telle formulation, les parties étaient en conflit non seulement sur la question de savoir si la condition de « reasonable particularity » avait été respectée, mais aussi sur celle de l'existence du « material prejudice » dans la négative. La Chancery Court a estimé que ces questions ne pouvaient pas faire l'objet d'un « summary judgment » (décision citée supra, note 30). |
[52] | Une telle mention expresse ne suppose pas nécessairement que le terme « déchéance » soit utilisé par les parties. Un exemple de clause exprimant différemment la volonté expresse des parties est: « Sous peine de ne pas pouvoir mettre en oeuvre les garanties du vendeur, l'acheteur devra… ». |
[53] | Avant que le législateur ne prévoie que les clauses pénales excessives seraient réduites par les tribunaux (art. 1231 C. civ.). |
[54] | A propos des clauses pénales, P. Wéry, Droit des obligations, vol. I, o.c., pp. 612 et s. Mme Moreau-Margrève, qui classe parmi les peines privées les déchéances du terme et les déchéances de la garantie notamment dans les contrats d'assurance, avait d'emblée, mais en vain jusqu'à présent, critiqué cette conception étroite de la liberté contractuelle: I. Moreau-Margrève, « Une institution en crise: la clause pénale », R.C.J.B., 1972, p. 459, spécialement pp. 496 et s. |
[55] | Voy. M.A. Lefebvre-Masschelein, o.c., pp. 147 et s., qui distingue entre les clauses de déchéance qui ont une fonction punitive (interdites) et celles qui ont une fonction protectrice (permises). Nous nous trouvons en l'espèce au sein de la première catégorie. Sur ces différences entre déchéance et peine privée, voy. également A. Jault, La notion de peine privée, Paris, L.G.D.J., 2005, pp. 96 et s. |
[56] | Par exemple, la clause qui prévoirait qu'en raison du défaut de notification d'une situation particulière, le bénéficiaire de la garantie perd tous ses droits à la garantie même pour d'autres situations pourrait être sujette à discussion car son objectif ne serait pas de protéger le débiteur mais de pénaliser le bénéficiaire. |
[57] | Que penser par exemple de l'hypothèse où la convention prévoit, comme c'est fréquent, que la notification doit être faite aux parties avec copie à leurs avocats et où une copie n'a pas été envoyée aux avocats mais a bien été reçue par la partie destinataire dans le délai convenu? Dans les domaines où une notification légale est prévue, la jurisprudence fait preuve d'une grande sévérité quant au respect des conditions formelles de la notification. Il semble qu'il importe peu que le but recherché (l'information p. ex.) ait été atteint si la forme prévue n'a pas été respectée. C'est le cas par exemple dans le domaine de la notification de l'action récursoire de l'assureur (B. Ceulemans et J. Tinant, « L'action récursoire: petit tour d'horizon », in Les recours de l'assureur, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2009, pp. 41-42; L. Donnet, « L'action récursoire dans (presque) tous ses états, R.G.A.R., 2012, n° 14.829), ou en matière de bail commercial (P.-F. Van Den Driesche, « Le formalisme du renouvellement. Jurisprudence récente de la Cour de cassation », in Actualités en bail commercial, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 67 et s.). Dans ces matières, on considère par exemple qu'une notification faite à l'avocat du destinataire n'est pas valable si cet avocat n'avait pas reçu mandat spécial de réceptionner cette notification (voy. les références citées ci-dessus), et ce sans se préoccuper de savoir si et quand l'avocat a transmis cette notification à son client. Il nous paraît qu'en matière contractuelle, on pourrait faire preuve de plus de souplesse s'il est établi que la notification a atteint son destinataire dans le délai contractuel (en ce sens, Paris, 21 février 2012, n° 11/05700). Sur le fait, en droit anglais, que la clause qui prévoit que la notification doit être « delivered personally » n'implique pas qu'elle soit remise à une personne occupant une « senior position in the company », mais peut être laissée au réceptionniste, voy. la décision de la Court of Appeal in Bottin (international) Investments Ltd / Venson Group PLC and others [2004] EWCA Civ 1368, citée par M. Anderson et V. Warner, A-Z Guide to Boilerplate and Commercial Clauses, Tottel, Haywards Heath, 2006, pp. 369-371. |
[58] | Voy. aussi B. Dubuisson, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en droit belge », in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, la Charte, 2001, p. 45. |
[59] | E. Montero, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité », in Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles. Etudes de droit comparé, Bruxelles-Paris, Bruylant-L.G.D.J., 2001, p. 401, n° 13. |
[60] | Cass., 4 mars 1985, Pas., 1985, I, p. 813. Comparez en droit judiciaire, la position - discutée - de M. Englebert au sujet des délais non explicitement prescrits à peine de nullité ou de déchéance, selon laquelle « L'existence de ce type de déchéance s'explique par le fait que la notion de délai comporte en elle-même celle de déchéance. Un délai est un 'temps accordé pour faire quelque chose'. Si on accorde un délai pour faire 'quelque chose', ce 'quelque chose' doit évidemment être effectué dans ce délai sous peine de retirer au fait d'accorder un délai tout son sens. La déchéance apparaît ainsi comme la sanction naturelle de tous les délais accélérateurs. Elle est la raison-même de l'attribution de ceux-ci. » (J. Englebert, « Les délais », in Les sanctions en droit judiciaire, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 64). |
[61] | F. Luxembourg, o.c., nos 1010 et 1011, pp. 374-375; M.A. Lefebvre-Masschelein, o.c., pp. 124 et s. Voy. également P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., t. III, n° 1615, p. 2206. |
[62] | F. Luxembourg, o.c., n° 1011, p. 375. |
[63] | F. Luxembourg, o.c., n° 1010, p. 374. |
[64] | En matière de vente internationale de marchandises, l'art. 39 de la Convention de Vienne prévoit par contre expressément la perte du droit. |
[65] | P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., t. I, n° 404, pp. 618-619; P. Wéry, « L'interprétation des contrats d'adhésion en cas d'ambiguïté ou d'obscurité de leurs clauses », J.L.M.B., 1996, p. 137. L'interprétation stricte ne se confond pas avec l'interprétation restrictive (E. Montero, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité », o.c., pp. 400-401, n° 12). |
[66] | P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., t. I, n° 404, p. 619. |
[67] | D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., p. 271, n° 205; A. Coibion, « Quelques réflexions … », o.c., p. 870, n° 24; K. Byttebier, o.c., n° 503, p. 361. Pour une application récente, voy. Liège 17 janvier 2012, J.L.M.B., 2013/29, p. 1488. |
[68] | Voy. infra, nos 27 et s. à propos de la question, proche, de l'interprétation en cas de doute. |
[69] | K. Geens, M. Wyckaert, C. Clottens, F. Parrein, S. De Dier et S. Cools, « Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen (1999-2010) », T.P.R., 2012, pp. 453-454, n° 400; J. Vananroye et M. Wauters, « Contracten met of met betrekking tot vennootschappen: enkele aandachtspunten », o.c., p. 124, n° 10. |
[70] | Liège, 16 février 2012, D.A. O.R., 2012/102, p. 213; Liège 17 janvier 2012, J.L.M.B., 2013/29, p. 1488. |
[71] | Sur ces questions, voy. A. Cruquenaire, « L'interprétation du contrat de vente », R.G.D.C., 2008, pp. 316-317; P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., n° 401, p. 616; P. Wéry, « L'interprétation … », o.c., J.L.M.B., 1996, p. 1373. Pour une contestation de cette position, F. Mourlon Beernaert, « L'interprétation de la vente », o.c., p. 113, n° 204. |
