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La refonte du Règlement Bruxelles I Champ d'application et compétence, R.D.C.-T.B.H., 2013/5, p. 307-333

La refonte du Règlement Bruxelles I Champ d'application et compétence

Stéphanie Francq [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Applicabilité dans le temps et force obligatoire du nouveau règlement

II. Champ d'application dans l'espace A. Les difficultés antérieures A.1. Critère du domicile du défendeur

A.2. L'effet 'reflex' de l'article 22

A.3. Le sort des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers

B. Les réponses envisagées

C. Les réponses apportées C.1. Le statu quo

C.2. Des avancées partielles (i) Consommateur et travailleur agissant contre un défendeur domicilié dans un Etat tiers

(ii) Procédures parallèles entre Etat membre et Etat tiers: articles 33 et 34

C.3. Une insécurité juridique prolongée: de fausses pistes de solution (i) Convention de La Haye de 2005 sur les accords d'élection de for

(ii) Les nouveaux articles 33 et 34

III. Domaine matériel, en particulier connexions avec les procédures arbitrales A. Procédures arbitrales et procédures judiciaires

B. Les réponses envisagées

C. Les réponses apportées

D. Problématiques diverses concernant le champ d'application matériel, en particulier l'insolvabilité

IV. Modifications des règles relatives à la compétence A. Les oubliés de la réforme

B. Les retouches ponctuelles: biens culturels, contrat de travail et comparution volontaire

C. Amélioration de l'efficacité des procédures C.1. Validité des clauses de juridiction (i) Les questions antérieures

(ii) Les questions à venir

C.2. Litispendance (i) Litispendance et clauses de juridiction

(ii) Litispendance de manière générale

C.3. Propriété industrielle

Conclusion

RESUME
Le Règlement Bruxelles Ibis (règlement 1215/2012) opère la refonte du Règlement Bruxelles I. Il sera applicable aux actions intentées après le 10 janvier 2015 et abroge le Règlement Bruxelles I. La contribution présente les modifications majeures apportées par le règlement 1215/2012 à l'exception des mesures provisoires et de la suppression de l'exequatur analysées par d'autres commentateurs de cette revue. Les avancées significatives dans la matière analysées concernent essentiellement l'efficacité des clauses de juridiction et l'établissement d'une règle de litispendance et de connexité dans le cas d'une procédure parallèle pendante dans un Etat tiers. Sur d'autres points, comme celui de l'effet 'reflex' des compétences exclusives, des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers, de l'interface avec l'arbitrage et des difficultés rencontrées dans le cadre des procédures en matière de propriété industrielle, la refonte s'avère décevante. Il est utile de rappeler les attentes qui pesaient sur la refonte, pour apprécier les espoirs satisfaits et prendre acte des espoirs déçus.
SAMENVATTING
De Brussel Ibis-Verordening (verordening 1215/2012) is een herwerking van de Brussel I-Verordening. Deze verordening zal van toepassing zijn op rechtsvorderingen ingesteld na 10 januari 2015 en heft de Brussel I-Verordening op. Deze bijdrage bevat de voornaamste wijzigingen in de verordening 1215/2012, met uitzondering van de voorlopige maatregelen en de afschaffing van het exequatur, die verder in deze uitgave door anderen worden besproken. De meest ingrijpende wijzigingen in onderzochte materie betreffen hoofdzakelijk de doeltreffendheid van de forumkeuzebedingen en het bepalen van een regel inzake aanhangigheid en samenhang in het geval van een in een andere lidstaat aanhangig gemaakte parallelle procedure. In andere opzichten, zoals de reflexwerking van de exclusieve bevoegdheden, de forumkeuzebedingen waarbij de gerechten van een derde land worden aangewezen, de interface met arbitrage en de moeilijkheden omtrent procedures inzake industriële eigendom, levert de herwerking een ontnuchterend beeld op. Het is nuttig te herinneren aan de verwachtingen die de herwerking had gesteld om te zien welke daarvan ingelost werden en welke niet.
Introduction

Le Règlement Bruxelles I, bien connu des praticiens, contient des règles uniformes relatives à la compétence internationale, ainsi qu'à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, actes authentiques et transactions judiciaires en matière civile et commerciale [2]. Successeur de la Convention de Bruxelles de 1968, le règlement constitue une pièce majeure de l'édifice grandissant du droit international privé européen, dont la connaissance est facilitée par la mise en place du réseau judiciaire européen [3]. Les juridictions des Etats membres de l'Union européenne se sont habituées à ce règlement adopté en 2001 et ont largement contribué à son développement [4]. Elles doivent aujourd'hui intégrer une nouvelle pièce dans l'échiquier: le Règlement Bruxelles I est désormais remplacé par le règlement 1215/2012 opérant une refonte du premier [5].

La révision du règlement était programmée. L'article 73 du Règlement Bruxelles I imposait à la Commission de présenter au Conseil et au Parlement européen, au plus tard cinq années après l'entrée en vigueur du règlement, un rapport relatif au fonctionnement du règlement éventuellement accompagné de propositions de modification. En prévision de cette révision potentielle du règlement, deux rapports universitaires commandés par la Commission lui ont été remis en septembre 2007: d'une part, le rapport des professeurs Hess, Pfeiffer et Schlosser comportait une appréciation générale du fonctionnement du règlement et des propositions de modifications, d'autre part, le rapport du professeur Nuyts portait sur l'application résiduelle des règles nationales concernant la compétence internationale et l'exécution des décisions dans les domaines couverts par le Règlement Bruxelles I et par le Règlement Bruxelles IIbis [6]. La Commission a ensuite publié un Livre vert, accompagné d'un rapport [7]. Le Livre vert a donné lieu à une consultation publique [8], puis à une étude d'impact [9] et enfin, à une proposition de règlement en décembre 2010 [10]. La matière a beaucoup intéressé le Parlement européen, qui avant même la proposition de la Commission, a adopté, en septembre 2010, une résolution sur la révision du règlement 44/2001 annonçant sa position sur un certain nombre de points [11]. Sur certains d'entre eux, comme les modalités de suppression de l'exequatur ou encore l'interface avec l'arbitrage, la position du Parlement a été maintenue après la publication de la proposition de règlement et a eu un impact important sur le contenu du texte final. Dans le cadre de la procédure formelle postérieure à la publication de la proposition de règlement, le Parlement a finalement adopté une résolution législative le 20 novembre 2012 [12], après l'adoption d'un document d'orientation général préparé par la présidence danoise au sein du Conseil en juin 2012 [13]. Ces deux derniers textes, qui avaient fait l'objet de négociations informelles pendant plusieurs mois, sont très proches. Le Conseil a adopté l'acte le 6 décembre 2012 après la première lecture du Parlement. Le règlement 1215/2012, constituant la refonte du Règlement Bruxelles I, a finalement été signé par le Parlement et le Conseil le 12 décembre 2012 [14].

Les grands chantiers que devaient envisager la refonte ont été largement commentés à propos de la proposition de règlement [15]: la discussion portait sur l'extension du domaine d'application du règlement aux situations dites externes, c'est-à-dire aux défendeurs domiciliés dans un pays tiers, sur l'interface entre le Règlement Bruxelles I et l'arbitrage, sur la correction de certains défauts d'articulation entre les dispositions du règlement donnant lieu à des stratégies procédurales diminuant l'efficacité des procédures (on pense principalement aux 'torpédos' italiens ou belges consistant à saisir les juridictions de ces deux pays connues pour des délais de procédures relativement longs alors qu'une clause de juridiction désigne les juridictions d'un autre Etat membre; à la contestation artificielle de la validité d'un brevet ou d'un autre droit de propriété industrielle donnant lieu à enregistrement, durant la procédure en contrefaçon, déplaçant le contentieux devant la juridiction disposant d'une compétence exclusive relative à la validité de ces droits désignée par l'art. 22; à l'interprétation restrictive donnée à l'art. 6 du règlement neutralisant la théorie du 'spider in the web' en matière de droits de la propriété industrielle, etc.), sur l'amélioration du sort des mesures provisoires et surtout sur les modalités d'abolition de l'exequatur. Les difficultés avaient été mises en lumière dans le Rapport de Heidelberg et résumées dans le Livre vert de la Commission. Quant à l'abolition de l'exequatur, le Conseil européen lui-même avait souhaité cette avancée dans le cadre plus vaste de la reconnaissance mutuelle [16].

Le texte adopté, dont l'appellation reste encore à définir (Bruxelles Ibis, Recast, Refonte, …), constitue une version assagie de la proposition de la Commission. Il est intéressant de noter que la révision d'un règlement dont le fonctionnement semblait à première vue satisfaisant, a donné lieu à la proposition de modifications majeures, puis à des débats passionnés, avant de revenir à un compromis marqué par les renoncements, à tel point qu'à certains égards, les problèmes demeurent entiers. La refonte apporte toutefois certaines améliorations pratiques non négligeables dans le domaine de la compétence et abolit la procédure d'exequatur pour toute la matière civile et commerciale, ce qui constitue une avancée importante pour l'espace judiciaire européen. La présente étude présente les traits essentiels de cette révision, tout en rappelant brièvement les difficultés antérieures. Les modifications liées aux mesures provisoires et à l'abolition de l'exequatur sont traitées de manière plus approfondie dans d'autres contributions publiées dans le présent numéro sous la plume d'Arnaud Nuyts et de Mitchel Sellie.

I. Applicabilité dans le temps et force obligatoire du nouveau règlement

Le nouveau règlement est appelé à remplacer le règlement 44/2001. Toutes les dispositions du règlement 1215/2012 sont applicables aux “actions intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement, et aux transactions judiciaires approuvées à compter du 10 janvier 2015” (art. 66, 1.). Le même critère délimite donc le champ d'application temporel des règles relatives à la compétence et des règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution [17]. Le chapitre III du nouveau règlement relatif à la reconnaissance et à l'exécution et prévoyant l'exécution sans procédure d'exequatur ne sera pas pertinent dans la pratique avant plusieurs années puisqu'il conviendra d'attendre l'aboutissement des premières procédures introduites à partir du 10 janvier 2015 sur le fondement des règles de compétence du règlement 1215/2012. L'article 66, 2. de la refonte précise que le règlement 44/2001 continue à s'appliquer aux décisions rendues dans le cadre d'une procédure intentées avant le 10 janvier 2015. Cette précision est utile dans la mesure où à cette date, date d'applicabilité du règlement 1215/2012 (art. 81), le Règlement Bruxelles I sera abrogé (art. 80).

La force obligatoire du règlement, à l'image du Règlement Bruxelles I, ne s'étend pas au Danemark. On se souviendra que le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark, en raison d'un protocole additionnel annexé au traité, ne participent pas aux actes adoptés sur le fondement de l'actuel article 81 TFUE. Le Royaume-Uni et l'Irlande se sont toutefois réservé la possibilité de participer de manière ponctuelle à l'adoption et à la mise en oeuvre des actes de droit international privé européen, possibilité exercée à propos du Règlement Bruxelles I et de sa refonte (considérant 40). Le protocole additionnel concernant le Danemark ne prévoit toutefois pas cette possibilité d'opt in ponctuel, de sorte que la Communauté européenne a dû conclure un accord avec le Danemark garantissant l'application des dispositions du règlement 44/2001 à ce pays [18]. Concrètement, le défaut de participation du Danemark signifie que ce pays n'est pas considéré comme un Etat membre au sens du règlement. Ainsi, en l'absence d'un accord spécifique entre la Communauté et le Danemark, les règles de compétence du Règlement Bruxelles I et de sa refonte ne sont pas applicables lorsque le défendeur est domicilié au Danemark et les décisions rendues au Danemark ne bénéficient pas de la procédure d'exécution simplifiée prévues par ces deux règlements [19]. Fort heureusement, l'accord conclu en 2005 avec le Danemark prévoit la possibilité pour ce dernier Etat d'appliquer les modifications apportées par la suite au Règlement Bruxelles I (art. 3 de l'accord). Il suffit que le Danemark notifie à la Commission sa décision d'appliquer les dispositions modifiées du règlement (en l'occurrence le règlement 1215/2012) pour que naissent des obligations réciproques entre la Communauté (aujourd'hui, l'Union) et le Danemark (art. 3, § 6 de l'accord) [20]. Le Danemark a effectué cette démarche le 20 décembre dernier en avertissant la Commission de son intention d'appliquer le contenu du règlement [21]. Il doit encore notifier à la Commission la date d'entrée en vigueur des dispositions nationales d'exécution nécessaires. La participation du Danemark simplifie la pratique et assure le maintien de l'unité de l'espace judiciaire européen à propos du texte fondamental de cet espace.

II. Champ d'application dans l'espace

En raison de leur importance pratique considérable, les questions relatives à la délimitation du domaine d'application du règlement dit de refonte ont été l'objet de débats difficiles durant la négociation. L'enjeu est de savoir si le règlement est applicable ou non. Or s'il ne l'est pas, la compétence internationale du juge devra être fondée sur d'autres sources (une convention bi- ou multilatérale, les sources internes relatives à la compétence internationale). L'inapplicabilité du règlement implique donc un retour à la 'disharmonie' des systèmes nationaux et surtout, l'application potentielle de certaines règles de compétence dites exorbitantes (p. ex. en France, l'art. 14 du Code civil qui permet au demandeur français de saisir les juridictions françaises). L'identification des critères d'applicabilité, c'est-à-dire des critères qui déterminent si le règlement est applicable ou non, constitue un exercice plus complexe qu'il n'y paraît (comme le montrerons les lignes qui suivent) en particulier dans un environnement légal qui devient lui-même de plus en plus complexe. Il s'agit non seulement de distinguer les cas d'application du Règlement Bruxelles I des cas d'application du droit national relatif à la compétence internationale, mais aussi de distinguer les cas d'application du Règlement Bruxelles I (ou Bruxelles Ibis), de ceux d'autres règlements européens relatifs à la compétence internationale, notamment du règlement insolvabilité. La question de la délimitation des cas d'application du règlement se pose, bien entendu, en amont du litige puisqu'elle doit être réglée avant de proposer au juge la base de sa compétence. Deux aspects de cette question posent particulièrement problème: premièrement, l'identification du critère dit d'applicabilité spatiale, c'est-à-dire du critère qui délimite les cas d'application du règlement en raison de la configuration géographique de la situation (question traitée ci-dessous) et ensuite, la délimitation du domaine matériel du règlement, c'est-à-dire de l'identification des litiges qui relèvent du règlement en raison de leur objet (qui sera traitée au point III).

La modification du champ d'application spatial du règlement 44/2001 a constitué l'un des principaux points de débats. Pour différentes raisons techniques (A), la Commission avait proposé d'étendre l'application des règles de compétence du règlement au défendeur domicilié dans un Etat tiers (B). Le domaine spatial du chapitre relatif à la reconnaissance et à l'exécution demeurait inchangé, c'est-à-dire lié aux décisions émanant d'Etats membres, alors que des travaux antérieurs envisageaient son extension aux décisions judiciaires provenant d'Etats tiers [22] (B). La refonte limite finalement l'extension du domaine spatial à quelques dispositions, tout en introduisant une règle de litispendance et de connexité avec les Etats tiers (C).

A. Les difficultés antérieures

En vertu de l'article 4 du Règlement Bruxelles I, son application est soumise à la présence du domicile du défendeur sur le territoire d'un Etat membre (art. 4, 1.). A défaut, la compétence est déterminée par les règles nationales relatives à la compétence internationale, pour la Belgique, le Code de droit international privé ou d'autres règles éparses relatives à la compétence internationale comme l'article 4 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. Les articles 22 et 23 du Règlement Bruxelles I obéissent à des critères d'applicabilité spécifiques, distincts du domicile du défendeur (art. 4, 1. in fine). Pour chacune de ces dispositions, des doutes sont apparus quant à l'adéquation des critères d'applicabilité actuels [23].

A.1. Critère du domicile du défendeur

L'article 4, 1. a été repris à l'identique du texte de la Convention de Bruxelles lors de sa transformation en règlement européen, sans que l'on s'interroge sur la portée, en termes d'applicabilité spatiale, de la nature réglementaire du texte européen. Le critère de la Convention de Bruxelles semblait assez naturel dans le cadre d'un texte conventionnel (à une époque où les conventions internationales limitaient généralement leur bénéfice aux situations ancrées sur le territoire des Etats parties), d'autant plus que l'article 220 du traité sur la Communauté économique européenne, en vigueur à l'époque de l'adoption de la Convention de Bruxelles, encourageait les Etats membres à négocier en vue de simplifier la reconnaissance des jugements 'en faveur de leurs ressortissants' [24]. Pourtant, la transformation de la convention en règlement emportait une modification de la nature de l'acte consistant, entre autres, à soumettre celui-ci aux limites imposées par l'habilitation légale du traité autorisant les institutions européennes à adopter des actes de droit dérivé concernant le droit international privé (en l'occurrence, l'art. 65 TCE, devenu art. 81 TFUE). Or le droit primaire détermine son domaine d'application dans l'espace suivant des termes relativement précis qui encadrent la délimitation du domaine d'applicabilité du droit dérivé. Il s'avère que le critère du domicile du défendeur traduit mal le domaine d'application du traité, en particulier le domaine des règles du marché intérieur, alors que l'article 65 TCE sur la base duquel le Règlement Bruxelles I a été adopté, soumettait l'adoption du règlement 44/2001 aux besoins du marché intérieur [25]. L'article 81 du TFUE qui a déconnecté l'adoption des actes de droit international privé des besoins du marché intérieur, ne contient plus les mêmes contraintes. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, au milieu des travaux préparatoires de la réforme [26], ouvrait ainsi la voie à une réflexion plus large sur le domaine d'application du Règlement Bruxelles I, dépassant le questionnement sur l'adéquation du critère d'applicabilité spatiale aux règles du marché intérieur [27]. Dans le cadre de la création d'un espace de justice et de sécurité, il a semblé utile de s'interroger sur la justification de la distinction établie entre deux catégories de demandeurs localisés dans l'Union: le demandeur agissant contre un défendeur domicilié dans un Etat membre, bénéficiant du régime Bruxelles I, et le demandeur agissant contre un défendeur domicilié hors de l'Union européenne, soumis aux règles nationales de conflit de juridiction. Par ailleurs, le défaut éventuel d'identification d'une juridiction compétente dans un Etat membre pour les situations placées hors du domaine d'application du Règlement Bruxelles I comportait le risque d'un contournement des règles impératives européennes, dont rien n'assure qu'elles soient mises en oeuvre par les juridictions d'Etats tiers. Le Livre vert notait dès lors qu'une “approche commune renforcerait la protection juridique des citoyens et des opérateurs économiques de la Communauté et garantirait l'application de la législation communautaire contraignante” [28]. La transition vers un instrument applicable aux défendeurs domiciliés sur le territoire d'un Etat tiers semblait d'autant plus envisageable que d'autres règlements européens présentent déjà un domaine d'application universelle ou semi-universel. Le chapitre relatif à la compétence du règlement 4/2009 par exemple, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires, s'applique indifféremment au défendeur d'Etat membre et d'Etat tiers [29]. Le domaine d'application des règles de compétence de ce dernier règlement est dit universel, dans le sens où aucun critère d'applicabilité dans l'espace ne vient limiter les hypothèses d'application de celui-ci. Par conséquent, le juge d'un Etat membre saisi d'un litige international en matière alimentaire (dans le cadre des relations de famille) trouvera dans le règlement 4/2009 l'unique source de sa compétence internationale. A défaut de critère de compétence fournis par le règlement 4/2009, le demandeur ne pourra agir sur le territoire d'un Etat membre. L'exemple du règlement 4/2009 montre que pour la compétence internationale à tout le moins, l'application universelle d'un règlement européen est devenue envisageable [30].

