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Ordre de virement falsifié: Le point sur l'ancienne controverse, spécialement depuis l'entrée en vigueur de la loi relative aux services de paiement, R.D.C.-T.B.H., 2013/7, p. 591-597

BANQUE ET CREDIT
Opérations bancaires - Virement - Instruction falsifiée - Recours du titulaire du compte contre sa banque - Fondement - Nécessité d'établir, en fait, le faux - Clause contractuelle stipulant que les transactions exécutées à partir d'un ordre falsifié sont opposables au titulaire du compte, sauf dol ou faute lourde de la banque: validité (oui) et interprétation
L'article 1239 du Code civil et l'obligation de restitution du banquier dépositaire de fonds constituent deux fondements valables et indépendants de l'action du titulaire du compte contre son banquier tendant à voir ce dernier recréditer son compte des montants dont il a été débité à la suite de l'exécution d'un virement falsifié. L'un et l'autre fondements supposent toutefois que le titulaire du compte démontre la fausseté de l'instruction donnée, c'est-à-dire qu'elle n'émane pas de lui.
La clause contractuelle selon laquelle les transactions exécutées à partir d'un ordre falsifié sont opposables au titulaire du compte, sauf dol ou faute lourde de la banque, déroge aux fondements précités et tient valablement en échec l'action du titulaire du compte.
BANQUE ET CREDIT
Droit bancaire - Général - Conditions générales de banque - Modifications des conditions générales - Envoi d'une lettre type signalant que les conditions peuvent être obtenues en agence ou consultées sur le site Internet de la banque - Opposabilité
Les conditions générales dont l'acceptation, explicite ou tacite, par le client de la banque n'est pas établie, ne lui sont pas opposables. Ainsi en va-t-il d'une modification des conditions générales qui a été annoncée à la clientèle par une lettre type mentionnant que les nouvelles conditions peuvent être obtenues à l'agence ou consultées sur le site Internet de la banque, a fortiori lorsque son envoi au client n'est pas établi.
BANK EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Overschrijving - Vervalste overschrijvingsopdracht - Vordering van de titularis van de rekening tegen zijn bank - Juridische grondslag - Noodzaak om de vervalsing in feite te bewijzen - Contractueel beding dat stelt dat de transacties uitgevoerd aan de hand van een vervalste order tegenstelbaar zijn aan de titularis van de rekening, behoudens bedrog of grove fout van de bank: geldigheid (ja) en interpretatie
Artikel 1239 BW en de restitutieplicht van de bankier als geldbewaarnemer zijn twee geldige en onafhankelijke grondslagen voor de vordering van de titularis van de rekening tegen zijn bank strekkende tot het wedercrediteren van zijn rekening die ten gevolge van de uitvoering van een vervalste overschrijvingsopdracht werd gedebiteerd. Beide grondslagen veronderstellen wel dat de valsheid van de overschrijvingsopdracht wordt bewezen, i.e. dat zij niet van de titularis van de rekening uitgaat.
De contractuele clausule die stelt dat de aan de hand van een vervalste overschrijvingsopdracht uitgevoerde transacties tegenwerpelijk zijn aan de titularis van de rekening, behalve bedrog of grove fout van de bank, en daardoor van de hogervermelde principes afwijkt, is geldig en staat de vordering van de titularis van de rekening in de weg.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankrecht - Algemeen - Wijziging van de algemene voorwaarden - Opsturen van een standaardbrief die de wijziging aankondigt en vermeldt dat de nieuwe versie beschikbaar is in de agentschappen en op de website van de bank kan worden geraadpleegd - Tegenstelbaarheid
De algemene voorwaarden waarvan de uitdrukkelijke of stilzwijgende aanvaarding door de cliënt van de bank niet wordt aangetoond, zijn aan die cliënt niet tegenstelbaar. Dit geldt ook in geval van een wijziging van de algemene voorwaarden die aan het cliënteel aangekondigd werd door een standaardbrief waarbij wordt gesteld dat de nieuwe voorwaarden op de agentschap kunnen worden bekomen of op de website van de bank kunnen worden geraadpleegd, a fortiori als de verzending ervan aan de cliënt niet wordt bewezen.
Ordre de virement falsifié: Le point sur l'ancienne controverse, spécialement depuis l'entrée en vigueur de la loi relative aux services de paiement

1.Objet de la note - L'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles publié ci-avant ne devrait pas justifier de longs commentaires. D'abord, parce que la solution qui s'y trouve développée repose, au premier chef, sur une appréciation de fait, étrangère au champ de la critique doctrinale: le demandeur, constate la cour, demeure en défaut d'établir, en fait, la fausseté de l'instruction de virement, ce qui suffit à le débouter de sa demande tendant au remboursement des fonds dont son compte a été débité. Ensuite, parce qu'au coeur même des questions juridiques qu'il aborde, l'arrêt confirme, sans réelle innovation, des solutions déjà bien établies dans la jurisprudence. Ces questions avaient trait, en l'espèce: 1° à l'opposabilité des modifications apportées aux conditions générales de banque, lorsque la clientèle n'en est avisée qu'au moyen d'un avis circulaire spécifiant l'endroit où les nouvelles conditions peuvent être consultées et/ou obtenues [1]; 2° au fondement juridique du recours exercé par le donneur d'ordre contre son établissement de crédit en vue d'obtenir le remboursement des fonds dont son compte a été débité en exécution du virement falsifié; 3° à la portée qu'il convient de donner à la clause contractuelle par laquelle la banque répute opposable au titulaire du compte les opérations exécutées à la suite d'une instruction falsifiée, sauf dol ou faute lourde de sa part.

Seules les deux dernières questions, qui concernent la problématique du faux virement, retiendront ici notre attention.

Concernant la première, l'arrêt nous offre l'occasion:

    • de renouveler l'appréciation critique que nous avions déjà formulée en son temps [2] quant à la façon dont la jurisprudence dominante [3] aborde la question des conséquences de l'exécution d'un faux virement entre le titulaire du compte débité et son banquier, et dont l'arrêt commenté propose une nouvelle illustration, à tout le moins implicite (infra, n° 3);
    • de nous interroger sur l'incidence que peuvent avoir, sur cette problématique, les règles spécifiques édictées récemment en matière de services de paiement (infra, n° 4).