[72] | Voy. L. Cornelis, « Les clauses d'exonération de responsabilité couvrant la faute personnelle et leur interprétation », R.C.J.B., 1981, p. 218, n° 26, qui considère même, à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation, que c'est la convention toute entière qui doit être prise en compte pour l'application de l'art. 1162 du Code civil. |
[73] | P.-Y. Gautier, « Comment s'interprète une clause de garantie de passif? N'est pas forcément débiteur celui qu'on croit » (note sous Cass. fr. com., 9 juin 2009), R.T.D. civ., 2009, p. 741. Il ne nous semble pas qu'une telle application de l'art. 1162 du Code civil en faveur du bénéficiaire de la garantie devrait être écartée au seul motif que l'on ne se trouve pas dans la situation de créancier à débiteur visée par cette disposition en raison du fait que la charge qui pèse sur le bénéficiaire de la garantie ne constitue pas une obligation mais une incombance. Ceci nous paraîtrait aller trop loin dans l'exégèse de l'art. 1162 du Code civil et nous pensons, à l'instar de F. Luxembourg, que cette disposition peut être appliquée également en faveur de la partie susceptible d'encourir une déchéance en vertu d'une incombance (F. Luxembourg, o.c., n° 1023, p. 378). |
[74] | P. Wéry, « L'interprétation … », o.c., J.L.M.B., 1996, p. 1373. En d'autres termes, le doute profite à « la partie que la clause place dans une position moins avantageuse » (E. Montero, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité », o.c., p. 402, n° 14). |
[75] | H. De Rode, Le contrat d'assurance en général, o.c., n° 142, p. 112. |
[76] | Ainsi, la convention pourrait contenir des dispositions séparées sur ces deux points, par exemple: « Article A. Le vendeur déclare et garantit que […]. Article B. S'il prend connaissance d'un fait susceptible de déclencher un appel à la garantie visée à l'article A, l'acheteur notifiera […] ». Au contraire elle pourrait comporter une formulation du style « Moyennant respect par l'acheteur des obligations d'information et de notification mises à sa charge par l'article [x] de la convention, le vendeur s'engage à l'indemniser pour […] ». Voy. également l'impact de la rédaction sur la charge de la preuve, infra, n° 71. |
[77] | C'est ce qu'on appelle l'interprétation « contra proferentem ». P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, o.c., t. I, n° 406, pp. 620-621; A. Guilmot, « L'interprétation du contrat », in Obligations, II.1.5, Suppl. 5 (janvier 2004), nos 3.23-3.24, pp. 28 et s.; P. Wéry, « L'interprétation … », o.c., J.L.M.B., 1996, pp. 1374 et s.; B. Toussaint, « Interprétation et rédaction des contrats d'assurance », in Liber Amicorum J.-L. Fagnart, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2008, pp. 294 et s. |
[78] | L'auteur de la convention de cession, ou en tous cas de la version initiale de celle-ci, est souvent identifiable en raison de la pratique de certains cabinets d'avocats de mentionner leur nom sur le projet de convention qu'ils établissent. |
[79] | On pourrait réserver l'hypothèse de la procédure d'« auction », dans le cadre de laquelle le vendeur communique à tous les candidats acquéreurs son projet de convention, en escomptant que celui-ci soit le moins modifié possible. Dans ce cas, et selon les circonstances, on pourrait retrouver l'un des fondements donnés à ce type d'interprétation, à savoir l'existence d'une « obligation de bonne rédaction du contrat » pesant sur le rédacteur de celui-ci (J.-F. Romain, Le principe de la convention-loi (portée et limites): réflexions sur un nouveau paradigme contractuel, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 2000, pp. 78 à 80, n° 13.5). |
[80] | Pour un aperçu de la jurisprudence en la matière, voy. Mémento Francis Lefebvre. Cessions de parts et actions 2006-2007, nos 66860 et 66880. |
[81] | Cass. fr. com., 9 juin 2009, n° 08-17.843, Rev. des Sociétés, 2010, p. 87 et note J.-Ph. Dom, « Même en l'absence de sanction expresse, l'obligation d'information du cédant par le cessionnaire peut conditionner la mise en oeuvre de la garantie »; Dall., 2010, p. 287 et obs. E. Lamazerolles, « La sanction du non-respect de l'obligation d'information du cédant stipulée dans une garantie conventionnelle »; R.T.D. civ., 2009, p. 741 et obs. P.-Y. Gautier; Sem. jur., 2009, n° 1767 et obs. F. Deboissy et G. Wicker, « Chronique Droit des Sociétés »; Dr. Sociétés, 2009, comm. 175, note M.-L. Coquelet, «Garantie de passif, défaut d'information et déchéance »; Dr. Sociétés, 2009, comm. 180, note R. Mortier, «Inefficacité d'une garantie de passif dont les créanciers informent les débiteurs hors délai conventionnel »; Sem. jur., 2009, n° 1978 et note D. Vanner et M. Mikou, « Garanties de cession de droit sociaux: vers un durcissement de la jurisprudence en matière de respect de la procédure de mise en oeuvre? ». |
[82] | J.-Ph. Dom, o.c., Rev. des Sociétés, 2010, p. 90; Fl. Deboissy et G. Wicker, o.c., Sem. jur., 2009, n° 1767; M.-L. Coquelet, « Garantie de passif, défaut d'information et déchéance », Dr. Sociétés, 2009 (comp. l'opinion de ce même auteur dans ses observations de 2001, citées à la note suivante). |
[83] | M.-L. Coquelet, « Garantie de passif, déchéance pour défaut d'information du cessionnaire et office du juge », Dr. Sociétés, 2011, comm. 126. Un auteur classe même, à tort, l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011, publié ci-dessous, dans les décisions selon lesquelles le non-respect de la condition d'information interdirait au bénéficiaire de se prévaloir de la garantie, sauf stipulation contractuelle contraire (H.-L. Delsol, « Rédiger et négocier les conditions de mise en oeuvre », o.c., …, Dr. Sociétés, 2011, prat. 2). Cet arrêt ne va pas aussi loin et se borne simplement à donner effet à une clause de déchéance expresse. |
[84] | En ce sens, semble-t-il R. Mortier, o.c., « Inefficacité d'une garantie de passif … », Dr. Sociétés, 2009, comm. 180. |
[85] | Fl. Deboissy et G. Wicker, o.c., Sem. jur., 2009, n° 1767. |
[86] | Versailles, 14 février 2008, n° 06/06835. |
[87] | Cass. fr. com., 27 octobre 2009 et note F. Pasqualini et V. Pasqualini-Salerno, « Un nouvel épisode des garanties de passif fiscal », Rev. des Sociétés, 2010, p. 435. |
[88] | Rouen, 3 avril 2008, n° 06/02877. Dans ce sens également, Garanties de passif. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, o.c., n° 2830, p. 132. Dans son arrêt du 21 février 2012, déjà cité, la cour d'appel de Paris écarte l'argument du cédant basé sur la circonstance que la notification qui lui avait été adressée mentionnait un autre destinataire que celui dont le nom est indiqué dans la convention de cession. Elle constate qu'aucune sanction n'est attachée à la méconnaissance de la clause de notification et que le cédant n'invoquait aucun grief à cet égard (Paris, 21 février 2012, n° 11/05700). |
[89] | Voy. Cass. fr. com., 14 mai 2013, 12-19.766 déjà cité. |
[90] | Il s'agirait d'une application de l'art. 1142 du Code civil, tel qu'interprété en France: P. Mousseron, Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux, o.c., pp. 335-336. |
[91] | E. Lamazerolles, o.c., Dall., 2010, p. 287. |