A.2. L'effet 'reflex' de l'article 22

Comme indiqué plus haut, les articles 22 et 23 du règlement 44/2001 répondent à leurs propres critères d'applicabilité dans l'espace. L'application de ces deux dispositions à des situations partiellement localisées dans des Etats tiers a révélé une série de questions qui ont également alimenté la controverse relative au domaine spatial du Règlement Bruxelles I: la première concerne l'effet dit 'reflex' [31] de l'article 22 et la seconde le sort des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers.

L'article 22 établit une série de règles de compétence exclusive basées sur un facteur de compétence territoriale: en résumé, les tribunaux du lieu de l'immeuble sont seuls compétents en matière de droit réel immobilier ou de baux d'immeuble, les tribunaux du siège de la société sont seuls compétents pour toutes les questions entourant la validité et la dissolution de celle-ci, les tribunaux du lieu d'enregistrement des droits de propriété industrielle, les tribunaux du lieu d'enregistrement sont seuls compétents pour toutes les questions relatives à l'inscription et la validité, etc. La disposition s'applique 'sans considération de domicile' dès lors que le facteur de compétence (lieu de l'immeuble, de l'enregistrement, du siège, …) est localisé sur le territoire d'un Etat membre. C'est lorsque le facteur territorial est localisé dans un Etat tiers que les difficultés surgissent. Convient-il en pareil cas de considérer qu'aucune juridiction ne peut être compétente dans l'Union européenne ou au contraire, de retourner vers les articles 2 et 5 lorsque le défendeur est domicilié dans un Etat membre? Intuitivement, la logique de la compétence exclusive attachée à la localisation de l'immeuble par exemple semble devoir être transposée à la reconnaissance d'une compétence exclusive des juridictions étrangères du lieu de situation de l'immeuble et mener à l'absence de compétence des juridictions de l'Union. La doctrine l'a bien compris et a envisagé différentes options permettant de reconnaître la compétence des juridictions étrangères même en l'absence de prévision explicite à ce propos dans le Règlement Bruxelles I (et avant lui dans la Convention de Bruxelles). G.A. Droz avait, le premier, attiré l'attention sur cette problématique qu'il avait baptisée l''effet réflexe' de l'article 22 [32]. D'autres auteurs ont suivi ses traces en affinant la théorie, en la fondant soit sur l'existence d'un déclinatoire de compétence existant en droit national de la procédure de la juridiction désignée sur le fondement des articles 2 et 5 [33], soit dans une forme de 'bilatéralisation' de la règle de compétence de l'article 22 inspirée d'un raisonnement analogique [34], soit sur le caractère autonome de la section 6 conduisant à considérer que lorsque le critère d'applicabilité de la disposition n'est pas rempli, le défendeur communautaire devrait être protégé d'une action dans l'Union dans la matière concernée [35]. La difficulté rencontrée par ces différentes propositions tient toujours à l'absence de termes explicites dans le règlement relatifs à l'incompétence des juridictions européennes lorsque le facteur territorial de compétence (et d'applicabilité) est localisé sur le territoire d'un Etat tiers [36]. Ce manque explique sans doute la position de la Cour dans l'avis 1/03 qui semble conduire à un retour vers les règles générales de compétence dans une telle situation [37]. L'avis 1/03 sème ainsi le doute sur l'application des articles 22 et 23 dans des situations présentant des liens avec les Etats tiers.

A.3. Le sort des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers

Il est traditionnellement considéré que l'article 23 concernant les clauses de juridiction obéit à deux critères d'applicabilité dans l'espace figurant au paragraphe premier de la disposition: l'une des parties doit être domiciliée dans un Etat membre et les tribunaux désignés doivent être ceux d'un Etat membre [38]. Lorsque l'une de ces conditions n'est pas remplie, la clause est appréciée au regard du droit commun [39]. A priori, la clause désignant les tribunaux d'un Etat tiers est ainsi placée hors de la sphère d'application du Règlement Bruxelles I. Pourtant, dans l'avis 1/03, dans lequel la Cour était interrogée sur l'existence d'une compétence exclusive des institutions européennes pour la négociation de la Convention Lugano bis, la Cour a considéré que “l'application d'une règle de compétence prévue par l'accord envisagé peut aboutir à la désignation d'une juridiction compétente autre que celle qui aurait été désignée en vertu des dispositions du règlement n° 44/2001. Ainsi, lorsque la nouvelle convention de Lugano contient des articles identiques aux articles 22 et 23 du règlement nº 44/2001 et conduit sur cette base à la désignation comme for compétent d'un Etat tiers partie à cette convention, alors que le défendeur est domicilié dans un Etat membre, en l'absence de la convention, ce dernier Etat serait le for compétent, alors qu'avec la convention, c'est l'Etat tiers” [40]. Ce paragraphe implique qu'en présence d'une clause de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers, le juge compétent devrait, hors application de la Convention de Lugano, être désigné sur le fondement des articles 2 et suivants, lorsque le défendeur est domicilié dans un Etat membre [41]. Par conséquent, la clause de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers serait, non pas, appréciée sur le fondement du droit commun comme cela était traditionnellement envisagé, mais bien écartée, pour donner lieu à l'application des règles générales de compétence. Ainsi, la condition de désignation du tribunal d'un Etat membre semble devoir être lue comme une condition de validité de la clause et non comme une condition d'applicabilité de l'article 23. Si tel est le cas, l'avis 1/03 introduit une limitation considérable à l'autonomie de la volonté dans le règlement 44/2001. Et dans l'attente d'une confirmation ou au contraire d'une infirmation de cette affirmation, contenue dans un obiter dictum et non dans le dispositif, l'avis 1/03 constitue un facteur d'incertitude difficilement réconciliable avec la recherche de sécurité juridique que poursuivent les règlements européens de droit international privé [42]. La Cour elle-même semble en proie à l'incertitude, puisque dans un récent arrêt, elle présente à nouveau la localisation en Europe du tribunal désigné comme une condition d'applicabilité (et non de validité) de l'article 23 [43]. La pratique des juridictions nationales présente certaines hésitations [44].

En conclusion, l'analyse des trois dispositions centrales fixant le domaine d'application du règlement 44/2001 révèle les incertitudes entourant l'application du règlement aux situations partiellement localisées dans des Etats tiers. La refonte offrait l'occasion de faire évoluer le domaine du règlement et d'apporter certaines réponses à ces questionnements.

B. Les réponses envisagées

La proposition de règlement envisageait de donner aux règles de compétence du règlement une portée universelle. L'article 4 de la proposition contenait un second paragraphe prévoyant l'application du règlement aux personnes domiciliées dans un Etat tiers, à l'exclusion des règles nationales relatives à la compétence internationale. Pour parer au risque de déni de justice, pouvant survenir lorsque le demandeur ne trouve aucun for compétent dans l'Union sur le fondement du règlement, alors qu'une action dans un Etat tiers s'avère inenvisageable, la proposition de règlement introduisait une section spéciale réservée aux actions introduites contre un défendeur domicilié dans un Etat tiers (art. 4, § 2 de la proposition, renvoyant à la section 8 de la proposition). A l'image des articles 6 et 7 du règlement 4/2009, cette section spécifique proposait un allongement de la liste des fors compétents, reposant sur un for subsidiaire et un for de nécessité.

Une première disposition permettait au demandeur d'introduire une action devant les juridictions d'un Etat membre sur le territoire duquel se trouvaient des biens appartenant au défendeur pour autant que le litige présente un lien suffisant avec les juridictions saisies et que la valeur de ces biens ne soit pas disproportionnée par rapport à la valeur du litige (art. 25 de la proposition). Ce for fondé sur la présence de biens ne se laissait pas confondre avec le for spécifique prévu en matière de biens meubles dans la réforme proposée de l'article 5. Ce dernier permettait au demandeur agissant contre un défendeur domicilié dans un Etat membre ou dans un Etat tiers, d'agir devant les tribunaux de localisation d'un bien meuble lorsque le litige portait sur les droits réels ou la possession du bien en question. Le for subsidiaire, en comparaison, était disponible pour tout litige pour lequel aucun autre for ne pouvait être désigné sur le fondement des dispositions contenues dans les sections 1 à 7, indépendamment de son objet, mais uniquement à l'encontre d'un défendeur domicilié dans un Etat tiers.

Ce for subsidiaire, sorte de filet de sécurité en l'absence d'autre for compétent, était accompagné d'un article 26 établissant un forum necessitatis, à l'image de l'article 11 du Code belge de droit international privé. Cette disposition permettait au demandeur de saisir exceptionnellement les tribunaux d'un Etat membre présentant un lien suffisant avec le litige, alors que le règlement n'offrait aucun autre for compétent, lorsque “le droit à un procès équitable ou le droit d'accès à la justice” était menacé (art. 26 de la proposition de règlement). Il pouvait notamment s'agir de situations où une action hors de l'Union aurait été déraisonnable ou d'hypothèses où la décision obtenue à l'étranger n'aurait pu être reconnue en Europe.

Par ailleurs, l'ouverture du domaine d'application du règlement était accompagnée d'une règle de litispendance réglant le sort des procédures parallèles potentiellement introduites dans un Etat membre et un Etat tiers (art. 34 de la proposition).

Etonnamment, les questions soulevées par l'universalisation des règles de compétences exclusives (art. 22 et 23 du règlement 44/2001) n'étaient pas abordées dans la refonte [45]. L'introduction d'un article relatif aux clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers était évidemment attendue [46]. La refonte offrait également l'opportunité de régler le problème de l'effet 'reflex'. Mais la proposition de règlement demeurait malheureusement silencieuse à ce propos [47].

Malgré cette carence, la proposition de règlement faisait de l'universalisation du domaine d'application des règles de compétence du règlement l'un des points centraux de la refonte [48]. Les règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution, par contre, n'étaient pas appelées à une ouverture nouvelle, le critère de la décision rendue sur le territoire d'un Etat membre étant maintenu.

C. Les réponses apportées

L'idée d'une application universelle des règles relatives à la compétence internationale a été abandonnée, sauf en faveur des parties faibles. L'article 6, 1. du règlement 1215/2012 reprend presque mot à mot les termes de l'ancien article 4, 1. A l'exception constituée par les articles 22 et 23, devenus les articles 24 et 25, le nouveau règlement ajoute une exception concernant l'applicabilité spatiale des articles relatifs à la protection du consommateur et du travailleur (art. 18, 1. et 21, 2. nouveaux). L'ancien article 22 n'est pas modifié (art. 24 de la refonte). Quant à l'ancien article 23 (art. 25 de la refonte), il s'applique désormais 'sans considération de domicile'. Les questions de l'effet 'reflex' et du sort des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers ne sont donc pas tranchées. Une règle relative à la litispendance et à la connexité avec une procédure entamée dans un Etat tiers est ajoutée (art. 33 et 34).

Au sortir de la refonte, la question du domaine d'application spatiale du règlement européen relatif à la compétence internationale se décline en trois expressions: statut quo, avancées partielles et insécurité juridique prolongée.

C.1. Le statu quo

Le statu quo affecte le texte de l'ancien article 4, devenu article 6. A l'exception des règles concernant le consommateur et le travailleur [49], les règles de compétence internationale du règlement 1215/2012 sont donc a priori applicables uniquement lorsque le défendeur est domicilié dans un Etat membre. Les règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution demeurent applicables en faveur des seules décisions rendues dans un Etat membre. Les règles spécifiquement proposées en raison de l'extension du domaine d'application du règlement aux défendeurs domiciliés dans un Etat tiers, à savoir le for subsidiaire et le for de nécessité, sont abandonnées dans la version finale. Toutefois, la règle de litispendance, ainsi qu'une règle de connexité, visant les procédures parallèles entre Etat membre et Etat tiers ont été introduites dans le nouveau texte.

Au vu de l'attention reçue par cette question durant la phase préliminaire, l'abandon de l'universalisation du règlement semble surprenant [50]. Il s'explique peut-être par les réticences du Parlement, annoncées avant même l'adoption de la proposition de règlement par la Commission. La résolution du Parlement de septembre 2010, préparée par la Commission juridique en avril 2010 à la suite du rapport sur le fonctionnement du règlement 44/2001 accompagnant le Livre vert, faisait état de différentes inquiétudes relatives à l'adoption d'un domaine d'application universel, formulées en termes relativement imprécis [51]. La première concernait l'abandon d'une condition de réciprocité dans les relations entre Etats membres et Etats tiers, perçues comme la perte d'un avantage de négociation envers ces derniers Etats [52]. Le Parlement envisageait ensuite la reprise des travaux sur la convention sur les jugements internationaux au sein de la Conférence de La Haye, qui constituerait la seule solution adéquate pour régler le cas des défendeurs Etats tiers, notamment en raison du grand nombre d'accords bilatéraux conclus par les Etats membres [53]. Le Parlement soulignait que “la réglementation communautaire sur la compétence exclusive en ce qui concerne les droits réels immobiliers et les baux d'immeubles devrait être étendue aux procédures engagées dans un Etat tiers” [54] et recommandait de donner un “effet de réciprocité aux clauses exclusives d'élection de for en faveur des juridictions d'Etat tiers” [55]. L'exposé des motifs de la résolution adoptée le 20 novembre 2012 considère de manière plus lapidaire que la question de l'universalisation des règles de compétence requiert des débats politiques plus approfondis [56]. Le texte d'orientation générale élaboré par la présidence danoise en juin 2012 annonce les solutions retenues dans le règlement de refonte.

C.2. Des avancées partielles

Des avancées partielles se concrétisent toutefois à propos des consommateurs et des travailleurs d'une part (art. 18, 1. et 20, 2.) et à propos des procédures parallèles d'autre part (art. 33 et 34).

(i) Consommateur et travailleur agissant contre un défendeur domicilié dans un Etat tiers

Concernant la protection de la partie faible, le nouveau texte maintient la possibilité pour le consommateur ou le travailleur d'agir au lieu du domicile du défendeur lorsque celui-ci est domicilié sur le territoire d'un Etat membre. Mais dans l'hypothèse où le défendeur est domicilié dans un Etat tiers, la refonte permet au consommateur et au travailleur d'utiliser les règles de compétence de protection. Le consommateur peut ainsi agir devant les juridictions de l'Etat membre de son propre domicile “quel que soit le domicile de l'autre partie” (art. 18, 1. sic). Le travailleur, quant à lui, peut attraire son employeur domicilié sur le territoire d'un Etat tiers devant les juridictions d'un Etat membre sur le territoire duquel il exécute habituellement son travail ou a été embauché (art. 21, 2.). Le texte cherche ainsi à étendre dans l'espace la protection accordée au consommateur ou au travailleur localisé dans l'Union [57].

Cette protection s'ajoute à l'extension partielle du domaine du règlement déjà opérée par les articles 17, 2. et 20, 2. nouveaux (art. 15, 2. et 18, 2. du règlement 44/2001) qui assimilent l'établissement secondaire, localisé dans l'Union, d'un professionnel ou d'un employeur domicilié dans un Etat tiers, à un domicile au sens du règlement pour les litiges liés à l'exploitation de cet établissement secondaire. Sous l'empire du Règlement Bruxelles I, cette assimilation conduisait déjà à une application du règlement à un défendeur domicilié dans un Etat tiers, puisque son établissement secondaire était considéré comme un domicile dans l'Union conduisant à l'application du règlement au regard du critère général d'applicabilité de l'article 4, 1. Mais cette extension du domaine du règlement 44/2001 et la possibilité d'agir au lieu de cet établissement concernaient uniquement l'hypothèse étroite d'un litige de consommation ou de travail ayant pour objet l'exploitation de cet établissement secondaire dans l'Union [58]. Le nouveau texte permet désormais d'attraire dans l'Union un professionnel ou un employeur ne disposant d'aucun établissement dans l'Union et va donc beaucoup plus loin que les articles 15, 2. et 18, 2. du règlement 44/2001. Il permet ainsi d'agir contre un défendeur domicilié dans un Etat tiers qui dispose d'un établissement secondaire dans l'Union, même si le litige ne porte pas sur l'exploitation de cet établissement. Par conséquent, le maintien de l'assimilation de l'établissement secondaire à un domicile s'avère désormais inutile du point de vue de l'applicabilité spatiale des dispositions protectrices du consommateur et du travailleur. En effet, la question de savoir si le défendeur dispose ou non d'un domicile est devenue indifférente du point de vue de l'applicabilité spatiale de ces dispositions. Mais cette assimilation conserve une utilité du point de vue de la désignation des juridictions compétentes. En effet, le défendeur domicilié dans un Etat tiers peut être attrait devant le for du domicile du consommateur prévu par l'article 18, 1. et devant le for du lieu d'exécution habituel du travail ou du lieu d'embauche envisagés par l'article 20, 2. du règlement 1215/2012, mais également au lieu de l'établissement secondaire localisé dans l'Union, comme s'il y possédait un domicile, lorsque le litige porte sur l'exploitation de cet établissement.

Concrètement, l'extension du domaine d'application des dispositions protectrices du consommateur et du travailleur à l'hypothèse où ces parties faibles souhaitent agir contre un défendeur domicilié dans un Etat tiers signifie que le règlement devient l'unique source de compétence internationale des juridictions des Etats membres en matière de consommation et de travail [59]. L'application des règles nationales, et donc des fors exorbitants, est désormais exclue dans ces domaines, même si les dispositions du règlement ne permettent pas l'introduction d'une demande sur le territoire de l'Union. Cette 'protection' supplémentaire peut toutefois réserver des surprises. On peut penser par exemple au cas d'un travailleur français domicilié en France, embauché au Canada, travaillant 9 mois par an dans cet Etat et 3 mois par an à distance au départ de son domicile en Europe. Dans cette hypothèse, les nouvelles dispositions couvrent la situation d'un point de vue spatial, mais le travailleur ne trouvera pas de for compétent en Europe. En effet, les dispositions du règlement lui permettent d'agir au lieu d'embauche ou d'exécution habituelle du travail s'ils sont situés sur le territoire d'un Etat membre, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence [60]. Le recours aux règles nationales étant exclu, l'universalisation du règlement implique que ce travailleur perd la possibilité d'invoquer le privilège de juridiction du national demandeur offert par l'article 14 du Code civil français. L'universalisation partielle du domaine du règlement est effectuée en l'absence d'allongement de la liste des fors compétents reposant sur un for subsidiaire et un for de nécessité qui auraient pu aider l'employé dans la situation envisagée ici à titre d'exemple [61]. Ainsi la protection liée à l'universalisation du domaine d'application du règlement dans le domaine des contrats de travail et de consommation révélera peut-être certaines faiblesses à l'usage, faiblesses liées sans doute à l'absence d'une analyse systémique de ses conséquences.

(ii) Procédures parallèles entre Etat membre et Etat tiers: articles 33 et 34

Concernant les procédures parallèles, les nouveaux articles 33 et 34 établissent désormais une règle de litispendance et une règle de connexité lorsqu'une procédure parallèle a déjà été engagée sur le territoire d'un Etat tiers et que la juridiction d'un Etat membre est saisie en second lieu. A proprement parler, ces deux dispositions ne modifient pas le domaine d'application dans l'espace du règlement européen. Elles viennent simplement modifier l'attitude du juge saisi en application du règlement 1215/2012 dans le cadre du domaine d'application habituel de ce dernier. Comme le précisent les deux dispositions, l'hypothèse visée est celle où le juge d'un Etat membre est saisi en vertu des articles 4, 7, 8 ou 9, c'est-à-dire sur le fondement des règles générales ou spéciales de compétence soumises à la condition d'applicabilité du domicile du défendeur dans un Etat membre (nouvel art. 6, 1. et ancien art. 4, 1. du Règlement Bruxelles I). Les nouvelles règles de litispendance et de connexité interviennent donc uniquement dans le cadre du domaine d'application classique du règlement. Elles ne trouvent pas à s'appliquer lorsque le juge est saisi en application des articles 18, 21, 24 ou 25 de la refonte dont le domaine d'application échappe à la condition de domicile du défendeur. Les dispositions relatives à la litispendance et à la connexité concernent, néanmoins, la problématique de l'universalisation du règlement dans la mesure où elles règlent une situation, à la fois soumise au règlement et partiellement localisée dans un Etat tiers, autrefois laissée sans solution.