    Quant à la seconde, la cour y développe une solution qui confirme, si besoin en est, l'importance d'une analyse au cas par cas des clauses contractuelles par lesquelles les banques s'efforcent, sous des formes et des libellés divers, de minimiser les conséquences juridiques pouvant résulter, pour elles, de l'exécution d'un virement falsifié (infra, n° 5).

    2.Les données du litige et l'arrêt de la cour - Un ressortissant congolais domicilié en Belgique ouvre un compte d'épargne auprès d'une banque belge. Lorsque, quelques années plus tard, il retourne dans son pays d'origine, il prend soin de le signaler à la banque et lui communique sa nouvelle adresse à Kinshasa.

    Quelque temps après, la banque reçoit, par un courrier international expédié depuis Kinshasa, une instruction dactylographiée, portant la signature de son client, référant à un entretien téléphonique de la veille et sollicitant la clôture de ses avoirs dans les livres de la banque et leur transfert vers le compte d'une banque espagnole.

    La signature apposée sur l'instruction est jugée conforme au spécimen déposé et la banque lui donne exécution.

    Dans les semaines suivantes, à l'occasion d'une visite en Belgique, le client se rend à la banque et y apprend que son compte a été clôturé. Il conteste l'opération, en vain, puisque la banque se retranche derrière la conformité de la signature figurant sur l'instruction au spécimen conservé dans ses livres.

    Face au refus d'intervention de la banque, le titulaire du compte assigne cette dernière en vue de l'entendre condamner à lui restituer les fonds dont son compte a été débité en exécution de l'instruction de clôture. Le tribunal de première instance le déboute, au motif qu'il n'établit pas qu'il ne serait pas le titulaire et/ou le bénéficiaire économique du compte de la banque espagnole vers lequel les fonds ont été transférés. Le titulaire du compte interjette appel et, pour parer à l'argument du premier juge, dépose une plainte en Espagne, qui révèle que le compte litigieux a bien été ouvert à son nom, mais sous une adresse et une signature n'ayant rien à voir avec les siennes et à l'appui d'une carte d'identité portant une adresse douteuse.

    Las, la cour déboute à nouveau le titulaire du compte.

    En préambule de son raisonnement, elle affirme, après avoir relevé que celui-ci appuie sa demande à la fois sur l'article 1239 du Code civil et sur l'obligation de restitution du banquier teneur de compte, que le choix de ce double fondement n'a rien de contradictoire, puisque, constate-t-elle par référence à sa jurisprudence antérieure, “il s'agit du même problème abordé sous deux angles d'analyse différents”.

    La Cour n'ira cependant pas plus loin dans l'examen de la pertinence de ces fondements puisque, comme elle le relève judicieusement, l'un et l'autre supposent à tout le moins que la fausseté de l'instruction soit établie et que précise-t-elle ensuite dans le cadre de son appréciation souveraine des éléments de faits de la cause, le titulaire du compte demeure en défaut d'apporter une telle démonstration.

    Ayant ainsi évincé, la demande principale du titulaire du compte sans avoir dû s'immiscer dans les discussions théoriques entourant son bien-fondé, la cour se penche sur la demande que ce dernier formait à titre subsidiaire, tendant à ce qu'une expertise graphologique soit ordonnée en vue de confirmer le faux. La cour la rejette, en renvoyant à la clause des conditions générales de la banque, selon laquelle les transactions exécutées sur base d'une instruction falsifiée ou altérée sont en principe opposables au client, à moins que leur exécution ne procède d'une faute lourde ou d'un acte intentionnel de la banque. Selon la Cour, il résulte de cette clause, dont elle confirme en passant la pleine validité, que, fût-elle même reconnue fausse, l'instruction litigieuse n'en demeurerait pas moins opposable au titulaire du compte, eu égard à sa grande ressemblance avec une instruction authentique. En effet, précise la cour, au terme du passage sans doute le plus intéressant de son arrêt, ladite clause déroge non seulement au droit commun de la responsabilité pour faute, étranger à l'espèce, mais aussi aux “principes” du droit commun que sont l'article 1239 du Code civil et l'obligation de restitution du teneur de compte, sur lesquels le titulaire du compte fondait sa demande.

    3.L'hypothèse du faux virement exécuté sans faute de la banque et le droit commun des obligations - A cet égard, l'arrêt commenté s'inscrit dans la droite ligne de la tendance jurisprudentielle qui a progressivement identifié, dans le carcan touffu du droit des obligations, deux fondements juridiques possibles à l'action du titulaire du compte à l'encontre de son banquier, tendant à voir ce dernier recréditer le compte du premier, en l'absence de toute faute dans son chef au niveau de l'exécution du virement. Le premier de ces fondements nous transporte, on le sait, dans le droit du paiement: c'est l'article 1239 du Code civil, selon lequel le paiement fait à une personne qui n'est pas le créancier ou une personne habilitée par lui à recevoir est sans effet, en ce sens qu'il oblige son auteur à payer une seconde fois dans les mains du créancier ou, le cas échéant, de son fondé de pouvoir. Le second procède de l'application d'un aspect particulier de la fameuse théorie des risques à l'obligation de restitution du banquier résultant de la convention de compte et qui, précise la jurisprudence, “est analogue à celle du dépositaire”. Plus spécifiquement, l'adage genera non pereunt commanderait que la “disparition” des fonds consécutive à l'exécution du virement falsifié ne fasse pas obstacle à l'obligation, pour le banquier, de les restituer à son client, dès lors qu'ils constituent des choses de genre.