[92] | Exigé, en Belgique, par l'art. 17 de notre Code judiciaire. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker, obs. sous Paris 17 mai 2002, JCP, 2004, I, p. 29. Voy. M. Caffin-Moi, o.c., pp. 362-363, qui met en doute le bien-fondé de cette sévérité. Parfois, la doctrine manifeste un parti pris assez surprenant à l'encontre des acheteurs: « C'est pour éviter ce type de pratique qu'il convient d'approuver les magistrats de faire preuve d'une certaine rigueur dans l'interprétation des clauses de garantie qui sont le plus souvent rédigées par les conseils d'acheteurs puissants dans l'espoir de le faire jouer comme des élastiques de rattrapage du prix de cession. » (Cl. Champaud et D. Danet, obs. sous Cass. fr. com., 9 juin 2009, R.T.D. com., 2009, p. 747). |
[93] | F. Luxembourg, o.c., pp. 348 et s., nos 925 et s. |
[94] | F. Luxembourg, o.c., pp. 388-390, nos 1057 et s. |
[95] | P. Mousseron, o.c., p. 336. |
[96] | P. Wéry, « Les sanctions de l'abus de droit… », o.c., pp. 132-133; P. Bazier, o.c., R.G.D.C., 2012, pp. 396-397, n° 9. |
[97] | Voy. P. Mousseron, o.c., p. 336, n° 626. |
[98] | En outre, il s'agirait d'une résolution partielle, s'appliquant non à la convention de cession dans son ensemble mais uniquement aux engagements de garantie, voire aux éléments de garantie concernés par le différend (p. ex. la garantie par rapport au passif fiscal si c'est celui-ci qui est en jeu). Or, le principe même de la résolution partielle est discuté en Belgique et il est douteux que l'on se situe ici dans une hypothèse où une telle résolution partielle est admise. En faveur de la résolution partielle, voy. C. Cauffman, « Pour la résolution partielle! Quelques remarques du point de vue belge à propos de la thèse de Mme Rigalle », in Droit des contrats. France, Belgique, 1, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 155 et s.; S. Stijns, De gerechtelijke en buitengerechtelijke ontbinding van de overeenkomsten, Anvers, Maklu, 1994, p. 291, nos 203 et s.; I. Samoy, « La dissolution des contrats multipartites. Vers une reconnaissance générale de la résolution partielle temporelle, matérielle et personnelle, grâce au critère de l'(in)divisibilité et fondée sur la fonction modératrice de la bonne foi », in Questions spéciales du droit des contrats, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 195 et s. Par ailleurs, la sanction de la résolution semble peu adaptée à la situation qui nous occupe. La résolution est en effet une cause de dissolution du contrat - ou à tout le moins de certaines de ses clauses si l'on admet la résolution partielle. Elle impliquerait que l'engagement de garantie disparaisse. Or, il sera rare que les circonstances entourant le défaut d'information relatif à un événement particulier soient de nature à entraîner la résolution de l'engagement de garantie du débiteur de la garantie dans son ensemble, y compris pour tous autres risques se réalisant à l'avenir. En outre, même concernant une garantie déterminée (p. ex. l'absence de passif fiscal), le défaut d'information de la part du cessionnaire peut le cas échéant justifier que celui-ci soit privé du bénéfice de la garantie dans un cas particulier, mais pas pour tous les autres cas qui pourraient survenir dans le cadre de cette même garantie (dans notre exemple, d'autres passifs fiscaux pour lesquels il se conformerait à ses obligations d'information). Il n'y a donc pas de raison de supprimer totalement la clause, ni pour le passé ni pour l'avenir, ce qui serait pourtant l'effet de la résolution. |
[99] | Sur les différences entre déchéance et résolution, voy. également F. Luxembourg, o.c., pp. 234 et s., nos 584 et s. |
[100] | En outre, l'exception d'inexécution n'est en principe qu'un moyen de défense temporaire, destiné à faire pression sur son débiteur pour le pousser à ce qu'il exécute ses propres obligations. Dans les faits, cette suspension serait en l'espèce définitive puisqu'elle aurait pour conséquence que le débiteur de la garantie ne devrait plus exécuter celle-ci. |
[101] | Le vendeur pourrait, quant à lui, voir ces formalités comme une telle limitation additionnelle de son engagement de garantie. Il ne s'agira toutefois alors pas de l'intention « commune » des parties. |
[102] | « La sanction sera un désavantage juridique à l'encontre de l'auteur du manquement. Désavantage qui pourrait être analysé comme une pénalité mais qui vise surtout à maintenir l'efficacité globale de l'opération poursuivie par le contrat. » (H. Ramparany-Ravololomiarana, Le raisonnable en droit des contrats, o.c., p. 86, n° 68). |
[103] | « En l'absence de base légale, le principe général selon lequel les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (art. 1134 C. civ.), ne suffit pas pour en déduire une déchéance de plein droit non prévue légalement, ni convenue de manière certaine. A cet égard, le dépassement d'un délai pour conclure convenu entre les parties est un manquement dont la réparation en nature ou par équivalent n'implique pas nécessairement un écartement des conclusions en cause. (…) En l'espèce, il faut observer que les effets spécifiques que la partie demanderesse a subis du fait du dépassement qu'elle invoque sont minimes par rapport à ceux qu'elle aurait subis si la communication et un dépôt des conclusions concernées étaient régulièrement intervenus un jour plus tôt. » (Civ. Nivelles, 2 décembre 2008 et obs. F. Balot, « Le nouvel article 747, § 1er, du Code judiciaire: une mise en état (très peu) contraignante? », J.T., 2009, p. 376, qui semble se référer - à tort selon nous - aux règles de la responsabilité). Dans le même sens, K. Piteus, « Partijautonomie en instaatstelling: een moeilijke balans? », in Tien jaar toepassing wet 3 augustus 1992 en haar reparatiewetgeving. Evaluatie en toekomstperspectiven, I.C.G.R., die Keure, 2004, p. 23, n° 22. |
[104] | Par exemple art. 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. M.A. Lefebvre-Masschelein considère que l'on ne peut parler de déchéance que lorsque le droit est perdu dans sa totalité (o.c., pp. 102-103). |
[105] | Il nous semble que l'on pourra utilement s'inspirer de la jurisprudence en matière d'assurances. Voy. notamment Ph. Colle, Algemene beginselen van het Belgisch verzekeringsrecht, Antwerpen-Oxford, Intersentia, 2006, nos 98 et suiv., pp. 68-70. |
[106] | Il s'agit de la position qu'avaient retenue les juges d'appel dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté. C'est également sur cette base que la cour d'appel de Rouen a rejeté la défense du cédant dans son arrêt du 3 avril 2008, cité ci-dessus. |
[107] | Comm. Anvers 3 mai 1995, R.W., 1997-1998, p. 991, approuvé par Y. Merchiers, M. Vandemersch, S. Michaux, I. Durant, S. Heremans et B. De Coninck, « Chronique de jurisprudence. Les contrats spéciaux (1996-2000) », Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2002, p. 35, n° 56. |
[108] | Sur l'indemnisation de la perte d'une chance, voy. A. Pûtz, « La perte d'une chance d'éviter la réalisation d'un risque: un préjudice indemnisable! », J.T., 2009, p. 29; H. Bocken, « Verlies van een kans. Het cassatiearrest van 5 juni 2008. Vervolg en (voorlopig?) slot », N.J.W., 2009, p. 2; J.-L. Fagnart, « La perte d'une chance. Aperçu de la jurisprudence belge », in Leçons de droit civil. Mélanges en l'honneur de François Chabas, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 313; B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, « Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1996-2007) », Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2009, pp. 368 et s. Pour un exemple récent, Bruxelles, 1er juin 2012, R.G.A.R., 2013, n° 14.946. |