Conservant les définitions habituelles de la litispendance et de la connexité, les nouvelles dispositions autorisent le juge d'un Etat membre saisi en second lieu à surseoir à statuer, à poursuivre l'instance, ou encore à mettre fin à l'instance dans certaines circonstances. Le régime est donc facultatif [62]. L'application des règles de connexité et de litispendance dans l'hypothèse où la juridiction première saisie est localisée dans un Etat tiers, intervient normalement à la demande des parties. Le juge peut y recourir d'office dans la mesure où cette possibilité est prévue par le droit national de la procédure [63]. Le régime est quasiment identique dans les deux cas, sous réserve des conditions spécifiques découlant de la définition de la connexité. La mise en oeuvre du mécanisme de connexité est en effet soumise à la nécessité d'éviter des décisions inconciliables (art. 34, 1., a)). Dans les deux cas, le juge d'un Etat membre peut surseoir à statuer si l'on s'attend à ce que la juridiction de l'Etat tiers rende une décision susceptible d'être reconnue dans l'Union et que la juridiction concernée est convaincue de la nécessité de surseoir dans un objectif de bonne administration de la justice (art. 33, 1. et 34, 1., b) et c)). L'article 34 relatif à la connexité prévoit cependant que la juridiction de l'Etat membre peut surseoir à statuer si “la juridiction de l'Etat tiers concernée est convaincue que le sursis à statuer est nécessaire pour une bonne administration de la justice”, alors que l'article 33 vise l'appréciation de la bonne administration de la justice effectuée par la “juridiction de l'Etat membre” concernée. Il s'agit certainement d'une erreur intervenue à un stade tardif de la négociation [64]. Le considérant 24 semble aller dans ce sens lorsqu'il précise qu'en tenant compte de la bonne administration de la justice, “la juridiction de l'Etat membre concerné évalue l'ensemble des circonstances du cas d'espèce” [65]. Il semble logique de soumettre le mécanisme à l'appréciation du juge de l'Etat membre qui s'apprête à surseoir. Quoiqu'il en soit, la juridiction de l'Etat membre peut reprendre l'instance, dans le cas de la connexité, lorsque le risque de décision inconciliable a disparu et dans les deux cas, lorsque la procédure devant la juridiction de l'Etat tiers est interrompue ou tarde de manière déraisonnable, ou encore lorsque la poursuite de l'instance est indispensable pour une bonne administration de la justice (art. 33, 2. et 34, 2.). La juridiction de l'Etat membre peut également mettre fin à l'instance lorsque la procédure étrangère est conclue et a donné lieu à une décision susceptible de reconnaissance dans l'Union. La reconnaissance de la décision obtenue sur le territoire de l'Etat tiers sera nécessairement soumise aux dispositions du droit d'un Etat membre puisque le chapitre du règlement 1215/2012 relatif à la reconnaissance et à l'exécution vise uniquement les décisions des Etats membres.

C.3. Une insécurité juridique prolongée: de fausses pistes de solution

L'aspect le plus étonnant du traitement de la question de l'extension du domaine spatial du règlement concerne le prolongement de l'insécurité juridique affectant l'interprétation des articles 22 et 23 anciens, soit 24 et 25 de la refonte. Certes, dans les deux cas, la condition de domicile a entièrement disparu. Les articles 24 et 25 de la refonte sont donc applicables même lorsque demandeur et défendeur sont domiciliés dans un Etat tiers. Tel était déjà le cas de l'ancien article 22, qui s'appliquait 'sans considération de domicile'. Mais l'article 23 du règlement 44/2001 exigeait que l'une des parties soit domiciliée dans un Etat membre. Il serait donc possible de lire le nouvel article 25, relatif aux clauses de juridiction, comme applicable dès lors que les juridictions désignées sont celles d'un Etat membre. Mais la question du sort des clauses désignant les tribunaux d'un Etat tiers, de même que la question de l'effet 'reflex' du nouvel article 24, demeurent entières. Pourquoi ces questions, clairement identifiées au début des travaux, ont-elles été laissées de côté? Deux motivations, partiellement non fondées, pourraient être avancées.

(i) Convention de La Haye de 2005 sur les accords d'élection de for

Premièrement, concernant les clauses de juridiction, l'Union européenne a signé la Convention de La Haye de 2005 relative aux accords d'élection de for [66]. Les autorités européennes ont peut-être considéré que la Convention de La Haye règlerait, à terme, le problème des clauses désignant les juridictions d'un Etat tiers [67]. Mais cet espoir semble irréaliste pour plusieurs raisons. Avant tout, la Convention n'est pas encore entrée en vigueur et avec la seule ratification du Mexique à cette date, rien n'augure d'une entrée en vigueur prochaine [68]. En outre, même en vigueur, il est douteux que la convention règle toutes les situations. Elle exclut de son domaine matériel une série de contrats, en particulier, les contrats de transport de marchandises (art. 2, 1. de la convention). Du point de vue spatial, elle est applicable uniquement aux accords d'élection de for désignant les tribunaux d'un Etat contractant (art. 3, a) de la convention). Ainsi toutes les clauses d'élection de for désignant les tribunaux d'un Etat non contractant à la Convention de La Haye seront exclues du domaine de la convention. Or l'on ne sait pas à ce stade, quel sort leur réserver au regard de la disposition européenne équivalente (art. 25 de la refonte). Même si la clause désigne les tribunaux d'un Etat contractant, la convention n'est pas applicable lorsque tous les autres éléments de la situation se localisent dans un seul Etat (art. 1er, 2. de la convention). Ainsi dans le cas d'un contrat dont tous les éléments sont localisés dans un Etat membre, alors que les parties auraient désigné les tribunaux d'un Etat tiers, partie à la Convention de La Haye, la Convention de La Haye n'est pas applicable. La question de savoir si le règlement européen est applicable lorsque le seul élément d'internationalité résulte de la juridiction désignée est discutée [69]. Mais si la Cour de justice tranchait en faveur de l'applicabilité du règlement aux situations internes comprenant une clause de juridiction [70], à la suite de l'avis 1/03, on ne saurait quel sort réserver à la clause désignant les juridictions d'un Etat tiers sur la base de l'article 25 de la refonte. Enfin et surtout, la répartition entre les hypothèses d'application de la Convention de La Haye et du règlement de refonte n'est pas claire. L'article 26, 6. de la Convention de La Haye donne priorité aux règles équivalentes adoptées dans le cadre d'une organisation d'intégration économique - telle l'Union européenne - lorsque toutes les parties résident dans cet espace d'intégration. Mais même lorsque toutes les parties résident dans l'Union, elles peuvent désigner les tribunaux d'un Etat tiers. Et le problème soulevé par l'avis 1/03 à propos du sort des clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers demeure entier. Si l'on doit considérer que le règlement est applicable et refuse la désignation des tribunaux d'un Etat tiers (conformément à l'avis 1/03), la clause doit être écartée et les articles 2 et 5 appliqués. Si l'on doit considérer que le règlement n'est pas applicable (conformément à la position traditionnelle), une appréciation de la clause sur le fondement de la Convention de La Haye semble possible.

De manière plus générale, la clause de 'déconnexion' établie par l'article 6, a) de la Convention de La Haye mériterait une étude plus approfondie. Par exemple, dans un contrat entre une partie domiciliée en Belgique et une partie domiciliée au Mexique désignant les tribunaux français, l'article 6 de la Convention de La Haye conduirait à l'application de la Convention à cet accord d'élection de for [71], alors que le Règlement Bruxelles Ibis envisage son application sans considération de domicile à toutes les clauses désignant les tribunaux d'un Etat membre. Cet effet est-il conciliable avec les termes et l'objectif de l'article 25 du règlement de refonte? L'objectif de cette disposition semblait être de viser toutes les clauses de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat membre, indépendamment de la localisation des parties. Or l'application de la Convention de La Haye (si elle devait entrer en vigueur dans un grand nombre d'Etats contractants) conduirait à réduire le rôle de l'article 25 de la refonte à l'hypothèse où les deux parties sont domiciliées dans l'Union.

(ii) Les nouveaux articles 33 et 34

Ensuite, les auteurs du règlement ont sans doute vu une solution, partielle, dans les nouveaux articles 33 et 34 du règlement de refonte. Lorsque le juge d'un Etat membre apprécie s'il est opportun de surseoir à statuer lorsqu'une action similaire a été engagée dans un Etat tiers, il est invité à prendre en compte l'existence d'une compétence exclusive de la juridiction de l'Etat tiers, “dans des circonstances où la juridiction d'un Etat membre aurait une compétence exclusive” (considérant 24, 2ème al.). La formulation du considérant n'est pas idéale, mais elle vise sans doute les hypothèses où le facteur qui donnerait une compétence exclusive aux juridictions d'un Etat membre s'il était localisé dans l'Union, se matérialise sur le territoire d'un Etat tiers: localisation de l'immeuble, du lieu d'enregistrement du brevet, du siège de la société et peut-être des tribunaux désignés dans un Etat tiers. Le considérant vise ainsi la problématique de l'effet 'reflex' de l'article 22 et peut-être, le sort des clauses de juridiction désignant un Etat tiers. La règle de litispendance pourrait donc être envisagée comme une solution potentielle pour ces problèmes. Mais à y regarder de plus près, le considérant révèle toute son étrangeté. Pour rappel, les articles 33 et 34 sont applicables uniquement lorsque la juridiction d'un Etat membre est saisie sur le fondement des articles 4, 7, 8 ou 9, soit sur le fondement des règles générales et spéciales supposant que le défendeur est domicilié sur le territoire d'un Etat membre [72]. Or la saisine d'une juridiction sur le fondement de ces dispositions suppose que les critères de compétence exclusive des anciens articles 22 et 23, devenus 24 et 25 dans la refonte, ne soient pas rencontrés dans la situation en cause. Le considérant 24 va d'ailleurs en ce sens puisqu'il semble indiquer que le critère territorial menant à une compétence exclusive est en l'occurrence situé sur le territoire d'un Etat tiers. Concrètement, la situation visée est sans doute la suivante: le facteur de compétence exclusive est localisé dans un Etat tiers et la juridiction d'un Etat membre est saisie sur le fondement du règlement de refonte. Par exemple, l'immeuble est localisé dans un Etat tiers et l'action est néanmoins portée devant les juridictions d'un Etat membre, celui du domicile du défendeur sur le fondement de l'article 4 de la refonte. Mais ce cas de figure n'est possible que si l'on refuse de donner un effet 'reflex' à l'article 24 de la refonte (ancien art. 22). L'hypothèse visée tend à prouver que l'article 4 redeviendrait applicable lorsque l'immeuble n'est pas localisé dans un Etat membre et que le défendeur est domicilié dans un Etat membre. Cette conclusion correspond-t-elle à la volonté des auteurs du règlement? Si le règlement avait pour objet de nier l'effet 'reflex' de la règle de compétence exclusive, il aurait été utile de le prévoir explicitement et non au détour d'un considérant portant sur la litispendance et la connexité.

De manière plus générale, une règle de litispendance ou de connexité suppose que deux juridictions sont déjà saisies (l'une dans un Etat membre et l'autre dans un Etat tiers). En cela, elle offre une solution a posteriori. Elle ne permet pas de répondre a priori à la question de savoir si le juge d'un Etat membre doit se déclarer incompétent lorsque le facteur de compétence exclusive est localisé dans un Etat tiers (cas de l'immeuble localisé dans un Etat tiers) ou si dans une telle hypothèse, il peut se déclarer compétent sur le fondement des règles générales ou spéciales du règlement 1215/2012. Sauf à déduire du considérant 24 une confirmation de la solution proposée dans l'avis 1/03, les articles 33 et 34 de la refonte ne permettent pas de régler le problème de l'effet 'reflex'.

III. Domaine matériel, en particulier connexions avec les procédures arbitrales

Parmi les thématiques concernant l'adaptation du domaine matériel du règlement, la plus débattue et la plus pertinente pour les lecteurs de cette revue concernait l'interface avec l'arbitrage. L'arbitrage est a priori exclu du domaine du Règlement Bruxelles I (art. 1er, 2., d)). Mais cette exclusion ne peut oblitérer les points de connexion entre l'arbitrage et les procédures judicaires, le 'juridical touchdown', selon l'excellente formule d'un collègue américain [73]. Les sphères de l'arbitrage et des procédures judiciaires nationales ne sont pas hermétiques (A). Une série d'arrêts de la Cour de justice sont venus le rappeler en délimitant plus précisément le rôle du Règlement Bruxelles I en présence d'une procédure arbitrale. Ces arrêts ont permis d'entrevoir l'importance de ces points de connexion et la nécessité d'une harmonisation du traitement de ces situations (B). Mais le règlement 1215/2012 conserve et étend probablement l'exclusion et l'accompagne d'un considérant qui signale peut-être un retour en arrière par rapport à la position de la jurisprudence européenne (C).

A. Procédures arbitrales et procédures judiciaires

L'exclusion de l'arbitrage du domaine du Règlement Bruxelles I et avant lui de la Convention de Bruxelles, était fondée sur l'existence de règle de droit uniforme dans la matière, notamment de nombreuses conventions internationales et en particulier, de la Convention de New York, qui apportaient déjà des solutions communes [74]. A celles-ci, s'ajoutent les règles nationales sur l'arbitrage international. C'est ainsi que les auteurs de la Convention de Bruxelles considéraient que “la convention ne s'applique ni en ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales, ni pour déterminer la compétence des tribunaux pour les contestations relatives à un arbitrage, par exemple les actions tendant à l'annulation d'une sentence arbitrale, ni davantage en ce qui concerne la reconnaissance de décisions rendues sur de telles actions” [75]. Ces précisions n'épuisent pas les questions.

Dans trois arrêts phares, la Cour a progressivement établi une ligne de démarcation entre les procédures arbitrales et judiciaires. Le critère de délimitation concerne l'objet principal de l'action. Si celle-ci porte sur l'arbitrage lui-même, l'action judiciaire est exclue du domaine de la Convention de Bruxelles et du Règlement Bruxelles I. Ainsi, l'action ayant “pour objet la désignation d'un arbitre” est exclue du domaine de la Convention de Bruxelles, “même si ce litige soulève au préalable la question de l'existence ou de la validité d'une convention d'arbitrage” [76]. Sont donc par exemple exclues les actions portant directement sur la validité de la clause arbitrale, sur le déroulement de la procédure arbitrale, sur la révocation d'un arbitre ou encore sur la reconnaissance de la sentence. A l'inverse, si l'objet de l'action relève du règlement Bruxelles I ou de la Convention de Bruxelles, l'action judiciaire doit être fondée sur le règlement (ou la Convention), même si une question incidente relative à la procédure arbitrale se pose. Ainsi, la Cour a considéré dans l'arrêt West Tankers que “si, par l'objet du litige, c'est-à-dire par la nature des droits à sauvegarder dans une procédure, telle qu'une demande en dommages-intérêts, cette procédure relève du champ d'application du règlement nº 44/2001, une question préalable portant sur l'applicabilité d'une convention d'arbitrage, y compris notamment sur sa validité, rentre également dans le champ d'application de ce règlement” [77]. Par conséquent, en présence d'un contrat comportant une clause arbitrale, l'action au fond introduite par une des parties devant les juridictions d'un Etat membre en dépit de la clause arbitrale relève du domaine du règlement. Dans la même lignée, la Cour a conclu que des mesures provisoires sollicitées en marge d'une procédure arbitrale tombaient dans le champ d'application du règlement: “dans la mesure où l'objet d'une demande de mesures provisoires porte, comme dans l'affaire au principal, sur une question relevant du champ d'application matériel de la convention, cette dernière s'applique et son article 24 est susceptible de fonder la compétence du juge des référés même si une procédure au fond a déjà été engagée ou peut l'être et même si cette procédure devait se dérouler devant des arbitres” [78]. Les mesures provisoires demandées visaient le paiement par provision de certaines créances (objet du litige au principal) et n'avaient pas “pour objet de mettre en oeuvre une procédure d'arbitrage” [79]. En outre, la Cour a également souligné qu'en présence d'une clause arbitrale valable, il n'existe pas de juridiction compétente au fond au sens de la Convention et par extension du règlement [80]. Ainsi le juge saisi d'une demande dont l'objet principal relève du règlement semble devoir opérer une double démarche: apprécier la validité de la clause au regard de son droit national relatif à l'arbitrage et sa compétence judiciaire sur le fondement du règlement, sachant que en raison de la Convention de New York, aucune juridiction n'est compétente au fond sur la base du règlement en présence d'une clause arbitrale valable.

Ces arrêts ont montré, si besoin était, que la ligne de démarcation entre les procédures arbitrales et judiciaires s'exprimait nécessairement en termes plus subtile que ceux d'une simple exclusion. Comment justifier en effet qu'un litige dont l'objet principal relève du règlement soit écarté en raison de la simple prétention à l'existence d'une clause d'arbitrage, dont personne ne sait si elle est valide [81]? Ceci reviendrait à permettre à toute partie qui souhaite éviter la juridiction compétente sur le fondement du règlement d'invoquer l'existence d'une clause arbitrale. Si le règlement est applicable à l'objet d'un litige, ses termes n'autorisent pas à s'en départir, alors que si l'objet est l'arbitrage, l'application du règlement est exclue. A l'inverse, cette jurisprudence peut inciter une partie de mauvaise foi à introduire une action au fond devant les juridictions d'un Etat membre, en sachant que la question incidente de validité de la clause devra être tranchée par cette juridiction, ce qui est évidemment contraire aux attentes légitimes de la partie qui invoque la clause [82]. Ce type d'action, utilisée à des fins dilatoires, soulève en fait des difficultés assez similaires à celles liées au contournement de la clause de juridiction par la saisine d'une juridiction d'un Etat membre autre que celle désignée dans la clause [83]. On sent que le problème tourne en partie autour de la bonne ou de la mauvaise foi des parties et de la validité apparente de la clause.

Le Rapport de Heidelberg avait également identifié les zones d'ombres demeurant après ces arrêts [84]. Beaucoup d'entre elles concernent la reconnaissance des jugements rendus dans le cadre d'une procédure arbitrale. L'application du règlement à la reconnaissance des jugements déclaratoires portant sur la validité d'une clause arbitrale est controversée, de même qu'aux décisions judiciaires au fond rendues soit en violation de la clause arbitrale, soit après annulation de la clause arbitrale. A la suite de l'arrêt West Tankers, le jugement au fond dont l'objet relève du Règlement Bruxelles I devrait être reconnu et exécuté sur le fondement du même règlement, même si le juge du fond a statué de manière incidente sur la clause arbitrale. La question de savoir s'il faut reconnaître séparément, sur le fondement du droit national, la partie du jugement portant sur la validité de la sentence pourrait être discutée, mais l'arrêt West Tankers laisse entendre que le jugement dans son entièreté relève du Règlement Bruxelles I [85]. Par ailleurs, les conflits entre sentence arbitrale et jugement paraissent insolubles.

