Article

Tribunal de commerce Mons, 03/11/2011, R.D.C.-T.B.H., 2013/7, p. 604-606

Tribunal de commerce de Mons 3 novembre 2011

BANQUE ET CREDIT
Opérations bancaires - Carte bancaire - Notification du vol
En ne renseignant à la SA Atos Worldline que le compte principal lié à la carte, la banque ne peut pas garantir que la carte adéquate sera bloquée.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankkaart - Kennisgeving van diefstal
Doordat de bank aan SA Atos Worldwide enkel melding maakte van de hoofdrekening die aan een betaalkaart verbonden was, en niet van de eraan verbonden tweede rekening, kon niet worden verzekerd dat in alle gevallen de correcte kaart zou worden geblokkeerd.

M.J. et H.M. / SA ING Belgique

Siég.: D. Mougenot (juge), P. Battard et F. Goudaillez (juges consulaires)
Pl.: Mes S. Docquier, Moreau et O. Lesuisse

Après en avoir délibéré,

Vu les pièces de la procédure légalement requises, régulièrement produites en la forme,

Entendu les parties à l'audience du 6 octobre 2011, au cours de laquelle les débats ont été intégralement repris, compte tenu du changement de siège,

Vu les dossiers des parties.

I. Exposé des faits

M. M. est titulaire de deux comptes auprès de la SA ING Belgique:

- le compte (…), pour lequel il dispose d'une carte de banque personnelle;

- le compte (…), dont il est co-titulaire avec son épouse, pour lequel celle-ci dispose d'une carte de banque personnelle; M. M. ne dispose pas de carte de banque directement liée à ce compte mais il y a un accès limité avec la carte de banque liée au compte (…).

Le vendredi 14 novembre 2008, vers 18h30, il se rendit à la salle de terminaux bancaires de l'agence ING “Orsay”, située boulevard Dolez à Mons.

Il s'assit devant un terminal, y introduisit sa carte et tapa son code PIN.

A ce moment, il fut dérangé par un couple: la femme lui demanda de l'aide pour réaliser un dépôt; l'homme profita vraisemblablement de sa distraction pour récupérer sa carte.

M. M. tenta de récupérer sa carte sans succès. Le couple sortit alors de la salle et s'enfuit en courant.

M. M. regagna son véhicule. A 18h40, il appela le service Card Stop, géré par la SA Atos Worldline.

M. M. renseigna toutefois par erreur le numéro de compte (…). La préposée de la SA Atos Worldline lui demanda s'il souhaitait faire bloquer la carte de son épouse, soit la seule carte liée à ce compte, selon les renseignements auxquels la SA Atos Worldline avait accès.

M. M. lui confirma que la carte liée à ce compte devait être bloquée. La SA Atos Worldline procéda donc au blocage de la carte de Mme H., liée au compte (…). La carte de M. M., liée au compte (…), ne fut donc pas bloquée.

Le lundi 17 novembre 2008, M. M. déposa plainte auprès de la police de Mons.

Il se rendit également à son agence ING. L'erreur de blocage du compte n'apparut pas à ce moment.

Le montant total des retraits ou achats effectués par les voleurs entre le moment du vol et le 18 novembre 2008 s'établit à 5.137,53 EUR.

Le 8 janvier 2009, le conseil de M. M. mit la SA ING Belgique en demeure de rembourser le montant des retraits frauduleux.

Le 10 février 2009, la SA ING Belgique répondit qu'elle refusait d'endosser la responsabilité des retraits parce qu'elle estimait que M. M. avait commis une négligence grave. La SA ING Belgique releva également l'erreur de numéro de compte lors de l'appel au service Card Stop. Elle accepta toutefois de rembourser une somme de 855 EUR, correspondant aux retraits effectués les 17 et 18 novembre 2008, au motif que le problème de blocage aurait pu être détecté lors du passage de M. M. à l'agence, le 17 novembre 2008.

Le 7 mai 2009, le conseil de M. M. interpella également la SA Atos Worldline.

Le 27 mai 2009, celle-ci contesta toute responsabilité.

Le 3 juillet 2009, M. M. et Mme H. assignèrent la SA ING Belgique et la SA Atos Worldline devant le tribunal de commerce de Mons.

Par jugement du 28 avril 2011, le tribunal débouta M. et Mme M. de leur demande contre la SA Atos Worldline et condamna la SA ING Belgique à payer la somme provisionnelle de 2.150 EUR. Il ordonna la réouverture des débats pour le surplus.

II. Objet de la demande

Au stade actuel de la procédure, M. M. et Mme H. sollicitent la condamnation complémentaire de la SA ING Belgique à payer la somme de 1.982,53 EUR, augmentée des intérêts et des frais. Ils souhaitent que l'exécution provisoire soit accordée.

Ils ont également introduit une demande nouvelle, tendant à la condamnation de la SA ING Belgique à rembourser les frais de justice qu'ils ont dû payer à la SA Atos Worldline suite au précédent jugement.

III. Discussion
A. Position des parties
1. Position de M. M. et Mme H.

Dans la mesure où la carte de M. M. permettait d'effectuer des opérations sur deux comptes différents, il n'est pas normal que la SA ING Belgique n'ait pas fourni des informations concernant ces deux comptes à la SA Atos Worldline.

La SA ING Belgique a donc engagé sa responsabilité pour n'avoir pas transmis à la SA Atos Worldline les informations qui auraient permis à sa préposée d'identifier correctement la carte à bloquer dans le cas présent.