[109] | B. Weyts, « De ene opzettelijke fout is de andere niet. Over opzet in het aansprakelijkheids- en verzekeringsrecht », in Liber Amicorum J.-L. Fagnart, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2008, pp. 363 et s. |
[110] | J.-L. Fagnart, La causalité, Waterloo, Kluwer, 2010, pp. 195-196. |
[111] | B. Weyts, « De ene opzettelijke fout is de andere niet. Over opzet in het aansprakelijkheids- en verzekeringsrecht », o.c., pp. 371 et s. |
[112] | B. Weyts, « De ene opzettelijke fout is de andere niet. Over opzet in het aansprakelijkheids- en verzekeringsrecht », o.c., p. 372, n° 17; T. Vansweevelt et N. Weyts, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, Antwerpend-Oxford, Intersentia, 2009, p. 270; L. Cornelis, « Ongeschikt voor gevoelige juristen: over de intieme verhouding tussen schade en causaal verband », in Aansprakelijkheidsrecht. Actuele tendenzen, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 169. |
[113] | Par exemple, alors que la société est impliquée dans un litige avec un tiers, le bénéficiaire omet d'informer le débiteur de la garantie de ce litige et de lui permettre de participer au procès, alors que la convention prévoit une telle information et une telle participation, et il le fait précisément dans le but d'empêcher le débiteur d'intervenir au débat, et il formule ensuite quand même un appel à la garantie. |
[114] | Infra, nos 64 et s. |
[115] | Sur cette discussion, voy. J.-L. Fagnart, La causalité, o.c., p. 203. |
[116] | Sur les effets du principe général de droit « Fraus omnia corrumpit », voy. les auteurs cités infra à la note 168. |
[117] | L. Cornelis, « Ongeschikt voor gevoelige juristen (…) », o.c., p. 186. |
[118] | Le retard et la forme requise pour la communication s'apprécient alors également par rapport à l'effet utile de l'information donnée: le cédant dispose-t-il encore du délai nécessaire pour réagir efficacement le cas échéant et a-t-il reçu les éléments nécessaires à cet effet? |
[119] | Alors que, sur la base de l'art. 2251 du Code civil, on considère que la force majeure ne suspend pas la prescription (légale), il est admis que les délais préfix peuvent être prorogés en cas de survenance d'un cas de force majeure (C. Eyben et J. Acolty, « La prescription extinctive en droit civil et commercial », in La prescription, Limal, Anthémis, 2011, pp. 19-20, n° 14 et p. 95, n° 152). En droit judiciaire, on admet que la force majeure, considérée strictement, constitue une voie de salut (la seule) en cas de dépassement d'un délai de recours prescrit à peine de déchéance (F. Georges, « Développements récents relatifs aux voies de recours ordinaires », in Actualités en droit judiciaire, Commission Université-Palais, Liège, Anthémis, 2010, pp. 205-206). Pour le délai de réclamation en matière fiscale, voy. Cass. 24 mai 2002, Rev. Gén. Contentieux fiscal, 2003, p. 21 et note E. Van Brustem, « Délai de réclamation - Prolongation - Fait de l'administration - Force majeure ». Au sujet du bref délai de l'art. 1648 du Code civil, voy. C. Delforge, Y. Ninane et M.-P. Noël, « De quelques délais emblématiques en matière de vente », o.c., pp. 118-119, n° 53. |
[120] | Art. 35, § 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. |
[121] | F. Luxembourg, o.c., pp. 425-426, n° 1154. |
[122] | Sur ces principes et à propos de l'erreur invincible causée par les renseignements donnés par l'administration fiscale, E. Van Brustem, « Délai de réclamation - Prolongation - Fait de l'administration - Force majeure », Rev. Gén. Contentieux fiscal, 2003, p. 22; F. Glandsdorff, « Erreur invincible ou croyance légitime », R.C.J.B., 2000, p. 729. |
[123] | C. Eyben et J. Acolty, « La prescription extinctive en droit civil et commercial », o.c., pp. 17-18, n° 9; J.-F. Germain et Y. Ninane, « Force majeure et imprévision en matière contractuelle », in Droit des obligations, Limal, Anthémis, 2011, pp. 108-109, n° 47. Par exemple si une grève de la poste dure une semaine et empêche de procéder à la notification requise, le bénéficiaire de la garantie ne disposera pas d'une semaine supplémentaire pour effectuer la notification, après la fin de la grève, mais juste du temps nécessaire pour y procéder le plus rapidement possible. |
[124] | Ainsi, si la force majeure empêche de fournir certaines informations requises, mais pas de notifier le fait même susceptible de donner lieu à garantie, il y aura lieu d'exécuter la partie de la charge qui peut être exécutée. |
[125] | Par exemple, invoquer un moyen péremptoire à opposer à un redressement fiscal. |
[126] | L'impossibilité ne s'applique donc pas à la mise en oeuvre de la garantie et au paiement de l'indemnité, de sorte que la règle « genera non pereunt » ne trouverait pas à s'appliquer. |
[127] | Voy. notamment Cass., 23 mars 2006, Rev. prat. soc., 2010, p. 210 et note I. Durant, « L'économie des mandats irrévocablement donnés de constituer une hypothèque », spéc. p. 239, n° 15; R.W., 2006-2007, p. 874 et note A. Van Oevelen, « De interpretatie te goeder trouw van overeenkomsten en de toepassing ervan op omzetting van een hypothecaire volmacht », spéc. p. 877; B. Vanlerberghe, « De toetsing van sancties door de rechter: algemeen kader », in Toetsing van sancties door de rechter, Antwerpen-Cambridge, Intersentia, 2011, p. 10, n° 16. Dans le même sens, en droit judiciaire, à propos de l'art. 747, § 2, du Code judiciaire tel qu'il était alors rédigé, Cass., 11 juin 2007 et note B. Maes, « Toetsing van belangschade of normdoel bij het weren van te laat ingediende conclusies? », R.A.B.G., 2009, p. 741. Sur les limites de la fonction modératrice de la bonne foi, voy. l'étude approfondie de J. van Zuylen, « Fautes, bonne foi et abus de droit: convergences et divergences », o.c., Ann. Dr., 2011, pp. 279 et s. Voy. également l'étude de P. Wéry, « Les sanctions de l'abus de droit… », o.c., p. 127. |
[128] | P. Wéry, « Le contrat, la clause pénale, le juge et l'équité », R.G.D.C., 2013, p. 90. |
[129] | Paris, 21 février 2012, n° 11/05700. |
[130] | On notera qu'en France, la jurisprudence a progressivement imposé au cédant d'un bloc de contrôle une véritable obligation précontractuelle d'information, dont la violation n'est pas assimilable au dol (T. Massart, « L'obligation précontractuelle d'information à la charge du cédant d'un bloc de contrôle » (note sous Cass. (com.), 10 mai 2011), Rev. des Sociétés, 2012, p. 85). |
[131] | Bruxelles, 20 mai 1987, R.D.C., 1988, p. 35 et note D. Devos, « La notion de vices cachés dans la vente d'actions ». La cour considère notamment, de manière un peu excessive selon nous, que la définition même de la réclamation implique que celle-ci soit chiffrée. Dans son arrêt du 13 septembre 2010, la cour d'appel de Reims a par contre décidé qu'une demande précise quant au montant du préjudice n'était pas requise pour la validité de la réclamation. Cet arrêt retient toutefois la fin de non-recevoir déduite de l'absence de mise en oeuvre de la conciliation préalable obligatoire contractuellement prévue (Reims, 13 septembre 2010, n° 09/01775). La cour d'appel de Dijon, sans aller jusqu'à exiger une demande chiffrée, précise que pour constituer un appel à la garantie, la notification doit être caractérisée par une demande exprimant de manière non équivoque la prétention de l'acquéreur consistant en la mise en jeu de la garantie de passif (Dijon, 18 avril 2003, Dr. Sociétés, 2003, comm. 146 et note H. Hovasse). |