    Bien que, comme en témoigne l'arrêt commenté, ces analyses aient poursuivi leur pénétration dans la jurisprudence, elles demeurent, à notre estime, non justifiées en droit:

    1. d'un côté, une juste application de la “théorie des risques” implique que le risque lié à l'exécution non fautive d'une instruction falsifiée soit supporté par le titulaire de la créance en compte (i.e. le titulaire du compte), qui voit sa créance de sommes disparaître à la suite de cette exécution, plutôt que par le banquier qui a correctement exécuté le virement.
      Pour le dire autrement, le raisonnement inspiré de l'adage genera non pereunt est inapproprié en tant qu'il est induit par l'idée d'une assimilation des avoirs en compte à des “fonds” ou des “espèces” déposés à la banque. Une telle assimilation est, en effet, inexacte, en droit: la monnaie scripturale (“les fonds”) ne constitue(nt) nullement une “chose”, à laquelle l'adage puisse trouver à s'appliquer, mais, tout au plus, une créance de sommes inscrite en compte bancaire;
    2. quant au droit commun du paiement, il ne permet pas davantage de fonder le droit du titulaire du compte d'obtenir, de son banquier, la restitution des fonds dont son compte a été débité en exécution du faux virement.
      Pour le comprendre, il faut accepter cette idée, jadis clairement émise tant dans la doctrine que dans la jurisprudence [4], que le banquier qui exécute un faux virement ne procède nullement, vis-à-vis du titulaire du compte, à un paiement dans les mains d'une personne non habilitée à recevoir (hypothèse visée à l'art. 1239 C.civ.) mais, beaucoup plus fondamentalement à un paiement sans dette (hypothèse visée à l'art. 1235 du Code civil). Il est incontestable, en effet, que le banquier qui exécute un faux virement n'a, par définition, reçu aucune instruction du titulaire du compte l'invitant à procéder au virement qui est repris dans la formule falsifiée et qu'il n'est donc pas obligé à l'exécution de l'opération de virement qui figure dans l'instruction qui lui est remise. L'analyse est d'ailleurs valable dans toutes les situations où l'instruction de virement n'émane pas de la personne qui, au terme de la convention de compte, est habilitée à la donner (i.e. le titulaire du compte), que cet état de fait résulte d'une falsification (fabrication, par un tiers, d'une instruction de toutes pièces au nom du titulaire du compte ou altération, par un tiers, de tout ou partie des modalités d'une instruction donnée par le titulaire du compte [5]) ou non (instruction donnée par une personne non habilitée, sans altération de la vérité). Dans tous ces cas, le banquier, lorsqu'il exécute l'instruction, procède à un paiement sans dette. La tentation d'y voir un paiement dans les mains d'un tiers non habilité à recevoir, au sens de l'article 1239 du Code civil, procède sans doute du fait que le paiement (i.e. l'exécution du virement) est opéré sur instruction d'une personne autre que le titulaire du compte. Ceci ne signifie cependant nullement que ce paiement soit un paiement effectué dans les mains d'une personne non habilitée à le recevoir, au sens de l'article 1239 du Code civil: le paiement visé sous cette disposition est celui d'une dette préexistante, effectué dans les mains d'une personne qui n'est pas le créancier ou une personne ayant reçu pouvoir de recevoir de lui. Or, ce lien obligataire initial que postule nécessairement l'article 1239 du Code civil lorsqu'il énonce sa non-disparition du fait du paiement effectué dans les mains d'un tiers non habilité à recevoir, fait précisément défaut en matière de faux virement puisque la prestation que le banquier est invité à effectuer n'est jamais due, de même d'ailleurs que dans tous les cas où, indépendamment de toute falsification, le banquier est invité à exécuter une opération de virement sur instruction d'une personne qui n'est pas le titulaire du compte. Eu égard à ce qui précède, c'est uniquement dans le cadre organisé par l'article 1235 du Code civil qu'il convient d'analyser les conséquences du paiement, par le banquier, d'une instruction de virement n'émanant pas du titulaire du compte. Or, cette disposition se limite à consacrer, au profit du seul solvens (i.e. de l'auteur du paiement, donc du banquier ayant exécuté le virement), une action en répétition, l'autorisant à récupérer, dans les mains de l'accipiens (i.e. de celui qui a reçu la prestation caractéristique du virement, c'est-à-dire la personne qui est mentionnée comme bénéficiaire dans l'instruction de virement et dont le compte s'est trouvé crédité à la suite de son exécution), ce qui lui a été payé sans être dû [6]. En revanche, elle ne saurait constituer le fondement d'une quelconque action au profit du titulaire du compte. Cette juste application du droit du paiement à l'hypothèse du virement falsifié explique d'ailleurs pourquoi la banque du donneur d'ordre demeure fondée à répéter le paiement, le cas échéant en faisant appel à la banque du bénéficiaire, tant que les fonds n'ont pas quitté le compte du bénéficiaire [7].

    Pour l'ensemble des motifs évoqués ci-dessus, il nous paraît que la solution qui tend à faire supporter, en droit commun, les conséquences de l'exécution non fautive d'un virement falsifié par le banquier plutôt que par le titulaire du compte doit être désapprouvée, en tant qu'elle procède d'une application inexacte des principes du droit des obligations [8].

    4.Portée des clauses contractuelles qui, sous des formes et sous des libellés divers, tendent à limiter les conséquences dommageables pouvant résulter, pour la banque, de l'exécution d'un ordre de virement falsifié - Une clause contractuelle que l'on retrouve fréquemment dans les conditions générales bancaires a pour objet de restreindre la responsabilité de la banque en matière de vérification de la conformité de la signature au spécimen déposé, en la limitant au dol ou à la faute lourde. En tant qu'elle réfère expressément au concept de responsabilité, une telle clause constitue, dans le plus pur sens du terme, une clause exonératoire de responsabilité. Selon l'opinion dominante, notamment consacrée en jurisprudence [9], elle demeure strictement cantonnée au terrain de la responsabilité et n'a pas pour effet d'écarter l'application des autres dispositions du Code civil ou des autres institutions juridiques qui permettent de fonder l'action du titulaire du compte en l'absence de faute de la banque. Comme nous l'avons déjà fait valoir [10], cette solution nous paraît contestable: même si elle renvoie expressément au concept de responsabilité, une clause exonérant la banque de toute responsabilité vis-à-vis du donneur d'ordre lorsqu'elle n'a commis qu'une faute légère au niveau de ses devoirs de vérification doit être nécessairement interprétée, au nom de l'effet utile, comme excluant toute intervention de la banque, en l'absence de faute de sa part, et comme écartant, partant, l'application des principes et institutions du droit des obligations, par définition alternatifs à l'idée de responsabilité, qui seraient susceptibles de justifier une telle intervention dans cette hypothèse.

    Ces dernières années, les tribunaux ont eu l'occasion de se prononcer sur la portée de clauses similaires. Ainsi le tribunal de première instance de Bruxelles [11] et le tribunal de commerce de Bruxelles [12] ont-ils considéré, de concert, que la clause selon laquelle “le client assume toutes les conséquences pouvant résulter du vol ou de la perte des (formules, moyens de paiement et autres cartes diverses mis à sa disposition par la Banque)” faisait valablement obstacle à l'action du titulaire du compte fondée sur l'article 1239 du Code civil et/ou sur l'obligation de restitution du dépositaire de fonds. Ceci confirme, si besoin en est, l'importance du libellé concret de chaque clause et, partant, la nécessité d'une analyse au cas par cas [13].