L'ensemble débouche sur la possibilité de procédures parallèles, soit entre juge et arbitre, soit entre juridictions de différents Etats membres et au final, sur des décisions potentiellement contradictoires. Les affaires Fincantieri et Putrabali ont dramatiquement illustré la problématique. Dans la première, les tribunaux français du siège de l'arbitrage ont refusé de reconnaître une décision judiciaire italienne considérant la clause arbitrale insérée dans le contrat entre une société italienne et le ministère de la Défense irakien comme contraire à l'ordre public en raison d'une mesure d'embargo de l'ONU et déclarant la juridiction italienne compétente pour connaître du litige [86]. Dans la seconde, les juridictions françaises ont admis l'exécution d'une sentence arbitrale annulée au Royaume-Uni conformément au droit anglais applicable au contrat et à l'arbitrage, alors que le même tribunal arbitral, à la suite des explications obtenues auprès des juridictions anglaises quant au contenu du droit anglais, avait entre-temps repris la procédure et produit une seconde sentence allant en sens opposé à la première [87]. L'exécution de la seconde sentence a été refusée en France. Ces décisions sont évidemment intervenues en dehors du système Bruxelles I et ont illustré les entraves résultant de l'absence de règles communes en matière arbitrale ou du degré insuffisant de coordination atteint par les règles existantes [88], même dans le cadre de la Convention de New York [89].

B. Les réponses envisagées

Avant l'adoption du texte de refonte, les travaux relatifs à l'interface avec l'arbitrage ont connu deux temps. Il est utile de les évoquer brièvement pour prendre la mesure des discussions soulevées par cette problématique, tout en rappelant que les premières suggestions en vue d'une intégration de l'arbitrage dans le domaine du règlement tendaient à augmenter l'efficacité des procédures arbitrales [90].

A la suite du Rapport de Heidelberg, le Livre vert envisageait de revoir le principe de l'exclusion de l'arbitrage [91]. Différentes pistes étaient envisagées pour tenter de coordonner les procédures et d'harmoniser les pratiques [92]. Il était ainsi proposé d'établir une règle de compétence spécifique en faveur des juridictions du siège pour la procédure judiciaire à l'appui de l'arbitrage ou encore d'ouvrir le recours à toutes les règles de compétence du règlement pour solliciter des mesures provisoires à l'appui de l'arbitrage. Le Livre vert envisageait encore de donner une priorité aux juridictions du siège pour statuer sur la validité de la clause d'arbitrage ou encore d'introduire une règle de conflit uniforme sur la question de la validité de la convention [93]. Concernant la reconnaissance et l'exécution, l'idée d'une compétence exclusive conférée aux juridictions du siège de l'arbitrage pour établir la force exécutoire de la sentence et son équité procédurale était suggérée, de même qu'un régime intra-européen de reconnaissance des sentences assurant une plus grande efficacité de celles-ci, notamment en donnant priorité à une sentence sur une décision judiciaire. Les solutions semblaient donc plutôt ouvertes. Mais toutes tendaient à couvrir une part des aspects judiciaires de l'arbitrage.

La proposition de règlement envisageait une solution modeste, cherchant essentiellement à régler les situations similaires à la configuration de la procédure dans l'affaire West Tankers et à l'interdiction subséquente de prononcer des 'anti-suit injunctions' pour éviter les procédures judiciaires tendant à déjouer la clause d'arbitrage. Celle-ci résultait des travaux d'un groupe d'experts du droit de la procédure civile et de l'arbitrage qui s'était réuni à Bruxelles pour tenter de trouver un compromis à la suite des réactions, parfois vives, suscitées par le Rapport de Heidelberg et le Livre vert [94]. Entre-temps, le Parlement européen avait adopté le point de vue d'une partie du monde de l'arbitrage qui militait fermement en faveur d'une exclusion, élargie, de l'arbitrage [95]. La proposition de règlement comprenait une règle de litispendance envisageant deux types de procédures parallèles: d'une part, une action introduite devant les juridictions d'un Etat membre dont la compétence est contestée sur le fondement d'une convention d'arbitrage et d'autre part, soit saisine des juridictions du pays du siège arbitral, soit saisine du tribunal arbitral (art. 29, § 4 de la proposition). Dans les deux cas, il était proposé que la juridiction de l'autre Etat membre sursoit à statuer lorsque la procédure introduite devant les tribunaux du siège ou le tribunal arbitral porte sur l'existence, la validité ou les effets de la clause, à titre principal ou incident. La priorité établie par cette règle de litispendance ne reposait donc pas sur l'antériorité de la saisine, mais sur l'établissement d'une hiérarchie au sein des juridictions des Etats membres d'une part et entre juridictions et tribunal arbitral d'autre part. La disposition proposée prévoyait également les cas de dessaisissement de la juridiction localisée dans un autre pays que celui du siège.

Cette proposition, ainsi que la règle relative à la saisine l'accompagnant (art. 33, § 3 de la proposition) ont rencontré des critiques charpentées [96]. Le choix d'une règle fondée sur un mécanisme de litispendance relatif à la contestation de la validité de la clause présentait des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, figurait la diminution de l'attrait pour l'introduction d'une procédure 'torpédo' devant les juridictions d'un autre Etat que celui du siège, puisque celles-ci devraient probablement surseoir à statuer. La partie qui souhaitait se prévaloir de la clause arbitrale, alors que son co-contractant tentait de déjouer l'effet de celle-ci en saisissant les juridictions d'un Etat membre autre que celui du siège, pouvait aisément contourner cette tentative en saisissant, même a posteriori, l'arbitre ou le juge du siège. Cette proposition tendait donc à compenser l'impossibilité de prononcer une anti-suit injunction', même en vue de favoriser l'arbitrage, découlant de l'arrêt West Tankers. Par ailleurs, la proposition de la Commission préservait des fondements de juridiction ouverts pour les autres aspects judiciaires pouvant entourer l'arbitrage, comme la délivrance des mesures provisoires (art. 36 de la proposition). Au rang des désavantages, on notera que la litispendance intervient a posteriori et suppose l'introduction de deux procédures, soit deux procédures devant les juridictions nationales, soit une procédure devant les juridictions nationales et l'autre devant l'arbitre, ce qui implique une augmentation des coûts (imputable à vrai dire à la partie qui initie le torpédo). La proposition soulevait certaines difficultés techniques, notamment lorsque les parties n'avaient pas explicitement localisé le siège de l'arbitrage. Finalement, la proposition n'apportait aucune solution pour les questions de reconnaissance et d'exécution évoquées plus haut (point A).

C. Les réponses apportées

Tout ça, pour ça… Sur le point de l'arbitrage, l'article 1er, 2. est inchangé. L'arbitrage est donc exclu du domaine matériel du règlement, comme il l'était autrefois. Les efforts des institutions et des auteurs pour tenter de dégager des réponses aux questions inévitablement soulevées par la pratique ne trouveront pas de réponse dans le règlement. Peut-être trouveront-elles leur solution dans les législations nationales relatives à l'arbitrage et donc dans le maintien d'une diversité parfois inefficace.

La solution semble donc être celle du statu quo, longuement confirmée par le considérant 12 dont les différents alinéas reprennent les cas de figure antérieurement abordés par la jurisprudence. Le 1er alinéa du considérant 12 confirme a priori l'article II, 3. de la Convention de New York en prévoyant que le juge est libre de renvoyer les parties à l'arbitrage et d'examiner si la clause est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée. Le 4ème alinéa confirme l'exclusion de toutes les procédures dont l'objet principal porte sur l'arbitrage lui-même (de la nomination de l'arbitre à l'exécution de la sentence). Le 3ème alinéa confirme à première vue l'absence de solution au stade de la reconnaissance et de l'exécution, en cas de conflit entre une sentence et un jugement rendu par le juge ayant constaté que la convention arbitrale était inopérante. La décision rendue au fond par le juge ayant écarté la clause peut relever du règlement [97]. Jusqu'à présent, il est acquis que la décision rendue au fond par le juge saisi sur le fondement de Bruxelles I, ayant écarté la clause arbitrale à titre incident, doit être reconnue et exécutée dans le cadre du règlement, sans que cette décision puisse être écartée sur le fondement de l'ordre public par le juge d'un autre Etat membre au motif que ce dernier aurait donné effet à la clause [98]. Mais le même considérant précise que la Convention de New York 'prime sur le règlement', ce qui conduit à penser que pris entre l'obligation tirée du règlement de reconnaître le jugement et l'obligation tirée de la Convention de New York de reconnaître la sentence, le juge requis donnera priorité à la sentence.

A y regarder de plus près, l'on peut se demander si la portée de l'exclusion de l'arbitrage n'a pas été étendue. En 2010, le Parlement plaidait pour une extension de l'exclusion et l'insertion de cette exclusion étendue dans un considérant, en particulier dans l'optique de renverser la jurisprudence West Tankers [99]. Les efforts postérieurs de la Commission ont consisté à tenter d'établir un compromis entre le système du règlement et la nécessité de se prémunir des actions portées au fond en violation manifeste d'une clause arbitrale. Ces efforts n'ont pas abouti. Le temps serait-il à une segmentation des procédures arbitrales et judiciaires, chacune dans leur sphère, à rebours de l'inclusion des questions incidentes concernant l'arbitrage dans le domaine du règlement décidée par l'arrêt West Tankers? Plusieurs éléments conduisent à douter que le considérant 12 du règlement 1215/2012 constitue une simple consolidation de la jurisprudence antérieure [100].

La 1ère phrase du 3ème alinéa établit que la décision au fond rendue par le juge qui aurait écarté une clause arbitrale peut, mais ne doit pas, être reconnue sur le fondement du règlement. Autrement dit, le considérant laisse ouverte la question de savoir si les règles de reconnaissance et d'exécution du règlement sont applicables à une décision rendue sur le fond d'un litige et ayant tranché de manière incidente la question de la validité de la clause arbitrale. Or à la suite de l'arrêt West Tankers, il était acquis que la procédure au fond, dans la mesure où son objet relevait du domaine du règlement, était soumise aux règles de compétence du règlement, même si elle portait de manière incidente sur l'effet de la clause. On pouvait donc légitimement penser que cette décision sur le fond relevait nécessairement des dispositions du règlement.

Le 2ème alinéa du considérant établit que la décision d'un Etat membre tranchant la question de savoir si la clause est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée “ne devrait pas être soumise aux règles de reconnaissance et d'exécution inscrites dans le présent règlement, que la juridiction se soit prononcée sur cette question à titre principal ou incident”. A la suite de l'arrêt Marc Rich, la solution était certaine s'agissant des décisions ayant l'effet de la clause pour objet principal: n'étant certainement pas concernées par les règles de compétence du règlement, elles semblaient être entièrement exclues du domaine matériel de celui-ci, y compris pour les aspects de reconnaissance et d'exécution. Mais à la suite de l'arrêt West Tankers, on pouvait discuter du sort de la décision judiciaire ayant tranché la question de l'effet de la clause de manière incidente. Puisque la décision rendue sur le fond pouvait s'envisager dans le cadre du règlement, les aspects incidents de cette décision semblaient pouvoir relever des règles de reconnaissance et d'exécution du règlement. Cette possibilité est maintenant exclue. Mais est-il possible de séparer ces deux aspects du jugement rendu dans un Etat membre? Que faire si le règlement applicable à la reconnaissance du jugement rendu sur le fond (et sur le présupposé de l'invalidité de la clause) et le droit national applicable à la reconnaissance de la partie du jugement relative à validité de la clause conduisent à des solutions contradictoires?

Enfin, le 1er alinéa précise que “rien dans le présent règlement” n'empêche les juridictions nationales “de renvoyer les parties à l'arbitrage”. Dans ce cas, pourquoi serait-il empêché de prononcer une anti-suit injunction en vue de contraindre ces dernières à porter le litige devant le tribunal arbitral? En définitive, une anti-suit injunction' n'est qu'une forme d'exécution forcée de l'obligation contractuelle découlant de la clause arbitrale.

Les questions relatives à l'arbitrage seraient-elles désormais entièrement exclues du domaine du règlement, même lorsqu'elles se posent à titre incident? Il faut s'attendre à de nouvelles procédures préjudicielles sur ce point, qui donneront à la Cour l'occasion de se pencher plus avant sur l'effet des considérants. En effet, le texte du règlement n'a pas été modifié, mais toute l'interrogation provient d'un considérant, dont on mesure le poids politique, mais dont la portée juridique est limitée [101]. Si la décision législative visait effectivement à élargir la portée de l'exclusion de l'arbitrage, il aurait non seulement été utile de le préciser ailleurs que dans un considérant, mais il aurait également été utile de mesurer la portée d'une telle modification à l'échelle du système du règlement. En effet, depuis la Convention de Bruxelles, il était entendu que les “matières exclues ne le sont (...) que si elles font l'objet principal du litige. Elles échappent à cette exclusion lorsqu'elles sont soumises incidemment au juge à titre principal ou préalable” [102].

D. Problématiques diverses concernant le champ d'application matériel, en particulier l'insolvabilité

L'exclusion des “faillites, concordats et autres procédures analogues” n'est pas nouvelle, mais elle revêt une autre portée depuis l'entrée en vigueur du règlement 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité [103]. Il ne s'agit plus de faire la part entre le droit national et le droit européen, mais bien entre deux règlements européens. C'est ainsi que différents arrêts rendus dans le cadre du règlement insolvabilité ont traité de questions portant sur la délimitation entre le Règlement Bruxelles I et le règlement insolvabilité.

Sans revenir sur l'ensemble des questions, on rappellera ici les quelques acquis qui permettront d'aiguiller rapidement les praticiens entre les hypothèses d'application de Bruxelles I (et Ibis) et du règlement insolvabilité. L'arrêt Gourdain avait donné une définition classique de l'exclusion. La Cour avait défini les procédures visées comme des “procédures fondées sur l'état de cessation de paiement, l'insolvabilité ou l'ébranlement du crédit du débiteur, impliquant une intervention de l'autorité judiciaire aboutissant à une liquidation forcée et collective des biens ou, à tout le moins, un contrôle de cette autorité” [104]. Par ailleurs, conformément au principe d'interprétation prévu dans le Rapport Jenard, selon lequel l'accessoire suit le principal rappelé plus haut à propos de l'arbitrage, la Cour avait alors précisé que l'exclusion visait uniquement “les procédures dérivant directement de la faillite et s'insérant étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation des biens ou de règlement judiciaire” [105]. Ces principes généraux n'ont pas permis d'éviter les questions relatives à la portée de l'exclusion des procédures de faillite: la jurisprudence nationale montre que certaines demandes introduites en marge, avant ou après une procédure de faillite, peuvent relever du Règlement Bruxelles I, tout en exerçant une influence certaine sur la composition du patrimoine du failli [106].

Ces questions ont évidemment atteint la Cour de justice qui les traite au cas par cas. Elle a ainsi eu l'occasion de clarifier le sort d'actions révocatoires [107], en revendication [108] ou en réserve de propriété [109]. Le critère de démarcation repose en définitive sur 'l'intensité du lien' [110] existant entre une telle action juridictionnelle et la procédure d'insolvabilité et se concrétise par l'analyse de deux critères cumulatifs: l'exclusion du règlement 44/2001 vise les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement [111]. Une telle analyse appelle inévitablement une démarche casuistique, dont les résultats semblent parfois difficiles à prévoir.

Dans ce contexte, on comprend que le règlement 1215/2012 ne contienne aucune précision supplémentaire quant à la portée de l'exclusion établie par l'article 1, 2., b). La nature des critères de délimitation conduit à laisser la question à la jurisprudence, même si l'obtention de clarifications, reposant souvent sur une procédure préjudicielle, peut s'avérer laborieuse. Par contre, la réforme envisagée du règlement 1346/2000 envisage une meilleure coordination entre les deux règlements, notamment dans le cadre d'une nouvelle règle de connexité [112]. Premièrement, la proposition annonce sa volonté d'éviter les lacunes entre les deux règlements et étend le domaine du règlement 1346/2000 pour couvrir des procédures mettant les biens sous surveillance judiciaire, mais sans intervention d'un syndic [113]. Ceci devrait permettre de couvrir des procédures d'insolvabilité personnelle et des procédures relatives à l'ajustement de dettes et les plans de redressement. Ensuite, la proposition élargit les compétences des juridictions ouvrant la procédure d'insolvabilité, en précisant qu'elles sont également compétentes pour toutes les actions qui dérivent directement de procédures d'insolvabilité ou qui s'y insèrent étroitement, ce qui devrait permettre de viser en particulier les actions révocatoires. Outre, cette amélioration relative aux hypothèses d'application des deux règlements, la proposition envisage une meilleure coordination des règles de compétence. Pour une action dérivant directement et s'insérant étroitement dans la procédure d'insolvabilité qui serait liée à une action introduite “contre le même défendeur au titre des normes générales du droit civil et commercial”, la proposition de règlement prévoit de donner au syndic la possibilité d'introduire les deux actions devant les juridictions du domicile du défendeur (ou de l'un d'eux) si ces juridictions sont également compétentes sur le fondement du règlement 44/2001 (ou 1215/2012). La proposition évoque à titre d'exemple “une action liée à la responsabilité d'un administrateur fondée sur le droit de l'insolvabilité et une action contre ce même administrateur fondée sur le droit de la responsabilité civile ou sur le droit des sociétés”.

Enfin, on soulignera deux adaptations concernant le domaine matériel du règlement, qui intéresseront plus rarement les lecteurs de cette revue. Premièrement, dans un souci d'alignement sur les textes des Règlements Rome I et Rome II, la “responsabilité de l'Etat pour des actes ou des omissions commis dans l'exercice de la puissance publique (acta jure imperii)” est explicitement exclue du domaine du règlement (art. 1, 1.). Par ailleurs, en raison de l'adoption du règlement 4/2009 relatif aux aliments et du règlement 650/2012 relatif aux successions, la formulation de l'exclusion des procédures relatives aux obligations alimentaires a été adaptée. On notera que les actions concernant des obligations alimentaires de nature purement conventionnelle (consenties dans ou hors du cadre familial) continueront à relever du règlement 1215/2012, même si le for spécial de compétence de l'article 5, 2) du Règlement Bruxelles I a été supprimé. Une telle action, exclue du domaine matériel des règlements 4/2009 et 650/2012, relèvera donc des articles 4 et 7, 1) du règlement 1215/2012.

IV. Modifications des règles relatives à la compétence

Les règles relatives à la compétence internationale contenues dans le chapitre I du Règlement Bruxelles I font l'objet de relativement peu de modifications. Il est vrai qu'une partie des ajouts proposés par la Commission étaient liée à l'extension du champ d'application du règlement aux défendeurs domiciliés dans un Etat tiers (supra, II.B.: on pense essentiellement à la règle de compétence subsidiaire et au for de nécessité). Ces propositions ont été abandonnées en conséquence du maintien quasi à l'identique du domaine d'application spatial du règlement. Mais le Rapport de Heidelberg, relayé dans le rapport accompagnant la proposition de règlement, avait mis en lumière une série de difficultés qui ne trouvent pas d'écho dans le texte final (A.). Outre quelques modifications ponctuelles (B.), les grands acquis de la réforme concernent l'efficacité des clauses de juridiction, ce qui passe notamment par une adaptation des règles de litispendance (C.1. et C.2.). Mais le problème des torpédos n'est pas pour autant réglé dans son ensemble (C.2.), pas plus que les difficultés soulevées dans le cadre des litiges relatifs à la propriété industrielle (C.3.). Pour rappel, les modifications relatives aux mesures provisoires sont commentées dans une contribution spécifique [114], alors que les nouvelles règles de litispendance et de connexité dans le cadre de procédures parallèles entre Etat membre et Etat tiers ont été analysées plus haut [115].