[132] | Comm. Bruxelles, 25 août 2005, T.R.V., 2011, p. 595 et note B. Bellen et N. Watzeels. Le tribunal relève notamment que les modalités d'appel à la garantie ont été prévues de manière détaillée et sont assorties de délais qui paraissent raisonnables. |
[133] | Voy. l'évolution décrite par S. Stijns, « De matigingsbevoegdheid van de rechter bij misbruik van contractuele rechten in de Belgische rechtspraak van het Hof van Cassatie », in Inhoud en werking van de overeenkomst naar Belgisch en Nederlands recht, Antwerpen-Groningen, Intersensia, pp. 79 et s. |
[134] | Cass., 8 mai 1971, Pas., 1971, I, p. 819. |
[135] | Mons, 4 octobre 2000, Bull. ass., 2001 et note M. Houbben, « Les contrats d'assurance couvrant les actes dommageables commis par des enfants »; dans ce sens également, Gand, 16 janvier 1998, R.W., 1999-2000, p. 540; J.P. Wavre, 27 octobre 1994, Bull. ass., 1995, p. 587. |
[136] | « Attendu qu'il importe peu qu'aucun dommage ne serait résulté de cette tardivité pour la compagnie d'assurance; qu'en effet il ne ressort pas du contrat d'assurance vanté que les parties aient entendu soumettre la déchéance à un quelconque dommage souffert par la compagnie d'assurance ou, en d'autres termes que la déchéance ne pourrait être opposée qu'à la condition que la compagnie d'assurance prouve un dommage résultant de la déclaration en dehors du délai conventionnel; que cette déchéance telle que convenue, c'est-à-dire se produisant par le seul écoulement du délai conventionnel, n'est contraire ni à l'ordre public ni à une disposition légale d'ordre impératif; qu'elle fait donc la loi des parties et s'impose ainsi au juge. » (Mons, 7 octobre 1981, R.G.A.R. 1983, n° 10.614 et note critique de J.-L. Fagnart). Dans ce sens également Comm. Bruxelles, 7 avril 1993, R.D.C., 1994, p. 347; Civ. Liège, 14 décembre 1995, Bull. ass., 1997, p. 295; Comm. Namur, 17 décembre 1992, Bull. ass., 1993, p. 289 et note P. De Lhonneux. Sur ces questions, voy. H. De Rode, « La sanction du retard dans la déclaration sinistre », Bull. ass., 2002, p. 128. Des questions semblables se posent dans le cadre de l'action récursoire de l'assureur: B. Ceulemans et J. Tinant, « L'action récursoire: petit tour d'horizon », o.c., pp. 23 et s. |
[137] | Inversement, la perte pour l'assureur de son droit de recours contre l'assuré, à défaut de notification de son intention d'exercer un tel recours « aussitôt qu'il a pris connaissance des faits justifiant cette décision » (art. 88, § 2, de la loi du 25 juin 1992) n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice pour l'assuré (voy. D. Léonard, « Quelques questions de prescription ou de forclusion en matière d'assurance terrestre », J.T., 2007, p. 499). Cette jurisprudence confirme la règle de principe de la rigueur dans l'application des déchéances. |
[138] | Cass., 30 novembre 1989, Pas., 1990, I, n° 206 (il s'agissait dans ce cas d'un retard dans la résiliation de la police et non d'un retard dans la déclaration d'un sinistre). |
[139] | Cass., 17 février 2012, CRA, 2012/3, p. 117 et note D. Clesse, « L'assureur qui exerce l'action récursoire doit-il démontrer le lien causal entre l'absence de permis valable et l'accident? ». |
[140] | Liège, 24 septembre 1999, R.D.C., 2000, p. 734 et observations de J.-P. Buyle et M. Delierneux, qui critiquent la décision. |
[141] | A savoir que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut être déduite que de faits qui ne sont pas susceptibles d'une autre interprétation (p. ex., à propos de la renonciation par l'assureur au droit d'invoquer l'absence de couverture, Cass., 17 novembre 2005, Pas., 2005, I, p. 2284 ; R.D.C., 2006, p. 757 et note C. Vanschoubroeck « Bewijslast van 'uitsluitingen' in verzekeringen nieuwe ontwikkelingen? »). La proposition d'effectuer un paiement peut être considérée comme une renonciation à se prévaloir de la déchéance (Pol. Bruges, 26 octobre 1999, Dr. circ., 2000/45, p. 95 - en l'espèce la déchéance de l'action récursoire de l'assureur). Pour une renonciation du vendeur à se prévaloir du non-respect du bref délai en matière de vice caché, Anvers, 18 décembre 2008, Limb. Rechtsl., 2009, p. 172 et note A. Stevens, ainsi que C. Delforge, Y. Ninane et M.-P. Noël, « De quelques délais emblématiques en matière de vente », o.c., p. 119, n° 54. Les « modèles internationaux » de conventions de cession d'actions renforcent souvent les règles relatives à la renonciation implicite par la clause de « No waiver ». |
[142] | Pour une application dans le domaine des assurances où il a été jugé que, par son comportement, l'assureur avait trompé l'assuré en lui faisant croire qu'il renonçait à la suspension de la garantie, antérieurement invoquée, Pol. Charleroi, 27 avril 2004, R.G.A.R., 2006, n° 14.127. Pour une application de l'abus de droit dans le cadre du bref délai de l'art. 1648 du Code civil, voy. M. Marchandise, « La prescription libératoire en matière civile », Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 155-156. |
[143] | S. Stijns et I. Samoy, « Prescription extinctive: le rôle de la volonté et du comportement des parties. Rapport belge », in La prescription extinctive. Etudes de droit comparé, Schulthess- Bruylant, 2010, pp. 377 et s; C. Lebon, « Stuiting, schorsing en verlenging van verjaringstermijnen », in Verjaring en het privaatrecht, Mechelen, Kluwer, 2005, pp. 119-120. |
[144] | Sur l'application de cet adage dans l'hypothèse où le débiteur était informé des causes de l'appel à la garantie lors de la conclusion de la convention, voy. infra, nos 63 et s. |
[145] | Sur ces questions, voy. T. Vansweevelt, « De verjaring van de buitencontractuele vordering (art. 2262bis BW) », in Springlevend aansprakelijkheidsrecht, Antwerpen-Cambridge, Intersentia, 2011, pp. 347 et s. Voy. également supra, notes 142 et 143. |
[146] | Sur la délicate question de savoir si et à quel moment le vendeur, spécialement lorsqu'il est une personne morale, a connaissance d'un fait, voy. P.-A. Foriers et V. Marquette, « L'interprétation et la portée de certaines clauses usuelles dans le cadre des cessions d'actions », o.c., pp. 121 et s. |
[147] | F. Pasqualini et V. Pasqualini-Salerno, o.c., Rev. des Sociétés, 2010, p. 439; A. Viandier et J.-J. Caussain, « Chronique. Droit des sociétés », JCP, Doctr. 1993, n° 3715, p. 457; Garanties de passif. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, p. 129, n° 2789. C'est également ce que retient la cour d'appel de Fort-de-France dans son arrêt cité ci-dessus. Dans le cadre de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, l'art. 40 de cette convention dispose qu'une dénonciation inadéquate effectuée par l'acheteur ne l'empêche pas de se prévaloir du défaut de conformité lorsque celui-ci porte sur des faits que le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer, avant ou au moment de la livraison, et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur, et ce sans qu'une mauvaise foi du vendeur soit requise (voy. sur ce régime F. Ferrari, Contrat de vente internationale, 2e éd., Bâle, Helbing & Lichtenhahan, 2005, pp. 177 et s.). |
[148] | H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, vol. I, par A. Meinertzhagen-Limpens, Bruxelles, Bruylant, 1997, n° 203, p. 284, qui cite une décision du tribunal de commerce de Bruxelles du 21 mars 1907. Voy. également C. Delforge, Y. Ninane et M.-P. Noël, « De quelques délais emblématiques en matière de vente », o.c., pp. 99-100, n° 25. |
[149] | Paris, 21 février 2012, n° 11/05700. |
[150] | Voy. récemment Cass., 31 mars 2011 et note F. Peeraer, « Bedrog wordt niet vermoed, naar is wel bewijsbaar door vermoedens: een dunne maar duidelijke grens », R.G.D.C., 2012/6, p. 243. |