    L'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles en offre une nouvelle illustration: la cour y admet, cette fois, qu'une clause affirmant l'opposabilité au titulaire du compte les opérations exécutées sur base d'un ordre falsifié en l'absence de dol ou de faute lourde de la banque déroge valablement aux dispositions alternatives du droit commun des obligations qui sont susceptibles de fonder, en l'absence de toute faute de l'établissement financier, l'action du titulaire du compte tendant à la restitution des fonds dont son compte a été débité. Cette décision, qui s'écarte de la jurisprudence antérieure de la cour rendue en matière de clauses exonératoires de responsabilité “au sens strict”, doit être approuvée sans réserve.

    L'on rappellera cependant que toute cette discussion sur la capacité des clauses des conditions générales bancaires à déroger aux dispositions et institutions du droit des obligations, étrangères à l'idée de responsabilité, qui sont susceptibles de fonder l'action du titulaire du compte vis-à-vis de sa banque en l'absence de toute faute de cette dernière, se trouve dépourvue du moindre intérêt si l'on admet, comme nous le pensons, que le droit commun des obligations n'offre en réalité aucun fondement, alternatif à l'idée responsabilité, à l'action du titulaire du compte.

    5.Incidence des règles relatives aux services de paiement - Il convient de se demander dans quelle mesure les débats qui précèdent (supra, nos 3 et 4) ont conservé leur actualité avec l'entrée en vigueur de la réglementation relative aux services de paiement.

    Dans le cadre de la réalisation du marché unique des paiements, l'Union européenne s'est en effet dotée de règles harmonisées concernant non seulement le statut des “établissements de paiement”, mais aussi plusieurs aspects fondamentaux de la relation contractuelle découlant des services de paiement, notamment les droits, obligations et responsabilités incombant aux prestataires et aux utilisateurs de tels services [14].

    Dans ce contexte, un régime spécifique de répartition des “responsabilités” (i.e.des pertes) en cas d'“opérations de paiement non autorisées” [15] a notamment été mis sur pied. Ce régime repose sur la combinaison de deux règles. La première, a priori d'ordre général, veut qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement rembourse immédiatement au “payeur” (i.e. le titulaire du compte), le montant de cette opération et, le cas échéant, rétablisse le compte de paiement débité dans l'état où il se fût trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu [16]. Cette règle est manifestement de droit impératif et il ne semble pas qu'il puisse y être dérogé par les parties [17]. La seconde règle est a priori plus particulière, puisqu'elle ne s'applique que dans l'hypothèse où le caractère non autorisé de l'opération de paiement procède du vol, de la perte ou du détournement [18] de l'instrument de paiement qui a servi à l'initier. Elle prévoit, par dérogation à la règle générale qui consacre une responsabilité exclusive du prestataire de services de paiement, un régime de responsabilité partagée entre celui-ci et le “payeur”. Ce régime s'articule, en substance, comme suit:

      • jusqu'à la notification de la perte, du vol, ou du détournement, le “payeur” supporte les pertes jusqu'à concurrence de 150 EUR, sauf s'il a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d'une négligence grave, aux devoirs de vigilance lui incombant relativement à l'instrument de paiement [19], auquel cas ce plafond ne s'applique pas;
      • sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière résultant de l'utilisation de l'instrument de paiement postérieurement à la notification de son vol, de sa perte ou de son détournement.

      La preuve de la fraude du payeur, de la méconnaissance intentionnelle de ses obligations concernant l'instrument de paiement ou d'une négligence grave dans son chef à cet égard incombe au prestataire de services de paiement, ce qui, bien que la loi le précise expressément [20], paraît ne constituer qu'une simple confirmation du droit commun puisqu'il s'agit, pour le prestataire de services de paiement, d'autant de causes d'exonération de sa responsabilité particulière sous l'égide de l'article 61 de la directive/article 37 de la loi.

      Enfin, à la différence de la règle prévue à l'article 60 de la directive/article 36 de la loi, la responsabilité énoncée par l'article 61 de la directive/article 37 de la loi peut être conventionnellement écartée par les parties, lorsque l'utilisateur de services de paiement n'est pas un consommateur [21].

      A notre estime, le cas de l'ordre de virement papier falsifié relève, contrairement à l'opinion généralement émise dans la doctrine [22], de l'article 61 de la directive/article 37 de la loi (qui s'applique aux opérations de paiement non autorisées qui ont été initiées au moyen d'un instrument de paiement volé, perdu ou détourné) et, non de l'article 60 de la directive/article 36 de la loi (qui s'applique aux autres cas d'opération non autorisées [23]): dans le cas du virement falsifié, l'opération est en effet initiée au moyen d'un “instrument de paiement” [24] volé, perdu ou détourné, qui n'est autre que la formule de virement.

      Si l'hypothèse du faux virement reçoit donc aujourd'hui une solution spécifique, taillée sur mesure par le législateur, il reste à s'interroger concrètement quant à la place que cette solution spécifique laisse encore aux solutions traditionnelles inspirées du droit commun des obligations.

      La réponse à cette question paraît relativement simple: il semble acquis que les solutions développées par la directive en matière de répartition des responsabilités liées à l'exécution d'une opération non autorisée ont nécessairement pour effet, non seulement au titre lex specialis mais plus encore au titre de normes de droit communautaire procédant d'un mouvement d'harmonisation du droit des divers Etats membres, d'écarter toutes autres dispositions légales et/ou institutions juridiques du droit commun susceptibles de déboucher sur des solutions différentes.