A. Les oubliés de la réforme

En matière de droits réels, plusieurs propositions ont disparu au cours de la négociation. La proposition de règlement envisageait l'introduction d'un nouveau chef de compétence lié à la présence de biens appartenant au défendeur, lorsque le litige concernait ceux-ci (art. 5, 3° de la proposition). Ce for n'apparaît pas dans le texte définitif. Cette nouvelle disposition pouvait, certes, s'avérer nécessaire à propos du défendeur domicilié dans un Etat tiers, mais de manière plus générale, elle aurait pu simplifier certaines procédures entre Etats membres. Dans ces procédures en matière mobilière, le règlement est sévère à l'égard du demandeur et à défaut d'autre for compétent, l'oblige à agir dans l'Etat du domicile du défendeur [116]. Par ailleurs, concernant la compétence exclusive en matière immobilière, la proposition de règlement comportait un assouplissement des règles relatives aux locations de vacances et permettaient aux parties à un contrat de location de locaux à usage professionnel de rédiger une clause de juridictions (22, 1°, a) et b) de la proposition de règlement).

Le Rapport de Heidelberg soulignait encore l'existence de difficultés, d'importance variée, qui ne donnent finalement lieu à aucune adaptation du règlement [117]. La mise en oeuvre de l'article 22, 2) du Règlement Bruxelles I dans le domaine du droit des sociétés pourrait donner lieu à des procédures parallèles en raison d'interprétations divergentes de la notion de siège des sociétés puisque cette interprétation est fondée sur les règles de droit international privé du juge saisi, non harmonisées en la matière [118]. De même, les liens entre l'article 60 définissant la notion de domicile des sociétés, par renvoi à trois critères alternatifs et le facteur du siège retenu par l'article 22 aurait pu gagner en précision. En outre, l'article 26 du règlement 44/2001, jugé trop complexe par les praticiens, en particulier dans son interaction avec le règlement 1393/2007 relatif à la signification et la notification des actes [119], n'est pas modifié. Certaines adaptations relatives aux demandes en garantie ou en intervention semblaient souhaitables, en partie en raison de l'élément de diversité introduit par l'article 65 du Règlement Bruxelles I [120].

Dans un tout autre contexte, les termes de l'article 6, 1) permettant d'introduire l'action dans l'Etat du domicile de l'un des défendeurs contre tous les défendeurs à l'action lorsque les actions sont étroitement liées, ont posé diverses difficultés. La formulation de la disposition semblait à la fois trop étroite (en se limitant aux cas de la pluralité de défendeurs, sans envisager la pluralité des demandeurs; en ne portant que sur le for du domicile du défendeur; et en raison de l'interprétation stricte retenue dans l'arrêt Roche [121]) et trop large (en laissant au demandeur le pouvoir de choisir parmi les défendeurs celui dont les juridictions lui semble les plus favorables) [122]. On s'attendait à certaines améliorations, essentiellement en vue de simplifier les litiges relatifs à la protection de la propriété industrielle, alourdie par l'arrêt Roche, et plus généralement, en vue de favoriser les litiges collectifs. Mais le texte de l'article 6, devenu l'article 8 du règlement 1215/2012, n'a pas été modifié. Dans la proposition de règlement, les litiges collectifs étaient pris en compte au stade de l'exequatur pour lesquels elle était maintenue, alors qu'elle était abandonnée pour la majorité des procédures concernant la matière civile et commerciale. Aucune adaptation n'était prévue au niveau des règles de compétence. Pourtant, la question des procédures collectives et de la définition d'une procédure collective européenne est à l'ordre du jour, même si elle est visiblement gelée par la crise économique [123].

B. Les retouches ponctuelles: biens culturels, contrat de travail et comparution volontaire

Le règlement 1215/2012 introduit une nouvelle règle de compétence en faveur de la personne souhaitant revendiquer un bien culturel au sens de la directive 93/7 (art. 7, 4) de la refonte). La directive 93/7 ouvre une action en restitution au profit de l'Etat, lorsqu'un bien culturel a quitté illicitement son territoire [124]. Cette action peut être introduite devant les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve le bien. L'article 7, 4) du nouveau règlement complète la directive en permettant à la personne (ce qui pourrait inclure les personnes morales comme les personnes physiques) propriétaire d'un bien culturel, d'agir devant les mêmes juridictions. L'action introduite est une action en restitution fondée sur le droit civil applicable. On rappellera que la notion de bien culturel est définie par la directive (art. 1er, 1. de la directive 93/7).

L'article 20 introduisant la section relative aux contrats individuels de travail est adapté en réaction à la jurisprudence Glaxo. Dans cet arrêt, la Cour a souligné qu'en l'absence de renvoi explicite effectué dans la section relative à la protection des travailleurs, vers d'autres dispositions du règlement, cette section devait être considérée comme autonome et ne permettait pas à l'employé agissant dans l'Etat du domicile d'un défendeur, d'y attraire d'autres défendeurs sur le fondement de l'article 6, 1) du règlement 44/2001 [125]. Cette interprétation correspondait certes au texte du règlement, mais s'avérait désavantageuse pour le travailleur. La refonte du règlement corrige cet effet, en précisant que la compétence relative au contrat individuel de travail définie dans la section 5 s'entend “sans préjudice (…) de l'article 8, point 1”, sachant que l'article 8, point 1 reprend le texte de l'ancien article 6, point 1 (art. 20, 1.).

La disposition relative à la comparution volontaire est affectée d'un nouveau paragraphe obligeant le juge devant lequel comparaît une partie dite faible (“le preneur d'assurance, l'assuré, le consommateur ou le travailleur”), à informer celle-ci des conséquences de sa comparution volontaire et de son droit de contester la compétence (art. 26, 2.). Cette obligation n'existe toutefois que “dans les matières visées aux sections 3, 4 ou 5”, formule qui prête à confusion. Cette référence pourrait indiquer que le consommateur est ici visé dans les limites des circonstances énumérées par l'article 17, 1. du règlement 1215/2012, c'est-à-dire par référence au consommateur semi-passif. Mais la référence aux 'matières' visées par les différentes sections doit-elle nécessairement se comprendre comme une référence aux 'circonstances' visées par celles-ci?

C. Amélioration de l'efficacité des procédures

La refonte se donnait pour objet d'améliorer l'efficacité des procédures internationales. C'est évidemment le cas dans le volet consacré à la suppression de l'exequatur, mais ce l'est également dans la partie relative à la compétence. Les difficultés concernaient essentiellement les clauses de juridiction dont l'efficacité pouvait être mise à mal par une utilisation abusive du mécanisme de litispendance (C.2.) et qui soulevaient différentes questions d'interprétation (C.1.). Les efforts ont porté leur fruit sur ce plan. Par contre, le problème général des torpédos n'est pas réglé (C.2.).

C.1. Validité des clauses de juridiction

Le traitement des clauses de juridiction soulevait essentiellement deux questions, résumées dans le rapport sur l'application du règlement 44/2001 dont la première concernait la validité des clauses.

(i) Les questions antérieures

Les termes de l'article 23 du Règlement Bruxelles I ont déjà été évoqués à propos de leur applicabilité dans l'espace. Deux conditions délimitent d'un point de vue spatial, le champ d'application de la disposition: la localisation dans l'Union du domicile d'une des parties et la désignation par les parties des juridictions d'un Etat membre. Dans le cadre d'un processus de réflexion sur le domaine d'application du règlement, la refonte a supprimé la condition du domicile pour conserver uniquement celle liée à la désignation des juridictions d'un Etat membre. La nouvelle disposition, devenue l'article 25 du règlement 1215/2012, s'applique donc indépendamment de la localisation des parties. La suppression de cette première condition ne règle malheureusement pas le sort de la seconde condition. L'avis 1/03 a semé le doute sur la nature de cette condition, doute qui n'est malheureusement pas levé par la réforme. A ce stade, le règlement ne permet pas de trancher la question de savoir si la condition de localisation dans l'UE de la juridiction désignée constitue une condition de validité de l'article 25 ou d'applicabilité du règlement pour les clauses de juridiction [126].

A cette première interrogation entourant la validité des clauses de juridiction, s'en ajoutait une seconde. Les conditions énoncées dans l'ancien article 23 du Règlement Bruxelles I concernaient essentiellement la forme: exigence d'un écrit ou de la confirmation écrite d'un accord oral, clause conclue sous une forme conforme aux habitudes des parties ou à un usage commercial largement répandu dans le commerce international. On sait que l'article fixe par ailleurs certaines conditions de fond minimales, relatives à l'exigence d'un rapport de droit déterminé, aux limitations fixées par les sections portant sur la protection de la partie faible et à l'interdiction de porter atteinte à une règle de compétence exclusive de l'article 22 [127]. Pour le reste, aucune autre condition, relative par exemple au consentement des parties, n'est énoncée dans le texte du règlement. Du (quasi-)silence de la disposition sur ces questions, il était possible de tirer deux conclusions opposées.

Premièrement, la disposition pouvait être interprétée comme ne contenant aucune condition relative à la validité au fond de la clause de juridiction et même comme excluant toute autre condition relative à la validité. L'arrêt Elefanten Schuh en particulier vient à l'appui de cette conclusion [128]. Tout en soulignant qu'une clause attributive de juridiction suppose le consentement des parties, la Cour indique que les conditions de forme établies par la disposition de la Convention de Bruxelles, en l'occurrence, garantissent la sécurité juridique et le consentement des parties [129]. La Cour conclut qu'une législation nationale ne saurait faire obstacle à la validité d'une clause attributive de juridiction au seul motif que la langue utilisée n'est pas celle prescrite par cette législation [130]. Bien que se limitant à une analyse des conditions de forme, à propos desquelles la Cour établit le caractère autosuffisant des exigences de la Convention de Bruxelles (à l'époque), l'arrêt conduit à penser que ces conditions permettent de garantir le consentement des parties, ce qui exclurait toute autre condition relative à la validité tirée du droit national. En établissant le consentement des parties et en assurant la licéité de la clause, les termes de l'article 23 excluraient-ils toute autre condition de validité au fond? La Cour a rendu d'autres arrêts allant dans le même sens [131]. En particulier, la Cour considère que la notion de clause attributive de juridiction implique l'existence d'un consentement effectif qu'elle apprécie de manière autonome, sans renvoi vers le droit national, au regard des conditions de forme de l'article 23 sensées assurer l'existence d'un tel consentement [132]. Validité formelle et substantielle des clauses de juridiction se confondent ainsi dans un régime autonome établi par le Règlement Bruxelles I. Il semble donc que le droit national ne puisse rien ajouter, ni quant à la validité au fond, ni quant à la validité formelle.

A l'inverse, un arrêt portant sur la question spécifique du transfert du connaissement peut donner à croire que le droit national a encore un rôle à jouer quant à la validité des clauses de juridiction. Une clause de juridiction insérée dans un connaissement est opposable à un tiers à ce contrat, dans la mesure où elle est 'valide' au sens de l'article 23 du Règlement Bruxelles I (à l'époque 17 de la Convention de Bruxelles) entre le chargeur et le transporteur et que “en vertu du droit national applicable”, le tiers porteur du connaissement a succédé au chargeur dans ses droits et obligations [133]. L'ouverture vers le droit national applicable est étroite: elle ne porte pas tant sur la validité de la clause (appréciée sur le fondement de l'art. 23), que sur la question de savoir si le tiers a succédé dans les droits de l'une des parties au contrat initial. Si tel est le cas, il est tenu par la clause faisant partie des droits et obligations auxquels il a succédé. Même si cet arrêt de la Cour de justice n'offre qu'un support très limité à l'idée d'un retour vers le droit national, l'idée selon laquelle la validité de la clause devrait être appréciée selon le droit national n'a jamais été abandonnée. Le Rapport de Heidelberg fait ainsi état d'une importante pratique nationale consistant à appliquer le droit national à la question du consentement et une partie de la doctrine soutient ce retour vers le droit national [134].

Cela étant, un arrêt récent renforce la position de l'autonomie, en refusant d'apprécier au regard du droit national l'opposabilité de la clause de juridiction, contenue dans le contrat initial, au sous-acquéreur souhaitant agir contre le fabricant [135].

En réalité, la question d'un éventuel retour vers le droit national concernant la validité des clauses de juridiction se pose en termes de degré, plus que de nécessité ou d'interdiction. Toutes les conditions de validité sont a priori établies par le règlement, mais le règlement n'établit pas pour autant un régime complet de validité des clauses. Il ne s'agirait donc pas pour le droit national d'imposer des conditions supplémentaires de validité, mais de compléter le régime existant là où cela s'avère nécessaire. Par exemple, si le règlement prévoit la nécessité du consentement, et les modalités dans lesquels celui-ci est établi ou non, il n'indique pas quels sont les vices de consentement et leur effet. Pour ces questions non visées par l'article 23 du Règlement Bruxelles I, le droit national demeure applicable [136]. Evidemment, la difficulté consiste à établir la ligne de démarcation entre le domaine autonome de l'article 23 et les points sur lesquels un retour vers le droit national est nécessaire. A cette première difficulté s'en ajoute une seconde: celle de savoir vers quel droit national se tourner. Sur ce point, les opinions divergent entre le droit des juridictions saisies ou le droit des juridictions désignées, ou encore le droit applicable au contrat.

(ii) Les questions à venir

Le règlement 1215/2012 consacre l'indépendance de la clause de juridiction par rapport aux autres clauses du contrat. Ainsi, la “validité de la convention attributive de juridiction ne peut être contesté au seul motif que le contrat n'est pas valable” (art. 25, 5.). Le juge désigné peut donc se saisir de l'affaire même si elle porte sur la validité du contrat. Il appréciera alors les questions portant éventuellement sur la validité de la clause de manière indépendante.

Le règlement de refonte permet de mieux identifier le droit national pertinent pour trancher les questions relatives à la validité de la clause, mais pas d'établir la ligne de démarcation entre les conditions de validité du règlement et la part du droit national. Le texte du nouvel article 25 établit la compétence des juridictions désignées dans la clause “sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit national de cet Etat membre”.

- Le système juridique du juge désigné

Le règlement de refonte tranche la question de l'identification du système juridique au regard duquel la validité substantielle de la clause doit être appréciée. Dans la partie de phrase reproduite ci-dessus, le terme 'cet Etat membre' se réfère à l'Etat membre dont les juridictions sont désignées. Le choix du système juridique du juge désigné par les parties peut évidemment être contesté. Il aurait peut-être été souhaitable de prendre en considération les exigences du système juridique auquel les parties échappent par l'effet de la clause de juridiction. Le choix du juge d'un autre Etat membre est en effet parfois guidé par le souhait d'éviter les juridictions et l'application de la loi d'un Etat avec lequel la situation présente des liens étroits. C'est le cas par exemple de l'insertion d'une clause de juridiction désignant les tribunaux d'un autre Etat membre dans le cadre des concessions de vente exécutées en Belgique qui permet d'échapper à l'application de la loi du 27 juillet 1961. Cela étant, dans le système du règlement de refonte, c'est le juge désigné par la clause de juridiction qui tranchera normalement toute contestation relative à la validité de la clause de juridiction. En effet, la nouvelle règle de litispendance de l'article 21, 2., donne priorité au juge désigné dans la clause et ordonne au juge d'un autre Etat membre, saisi en dépit de la clause, même premier saisi, de surseoir à statuer, puis de se dessaisir une fois que le juge désigné s'est déclaré compétent. Il s'agit donc de permettre au juge saisi de la validité de la clause, d'appliquer à cette question les règles issues de son propre système juridique. Le règlement reproduit ici la disposition équivalente de la Convention de La Haye de 2005, qui commande au juge désigné par les parties de se déclarer compétent sauf si l'accord est 'nul selon le droit de cet Etat' (art. 5, 1. de la Convention de La Haye de 2005 sur les accords d'élection de for).

Contrairement à ce que laisse entendre la disposition qui vise 'le droit national de cet Etat membre', il ne s'agit pas nécessairement de se référer au droit civil du juge choisi. Le considérant 20 précise que la question est tranchée “conformément au droit de l'Etat membre de la ou des juridictions désignées dans l'accord, y compris conformément aux règles de conflit de lois de cet Etat membre”. La formulation désigne à la fois le droit matériel et le droit international privé du juge choisi ('y compris'), sans que l'on sache dans quelles circonstances il faudra privilégier l'un sur l'autre. Mais l'intention semble avoir été de passer d'abord par la règle de conflit du juge élu pour identifier le droit applicable à la validité de la clause. C'est d'ailleurs la solution retenue dans la Convention de La Haye sur les clauses d'élection de for, qui a inspiré les auteurs du règlement de refonte [137]. Quoi qu'il en soit, le considérant 20 introduit donc un curieux retour du renvoi, généralement exclu des règles de conflit de lois contenues dans les règlements européens [138]. En effet, l'article 25 du règlement 1215/2012, lu à la lumière du considérant 20, désigne non les règles substantielles d'un ordre juridique donné, mais son système de règles de conflit de lois. Concrètement, en Belgique, les règles de conflit de lois applicables (si le juge belge est désigné) sont celles du Règlement Rome I [139]. Ainsi, si le juge belge est saisi sur le fondement de l'article 25 de la refonte en tant que juge désigné et qu'une des parties conteste sa compétence en invoquant la nullité de la clause, le juge belge devra consulter les dispositions du Règlement Rome I relatives à la validité des contrats pour désigner la loi applicable permettant d'apprécier la clause (art. 10 qui conduit à l'application de la loi normalement applicable au contrat). Par contre, si le juge belge est saisi alors que le contrat désigne les juridictions londoniennes, la contestation relative à la validité de la clause devrait être tranchée au regard de la loi désignée par les règles de conflit de lois du Royaume-Uni.

- Les conditions de validité de la clause de juridiction

En renvoyant vers le droit national pour évaluer la validité de la clause, le règlement de refonte admet l'existence de conditions de validité échappant à son emprise. Mais il ne définit pas précisément la mesure de ce renvoi. Ceci appelle deux remarques.

La première remarque porte sur la catégorie de conditions visées. Le renvoi vers le droit national est envisagé à propos des conditions de validité substantielle de la clause, par opposition aux conditions de forme qui sont fixées de manière autosuffisante par l'article 25. Ce faisant, le texte de la refonte introduit une discussion sur la qualification des conditions, qui n'existait pas autrefois: il s'agira de savoir si telle condition tirée du droit national désigné par le juge choisi constitue une condition de fond - et peut dès lors être opposée à la clause - ou s'il s'agit d'une condition de forme qui sera écartée au profit des conditions de forme établies par la disposition européenne.

La seconde remarque porte sur le nombre des conditions tirées du droit national qui peuvent désormais être opposées à la clause de juridiction. Toutes les conditions de validité tirées de la loi désignée par le juge choisi sont-elles applicables? La formulation de l'article 25 et le considérant 20 le laissent entendre. Tous deux évoquent de manière générale la question de savoir si la clause est entachée de nullité quant à sa validité au fond, ce qui ouvre la porte à l'application de toutes les conditions de validité au fond de la loi désignée par le juge choisi. Si tel était le cas, une condition concernant la langue de rédaction du contrat, comme celle évoquée dans l'arrêt Elefanten Schuh, pourrait être opposée à la validité de la clause, au prétexte que cette condition est imposée par la loi désigné par le juge élu dans la clause [140]. Les conditions de licéité ou d'admissibilité des clauses sont-elles également visées? Le règlement encadre la licéité des clauses dans les sections relatives aux parties faibles. Mais on sait que le droit national est parfois plus restrictif que le Règlement Bruxelles I en ce qui concerne la licéité ou l'admissibilité des clauses de juridiction [141]. De manière plus générale, ce renvoi vers le droit national du juge choisi (y compris vers ses règles de droit international privé) permettrait-il l'application des lois de police du juge désigné? Ou même permettrait-il l'application des lois de police d'un autre Etat, autorisée par le système de droit international privé du juge désigné?