[151] | Sur ces questions, spécialement dans le contexte de la cession d'actions, voy., D. Van Gerven, « Kroniek. Vennootschapsrecht (2011-2012) », T.R.V., 2012, p. 584, n° 53. Y. De Cordt, « La réticence dolosive et le devoir de loyauté dans le cadre des cessions d'actions », R.D.C., 2008, p. 167 et les références; A. Coibion, « Le dol en matière de convention de cession d'actions. La revanche de l'ingénu », R.D.C., 2001, p. 51; P.-A. Foriers, « Dol par réticence et erreur inexcusable », in Liber Amicorum M. Coipel, Bruxelles, Kluwer, 2004, pp. 316-317; B. Bellens et J. Stevens, Bedrog bij de totstandkoming van een overnameovereenkomst en de verhouding met de precontractuele informatieplicht, p. 581; D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 81-82, n° 58; Y. Verleisdonk, E. Janssens et M. Wilkenhuysen, Due Diligence, o.c., pp. 29 et s.; S. Marysse, « Due diligence - onderzoek, bedrog en culpa in contratendo », R.G.D.C., 2009, p. 257; J.-F. Romain, « Paradoxe de l'indécidable et aporie constitutive de la bonne foi: du mensonge par omission au dol par réticence et de la faute inexcusable de la victime du dol (contours et limites d'une forme de délit d'initiés en droit civil) », in Droit des contrats. France, Belgique, 2, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 69. Pour des exemples récents: Bruxelles, 10 juin 2008, T.R.V., 2009, p. 640 et note D. Van Gerven, « Bedrog bij koopverkoop van aandelen »; Gand, 6 octobre 2008, T.R.V., 2011, p. 581; B. Van Den Bergh, « De overdracht van een handelszaak en de informatie vanwege de overdrager: spreken is zilver, zwijgen is goud », R.G.D.C., 2009, p. 366; F. Hellemans et B. Heynickx, « Wilsgebreken in het vennootshapsrecht », o.c., pp. 225 et s. |
[152] | A. De Boeck, « Informatierechten en -plichten… », o.c., pp. 401-402, n° 924: « de verkoper wil het eigendomsrecht op de verkochte zaak wel overdragen, maar tegen een zo hoog mogelijke prijs, terwijl de koper de zaak wil verwerven tegen een zo laag mogelijke prijs. In beginsel behoren partijen dan ook te weten dat de wederpartij het achterste van de tong niet zal laten zien (caveat emptor) en staat de eigen onderzoeksplicht centraal ». |
[153] | Dans un curieux arrêt du 24 janvier 2012, la cour d'appel de Bruxelles considère cependant que l'établissement d'états financiers présentant de manière flatteuse ou inexacte une société dans le cadre de la cession de ses actions n'est pas constitutif d'un faux punissable dès lors que l'acquéreur disposait de la possibilité de vérifier l'inexactitude de cette situation financière, au travers d'un due diligence. De même, l'escroquerie est écartée au motif que « S'il ressort, certes, des éléments recueillis que le prévenu a présenté à la partie civile une situation flatteuse voire même inexacte de l'état financier de la société, il est tout aussi constant que celle-ci a été mise, de manière expresse, en mesure de faire toutes les vérifications et de prendre toutes les précautions utiles, préalablement à la signature de rachat des parts et au paiement du prix. » (Bruxelles, 24 janvier 2012 et note critique de F. Lugenz, « Cession de parts et présentation flatteuse de la société: conditions de l'incrimination du faux et de l'escroquerie », Dr. pénal de l'entreprise, 2012/3, p. 191). |
[154] | Bruxelles, 8 septembre 2011 et note D. Leclercq, « La mise en cause … », o.c., Rev. prat. soc., 2011, p. 580. |
[155] | Le fait pour le vendeur de déclarer qu'un risque n'existe pas « à sa connaissance » alors qu'il sait pertinemment que ce risque existe, nous semble rendre la tromperie encore plus forte par rapport à une déclaration non qualifiée selon laquelle le risque n'existe tout simplement pas. En qualifiant sa fausse déclaration par sa connaissance, il ment en quelque sorte deux fois. Sur l'objectif de la qualification de la garantie par la connaissance du vendeur, voy. P.-A. Foriers et V. Marquette, o.c., pp. 121 et s.; A. Coibion, « Quelques réflexions … », o.c., p. 874, n° 38; D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., pp. 222 et s., nos 171 et s. |
[156] | Voy. D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., p. 423, n° 320. |
[157] | P. Mousseron, o.c., p. 291, n° 547. Voy. Comm. Gand, 2 mars 1999 et note A. Coibion, « Le dol en matière de conventions de cession d'actions… », o.c., R.D.C., 2001, p. 49, qui considère que pour qu'il y ait dol à l'occasion d'un redressement fiscal, il faut que le cédant sache que la fraude fiscale qu'il avait commise entraînerait inévitablement une taxation supplémentaire, le cas échéant suite à un contrôle fiscal intervenu avant la cession. Le seul fait de l'existence d'irrégularités comptables antérieures à la cession ne suffirait pas. |
[158] | D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, o.c., p. 455, n° 344; P.-A. Foriers et V. Marquette, o.c., p. 127, n° 29; Bruxelles, 17 mai 2001, R.D.C., 2003, p. 859, spéc. p. 861 et note précitée A. Coibion; K. Geens e.a., « Overzicht… », o.c., T.P.R., 2012, p. 456, n° 404. |
[159] | P. Mousseron, o.c., p. 290, n° 547. |
[160] | Lorsque, comme il arrive bien souvent, le vendeur est une société, la question de savoir à partir de quand un dol peut lui être imputé et quelle est la conséquence du dol de ses agents se posera fréquemment. Elle dépasse le cadre de la présente note (voy. à cet égard E. Montero, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité », o.c., pp. 416 et s.). |
[161] | P. Mousseron, o.c., pp. 290-291, n° 547. |
[162] | Par exemple, si la garantie prévoit que la société dont les actions sont vendues n'était impliquée dans aucun litige mais que la société est condamnée à payer une somme de 20.000 EUR dans le cadre d'un litige préexistant, alors que le prix de cession est de plusieurs millions d'euros et est basé sur les perspectives de la société et pas seulement sur son actif net, le cessionnaire ne va pas aisément convaincre un tribunal que s'il avait connu ce litige, le prix aurait été diminué de 20.000 EUR. De même, si le fait celé par le dol ne cause pas un « dommage » supérieur à la franchise convenue, le juge pourrait considérer que le dol n'a pas influencé les conditions de la cession. |
[163] | Une telle nullité partielle, au sein même du mécanisme de garantie, supposera toutefois que l'on considère que les différentes dispositions de ce mécanisme sont divisibles. Sur cette question, voy. P.-A. Foriers et V. Marquette, « L'interprétation et la portée de certaines clauses … », o.c., pp. 144 et s., nos 41 et s. |
[164] | Voy. P. Van Ommeslaghe, « Un principe général de droit: fraus omnia corrumpit », in Liber Amicorum P. Mertens, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 609. |
[165] | P. Van Ommeslaghe, « Un principe général de droit: fraus omnia corrumpit », o.c., p. 595. |
[166] | Voy. P. Van Ommeslaghe, « Un principe général de droit: fraus omnia corrumpit », o.c., p. 608. |
[167] | E. Montero, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité », o.c., p. 410; B. Dubuisson, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité et droit belge », o.c., pp. 57 et s.; A. Van Oevelen, « Exoneratiebedingen en vrijwaringsbedingen », in Actuele ontwikkelingen inzake verbintenissenrecht, Anvers, Intersentia, 2009, pp. 13 et s.; O. Vanden Berghe, « Exoneratiebedigen Anno 2010 in nationale en internationale overeenkomsten », in Verbintenissenrecht, 56, Themis, 2010, p. 88. |