      Concrètement, il s'en suit notamment que:

      1. le titulaire du compte ne pourrait invoquer le droit commun des obligations ou le droit commun de la responsabilité pour se dégager du plafond minimal de 150 EUR que la réglementation relative aux services de paiement met, en règle, à sa charge et postuler la prise en charge intégrale des pertes encourues par le prestataire de services de paiement [25].
        Il ne pourrait pas davantage, s'il s'est montré gravement négligent dans la gestion de son instrument de paiement (i.e. dans l'usage de la formule de virement), invoquer ces mêmes fondements pour tenter d'échapper à la responsabilité intégrale que fait peser sur lui la réglementation relative aux services de paiement dans cette situation [26];
      • si l'utilisateur de services de paiement a omis de signaler l'“opération non autorisée” à son prestataire de services de paiement dans les délais prescrits par la réglementation [27] ou par les parties dans la limite où elles peuvent y déroger [28], il perd non seulement le droit d'obtenir la correction de cette opération dans le contexte de l'article 61 de la directive, mais aussi le droit d'obtenir, sur base de toute autre disposition légale et/ou institution juridique du droit commun, la correction et/ou la remise en question de l'opération de paiement;
      • si le prestataire de services de paiement établit avec succès l'existence de “circonstances anormales et imprévisibles échappant (à son) contrôle, dont les suites auraient été inévitables malgré tous les efforts déployés” [29], c'est non seulement sa responsabilité spécifique au regard de l'article 61 de la directive qui se trouve écartée [30], mais aussi, à notre estime, toute autre obligation d'indemnisation susceptible de puiser sa source dans un fondement juridique alternatif;
      • enfin, si les parties, faisant usage de la possibilité qui leur est offerte, dérogent au régime de répartition des “responsabilité” mis en place par l'article 61 de la directive/article 37 de la loi lorsque l'utilisateur des services de paiement n'est pas un consommateur, il conviendra d'analyser, au cas par cas, le régime contractuel ainsi mis en place. En tout état de cause, il n'y aura pas lieu de se demander si les dispositions conventionnelles spécifiques qu'elles ont arrêtées dérogent également aux dispositions et institutions du droit commun susceptibles de régir les responsabilités respectives encoures par le payeur et le prestataire de services, l'application de ces dernières étant, par définition même, déjà écartée par le régime ad hoc instauré par la directive.

      6.Conclusion - Il semble bien que la loi relative aux services de paiement ait privé de l'essentiel de leur intérêt pratique les anciennes discussions entourant la problématique du faux virement, et sa possible résolution en droit des obligations, lorsque le droit commun de la responsabilité pour faute n'est d'aucun secours. Elle organise, en effet, dans une telle hypothèse, un régime spécifique de répartition des pertes entre le payeur et le prestataire de services de paiement qui, en quelque sorte, épuise totalement la question et exclut, par sa nature même, l'application de toutes autres dispositions et/ou institutions concurrentes du droit commun des obligations.

      S'il conduit à mettre en principe à charge du prestataire de services de paiement les pertes résultant de l'exécution de l'instruction de virement falsifiée même lorsque celui-ci n'a commis aucune faute en procédant à son exécution, ce régime spécifique est, à certains égards [31], plus favorable au prestataire de services de paiement que ne l'étaient les anciennes solutions que la jurisprudence et la doctrine majoritaires prétendaient déduire du droit commun des obligations. A notre estime, ce curieux constat ne fait que confirmer, rétrospectivement en quelque sorte, l'inexactitude de ces solutions.

      Enfin, si le carcan légal s'est sensiblement resserré et uniformisé, il demeure que les parties conservent, dans une certaine mesure, la possibilité d'en écarter ou d'en moduler l'application en faisant usage des ressources inépuisables de l'autonomie de leur volonté. Ainsi, le prestataire de services de paiement et l'utilisateur professionnel sont-ils libres d'organiser conventionnellement un régime dérogatoire à celui découlant de l'article 61 de la directive/article 37 de la loi. Les clauses traditionnelles de limitation de responsabilité ou de répartition des risques continueront de constituer des instruments tout à fait valables et efficaces à cet égard, dans toute la mesure où elles instaurent un régime contractuel spécifique venant écarter le régime légal. En marge de ces dérogations “ directes”, un espace d'intervention tout à fait intéressant demeure ouvert aux parties, leur permettent d'organiser indirectement une répartition spécifique des responsabilités liées aux opérations non autorisées, en modulant et/ou renforçant les diligences attendues du titulaire du compte en rapport avec l'utilisation de son instrument de paiement. L'établissement financier pourrait par exemple renforcer considérablement les conditions d'utilisation de la formule papier [32] comme instrument d'initiation d'une opération de paiement, en telle sorte que le titulaire du compte qui recourrait néanmoins à une telle formule sans s'entourer des diligences requises soit considéré comme ayant commis une “négligence grave” et soit amené à devoir supporter entièrement les conséquences de la falsification de la formule. Pareille clause devrait contribuer à décourager encore l'utilisation de la formule papier au profit des instruments de paiement électronique. N'ayant pas pour effet de déroger directement au régime de responsabilité mis en place par la réglementation relative aux services de paiement, ni même d'interférer dans la notion de “négligence grave” [33], elle devrait par ailleurs pouvoir trouver à s'appliquer dans les relations avec les consommateurs.