La nouvelle formulation de l'article relatif aux clauses de juridiction pourrait ainsi introduire un ensemble indéterminé de conditions supplémentaires, s'ajoutant à la liste de conditions énoncées par l'ancienne disposition ou dégagées par la Cour à propos du consentement. Si tel devait être le cas, l'efficacité des clauses de juridiction s'en trouverait évidemment atteinte et le système de l'ancien article 23, souvent considéré comme autosuffisant (supra (i)), profondément modifié. C'est à la Cour qu'il reviendra, une nouvelle fois, de tracer la ligne de démarcation entre le droit national et les conditions du règlement pour l'appréciation des clauses de juridiction. Le débat est ainsi relancé, dans un cadre renouvelé qui ne permettra pas à la Cour de maintenir entièrement la jurisprudence ancienne [142].

C.2. Litispendance

La règle de litispendance constitue évidemment l'un des atouts majeurs du système 'Bruxelles I'. Cette disposition permet d'éviter certains des écueils principaux des litiges internationaux: les procédures parallèles et les jugements inconciliables. Mais son caractère systématique a donné lieu à des stratégies procédurales de la part de parties de mauvaise foi. Ainsi, il suffit de saisir les tribunaux d'un Etat membre, réputés pour la lenteur de leur procédure, même si leur incompétence est manifeste, pour que les juridictions des autres Etats membres, compétentes sur le fond, mais saisies en second lieu, doivent surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement constant l'incompétence des premières juridictions. Cette attente décourageante pour les parties peut durer plusieurs années.

(i) Litispendance et clauses de juridiction

On sait que les affaires Gasser et Turner avaient confirmé la priorité de la juridiction première saisie, même en présence d'une clause de juridiction désignant les tribunaux d'un autre Etat membre, et affirmé l'incompatibilité avec le système établi par le Règlement Bruxelles I, d'une 'anti-suit injunction' tendant à obliger les parties à abandonner l'action devant le juge premier saisi pour ramener le contentieux devant le juge désigné dans la clause de juridiction [143]. Quoique découlant de la logique du système établi par la Convention de Bruxelles, puis par le Règlement Bruxelles I, ces deux arrêts ont évidemment renforcé les incitants aux procédures abusives tendant à déjouer les clauses de juridiction.

L'utilisation abusive de la litispendance en présence d'une clause de juridiction est désormais impossible. L'article 31 de la refonte, qui remplace et complète l'ancien article 29 du Règlement Bruxelles I, établit une solution spécifique pour les cas de litispendance impliquant une clause de juridiction. Ainsi, “lorsqu'une juridiction d'un Etat membre à laquelle une convention visée à l'article 25 attribue une compétence exclusive est saisie, toute juridiction d'un autre Etat membre sursoit à statuer jusqu'à ce que la juridiction saisie sur le fondement de la convention déclare qu'elle n'est pas compétente en vertu de la convention” (art. 31, 2.). Par ailleurs, lorsque la juridiction choisie par les parties a établi sa compétence, les juridictions des autres Etats membres doivent se dessaisir (art. 31, 3.).

D'un point de vue pratique, cette nouvelle disposition constitue une avancée remarquable. Elle décourage les procédures abusives tendant à contourner les clauses de juridiction. Evidemment, elle pénalise également la partie qui souhaiterait de bonne foi contester la validité de la clause de juridiction devant le juge compétent sur le fondement des règles générales du règlement. La priorité donnée à la juridiction désignée n'est pas soumise à une exigence liée à la validité apparente de la clause et devrait jouer automatiquement. Elle connaît aussi des limites, dans le cas par exemple de l'existence de deux clauses de juridiction incompatibles [144]. D'un point de vue conceptuel, la disposition est intéressante en ce sens qu'elle maintient le mécanisme de la litispendance, mais en bouleverse le fondement. La priorité ici conférée à l'une des deux juridictions saisies, ne l'est plus en raison de l'antériorité de la saisine, mais en raison de la qualité de cette juridiction [145]. La juridiction choisie par les parties est préférée à la juridiction première saisie. Le considérant 22 précise d'ailleurs que dans “un tel cas de figure, la juridiction saisie en premier lieu devrait être tenue de surseoir à statuer dès que la juridiction désignée est saisie et jusqu'à ce que cette dernière juridiction déclare qu'elle n'est pas compétente en vertu de l'accord exclusif d'élection de for. Cela vise à faire en sorte que, dans une telle situation, la juridiction désignée ait priorité pour décider de la validité de l'accord et de la mesure dans laquelle celui-ci s'applique au litige pendant devant elle. La juridiction désignée devrait être en mesure de poursuivre la procédure, que la juridiction non désignée ait déjà décidé ou non de surseoir à statuer”.

On notera enfin que ce renversement de la règle de litispendance n'opère pas en faveur d'une clause de juridiction contraire aux dispositions des sections 3, 4 ou 5 relatives à la protection de la partie faible (art. 31, 4.).

(ii) Litispendance de manière générale

Le problème de la litispendance dépassait le cadre des clauses de juridiction. Le mécanisme est susceptible d'abus d'ordres divers: il suffit de saisir en premier lieu, une juridiction manifestement incompétente, ou d'introduire une action déclaratoire négative (déclaration négative de responsabilité, de contrefaçon, …) pour bloquer ou retarder la procédure devant normalement se dérouler au fond devant les juridictions d'un autre Etat membre, compétentes sur le fondement du règlement [146]. Pour parer à ces manoeuvres, qui tiennent parfois (mais pas toujours) de l'abus, la proposition de règlement envisageait d'imposer aux juridictions des Etats membres d'établir leur compétence (ou de la rejeter) dans un délai de six mois (art. 29, § 2 de la proposition) [147]. La règle était assouplie par une exception possible “en raison de circonstances exceptionnelles”. Le délai imposé semblait évidemment fort court dans certains Etats membres, mais cette nouvelle règle aurait pu constituer une avancée sur le plan des procédures internationales et comporter des retombées positives pour les procédures internes. Quoi qu'il en soit, cette proposition n'a pas abouti. La règle de litispendance générale demeure donc inchangée, et avec elle, demeurent les problèmes de torpédos, notamment dans le domaine de la propriété industrielle (infra).

La règle générale de litispendance est cependant modifiée sur deux points. Premièrement, un nouveau paragraphe établit un mécanisme d'information entre les juridictions devant lesquelles se produisent les procédures parallèles, leur permettant de mieux évaluer leur rôle dans la procédure de litispendance. Le paragraphe 2. de l'article 29 (ancien art. 27) prévoit qu'“à la demande d'une juridiction saisie du litige, toute autre juridiction saisie informe sans tarder la première juridiction de la date à laquelle elle a été saisie conformément à l'article 32”. Ensuite, l'article 32 de la refonte (qui remplace l'ancien art. 30 du Règlement Bruxelles I) ajoute une précision relative à la date de saisine. Lorsque la date de saisine est calculée en fonction de la réception de l'acte introductif d'instance par l'autorité chargée de la notification ou de la signification, le règlement prévoit désormais que l'autorité visée est la “première autorité ayant reçu les actes à notifier ou à signifier” (art. 32, 1. in fine). En outre, la date de dépôt de l'acte introductif d'instance ou la date de réception des actes à notifier ou à signifier doit désormais être consignée par l'autorité compétente (art. 32, 2.). Ces précisions devraient diminuer les incertitudes relatives à la date de saisine et à la priorité établie par la règle de litispendance.

C.3. Propriété industrielle

Les litiges relatifs à la propriété industrielle font partie des oubliés de la réforme, dont on attendait pourtant beaucoup, sous l'angle toujours de l'efficacité des procédures. Trois catégories de difficultés ont été rencontrées. La première est directement liée au problème général de la litispendance. Dans ce cadre, la pratique a démontré des abus prenant parfois la forme d'introduction d'action déclaratoire négative pour établir l'absence de contrefaçon [148]. Au regard de la règle de litispendance, une telle action confère à la juridiction saisie de l'action déclaratoire la priorité sur la juridiction seconde saisie du fond de l'action [149]. La deuxième catégorie de difficulté découle de l'interprétation réservée à l'article 22 par la Cour de justice dans l'affaire GAT [150]. A l'occasion de cette affaire, la Cour a souligné le caractère indérogeable de la règle de compétence exclusive relative à la validité des brevets. Ainsi, dans un litige portant au premier chef sur la contrefaçon, le juge de la contrefaçon ne peut se prononcer sur la question incidente de validité du brevet et doit surseoir à statuer dans l'attente d'une réponse sur cette question de la part des juridictions du lieu de dépôt ou d'enregistrement du droit. La procédure relative à la validité peut s'avérer plus ou moins aisée, sachant que tous les Etats membres n'offrent pas la possibilité d'une action déclaratoire positive [151]. Les auteurs prétendus de contrefaçons sont donc incités à remettre en cause la validité du brevet. Enfin, la troisième catégorie de difficultés, abordée plus haut, concerne l'impossibilité d'agir sur le fondement de l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I contre plusieurs défendeurs auteurs d'une contrefaçon d'un brevet européen ou de plusieurs brevets nationaux dans le cadre d'une politique coordonnée [152].

La refonte ne remédie pas à ces difficultés. Dans la matière des brevets, les efforts d'amélioration des procédures ont récemment été envisagés dans le cadre du brevet unitaire. Après que deux règlements européens aient, dans le cadre d'une coopération renforcée à 25 Etats membres, établi les effets d'un 'brevet européen à effet unitaire' d'une part, et tranché les difficiles questions de traduction d'autre part, les Etats participant à la coopération ont signé le 19 février 2013 l'accord international établissant une juridiction unifiée du brevet [153]. Ce nouveau système juridictionnel et la protection unitaire envisagée constituent l'aboutissement d'un long travail et allègeront considérablement les procédures (administratives et judiciaires) en vue d'obtenir une protection efficace des brevets à l'échelle européenne. Il ne règle toutefois pas le sort des brevets nationaux qui restent soumis aux aléas décrits ci-dessus [154]. L'accord relatif à la juridiction unifiée appelle en outre une analyse approfondie qui échappe à l'objet de la présente contribution.

Conclusion

Sans prétendre à l'exhaustivité, cette contribution a présenté les points principaux de la réforme du Règlement Bruxelles I opérée par le règlement 1215/2012. Il en ressort une image en demi-teinte [155].

L'acquis concernant le domaine d'application et la compétence, est finalement assez réduit. Si certaines propositions novatrices, comme l'application de toutes les règles de compétence aux défendeurs d'Etat tiers, divisaient, on comprend moins que la refonte se satisfasse de certaines situations largement dénoncées, comme les incertitudes entourant l'effet 'reflex' de l'article 22 ancien (24 de la réforme) ou les clauses de juridiction désignant les tribunaux d'Etat tiers. La réforme aura certainement été l'occasion de mesurer les difficultés et d'entamer un processus de réflexion qui ne se termine pas avec l'adoption du règlement 1215/2012. Par ailleurs, diverses avancées utiles sont à épingler, dans le domaine de l'efficacité des procédures, en particulier en présence d'une clause de juridiction. Cela étant, conformément au destin fatal des actes législatifs, les nouvelles dispositions soulèvent presqu'autant de questions qu'elles en résolvent.

Tous les chantiers n'ont, certes, pas été accomplis avec succès. Mais celui qui constituait le coeur de la réforme échappait à l'objet de cette contribution: il s'agissait évidemment de la suppression de l'exequatur. Sur ce point, le règlement 1215/2012 fera date.