[168] | Cass., 6 novembre 2002, Pas., 2003, I, n° 584 et les conclusions générales de l'avocat général J. Spreutels ; J.T., 2003, p. 579 ; R.W., 2003, p. 1629 ; R.C.J.B., 2004, p. 267. La Cour de cassation a confirmé sa position ultérieurement, notamment par son arrêt du 3 mars 2011, R.C.J.B., 2012, p. 19. Sur les controverses engendrées par cette jurisprudence et la question de savoir si elle peut s'étendre à toute faute intentionnelle, voy., outre P. Van Ommeslaghe, « Un principe général de droit: fraus omnia corrumpit », o.c., pp. 610 et s. : B. Weyts, « Fraus omnia corrumpit in het buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht: geen aansprakelijkheid in geval van opzet », R.W., 2003, p. 1629; F. Glandsdorff, « Encore à propos de la causalité: le concours entre la faute intentionnelle de l'auteur du dommage et la faute involontaire de la victime », R.C.J.B., 2004, p. 272; J. Kirkpatrick, « La maxime fraus omnia corrumpit et la réparation du dommage causé par un délit intentionnel en concours avec une faute involontaire de la victime. A propos de l'arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2002 », J.T., 2003, p. 673; X. Dieux, « Développements de la maxime 'Fraus omnia corrumpit' dans la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique », in Actualités du droit des obligations, Bruylant, 2005, p. 125; J. Kirkpatrick, « Les limites du champ d'application du principe 'Fraus omnia corrumpit' », R.C.J.B., 2011, p. 25; B. Weyts, « De ene opzettelijke fout is de andere niet. Over opzet in het aansprakelijkheids- en verzekeringsrecht », in Liber Amicorum J.-L. Fagnart, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2008, p. 363. |
[169] | Car ne constituant même pas une faute. |
[170] | Voy. la doctrine et la jurisprudence citées aux notes 147 et 153 et les exemples cités par K. Geens e.a., « Overzicht… », o.c., T.R.V., 2012, p. 455. |
[171] | K. Geens e.a., « Overzicht… », o.c., T.P.R., 2012, p. 461, n° 413. |
[172] | Sur cette question voy. B. Kohl, « Chronique de jurisprudence. La vente immobilière (1990-2010) », Dossiers du J.T., Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 115 et s. |
[173] | A. De Boeck, « Informatierechten en -plichten », o.c., p. 286, n° 665, note 923. Cette faute n'engage toutefois la responsabilité du vendeur à l'égard de l'acheteur que si elle se combine avec un devoir de dévoiler l'élément qui aurait dû être connu. |
[174] | A. De Boeck, « De precontractuele aansprakelijkheid anno 2010 », in Verbintenissenrecht, Vormijsdeel 56, Themis, 2010, Brugge, pp. 18 et s. |
[175] | A. De Boeck, « Informatierechten en -plichten », o.c., pp. 287 et s. Voy. toutefois la jurisprudence citée par K. Geens e.a., « Overzicht… », o.c., T.P.R., 2012, p. 461, n° 413. Comparez en droit français, où une obligation indépendante de communication est mise à charge du vendeur d'actions lorsqu'il s'agit d'une cession de contrôle (supra, note 130). |
[176] | Il est fréquent que la convention comporte une déclaration du vendeur selon laquelle il a communiqué à l'acheteur toutes les informations dont il avait connaissance et qui sont de nature à influencer la décision d'un acheteur placé dans les mêmes circonstances. |
[177] | La convention aurait été conclue dans les mêmes termes. |
[178] | Par exemple, le délai de notification aurait été de 45 jours au lieu de 30 jours mais en l'espèce, le bénéficiaire n'a de toute façon notifié qu'après 60 jours ou n'a pas notifié du tout. |
[179] | Par exemple, l'acheteur aurait été dispensé d'une notification pour le fait qui était connu du vendeur. |
[180] | Par exemple, le prix aurait été diminué, une garantie spécifique aurait été négociée, voire l'opération n'aurait pas été conclue. |
[181] | Comp. à propos de l'information erronée donnée par l'administration, F. Glandsdorff, « Erreur invincible ou croyance légitime », o.c., p. 731, n° 7; Anvers, 25 février 1996, J.L.M.B., 2000, p. 1535 (som.) ; R.W., 1998-1999, p. 1498. |
[182] | P. Mousseron, o.c., pp. 290-291, n° 547. |
[183] | Par exemple, le vendeur est conscient d'un risque fiscal mais espère qu'aucun contrôle fiscal ne viendra le mettre à jour. |
[184] | Dans l'interprétation généralement admise. Voy. toutefois J. Kirkpatrick, « Essai sur les règles régissant la charge de la preuve en droit belge », in Liber Amicorum L. Simont, Bruxelles, 2002, pp. 120 et s. |
[185] | Sur ces principes, voy. B. Samyn, Privaatrechtelijk bewijs, Gand, Story, 2012, pp. 123 et s.; D. Mougenot, La preuve, Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 108 et s.; F. Mourlon Beernaert, La preuve en matière civile et commerciale, Waterloo, Kluwer, 2011, pp. 35 et s.; H. Geens, « De verdeling van de bewijslast over de partijen in het verzekeringsrecht en het gemeen verbintenissenrecht », in Bewijsrecht, Gand, De Boeck & Larcier, 2007, p. 159; J. Kirkpatrick, « Essai sur les règles régissant la charge de la preuve en droit belge », o.c., 2002, p. 105; L. Simont, « La charge de la preuve. Jurisprudence récente de la Cour de cassation », in Actualité du droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 23 et ses considérations très réalistes quant à l'opportunisme judiciaire qui régit la matière (p. 37). |
[186] | J. Kirkpatrick, « Essai sur les règles régissant la charge de la preuve en droit belge », o.c., p. 109. |
[187] | Mons, 3 décembre 2001, J.T., 2002, p. 449 (à propos de la preuve de la date de la connaissance de l'acte de cautionnement faisant courir le délai d'un an prescrit à peine de déchéance pour solliciter l'annulation du cautionnement sur la base de l'art. 224, § 1, 4°, C. civ.). |
[188] | Nous n'examinerons pas ici les autres questions sans fin qui peuvent se poser. Par exemple, à partir du moment où il est prouvé qu'une lettre recommandée a été envoyée dans les délais, quelle partie doit prouver le contenu de cette lettre? Voy. à ce sujet E. Montero, « Du recommandé traditionnel au recommandé électronique: vers une sécurité et une forte probante renforcée » in Le commerce électronique: de la théorie à la pratique, Cahiers du C.R.I.D., n° 23, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 75 et s. |
[189] | Au sens de modalité de l'obligation. |
[190] | En ce sens, B. Bellen et N. Watzeels, « Bijzondere aandachtspunten... », o.c., T.R.V., 2011, pp. 597-598. |
[191] | B. Bellen et N. Watzeels, « Bijzondere aandachtspunten... », o.c., T.R.V., 2011, pp. 597-598. |
[192] | « Overwegende dat partijen de uitoefening van de rechten met betrekking tot de bodemsanering verbonden hebben aan tijdslimiten; dat UCB [le débiteur de la garantie] stelt dat deze termijnen niet gerespecteerd werden; dat dient te worden vastgesteld dat Proviron [le bénéficiaire] de eerbieding hiervan niet bewijst. » Comm. Bruxelles, 25 août 2005, T.R.V., 2011, p. 593 et note B. Bellen et N. Watzeels, précitée. Dans le même sens, on peut citer la jurisprudence relative à l'action récursoire de l'assureur: c'est à lui qu'il appartient d'établir qu'il remplit toutes les conditions qui lui permettent d'exercer l'action récursoire (Cass., 7 juin 2002, R.D.C., 2005, p. 850), parmi lesquelles la notification de son intention d'exercer ce recours « aussitôt » qu'il a connaissance des faits qui le justifient. |