      Olivier Creplet

      Avocat au barreau de Bruxelles

      [1] A cet égard, l'arrêt, en tant qu'il décrète de telles modifications inopposables au client, ne fait que confirmer la jurisprudence antérieure de la cour: voy. notamment Bruxelles 30 avril 2009, JLMB 2010, p. 923. La solution est, du reste, très généralement admise par la nombreuse doctrine consacrée à l'opposabilité des conditions générales. Il est logique, en effet, que ne puissent être opposées au client que les clauses contractuelles que celui-ci a acceptées, une simple information quant à l'existence de ces clauses et aux possibilités de se les procurer ou de les consulter ne suffisant pas à établir une telle acceptation.
      [2] Voy. notre étude: “Les conséquences juridiques de l'exécution d'un faux virement dans le rapport entre le titulaire du compte débité et la banque”, DBF, 2006/II, pp. 69 et s.
      [3] Voy. notamment, outre les décisions analysées dans notre étude précitée et énumérées au point 14 de l'arrêt: Comm. Liège 9 février 2006, JLMB 2007, p. 161, note C. Winandy, “L'exécution d'un virement falsifié”; Civ. Bruxelles 29 janvier 2007, RDC-TBH 2009, 11 et s., observations A.-P. André Dumont. La doctrine approuve très largement ces décisions et les solutions qu'elles consacrent. Voy. spécialement: R. Steennot, “Vervalste overschrijvingsopdrachten: artikel 1239 BW, afwijkende bedingen in de bankvoorwaarden en de leer van de onrechtmatige bedingen”, DBF, 2006/II, pp. 59 et s.; E. Wymeersch, R. Steennot et M. Tison, “Overzicht van rechtspraak. Privaat Bankrecht. Overschrijvingen (1999-2007)”, TPR 2008, liv. 3, pp. 1178-1209; R. Steennot, “Niet-toegestane betalingstransacties onder de wet betalingsdiensten: over aansprakelijkheid, risicobeheersing en grove nalatigheid” in Betalingsdiensten. De nieuwe regelgeving onder de loep genomen, Cahiers de l'AEDBF, n° 23, Intersentia-Anthémis, 2011, pp. 105 et s., spécialement pp. 130-132, nos 43-44.
      [4] Voy. spécialement les arrêts de la cour d'appel de Bruxelles du 18 décembre 1987 (RDC-TBH 1989, 789) et 10 septembre 1991 (JLMB 1992, p. 1085, obs. F. De Patoul, “La responsabilité du banquier en cas d'exécution d'un virement falsifié”), ainsi que le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 9 février 1990 (RDC-TBH 1992, 701).
      [5] Même si la formule falsifiée procède de la simple altération d'une ou de plusieurs modalités (montant, bénéficiaire, etc.) d'une instruction de virement véritable, c'est toujours l'ordre de payer lui-même qui se trouve inventé et, partant, l'obligation de la banque d'y donner suite. En exécutant l'instruction de virement falsifiée, la banque procède donc invariablement à un paiement sans dette. Ceci étant, si la falsification ne porte que sur le montant d'une instruction de virement véritable, il n'y aura lieu à application de l'art. 1235 du Code civil que dans la mesure où le montant du virement exécuté excède celui de l'instruction véritable donnée par le titulaire du compte. S'il n'est pas applicable à l'hypothèse du virement falsifié, l'art. 1239 du Code civil pourrait néanmoins trouver application dans l'hypothèse, très différente, où le banquier exécute imparfaitement un ordre de virement véritable, en créditant le compte d'un bénéficiaire autre que celui qui se trouve indiqué dans l'instruction de virement. En ce cas, il y a bien paiement d'une dette préexistante (le banquier est bien obligé à l'exécution du virement) mais ce paiement est opéré dans les mains d'une personne non habilité à recevoir (i.e. le récipiendaire qui voit son compte crédité, et qui n'est pas le bénéficiaire indiqué dans l'instruction de virement).
      [6] Pour une décision récente confirmant, sur la base des règles du paiement de l'indu, le droit de la banque du bénéficiaire de contrepasser, à la demande de la banque ayant exécuté un ordre de virement irrégulier, l'écriture portée au crédit du compte du bénéficiaire, voy. Bruxelles 13 janvier 2009, RDC-TBH 2011, 277, observations M. Delierneux et J.-P. Buyle: “Le virement irrégulier et l'indu”.
      [7] En règle, cette répétition prendra la forme simplifiée de la contrepassation.
      [8] Cette opinion est, au demeurant, partagée pour des motifs divers par une partie de la doctrine. Voy., spécialement: S. Rutten, “Het risico bij een valse overschrijvingsopdracht: geen vraagstuk op het vlak van de nakoming, maar op het vlak van de totstandkoming van verbintenissen” (note sous Bruxelles 19 novembre 2002), RW 2005-06, pp. 1628 et s.; C.G. Winandy, “Contribution à l'étude sur la nature juridique du virement”, DBF, 2002/IV, pp. 187 et s., spécialement pp. 200 à 203; C.G. Winandy, “Les conditions générales bancaires. Le fonctionnement du compte” in Les conditions générales bancaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 212 et s.; A.-P. André Dumont, observations sous Civ. Bruxelles 29 janvier 2007, RDC-TBH 2009, 14 et s., spécialement p. 15, n° 4.