[1] Professeur à l'UCL, Chaire de Droit Européen.
[2] Règlement 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2001, L. 12/1.
[3] Le site du réseau judiciaire européen donne accès à la plupart des informations utiles pour le déroulement d'une procédure internationale en Europe: http://ec.europa.eu/civiljustice/index_fr.htm. Le site e-justice comporte également de nombreuses informations pratiques utiles à destination des individus: https://e-justice.europa.eu/content_cooperation_in_civil_matters-75-fr.do.
[4] Voy. l'étude de R. Jaferalli publiée dans ce numéro concernant la jurisprudence nationale. Plus de 30 décisions préjudicielles ont été rendues à propos du règlement depuis 2006. De nombreuses décisions relatives à l'interprétation de la Convention de Bruxelles ont également été rendues sur procédure préjudicielle (116 au total).
[5] Règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2012, L. 351/1.
[6] B. Hess, T. Pfeiffer et P. Schlosser, Report on the Application of Regulation Brussels I in the Member States, Study JLS/C4/2005/03 (disponible sur le site: http://ec.europa.eu/civiljustice/news/docs/study_application_brussels_1_en.pdf), ci après: Rapport de Heidelberg; A. Nuyts, Study on Residual Jurisdiction, Review of the Member States' Rules concerning the “Residual Jurisdiction” of their courts in Civil and Commercial Matters pursuant to the Brussels I and II Regulations, JLS/C4/2005/07-30-CE)0040309/0037 (disponible sur le site: http://ec.europa.eu/civiljustice/news/docs/study_residual_jurisdiction_en.pdf), ci-après Rapport Nuyts.
[7] Livre vert sur la révision du règlement 44/2001 du Conseil concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM(2009)175 final; Rapport de la Commission au Parlement, au Conseil et au Comité économique et social sur l'application du règlement 44/2001, COM(2009) 174 final.
[8] Les réponses à la consultation publique sont disponibles à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice/newsroom/civil/opinion/090630_en.htm.
[9] Study on Data Collection and Impact Analysis of Certains aspects of a Possible Revision of Council Regulation n° 44/2001 on Jurisdiction and the Recognition and Enforcement of Judgment in civil and commercial Matters, réalisée par le Center for Strategy & Evaluation Services (CSES), 2010, disponible à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice/civil/files/study_cses_brussels_i_final_17_12_10_en.pdf; Study to evaluate the impact of a possible ratification by the European Community of the 2005 Hague Convention on Choice of Court Agreements, réalisée par GHK, 2007, disponible à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice/civil/files/ia_choice_courts_agreement_en.pdf.
[10] Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Refonte), COM(2010) 748 final.
[11] Résolution du Parlement européen du 7 septembre 2010 sur la mise en oeuvre et la révision du règlement 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (2009/2140(INI)), JO 2011, C-308E/36. Les auditions des professeurs Hess, Niboyet, Mari, Muir Watt et d'A. Layton (QC) avaient eu lieu le 5 octobre 2009 et sont disponibles à l'adresse suivante: www.europarl.europa.eu/committees/fr/juri/events.html?action=1&id=hearings#menuzone.
[12] Résolution législative du Parlement européen du 20 novembre 2012 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Refonte), (COM(2010)0748 - C7-0433/2010 - 2010/0383(COD).
[13] Le texte de compromis élaboré par la présidence danoise au Conseil correspond quasiment au texte définitif et est disponible à l'adresse suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/12/st10/st10609-ad01.fr12.pdf (ci-après: le compromis du Conseil).
[14] Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2012, L. 351/1. La procédure législative est détaillée à l'adresse suivante: www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2010/0383(COD)&l=fr.
[15] A propos de la proposition de règlement, outre le texte des auditions au Parlement et les articles portant sur un aspect précis de la réforme plus loin, voy. e.a. les 2 monographies et les articles suivants: E. Lein (ed.), The Brussels I Review Proposal Uncovered, BIICL 2012; F. Pocar, I. Viarengo et F. Villata, Recasting Brussels I, CEDAM, 2012; C. Kessedjian, “Commentaire de la refonte du règlement n° 44/2001”, Rev.trim.dr.eur. 2011, 117-130; P. Cachia, “Recent Developments in the sphere of Jurisdiction in Civil and Commercial Matters”, Elsa Malta Law Review 2011, 69-84; A. Dickinson, “The Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on Jurisdiction and the Recognition and Enforcement of Judgments in Civil and Commercial Matters (Recast) (Brussels Ibis Regulation)”, Sydney Law School, Legal Studies research Paper 11/58, septembre 2011 (disponible sur le site: ssrn.com/abstract=1930712); A. Dickinson, “Provisional Measures in the 'Brussels I' Review: Distributing the status quo?”, JPIL 2010, 519-564; C. Honorati, “Provisional Measures and the Recast of Brussels I Regulation: A missed opportunity for a better Ruling?”, Rivista di diritto internazionale private e processuale 2012, 525-544; G. Cuniberti et I. Rueda, “Abolition of Exequatur”, RabelsZ 2011, 286-316; P. Oberhammer, “The Abolition of Exequatur”, IPRax 2010, 197-203; X. Kramer, “Abolition of Exequatur under the Brussels I Regulation: Effecting and Protecting Rights in the European Judicial Area”, NIPR 2011, 633-641.
[16] Les travaux du Conseil européen sur la reconnaissance facilitée des décisions de justice remontent au Conseil européen de Tampere en octobre 1999 (voy. le pt. 34 des conclusions de la présidence: www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr.htm). En particulier, le 'programme de Stockholm', adopté par le Conseil européen en décembre 2009, envisageait clairement la suppression de l'exequatur (JO 2010, C-115/1, pt. 3.1.2.).
[17] Comp. avec l'art. 66, 2. du règlement 44/2001 qui prévoyait l'application à la reconnaissance et l'exécution de certaines décisions rendues après sa date d'applicabilité, mais introduites avant cette date.
[18] Décision 2006/325 du Conseil du 27 avril 2006 concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Danemark sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2006, L. 120/22. L'accord est publié au JO 2005, L. 299/62.
[19] Voy. les art. 4, 1. et 32 du Règlement Bruxelles I et 6, 1. et 36 du règlement 1215/2012.
[20] A l'inverse, la notification d'une décision de ne pas appliquer les modifications équivaudrait à une dénonciation de l'accord entre la Communauté et le Danemark (art. 3, § 7 de l'Accord).
[21] Accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Danemark sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2013, L. 79/04.
[22] Livre vert, question 2. Voy. également le compte rendu de la réunion du GEDIP tenue à Copenhague en septembre 2010, contenant des propositions de disposition: www.gedip-egpil.eu.
[23] Sur l'ensemble des questions: T. Kruger, Civil Jurisdiction Rules of the EU and their Impact on Third States, OUP, 2008.
[24] En ce sens, M. Fallon, “Les frontières spatiales du droit privé européen selon le droit de l'Union européenne” in E. Poillot et I. Rueda, Les frontières du droit privé européen, Larcier, 2012, 65-123, spéc. p. 112.
[25] L'art. 65 TCE prévoyait l'adoption de mesures de droit international privé 'dans la mesure nécessaire' au bon fonctionnement du marché intérieur.
[26] Le traité ayant été signé en 2007, il était certain que la base juridique de la refonte serait l'art. 81 TFUE.
[27] Retraçant l'évolution des bases juridiques du Traité d'Amsterdam au Traité de Lisbonne et leur impact sur la formulation des actes d'harmonisation de droit international privé: M. Traest, “L'application des règles européennes de droit international privé aux cas externes”, Annuaire de droit européen 2009, 828-841.
[28] Livre vert, pt. 2, 1er paragraphe in fine.
[29] JO 2009, L. 7/1.
[30] L'application universelle des règles de conflit de lois était déjà acquise avec l'entrée en vigueur des Règlements Rome I (règlement n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JO 2008, L. 177/ 6, art. 2) et Rome II (règlement n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JO 2007, L. 199/40, art. 3).
[31] Le terme 'reflex' est ici favorisé car il correspond mieux à l'idée d'un raisonnement en miroir expliqué ci-dessous, alors que le terme 'réflexe', employé par certains auteurs, désigne une réaction motrice et non un effet de miroir comme celui de l'appareil photo reflex. Le terme 'réflexe' est maintenu quand il est utilisé par l'auteur dont les propos sont rapportés. Sur ce point de vocabulaire: M. Fallon, “L'applicabilité du Règlement Bruxelles I aux situations externes après l'avis 1/03” in Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques. Liber Amicorum Hélène Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, 241-264, spéc. 247-248.
[32] G.A. Droz, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le Marché commun, Dalloz, 1972, n° 165.
[33] A. Nuyts, “La théorie de l'effet réflexe” in G. de Leval et M. Storme (dirs.), Le droit judiciaire et processuel européen, la Charte, 2003, 73-89. La position de cet auteur est très proche de la proposition de G.A. Droz qui considérait également que l'incompétence des juridictions nationales désignées sur le fondement des règles générales de la Convention de Bruxelles dérivait du droit national.
[34] C. Chalas, L'exercice discrétionnaire de la compétence juridictionnelle en droit international privé, PUAM, 2000, spéc. nos 621 à 623. Très proche de l'opinion de H. Gaudemet-Tallon (Compétence et exécution des jugements en Europe, LGDJ, 2010 (4ème éd.), n° 100), J. Kropholler évoque la nécessité d'un raisonnement en miroir lorsque la juridiction étrangère disposerait d'une compétence exclusive selon son droit: J. Kropholler, Europäisches Zivilprozerecht, Verlag Recht und Wirtschaft, 2005, 8ème éd., 250.
[35] M. Fallon, “L'applicabilité du Règlement Bruxelles I aux situations externes après l'avis 1/03” in Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques. Liber Amicorum Hélène Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, 241-264.
[36] Les raisons avancées pour décliner la compétence dérivent souvent de la logique du règlement: L. de Lima Pinheiro, “Art. 22” in U. Magnus et P. Mankowski, Brussels I Regulation, 2nd Revised Edition, Sellier, 2012, 413-436, spéc. nos 9 à 12.
[37] CJCE 7 février 2006, avis 1/03, § 153, dont les termes sont probablement déduits de l'art. 3, 1. du règlement 44/2001. L'avis 1/03 est commenté plus avant à propos de l'art. 23.
[38] Voy. e.a.: CJCE 9 novembre 2000, C-387/98, Coreck Maritime, Rec. 2000, I-9337, pt. 19; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., nos 124 à 132.
[39] CJCE 9 novembre 2000, C-387/98, Coreck Maritime, pt. 19 (la Cour précise que le juge utilisera ses propres règles de droit international privé); H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., n° 131 pour la condition de désignation des tribunaux d'un Etat membre. Pour la condition de domicile, n° 127 a contrario, soulignant que l'application de l'art. 23, 3. Voy. également: J. Kropholler, Europäisches Zivil­prozeßrecht, o.c., 286-288.
[40] CJCE 7 février 2006, avis 1/03, § 153.
[41] R. Fentiman avait déjà tiré des conclusions similaires des termes de l'arrêt Owusu qui selon lui, imposerait une interdiction générale aux juridictions des Etats membres de décliner leur compétence en faveur des tribunaux d'un Etat tiers (“Civil Jurisdiction and Third States: Owusu and After”, CMLR 2006, 705 et s.).
[42] Considérant 11 du règlement 44/2001 et considérant 15 du règlement 1215/2012.
[43] CJCE 7 février 2013, C-543/10, Refcomp SA / Axa, non encore publié au Rec., pt. 17.
[44] Le Rapport Nuyts montre d'une part, que les juridictions des Etats membres donnent généralement effet à la clause de juridiction désignant les tribunaux d'un Etat tiers, même lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d'un Etat membre, et d'autre part, que le fondement légal de ce déclinatoire est incertain (pp. 81-84). Lorsque le défendeur est localisé dans un Etat membre, l'avis 1/03 conduit pourtant à l'application des art. 2 et 5. A la suite d'une analyse des conditions dans lesquelles les juridictions des Etats membres peuvent décliner leur compétence lorsque la clause de juridiction désigne le tribunal d'un Etat tiers, lorsque les facteurs de l'art. 22 se localisent dans un Etat tiers ou lorsqu'une procédure parallèle a déjà été entamée dans un Etat tiers, le Rapport Nuyts conclut “as the foregoing demonstrates, the lack of harmonized rules determining the cases where EU courts can decline the jurisdiction provided to them by the regulation in favour of non EU courts generates a great deal of confusion and uncertainty”.
[45] Voy. les travaux du GEDIP qui comportaient des propositions de dispositions sur les problèmes soulevés par les art. 22 et 23 du Règlement Bruxelles I: documents du GEDIP, Réunion de Copenhague 2010 (www.gedip-egpil.eu/gedip_documents.html).
[46] Comp. art. 7 du Code belge de droit international privé.
[47] Soulignant l'importance de ces difficultés: A. Layton, “The Brussels I Regulation in the International Legal Order: Some Reflections on Reflectiveness” in E. Lein (ed.), The Brussels I Review Proposal…, o.c., 75-81; F. Villata, “Choice of Court Agreements in favour of Third States in Light of Suggestions by Members of the European Parliament” in F. Pocar, I. Viarengo et F. Villata, Recasting Brussels I, CEDAM, 2012, 219 et s. (évoquant les pistes de solution envisagées au Parlement et montrant l'ampleur du débat portant sur le domaine d'application du règlement sur ce point).
[48] Voy. point 3.1.2. de l'exposé des motifs accompagnant la proposition de règlement.
[49] Art. 18, 1. et art. 21, 2. nouveaux.
[50] Voy. e.a. les analyses suivantes: J. Weber, “Universal Jurisdiction and Third States in the Reform of the Brussels I Regulation”, RabelsZ 2011, 619-644 (montrant la nécessité d'étendre le domaine d'application, d'adapter certaines des dispositions proposées dans la proposition de règlement et de développer à l'avenir le volet reconnaissance et exécution des jugements d'Etats tiers); L. Gillies, “Creation of Subsidiary Jurisdiction Rules in the Recast of Brussels I: back to the Drawing Board?”, JPIL 2012, 489-512 (analysant la proposition dans une perspective pluraliste pour conclure qu'elle dépasse les nécessités liées à la sécurité juridique). Il est vrai que la modification du domaine d'application présentait des implications théoriques importantes, en particulier relatives à la nature de l'ordre juridique européen, qui dépassent l'objet de cette étude.
[51] Résolution adoptée le 7 septembre 2010 (2009/2140(INI)), o.c.
[52] Point 15 de la résolution du 7 septembre 2010. Une telle crainte se comprend à propos de la reconnaissance des décisions d'Etat tiers, mais semble moins pertinente s'agissant de la compétence internationale.
[53] Ibid.
[54] Point 16 de la résolution du 7 septembre 2010. Cette formulation particulièrement ambiguë pourrait indiquer soit que l'art. 22, 1. doit être étendu par effet de miroir aux procédures équivalentes introduites dans un Etat tiers et donc conduire à l'incompétence des juridictions européennes lorsque l'immeuble est localisé dans un Etat tiers; soit qu'une règle de litispendance internationale doit être introduite dans le règlement pour l'hypothèse où l'immeuble est localisé dans l'Union et où une procédure parallèle est entamée dans un Etat tiers; soit que le caractère exclusif de la compétence prévue par l'art. 22, 1. s'impose même lorsqu'une procédure est entamée à l'étranger. La première interprétation est la plus probable car la résolution semble vouloir réserver un sort commun aux problèmes d'applicabilité spatiale des art. 22 et 23. Mais le sort de l'art. 23 est traité dans un point distinct rédigé en termes imprécis.
[55] Point 17 de la résolution du 7 septembre 2010.
[56] Point 2 in fine de l'exposé des motifs de la résolution du 20 novembre 2012, o.c.
[57] Considérant 14, 2ème al.
[58] Ces dispositions sont interprétées restrictivement pour éviter de tenir en échec l'art. 4, 1. du règlement 44/2001 et devraient, selon l'avocat général Darmon viser uniquement un établissement disposant du 'pouvoir de conclure des marchés' (conclusions de l'avocat général Darmon du 27 octobre 1992 dans l'affaire C-89/91, Shearson Lehmann Hutton, pt. 36).
[59] Supra, II.A.
[60] Le lieu d'exécution habituelle s'entend du lieu 'où ou à partir duquel' le travailleur accomplit habituellement son travail (art. 21, 1., b), ii): les termes 'à partir de' ont été introduits dans la refonte mais découlaient de la jurisprudence). Dans le cas exposé ci-dessus, la jurisprudence Weber conduirait à considérer que s'agissant de l'exécution des mêmes fonctions tout au long de l'année, le lieu d'exécution habituel du travail se localise au lieu où le travailleur passe le plus de temps (CJCE 27 février 2002, C-37/00, § 58).
[61] L'articulation entre les dispositions protectrices du travailleur et les dispositions contenues à la section 8 de la proposition (for subsidiaire et for de nécessité) du règlement n'était pas entièrement claire. D'une part, la proposition ne prévoyait pas de renvoi explicite, dans la section relative au contrat de travail, aux dispositions de la section 8. Et l'on sait qu'autrefois la Cour avait considéré qu'en l'absence d'un tel renvoi à l'art. 6, dans les dispositions de la section relative au contrat de travail, le travailleur ne pouvait se fonder sur l'art. 6 pour attraire plusieurs défendeurs au domicile de l'un d'eux (CJCE 22 mai 2008, C-462/06, Glaxosmithkline). D'autre part, l'art. 25 de la proposition envisageait son application “lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre” n'était “compétente en vertu des articles 2 à 24”, ce qui englobait l'hypothèse où aucune juridiction n'est compétente sur le fondement des dispositions protectrices du travailleur.
[62] Comp. art. 29 et 30: le système de litispendance entre Etats membres est obligatoire ('sursoit d'office') et le mécanisme de connexité entre Etat membre est facultatif ('peut surseoir').
[63] Art. 33, 4. et 34, 4.
[64] La référence à la juridiction d'un Etat tiers ne se trouve ni dans la résolution du 20 novembre 2012, ni dans le document de compromis de la présidence de juin 2012. Les versions anglaise, néerlandaise, allemande, italienne et espagnole se réfèrent à l'appréciation de l'Etat membre.
[65] Le considérant 24 précise encore que ces circonstances “peuvent inclure les liens entre les faits du cas d'espèce, les parties et l'Etat tiers concerné, l'état d'avancement de la procédure dans l'Etat tiers au moment où la procédure est engagée devant la juridiction de l'Etat membre et la probabilité que la juridiction de l'Etat tiers rende une décision dans un délai raisonnable. Cette évaluation peut également porter sur la question de savoir si la juridiction de l'Etat tiers a une compétence exclusive dans le cas d'espèce dans des circonstances où la juridiction d'un Etat membre aurait une compétence exclusive”.
[66] Décision 2009/397 du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne de la convention sur les accords d'élection de for (JO 2009, L. 133/1).
[67] A. Layton, “The Brussels I Regulation in the International Legal Order: Some Reflections on Reflectiveness” in E. Lein (ed.), The Brussels I Review Proposal…, o.c., p. 80 citant une audition informelle de la Commission juridique du Parlement européen le 20 septembre 2011 (note 23).
[68] A ce jour, la Convention a été signée par les Etats-Unis et l'Union européenne et ratifiée par le Mexique uniquement. La liste des Etats parties se trouve sur le site de la Convention de La Haye: www.hcch.net.
[69] H. Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., nos 133-134; U. Magnus, “Art. 23” in U. Magnus et P. Mankowski, Brussels I Regulation, o.c., 436-514, nos 23 à 26.
[70] Une telle interprétation prolongerait le raisonnement tenu dans le cadre du Règlement Rome I qui est applicable aux contrats internes du seul fait de la désignation d'une loi étrangère (cf. art. 3, 3. du Règlement Rome I). Comp. toutefois les arguments en défaveur d'une telle interprétation avancés par H. Gaudemet-Tallon (Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., nos 133-134) et en faveur de celle-ci (U. Magnus, “Art. 23” in U. Magnus et P. Mankowski, Brussels I Regulation, o.c., 436-514, n° 26).
[71] Si la Convention était en vigueur dans l'Union et au Mexique bien entendu.
[72] Supra, C.2.(ii).
[73] R. Wai, “Transnational Liftoff and Juridical Touchdown: The Regulatory Function of Private International Law in an Era of Globalization”, Columbia Journal of Transnational Law 2002, 209-274.
[74] Rapport Jenard, JOCE 1979, C-59/1, spéc. p. 13.
[75] Ibid.
[76] CJCE 25 juillet 1991, C-190/89, Marc Rich, Rec. 1991, I-3855, pt. 29.
[77] CJCE 10 février 2009, C-185/07, Allianz / West Tankers, Rec. 2009, I-663, pt. 26.
[78] CJCE 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden, Rec. 1998, I-7091, pt. 34.
[79] Ibid., pt. 33.
[80] Ibid., pt. 24.
[81] Voy. l'avis de la Commission dans Marc Rich, pt. 25 (CJCE 25 juillet 1991, C-190/89, o.c.).
[82] Voy. e.a. C. Kessedjian, note sous l'arrêt West Tankers, D. 2009, 981, spéc. p. 984.
[83] Infra, IV.C.2.
[84] Rapport de Heidelberg, nos 117 à 121.
[85] Voy. infra la note 97 et le texte entourant celle-ci
[86] Paris 15 juin 2006, Rev.arb. 2007, 87 note S. Bollée. Considérant en application du droit français relatif à la reconnaissance des jugements que: “En présence d'une convention d'arbitrage et alors même que le tribunal arbitral n'est pas saisi, le juge étatique doit se déclarer incompétent à moins qu'un examen sommaire ne lui permette de constater la nullité ou l'inapplicabilité manifeste de la clause, priorité étant réservée à l'arbitre auquel il appartient de statuer sur sa propre compétence pour juger de la validité et de l'efficacité de la clause d'arbitrage; que la décision concluant, après un examen substantiel, à l'inefficacité des clauses compromissoires des contrats passés entre le gouvernement de la République d'Irak et les sociétés Fincantieri, Finmeccanica et Armamenti E Aerospazio en raison des règles de l'embargo décrété par les Nations Unies dans la résolution 661 de 1990, a été rendue par une juridiction incompétente dont l'arrêt ne peut être accueilli en France.”
[87] Cass. (1ère ch.civ.) 29 juin 2007, premier arrêt n° 05-18.053, deuxième arrêt n° 06-13.293, Rev.arb. 2007, 507, 514.
[88] Voy. le jugement sévère de P. Schlosser sur l'affaire Putrabali: P. Schlosser, “Europe - Is It Time to Reconsider the Arbitration Exception from the Brussels Regulation”, International Arbitration Law Review 2009, 45 et s.
[89] Le résultat atteint par les juridictions françaises dans Putrabali découle de la formulation de l'art. VII, 1. de la Convention de New York qui permet d'appliquer le régime national plus favorable à la reconnaissance et à l'exécution de la sentence alors que l'art. V, e) exclut a priori l'exécution d'une sentence annulée.
[90] H. Van Houtte, Why Not Include Arbitration in the Brussels Jurisdiction Regulation, Arbitration International?, 2005, 509 et s.
[91] Les propositions des auteurs du rapport, plus précises que celles du Livre vert, mais sans être révolutionnaires, sont résumées dans: P. Schlosser, “Europe - is it time to reconsider the arbitration exception from the Brussels Regulation”, o.c.
[92] Livre vert, pt. 7.
[93] Ces dernières solutions étaient assez proches de ce qui était en discussion à propos des clauses de juridiction.