[193] | Sur ces questions et les évolutions jurisprudentielles, voy. M. Fontaine, « Déchéances, exclusions, définition du risque et charge de la preuve en droit des assurances », R.C.J.B., 2003, p. 20; J. Kirkpatrick, « La loi et la convention en matière de charge de la preuve du lien de causalité entre la faute lourde de l'assuré conventionnellement exclue de l'assurance et le sinistre », R.C.J.B., 2008, p. 542; J. Custers, « L'exclusion et la déchéance en matière d'assurance - causes d'exonération de l'assureur ou exclure l'exclusion », R.G.A.R., 2011, n° 14.787; H. Geens, « De verdeling van de bewijslast over de partijen... », o.c., pp. 174 et s.; E. Delaunoy, « De discussie over de bewijslast aangaande uitsluitingen in verzekeringen: een neverending story? », in Liber Amicorum J.-L. Fagnart, Anthémis-Bruylant, 2008, p. 97; C. Van Schoubroeck, « Bewijslast van 'uitsluitingen' in verzekeringen: nieuwe ontwikkelingen? », R.D.C., 2006, p. 774; M. Fontaine, « La charge de la preuve des exclusions en droit des assurances », R.G.D.C., 2009, p. 210; J.-L. Fagnart, « La preuve de l'exclusion de garantie: un débat qui n'en finit pas », For. ass., 2010, p. 226; M.A. Lefebvre-Masschelein, o.c., pp. 114-116. |
[194] | M. Fontaine, « Déchéances, exclusions, … », o.c., R.C.J.B., 2003, p. 64, n° 102. Un exemple de cause d'exclusion est, dans le cadre d'une police d'incendie, le fait que la couverture ne s'étend pas à l'incendie causé par des faits de guerre ou de terrorisme. L'assuré sollicitant une indemnisation devrait donc établir que l'incendie n'a pas été causé par de tels faits. Une cause de déchéance est par exemple la déclaration tardive de l'incendie en question. |
[195] | Par exemple, un véhicule n'est assuré contre le vol qu'à la condition qu'il soit muni d'un système anti-vol spécifique, plutôt que de prévoir une déchéance si l'assuré omet d'installer le système anti-vol en question. Voy. H. Geens, « De verdeling van de bewijslast over de partijen... », o.c., p. 184, n° 37. |
[196] | J.-L. Fagnart expose qu'une telle modification par le juge de la qualification donnée par le contrat à la clause ne peut pas intervenir, sauf si la volonté réelle des parties est différente de la volonté exprimée ou encore si cette volonté exprimée est entachée d'illégalité. Il conclut que cela sera rarement le cas, même en matière d'assurances (J.-L. Fagnart, « La requalification des clauses du contrat d'assurance », in Liber Amicorum L. Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 665). Pour une position différente, à propos de l'action récursoire, B. Dubuisson, « Ceci n'est pas une déchéance… » (note sous Cass., 19 février 2009), J.L.M.B., 2011/42, pp. 2053 et s. Sur la question en droit français, L. Mayaux, « Exclusions, conditions et déchéances: au coeur des ténèbres », R.G.A.R., 2012, n° 14.908. Une question connexe est celle de savoir si l'action récursoire de l'assureur, par les effets qu'elle produit, doit elle aussi être assimilée à une déchéance. Sur cette controverse, voy. C. Van Schoubroeck, « Verhaal van de WAM-verzekeraar en artikel 11 WLVO », R.D.C., 2010, p. 69. |
[197] | Récemment, Cass., 20 septembre 2012, qui se fonde explicitement sur le caractère impératif de l'art. 11 de la loi, Pas., 2012, I, p. 1704 et N.J.W., 2013, p. 266 avec note G. Jocqué, « Uitsluiting of vervalbeding »; Cass., 25 janvier 2002, R.G.A.R., 2003, n° 13.757; Liège, 22 juin 2005, R.G.A.R., 2007, n° 14.290. |
[198] | A propos de cette évolution, voy. les auteurs cités supra à la note 189 ainsi que L. Simont, « La charge de la preuve… », o.c., pp. 31 et s. Dans son arrêt du 1er juin 2012, la cour d'appel de Mons semble s'être départie de cette jurisprudence (R.G.A.R., 2012, n° 14.929 et note V. Callewaert, « La charge de la preuve des exclusions et son aménagement conventionnel: quelle sécurité juridique? »). |
[199] | M. Fontaine, « Déchéances, exclusions, … », o.c., R.C.J.B., 2003, p. 64, n° 102. Dans ses conclusions précédant l'arrêt du 18 janvier 2002, l'avocat général Henkes invoquait, dans le même sens, le fait que l'assuré basait sa demande d'indemnisation sur une « vraisemblance de risque couvert », à laquelle l'assureur opposait « un fait dont il alléguait qu'il le déchargerait de son obligation ». Cette position ne fait pas l'unanimité. En sens contraire: E. Delaunoy, « De discussie... », o.c., pp. 109 et s. et J. Kirkpatrick, dans sa note à la R.C.J.B., 2008 citée par ailleurs |
[200] | J. Kirkpatrick, « Essai sur les règles régissant la charge de la preuve en droit belge », o.c., pp. 115 et s. |
[201] | Par exemple, la survenance d'une dette fiscale non déclarée qui tomberait incontestablement dans le champ de la garantie convenue. |
[202] | Toujours dans le domaine des assurances, l'art. 88 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre permet à l'assureur, dans certaines situations, d'exercer une action récursoire à l'encontre de son assuré. En vertu de cette disposition, « sous peine de perdre son droit de recours », l'assureur doit notifier son intention d'exercer un recours aussitôt qu'il a connaissance des faits justifiant cette décision. Dans ce contexte, il a été considéré que la notification en question était une modalité d'exercice de l'action récursoire. La jurisprudence semble unanime pour considérer que la charge de la preuve de la notification incombe à l'assureur (p. ex., Mons, 21 mars 2005, J.LM.B., 2007, p. 427 et note J. Tinant, « L'action récursoire de l'assureur vie privée contre l'enfant mineur du preneur d'assurance: fondement et limites »). Outre les considérations de politique sociale propres au domaine des assurances, cette position nous paraît - indépendamment de la formulation de la loi - conforme à la tendance récente relative à la preuve d'une cause de déchéance dans le chef de l'assuré. Lorsqu'il exerce l'action récursoire, l'assureur prétend en effet qu'il est titulaire d'un droit à l'encontre de l'assuré, qui naît pour autant que l'assureur prenne certaines dispositions. Il lui appartient de le démontrer conformément à l'art. 1315, al. 1er, C. civ. Il ne peut, contrairement à l'assuré auquel on oppose une cause de déchéance, faire valoir un « droit apparent » à se prévaloir d'une action récursoire. |
[203] | P. Pichonnaz, « Le fardeau de la preuve dans l'avis des défauts », Institut pour le droit suisse et international de la construction, Bulletin d'actualités, juin 2013. |
[204] | Voy. en matière d'assurances, J. Kirkpatrick, « La loi et la convention en matière de charge de la preuve… » o.c., R.C.J.B., 2008, pp. 546 et s. |
[205] | A savoir que l'on peut se contenter d'une preuve par vraisemblance (voy. D. Mougenot, La preuve, Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2012, n° 23, pp. 101-103). |
[206] | Dans certains cas, la libération du débiteur découlera de la preuve d'éléments positifs, par exemple la connaissance par le bénéficiaire de l'événement concerné à une certaine date, rendant la notification tardive. |
[207] | Par exemple, s'il avait été averti en temps utile du litige avec un tiers, le débiteur aurait pu apporter des éléments permettant de faire rejeter la demande de ce tiers. C'est dans ce domaine qu'en pratique la difficulté de la preuve sera la plus importante, notamment s'agissant souvent de la perte d'une chance, et que donc la question de la charge de cette preuve se posera avec le plus d'acuité. |
[208] | Liège, 8 septembre 2000, Bull. ass., 2002, p. 125 et note H. De Rode, « La sanction du retard dans la déclaration de sinistre ». |
[209] | H. De Rode, « La sanction … », o.c., Bull. ass., 2002, pp. 129-130. |
[210] | Ce qui confirme le caractère artificiel de la recherche de l'intention commune des parties concernant des textes souvent négociés par des juristes et autres conseillers et sur lesquels les « décideurs » se penchent rarement eux-mêmes. |