      [9] Voy. Bruxelles 18 novembre 1999, RDC-TBH 2000, 680 (“la clause qui exonère la banque de sa faute légère commise lors de sa vérification de la conformité de la signature…, est inapplicable… dès lors que le titulaire du compte n'invoque nullement la responsabilité pour faute de la banque mais les mécanismes de droit commun admis ci-avant…”) et, quoique beaucoup plus implicitement, Bruxelles 18 mars 2003, RDC-TBH 2005, 152 et s., observations J.-P. Buyle et M. Delierneux.
      [10] “Les conséquences juridiques…”, o.c., p. 80, n° 16.
      [11] Civ. Bruxelles 29 janvier 2007, RDC-TBH 2009, 11, observations A.-P. André Dumont.
      [12] Comm. Bruxelles 3 décembre 2008, RDC-TBH 2010/2, 105, note N. Spruyt. En l'espèce, l'on notera cependant que le virement litigieux avait été donné non sur une formule mise à disposition par la banque, mais sur un feuillet libre émanant du titulaire du compte.
      [13] Nous soulignions déjà cette importance dans notre étude précitée: “Les conséquences juridiques…”, o.c., p. 80, n° 16.
      [14] Directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, JOUE 5 décembre 2007, L 319/1. Cette directive a essentiellement été transposée en droit belge par la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement (MB 15 janvier 2010) et la loi du 21 décembre 2009 relative au statut des établissements de paiement, à l'accès à l'activité de prestataire de services de paiement et à l'accès aux systèmes de paiement (MB 19 janvier 2010). Pour des commentaires à la fois généraux et approfondis de ces législations, voy. notamment: les diverses études de l'ouvrage bilingue de l'AEDBF, Betalingsdiensten - Services de paiement, Cahiers de l'AEDBF, n° 23, Anthémis-Intersentia, 2011, 199 p.; C. Alter, “Droit bancaire général” in Rép.not., T. IX, Livre XI, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 247 et s.; I. De Poorter, “De wet betreffende de betalingsdiensten leidt tot een betere bescherming van de consument”, RW 2010-11, pp. 1330 et s.; G. Hennard, “L'exécution d'opérations de paiement non autorisées et l'inexécution ou l'exécution incorrecte d'opérations de paiement”, DBF, 2009/I, pp. 3 et s.; E. Jacobs, “De verdeling van de aansprakelijkheid in geval van frauduleus gebruik van een betaalinstrument”, DBF, 2009/I, pp. 22 et s.; R. Steennot et T. Baes, “Wet op de betalingsdiensten: bescherming of overbescherming ?”, DBF, 2010/IV, pp. 208 et s.; A. Vandoolaeghe, “De wet betalingsdiensten op de korrel genomen”, DCCR 2010, n° 89, pp. 62 et s.
      [15] C'est-à-dire d'opérations auxquelles le “payeur” n'a pas donné son consentement (art. 54 de la directive et art. 28 de la loi relative aux services de paiement). Par “payeur”, il convient d'entendre, en substance, le titulaire du compte de paiement qui a donné ou (en cas d'opération non autorisée) est censé avoir donné un ordre de paiement à partir de ce compte (art. 4, 7) de la directive et 2, 4° de la loi).
      [16] Art. 36 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement (qui transpose l'art. 60 de la directive PSD). Notons que l'art. 36 précise que l'obligation de la banque de recréditer le compte du payeur ne doit intervenir qu'“après une vérification prima facie pour fraude dans le chef du payeur”. Ce point procède d'un ajout du législateur belge qui ne figure nullement dans l'art. 60 de la directive. Voy. notamment, à ce sujet: R. Steennot et T.  Baes, “Wet op de betalingsdiensten…”, o.c., p. 230; C. Alter, “Droit bancaire général”, o.c., n° 376, pp. 272-273. Il suscite la perplexité de la doctrine (A. Vandoolaeghe, o.c., p. 85, n° 23), à juste titre, puisqu'il semble signifier que la banque devrait recréditer le compte du titulaire même lorsqu'il n'est pas encore établi, de façon décisive, que l'opération n'a pas été “autorisée” au sens où l'entend le texte légal. Il convient, à notre estime, de tenir cet ajout pour dépourvu d'effet et de privilégier une lecture du texte conforme à la directive. L'on observera, par ailleurs, que les règles dérogatoires énoncées en matière de charge de la preuve, spécialement la règle selon laquelle “lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée…, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre” (art. 35, § 1er de la loi, qui transpose l'art. 59, 1. de la directive), ne concernent pas, comme telle, la démonstration du caractère “non autorisé” de l'opération de paiement (i.e., en matière de faux virement, de la falsification de l'ordre), de sorte que cette preuve continue d'incomber, par application du droit commun, au titulaire du compte.
      [17] Ce que la doctrine peine à comprendre, eu égard à la lecture à notre avis erronée qu'elle se fait de cette disposition légale, comme nous allons le voir. Voy. notamment: R. Steennot et T. Baes, “Wet op de betalingsdiensten…”, o.c., p. 230.
      [18] Du moins lorsque ce détournement procède du fait que le payeur n'est parvenu à préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés, comme le précisent tant la directive (art. 61, 1.) que la loi (art. 37, § 1er, 1er al.).
      [19] En l'occurrence, il s'agit des devoirs suivants:

      - utiliser l'instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation, ceci incluant l'obligation de prendre toute mesure pour raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés;

      - signaler, dès qu'il en a connaissance, toute perte, tout vol, ou toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement (art. 56 de la directive et art. 31 de la loi).
      [20] Art. 37, § 3 de la loi relative aux services de paiement.
      [21] Art. 55 de la loi (qui transpose l'art. 51, 1. de la directive).
      [22] A l'unanimité, semble-t-il, la doctrine admet en effet que l'art. 60 de la directive/art. 36 de la loi trouve à s'appliquer dans l'hypothèse d'une opération de paiement initiée au moyen d'une instruction écrite falsifiée, soit qu'elle procède de l'interception et de l'altération d'une instruction véritable, soit qu'elle ait été inventée de toutes pièces. Selon cette doctrine, la formule de virement écrite ne constituerait pas un “instrument de paiement” au sens de la réglementation relative aux services de paiement, c'est-à-dire un “dispositif personnalisé et/ou ensemble de procédures convenu entre l'utilisateur de services de paiement et le prestataire de services de paiement et auquel l'utilisateur de services de paiement a recours pour initier un ordre de paiement” (art. 2, 10° de la loi qui transpose littéralement la définition contenue à l'art. 4, 23) de la directive PSD). Cette opinion se fonde pour l'essentiel sur une prise de position plus ou moins officielle de la Commission européenne quant à la portée du concept d'“instrument de paiement”, qui se trouve relatée dans un document de questions-réponses établi dans le cadre de la transposition et du suivi de l'application de la directive, et disponible sur le site de la Commission (le lien est le suivant: http://ec.europa.eu/internal_market/payments/framework/transposition_en.htm_question, p. 31 du document, question n° 34; voy. également G. Hennard, “L'exécution d'opérations de paiement non autorisées et l'inexécution ou l'exécution incorrecte d'opérations de paiement”, o.c., n° 7, pp. 8 et 9; E. Jacobs, “De verdeling van de aansprakelijkheid in geval van frauduleus gebruik van een betaalinstrument”, o.c., pp. 24-25).
      [23] Par exemple, une opération de paiement initiée par le prestataire de services de paiement ou par le système de paiement, sans le consentement du payeur et sans qu'il n'y ait eu perte, vol, ou détournement d'un instrument de paiement. Cette lecture restrictive fait de l'art. 60 de la directive/art. 36 de la loi, nonobstant son libellé extrêmement général et ses allures de règle de principe, une disposition qui devrait, en pratique, trouver à s'appliquer beaucoup plus rarement que l'art. 61 de la directive/art. 37 de la loi.
      [24] La notion d'“instrument de paiement” définie dans la directive (voy. la note de bas de page 22 ci-dessus) nous paraît libellée en termes suffisamment généraux que pour englober l'instruction écrite de paiement acceptée par l'établissement financier. Une telle interprétation se justifie d'ailleurs au regard de la volonté générale d'uniformisation dont a procédé la directive. Enfin, la lecture restrictive proposée par la doctrine dans la foulée de l'avis informel exprimé par la Commission européenne, engendre d'importantes disparités et incohérences, qui nous paraissent difficilement justifiables, entre le régime applicable à l'opération de paiement initiée au moyen d'un instrument de paiement (carte, digipass, etc.) volé, perdu ou détourné et le régime applicable au virement papier falsifié (disparités se manifestant spécialement au niveau du système même de répartitions des responsabilités, au niveau des possibilités de dérogation conventionnelle, etc.).
      [25] Sauf à considérer que cette possibilité relève de la faculté de dérogation prévue par l'art. 61, 3. de la directive, ce qui nous semble inconcevable, en l'absence de dérogation expresse prévue à cet effet dans la loi relative aux services de paiement.
      [26] Sauf, une fois encore, à considérer que cette possibilité relève de la faculté de dérogation prévue par l'art. 61, 3. de la directive, ce qui nous semble inconcevable, en l'absence de dérogation expresse prévue à cet effet dans la loi relative aux services de paiement.
      [27] C'est-à-dire “sans tarder” et “au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit” (art. 34 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement (qui transpose l'art. 58 de la directive PSD). Ces délais ne valent pas si le prestataire de services de paiement a manqué à ses obligations de reddition de compte relativement à l'opération de paiement concernée.
      [28] Les parties peuvent en effet, lorsque l'utilisateur n'est pas un consommateur, convenir d'un délai distinct. La règle est énoncée à l'art. 55 de la loi (qui transpose l'art. 51, 1. de la directive).
      [29] Art. 78 de la directive.
      [30] Pour en arriver là, il faudrait toutefois admettre que la falsification de l'instruction de virement puisse constituer une circonstance anormale et imprévisible au sens défini par la directive. Or, à notre avis, il convient de répondre par la négative à cette question, même si la falsification est réalisée de façon à ce point convaincante qu'elle survivrait à tout contrôle de conformité de signature opérée avec prudence et diligence: en pareil cas, la falsification ne franchit les procédures d'authentification que parce que celles-ci ont été définies a minima de façon compatible avec les impératifs de la circulation des paiements, étant entendu que des efforts complémentaires (spécialement l'interpellation du titulaire du compte en vue de se faire confirmer l'instruction, etc.) devraient toujours permettre de mettre à jour la falsification. L'analyse pourrait sans doute s'avérer quelque peu différente au regard du droit belge, puisque la loi belge de transposition a traduit, de façon un peu regrettable selon nous, l'exception prévue dans la directive par référence au concept de “force majeure” (art. 54 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement). Or, compte tenu des difficultés entourant la définition exacte de ce concept, ceci pourrait avoir pour conséquence de réinscrire de plein pied dans le droit commun de la responsabilité pour faute la responsabilité du prestataire de services en cas d'opérations non autorisées. Si l'on s'en tient, en effet, à l'acception classique du concept de force majeure comme cause d'exonération de la responsabilité civile (selon laquelle la force majeure n'est rien d'autre que l'inverse de la notion de faute, voy. notamment, à ce sujet: P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, Bruylant, 2010, pp. 1378 et s., nos 963 et s., spécialement p. 1382, n° 967), il faudrait considérer qu'elle peut être invoquée avec succès par l'établissement financier dans toutes les hypothèses où l'exécution de l'instruction de virement falsifiée n'implique aucune faute de sa part. Ceci devrait, en toute logique, couvrir toutes les situations dans lesquelles l'instruction ne comporte aucune anomalie de nature à éveiller la suspicion de l'établissement financier dans le cadre des vérifications qu'il s'est engagé à effectuer ou qu'il est d'usage d'effectuer (i.e., en général, la confrontation avec le spécimen de signature). Dans tous ces cas, le régime spécifique introduit par la loi relative aux services de paiement se trouverait alors écarté.
      [31] Le régime issu de la PSD/LSP met en tout cas à charge du titulaire du compte un montant de 150 EUR jusqu'à la notification de la perte, du vol ou du détournement de l'instrument de paiement. Cette règle ne s'applique cependant pas et le prestataire supporte toutes conséquences liées à l'utilisation de l'instrument de paiement s'il n'a pas, comme c'est le cas, en règle, en matière d'instructions papier, fourni de moyens appropriés permettant, à tout moment, de procéder à une notification (art. 61, 5. de la directive). Si le régime spécifique de réglementation relative aux services de paiement est plus favorable que le régime que les partisans de l'art. 1239 du Code civil et/ou de l'obligation de restitution déduisent du droit commun, c'est surtout parce qu'il reporte, sur le payeur, les conséquences de l'opération non autorisée lorsque celui-ci s'est rendu coupable de négligence grave dans la gestion de son instrument de paiement (i.e.de la formule de virement), alors que les fondements issus du droit commun persisteraient à s'appliquer même en cas de faute du titulaire du compte (cette dernière justifiant, tout au plus, une action reconventionnelle du prestataire de services de paiement pour paralyser, sur base du droit commun de la responsabilité, tout ou partie des conséquences de l'application de ces fondements du droit commun).
      [32] Spécialement sur papier libre, le risque de falsification semblant a priori nettement moindre en matière de formules de virement pré-imprimées.
      [33] Il est en effet admis que les parties ne sont pas autorisées à interférer dans la définition du concept de “négligence grave” consacré par la réglementation relative aux services de paiement (spécialement par les dispositions organisant la répartition des responsabilités en cas de vol, de perte ou de détournement de l'instrument de paiement). L'analyse est très justement défendue par la doctrine au nom du caractère impératif desdites dispositions légales (voy. notamment: C. Alter, “Droit bancaire général”, o.c., n° 380, p. 276; R. Steennot, “Niet-toegestane betalingstransacties onder de wet betalingsdiensten: over aansprakelijkheid, risicobeheersing en grove nalatigheid”, o.c., pp. 123-124, n° 33). Elle est traduite, de surcroît, dans les travaux préparatoires de la directive (voir spécialement le considérant 33 in fine, selon lequel “Les clauses et conditions contractuelles concernant la fourniture et l'utilisation d'un instrument de paiement qui auraient pour effet d'alourdir la charge de la preuve incombant au consommateur ou d'alléger la charge de la preuve imposée à l'émetteur devraient être considérées comme nulles et non avenues.”). Ceci étant, il convient de bien faire le départ entre une clause impliquant une immixtion directe dans le contenu de la notion de “négligence grave” (p. ex. une clause assimilant tel ou tel comportement prédéterminé de l'utilisateur à de la “négligence grave”), qui est assurément nulle, et une clause ayant simplement pour objet de renforcer les conditions d'émission et d'utilisation de certains instruments de paiement (démarche qui est incontestablement permise, notamment au regard des dispositions énonçant les obligations de l'utilisateur en rapport avec son instrument de paiement (art. 56 de la directive PSD et art. 31 de la loi)), dans l'optique d'influer sur la possible qualification du comportement de l'utilisateur comme procédant d'une “négligence grave”. Il y a là, à notre estime, une distinction, certes subtile mais bien réelle, traçant un interstice dans lequel la rédaction de la clause jouera un rôle déterminant.