2. Position de la SA ING Belgique

Même si la carte de M. M. permettait d'effectuer des opérations sur le compte commun ouvert au nom de M. M. et Mme H., le compte principal de M. M. était son compte personnel. C'est le seul compte auquel sa carte donnait accès sur des terminaux autres que ceux de la SA ING Belgique. Dès lors, il est logique que la SA Atos Worldline ne soit informée que de l'existence du compte principal lié à la carte et non du compte secondaire.

Pour le surplus, l'absence de blocage du compte de M. M. lui est exclusivement imputable, puisqu'il a erronément mentionné le compte commun avec son épouse lors de l'appel au service Card Stop, plutôt que de mentionner son compte personnel, auquel était liée la carte qui lui avait été volée.

B. Examen par le tribunal
1. La responsabilité de la SA ING Belgique

Le problème vient donc de ce que la carte bancaire de M. M. lui permet d'effectuer des opérations sur deux comptes:

- le compte principal (…), ouvert exclusivement à son nom, auquel est liée la carte de banque émise par la SA ING Belgique;

- le compte secondaire (…), qui est le compte principal de son épouse mais auquel il a également accès et sur lequel il peut effectuer des opérations limitées.

Selon les explications données par la banque dans le cadre de la réouverture des débats:

- les terminaux autres que ceux de la SA ING Belgique ne donnent accès qu'au compte principal lié à la carte (ce sont les terminaux utilisés par les voleurs);

- les terminaux de la SA ING Belgique donnent accès aux deux comptes, de telle sorte que le porteur de la carte de M. M. avait la possibilité, sur de tels terminaux, de vider aussi bien le compte personnel de M. M. que le compte commun de M. et Mme M.

Il résulte de ces explications que, pour autant qu'il fréquente essentiellement un terminal de la SA ING Belgique, le client peut utiliser autant le compte secondaire que le compte principal, voire davantage.

Dès lors, on ne peut exclure que le client, invité par le service Card Stop à renseigner son numéro de compte lors de la notification du vol, indique le numéro de compte secondaire, s'il l'utilise fréquemment. C'est ce qui s'est passé dans le cas présent.

De ce fait, en ne renseignant à la SA Atos Worldline que le compte principal lié à la carte, la SA ING Belgique ne permet pas à la SA Atos Worldline de faire face à tous les cas de figure et d'avoir l'assurance que la carte adéquate sera bloquée.

La SA ING Belgique a donc commis une faute.

Cette faute est en lien causal avec l'absence de blocage du compte de M. M. En effet, celui-ci a déclaré au service Card Stop qu'il souhaitait bloquer sa carte et non celle de son épouse. Si le service Card Stop avait donc pu constater que deux cartes étaient liées au compte dont le numéro venait de lui être indiqué, il aurait pu bloquer la carte adéquate.

Dans un courrier du 12 mars 2009 (dossier de M. et Mme M., pièce 8), la SA ING Belgique a exposé au conseil de M. et Mme M. que Card Stop est une société externe à la SA ING Belgique, qui n'a pas accès à ses fichiers. Le client n'est pas supposé connaître la manière dont les banques se sont organisées pour remplir leur obligation d'établir un service chargé d'empêcher l'utilisation frauduleuse des cartes.

Dès lors, dans la mesure où le client ignore les informations données par la SA ING Belgique à la SA Atos Worldline, M. M. n'a pas commis de faute en communiquant le numéro du compte secondaire lié à la carte: il n'était pas sensé savoir que la SA Atos Worldline ne pouvait pas identifier sa carte à partir de ces données.

Dans ces conditions, le tribunal estime que la SA ING Belgique doit également supporter la charge des retraits effectués après la notification du vol de la carte.

2. Les frais de justice

2.1. Dans le précédent jugement, M. et Mme M. ont été condamnés à payer l'indemnité de procédure à la SA Atos Worldline, du fait du rejet de la demande qu'ils ont dirigée contre cette partie.

Ils introduisent une demande nouvelle contre la SA ING Belgique, pour obtenir le remboursement de cette somme. Ils estiment avoir été induits en erreur par le fait que la SA ING Belgique a tenté de se décharger de sa responsabilité sur la SA Atos Worldline.

La SA ING Belgique n'a rien répondu concernant cette demande.

2.2. La SA ING Belgique a indiqué que le service Card Stop était géré par une société externe. Elle n'a toutefois jamais soutenu, ni avant ni durant la procédure, que la SA Atos Worldline devait assumer seule toute responsabilité relative à la gestion de ce service.

De ce fait, si M. et Mme M. ont estimé devoir assigner la SA Atos Worldline en même temps que la SA ING Belgique, cela relève de leur propre initiative.

Dès lors, il n'y a pas lieu de condamner la SA ING Belgique à prendre en charge l'indemnité de procédure versée par M. et Mme M. à la SA Atos Worldline.

IV. Décision du tribunal

Le tribunal,

Renseignements relatifs à la procédure

Statuant contradictoirement,

Ayant fait application des articles 1, 30, 34, 36, 37 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Décision sur la demande dirigée contre la SA ING Belgique

Dit la demande recevable et fondée dans la mesure ci-après,

Condamne la SA ING Belgique à payer la somme de 1.982,53 EUR, augmentée des intérêts moratoires au taux légal à compter du 8 janvier 2009 jusqu'à paiement complet,

Déboute M. et Mme M. pour le surplus,

Condamne la SA ING Belgique aux dépens (frais de justice), fixés à la somme de 961,49 EUR.

Exécution provisoire

Ordonne l'exécution provisoire du jugement, même en cas de recours.

(...)