[94] Voy. e.a. la controverse en S. Lazareff et les auteurs du Rapport de Heidelberg: in Cahier de l'arbitrage, 2008/2, 3; 2008/3, 26; 2009/4, 4. Les travaux du groupe d'experts sont évoqués par: B. Hess, “The Brussels I Regulation: Recent Case Law of the Court of Justice and the Commission's Proposed Recast”, CMLR 2012, 1075 et s., spéc. 1108-1109.
[95] Voy. résolution de septembre 2010, pt. 9: “s'oppose fermement à la suppression, même partielle, des dispositions excluant l'arbitrage du champ d'application” et les considérants I à M. Voy. également Résolution de novembre 2012, pt. 4 de l'exposé des motifs accompagnant le rapport de la Commission juridique évoquant la nécessité de préserver l'exclusion en raison du fonctionnement satisfaisant de la Convention de New York.
[96] Voy. e.a.: J. Harris et E. Lein, “A Neverending Story? Arbitration and Brussels I: the Recast” in E. Lein, The Brussels I Review Proposal…, o.c., 31 et s., spéc. 40-56; C. Kessedjian, “Commentaire de la refonte…”, o.c., spéc. 122-126; L. Radicati di Brozolo, “Choice of Court and Arbitration Agreements and the Review of the Brussels I Regulation”, IPRax 2010, 121 et s., spéc. 124-127.
[97] Les termes sont vagues: “Cela ne devrait pas empêcher que sa décision soit reconnue ou, le cas échéant, exécutée conformément au présent règlement.”
[98] Ceci constituerait une violation du système du règlement qui prohibe la révision au fond et la révision de la compétence indirecte (sur l'interprétation étroite du motif de refus lié à l'ordre public, liée en partie à l'exclusion de la révision au fond et d'une règle de compétence indirecte, voy: S. Francq, “Art. 34” in U. Magnus et P. Mankowski (eds.), Brussels I Regulation, 2nd Revised Edition, Sellier, 2012, 644-697, spéc. nos 14 à 35). En ce sens, renversant une décision de première instance, la décision de la Court of Appeal: National Navigation Co / Endesa Generacion SA [2009] EWCA Civ 1397 para 64-66 (per Waller LJ) and 128-133 (per Moore-Bick LJ), décidant que malgré l'importance accordée à l'arbitrage, la différence de vue entre le juge d'origine et le juge requis relative à la clause arbitrale ne peut être considérée comme constituant une violation de principes fondamentaux, seuls envisagés dans le cas du motif de refus lié à l'ordre public (citant la jurisprudence Krombach: CJCE 28 mars 2000, C-7/98, Rec. 2000, I-1935).
[99] Voy. résolution de septembre 2010, considérant M (“considérant que les différents moyens procéduraux de droit national mis en place pour protéger la juridiction arbitrale (tels que les 'anti-suit injunctions' dans la mesure où elles sont compatibles avec la libre circulation des personnes et avec les droits fondamentaux, la déclaration de validité d'une clause d'arbitrage, l'octroi de dommages et intérêts pour violation d'une clause d'arbitrage, l'impact négatif du principe compétence-compétence, etc.) doivent rester disponibles et que les effets de telles procédures et les décisions de justice qui en découlent dans les autres Etats membres doivent être laissés à l'appréciation du droit national de ces Etats membres, comme c'était le cas avant l'arrêt rendu dans l'affaire West Tankers”); points 10 et 11 (“10. est d'avis que l'article 1, paragraphe 2, point d) du règlement devrait préciser que l'exclusion du champ d'application concerne non seulement les procédures d'arbitrage, mais également les procédures judiciaires visant à établir la validité ou l'étendue de la compétence arbitrale, que ce soit à titre principal ou incident ou à titre préjudiciel; est, par ailleurs, d'avis qu'un paragraphe devrait être ajouté à l'article 3 pour indiquer qu'une décision ne peut être reconnue si, en statuant sur la validité ou la portée d'une clause d'arbitrage, le tribunal de l'Etat membre d'origine a enfreint une disposition de la législation en matière d'arbitrage de l'Etat membre dans lequel l'exécution est demandé, à moins que la décision émanant dudit Etat membre ne produise les mêmes effets que la législation en matière d'arbitrage qui aurait été appliquée dans l'Etat membre dans lequel l'exécution est demandée; 11. estime que ceci devrait également être expliqué dans un considérant”). Voy. la critique de B. Hess relative à cette position (B. Hess, “The Brussels I Regulation: Recent Case Law of the Court of Justice and the Commission's proposed Recast”, CMLR 2012, 1075 et s., spéc. p. 1110) et la réponse de la Commission (suite donnée à la résolution du Parlement européen sur la mise en oeuvre et la révision du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, adoptée par la Commission le 23 novembre 2010, A7-0219/2010 / P7_TA(2010)0304: “La Commission examine avec attention la question du rapport entre le règlement et l'arbitrage, avec l'aide d'un groupe d'experts dans ce domaine. L'extension de l'exclusion existante ayant suscité des préoccupations, une autre solution pourrait s'avérer nécessaire. Le refus de reconnaissance d'une décision rendue dans un autre Etat membre et considérée comme enfreignant la législation locale en matière d'arbitrage irait à l'encontre de l'objectif visant à supprimer l'exequatur et à interdire le réexamen du contenu d'une décision rendue dans un autre Etat membre.”).
[100] Un de ces éléments est la satisfaction exprimée par la Commission juridique du Parlement quant au texte quasiment définitif du règlement, satisfaction exprimée en référence à la résolution de septembre 2010: “Sur ce point, la Commission adhère à la position adoptée par le Parlement dans sa résolution sur le Livre vert: la question de l'arbitrage est réglée de façon satisfaisante par la Convention de New York de 1958 et la Convention de Genève de 1961 sur l'arbitrage commercial international. Tous les Etats membres sont parties à ces deux conventions. L'exclusion de l'arbitrage du champ d'application du règlement devrait donc être maintenue. Les considérants 11 et suivants éclaircissent ce point” (pt. 4 de l'exposé des motifs du rapport de la Commission juridique du Parlement européen du 15 octobre 2012, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte)(COM(2010)0748 - C7-0433/2010 - 2010/0383(COD)).
[101] Pour des questions similaires à propos du Règlement Rome I: S. Lemaire, “Interrogations sur la portée juridique du préambule du Règlement Rome I”, D. 2008, 2157-2161.
[102] Rapport Jenard, o.c., p. 10.
[103] Règlement du 29 mai 2000, JO 2000, L. 160/1.
[104] CJCE 22 février 1979, n° 133/78, Henri Gourdain, Rec. 1979, 733, pt. 4. Le critère de l'arrêt Gourdain est repris par le considérant 6 et l'art. 25, 1., 2ème al. du règlement 1346/2000.
[105] Ibid.
[106] Pour un résumé, voy. P. Rogerson, “Art. 1” in U. Magnus et P. Mankowski, Brussels I Regulation, o.c., 46-75, nos 29-34; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., p. 39, citant différentes décisions française, anglaise et allemande considérant que relèvent du Règlement Bruxelles I des actions portant sur le recouvrement de créance de fourniture, sur le recouvrement d'une facture introduite après clôture de la procédure collective, sur une action en revendication qui aurait pu être engagée en dehors de la procédure de liquidation. Enfin, le BGH considère que la réintégration d'un bien dans le patrimoine du failli ne relève ni du règlement insolvabilité, ni du Règlement Bruxelles I (BHG 27 mai 2003, RDAI 2003, p. 926, cité par H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., p. 39).
[107] CJCE 12 février 2009, C-339/07, Christopher Seagon, Rec. 2009, I-767 considérant l'action révocatoire fondée sur l'insolvabilité comme exclue du règlement 44/2001 et relevant du règlement 1246/2000. A l'inverse, l'exercice d'une telle action par un créancier du failli, à la suite de la cession du droit de révocation consentie par le syndic à son profit, ne relève pas du règlement 1346/2000, mais du règlement 44/2001, au motif que l'exercice du droit par le cessionnaire “ne s'insère pas étroitement dans la procédure d'insolvabilité” lorsque “l'exercice du droit acquis par le cessionnaire du droit acquis par le cessionnaire obéit à d'autres règles que celles applicables dans le cadre d'une procédure de faillite” (CJCE 19 avril 2012, C-213/10, F-Tex SIA, non encore publié au Rec., pts. 41 et 42 comprenant une analyse détaillée des caractéristiques de la procédure en cause).
[108] CJCE 2 juillet 2009, C-111/08, SCT Industri, Rec. 2009, I-5655, pt. 33: dans une affaire relative à la reconnaissance d'une décision prononçant la nullité d'une cession consentie par le syndic, la Cour considère que l'exception relative à la faillite prévue par le règlement 44/2001 “s'applique à une décision rendue par une juridiction d'un Etat membre A relativement à l'inscription du droit de propriété sur des parts sociales émises par une société ayant son siège social dans l'Etat membre A, selon laquelle la cession desdites parts doit être considérée comme nulle au motif que la juridiction de l'Etat membre A ne reconnaît pas les pouvoirs d'un syndic d'un Etat membre B dans le cadre d'une procédure de faillite appliquée et clôturée dans l'Etat membre B”. La reconnaissance d'une telle décision relève donc du règlement 1346/2000.
[109] Soumise au règlement 44/2001: CJCE 10 septembre 2009, C-292/08, German Graphics, Rec. 2009, I-8421, pts. 31 à 33: dans le cadre d'une action en restitution concernant des biens meubles en exécution d'une clause de réserve de propriété, la juridiction saisie “devait seulement clarifier la question de la propriété de certaines machines (…). La réponse à cette question de droit est indépendante de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité (…). 32. En d'autres termes, l'action portant sur ladite clause de réserve de propriété constitue une action autonome, ne trouvant pas son fondement dans le droit des procédures d'insolvabilité et ne requérant ni l'ouverture d'une procédure de ce type ni l'intervention d'un syndic. 33. Dans ces conditions, le seul fait que le syndic soit partie au litige n'apparaît pas suffisant pour qualifier la procédure engagée devant le Landgericht Braunschweig de procédure dérivant directement de la faillite et s'insérant étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation de biens”.
[110] CJCE 10 septembre 2009, C-292/08, German Graphics, pt. 29.
[111] CJCE 19 avril 2012, C-213/10, F-Tex SIA, 29 et 41.
[112] Proposition de règlement modifiant le règlement 1346/2000, COM(2012), 744 final; voy. l'art. 3bis et le point 3.1.2. de l'exposé des motifs.
[113] COM(2012), 744 final, point 3.1.1. et considérant 7bis.
[114] Voy. l'étude d'A. Nuyts dans ce numéro.
[115] Supra, II.C.2.
[116] Le Rapport de Heidelberg souligne encore que ce for est souvent éloigné des biens en cause et nécessitera des formalités d'exécution qui pourraient être évitées en agissant directement au lieu de localisation des biens (Rapport de Heidelberg, pp. 73-74, nos 153-154). Voy. toutefois concernant les désavantages d'une telle règle: P. Franzina, “The Proposed New Rule of Special Jurispdiction Regarding Rights in Rem in Moveable Property: A Good Option for a Reformed Brussels I Regulation?”, Diritto del commercio internazionale 2011, 789-808.
[117] Voy. de manière générale le résumé des propositions du Rapport de Heidelberg portant sur les questions de compétence, pp. 170-174.
[118] Rapport de Heidelberg, pp. 157-158, nos 371 -373.
[119] Rapport de Heidelberg, p. 79.
[120] Rapport de Heidelberg, pp. 106 et s. D'autres considérations concernent les fonds de limitation de la responsabilité en matière maritime (pp. 121 et s.).
[121] CJCE 13 juillet 2006, C-593/03, Roche, pts. 41 et 35: l'art. 6, 1. “ne s'applique pas dans le cadre d'un litige en contrefaçon de brevet européen mettant en cause plusieurs sociétés, établies dans différents Etats contractants, pour des faits qui auraient été commis sur le territoire d'un ou de plusieurs de ces Etats, même dans l'hypothèse où lesdites sociétés, appartenant à un même groupe, auraient agi de manière identique ou similaire, conformément à une politique commune qui aurait été élaborée par une seule d'entre elles” car “l'on ne serait pas en présence d'une même situation de droit et qu'il n'existerait donc pas, même dans une telle hypothèse, un risque de décisions contradictoires”. Voy. également infra IV.C.3.
[122] Rapport de Heidelberg, pp. 103-105, nos 220-227.
[123] Voy. la consultation publique de la Commission “Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs” (SEC (2011) 173 final); le Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante (COM(2008) 165 final); et le Livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs (COM(2008) 794 final). Sur la proposition de refonte et les recours collectifs: L. Carballo Piñeiro, “Collective Redress in the Proposal for a Brussels Ibis Regulation: A Coherent Approach”, Journal of European Consumer and Market Law 2012, 81-94 (montrant l'inadéquation des propositions de l'époque et la nécessité d'envisager une véritable coordination des actions collectives au niveau européen).
[124] Directive 93/7 du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, JO 1993, L. 74/74.
[125] CJCE 22 mai 2008, C-462/06, Glaxo Smithkline, Rec. 2008, I-3965.
[126] Supra, II.A.3. Comp. toutefois: CJCE 7 février 2013, C-543/10, Refcomp SA / Axa, non encore publié au Rec., pt. 17 qui présente la localisation du tribunal désigné dans l'Union comme une condition d'applicabilité (à propos du Règlement Bruxelles I).
[127] Art. 23, 1. (“à propos d'un rapport de droit déterminé”) et 5. du Règlement Bruxelles I.
[128] CJCE 24 juin 1981, n° 150/80, Rec. 1981, 1671.
[129] Ibid., pt. 25.
[130] Ibid., pt. 29.
[131] H. Gaudemet-Tallon (Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., p. 141) cite par exemple: CJCE 3 juillet 1997, C-269/95, Benincasa, Rec. 1997, I-3767, pts. 21 et s. Dans cette affaire, la Cour, à la suite de la juridiction de fond, s'interroge sur la possibilité d'invoquer une clause de juridiction 'valablement conclue' au regard de l'art. 17 de la Convention de Bruxelles dans le cadre d'un litige portant sur la validité du contrat. La Cour considère que “l'article 17 de la convention a pour objectif de désigner, de manière claire et précise, une juridiction d'un Etat contractant qui soit exclusivement compétente conformément à l'accord de volonté des parties, exprimé suivant les conditions de forme strictes y énoncées. La sécurité juridique voulue par cette disposition pourrait être aisément compromise s'il était reconnu à une partie contractante la faculté de déjouer cette règle de la convention par la seule allégation de la nullité de l'ensemble du contrat pour des raisons tirées du droit matériel applicable”, pt. 29. On en conclut que le droit matériel applicable ne peut porter atteinte à la validité de la clause.
[132] Voy. CJCE 3 octobre 1992, C-214/89, Duffryn, Rec. 1992, I-1745, pts. 16 et 17 (à propos d'une clause insérée dans les statuts d'une société); CJCE 20 février 1997, C-159/97, MSG, Rec. 1997, I-911, pt. 15 (à propos d'une clause correspondant à un usage du commerce international).
[133] CJCE 19 juin 1984, n° 71/83, Tilly Russ, Rec. 1984, 2417, pt. 24, confirmé par: CJCE 16 mars 1999, C-159/97, Casteletti, Rec. 1999, I-1597, pt. 41 (le point 42 précise cependant que “la validité de la clause au regard de l'article 17 devant être appréciée dans les rapports entre les parties originaires, il s'ensuit que c'est dans le chef de ces mêmes parties que doit être appréciée la connaissance de l'usage.” Ce point pourrait être cité en faveur de l'autonomie des conditions de validité). CJCE 9 novembre 2000, C-387/98, Coreck, Rec. 2000, I-9337, pt. 23.
[134] Rapport de Heidelberg, p. 159, n° 376. Voy. les références citées par H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, o.c., pp.  140-141, n° 152; J. Kropholler, Europäisches Zivilprozeßrecht, o.c., 294, n° 28.
[135] CJCE 7 février 2013, C-543/10, Refcomp / Axa, non encore publié, pts. 33 et 39. En susbtance, la question est identique à celle posée dans l'affaire Tilly Russ, mais la Cour considère que des solutions différentes se justifient en raison des caractéristiques très spécifiques du connaissement (pts. 34 à 38).
[136] U. Magnus, “Art. 23” in U. Magnus et P. Mankowski, Brussels I Regulation, Sellier, 2012, 2ème éd., 436-514, spéc. 476, n° 80 et les références citées note 226.
[137] Le rapport explicatif de la Convention de La Haye de 2005, rédigé par T. Hartley et M. Dagauchi, explique la démarche de la manière suivante: “L'expression 'droit de l'Etat' inclut les règles de conflit de lois de cet Etat. Ainsi, si le tribunal élu considère que le droit d'un autre Etat devrait être appliqué selon ses règles de conflit de lois, il appliquera ce droit. Cela pourrait se produire, par exemple, lorsqu'en vertu des règles de conflit de lois du tribunal élu, la question de la validité de l'accord d'élection de for est tranchée selon le droit régissant le contrat dans son ensemble - par exemple, la loi désignée par les parties dans une clause d'élection de la loi applicable” (pt. 125, disponible sur le site www.hcch.net/upload/expl37f.pdf).
[138] Art. 24 du Règlement Rome II concernant la loi applicable aux obligations extracontractuelles (règlement 864/2007, JO 2007, L. 199/40), art. 20 du Règlement Rome I concernant la loi applicable aux obligations contractuelles (règlement 593/2008, JO 2008, L. 177/6), art. 11 du Règlement Rome III concernant la loi applicable au divorce (règlement 1259/2010, JO 2010, L. 343/10). Comp. toutefois art. 34 du règlement 'sucessions' (règlement 650/2012, JO 2012, L. 201/107).
[139] La clause sera normalement appréciée sur le fondement des règles de conflit de lois du code (et des lois de police belges) car le Règlement Rome I exclut de son domaine matériel la validité des clauses d'élection de for (art. 1er, 2., e)). Mais pour toute la matière contractuelle, le Code renvoie au Règlement Rome I, y compris pour les matières exclues de son domaine matériel (art. 98, § 1er du code). Ceci explique que le juge belge doive appliquer les règles de conflit du Règlement Rome I, alors même que la question sort a priori du domaine d'application de ce règlement.
[140] On discuterait alors de la question de savoir si la langue de rédaction du contrat constitue une condition de forme ou de fond.
[141] En Belgique, on pense évidemment à l'exemple de la loi du 27 juillet 1961 relative à la protection des concessionnaires exclusifs en cas de rupture unilatérale du contrat, dont l'art. 4 conduit à écarter les clauses de juridiction insérées dans un contrat de concession exécuté en Belgique.
[142] Le rapport explicatif de la Convention de La Haye précise que la nullité vise “principalement les motifs généralement reconnus tels que la fraude, l'erreur, le dol, la violence et l'incapacité” (pt. 126). Cette interprétation correspond sans doute à la liste de questions qui aurait pu être soumises au droit national dans le cadre du Règlement Bruxelles I selon la jurisprudence citée au point IV.C.1.(i). Mais le règlement de refonte vise la validité au fond de manière générale (ce qui comprend sans doute l'admissibilité de la clause) et semble dépasser les limites de la liste proposée dans le rapport explicatif de la Convention de La Haye.
[143] CJCE 9 décembre 2003, C-116/02, Gasser, Rec. 2003, I-14693, pts. 54 et 73: “l'article 21 de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que le juge saisi en second lieu et dont la compétence a été revendiquée en vertu d'une clause attributive de juridiction doit néanmoins surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge saisi en premier lieu se soit déclaré incompétent”; “qu'il ne saurait être dérogé à ses dispositions lorsque, d'une manière générale, la durée des procédures devant les juridictions de l'Etat contractant dans lequel le tribunal saisi en premier lieu a son siège est excessivement longue”; CJCE 27 avril 2004, C-159/02, Turner, Rec. 2004, I-3565, pt. 27: “l'interdiction faite par une juridiction à une partie, sous peine de sanction, d'introduire ou de poursuivre une action devant une juridiction étrangère a pour effet de porter atteinte à la compétence de celle-ci pour résoudre le litige. En effet, dès lors que le demandeur se voit interdire d'intenter une telle action par une injonction, force est de constater l'existence d'une ingérence dans la compétence de la juridiction étrangère, incompatible, en tant que telle, avec le système de la convention”.
[144] Considérant 22, 2ème al. Dans ce cas, comme dans celui où la juridiction première saisie l'est sur le fondement d'un accord exclusif d'élection de for, la règle de litispendance habituelle est appelée à jouer.
[145] La même caractéristique affectant la règle de litispendance contenue dans la proposition de règlement à propos des procédures liées à l'arbitrage. Supra, II.B.
[146] Voy. les explications détaillées du Rapport de Heidelberg sur les phénomènes de torpédo, nos 423-431.
[147] L'idée d'un délai fixe avait été avancée, parmi d'autres, dans le Rapport de Heidelberg (n° 460).
[148] Bien sûr, de telles actions ne présentent pas toujours un caractère abusif. Même si la jurisprudence belge a pu adopter la position inverse (Bruxelles 20 février 2001, IRDI 2001, 168 et 284, note S. Cattoor, 175), la Cour de justice a confirmé l'application de l'art. 5, 3. du Règlement Bruxelles I à une action en déclaration négative (à propos d'une demande de constatation négative introduite en Allemagne en vue de voir déclarer notamment qu'un refus d'accorder une licence de brevet n'était pas contraire au droit de la concurrence): CJCE 25 octobre 2012, C-133/11, Folien Fischer, non encore publié au Rec., pt. 55 (“L'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu'une action en constatation négative visant à faire établir l'absence de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle relève du champ d'application de cette disposition.”)
[149] Le Rapport de Heidelberg montre comment les juridictions de certains Etats membres connaissant ce type d'action avaient commencé à lutter contre leur utilisation abusive en refusant parfois de faire jouer la règle de litispendance (n° 429).
[150] CJCE 13 juillet 2006, C-4/03, GAT / LuK, Rec. 2006, I-6509, pt. 31: “L'article 16, point 4 de la convention doit être interprété en ce sens que la règle de compétence exclusive qu'il édicte concerne tous les litiges portant sur l'inscription ou la validité d'un brevet, que la question soit soulevée par voie d'action ou d'exception.”
[151] Livre vert, point 3.4.
[152] Voy. CJCE 13 juillet 2006, C-593/03, Roche, précité.
[153] Règlement 1257/2012 du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, JO 2012, L. 361/1; règlement 1260/2012 du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction, JO 2012, L. 361/89; accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets, document du Conseil 16351/12, disponible sur le site: www.epo.org/law-practice/unitary/patent-court_fr.html. Voy. également le site du Conseil: www.consilium.europa.eu/homepage/highlights/agreement-on-unified-patent-court-signed?lang=fr.
[154] Les brevets européens peuvent dans certaines circonstances bénéficier de l'accord (art. 3 de l'accord). On signlera que la Commission envisage une révision de la directive 2004/48 tendant à améliorier l'efficacité des procédures civiles internes visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle (http://ec.europa.eu/internal_market/iprenforcement/directive/index_fr.htm).
[155] Voy. déjà à propos du Règlement Rome I: S. Francq, “Le Règlement 'Rome I' sur la loi applicable aux obligations contractuelles. De quelques changements…”, Clunet 2009, 41-69, spéc. 69.