Article

Cour d'appel Bruxelles, 17/12/2009, R.D.C.-T.B.H., 2013/2, p. 103-107

Cour d'appel de Bruxelles 17 décembre 2009

CONCESSION
Concession de vente exclusive - Compétence territoriale - Clause d'élection de for figurant dans les conditions générales - Champ d'application territorial de la loi du 27 juillet 1961
Un contrat de concession de vente a un caractère et un objet distincts des ventes inhérentes à son exécution et est régi par des règles propres. Une clause attributive de juridiction figurant dans des conditions générales de vente sont sans effet pour déterminer le tribunal territorialement compétent pour connaître des demandes fondées sur la loi du 27 juillet 1961.
A défaut de stipulation contractuelle explicite y faisant référence, la loi de 1961 n'est pas applicable à la partie de la concession qui ne s'exécute pas en Belgique. Cette loi peut éventuellement s'appliquer à une activité étrangère lorsque celle-ci est déployée au départ d'une structure commerciale et administrative établie en Belgique et que cette activité grève celle-ci de frais.
CONCESSIE
Concessie van alleenverkoop - Territoriale bevoegdheid - Forumbeding in algemene voorwaarden - Territoriaal toepassingsgebied van de wet van 27 juli 1961
Een verkoopconcessie heeft een karakter en een voorwerp die verschillen van de verkopen die inherent zijn aan de uitvoering ervan. De verkoopconcessie wordt beheerst door eigen regels. Een forumbeding in de algemene verkoopvoorwaarden is irrelevant om te bepalen welke rechtbank territoriaal bevoegd is om kennis te nemen van vorderingen gesteund op de wet van 27 juli 1961.
Bij gebrek aan uitdrukkelijk contractueel beding dat ernaar verwijst, is de wet van 1961 niet toepasselijk op het deel van de concessie dat niet in België wordt uitgevoerd. Deze wet kan evenwel van toepassing zijn op een buitenlandse activiteit indien deze wordt ontplooid vanuit een administratieve en commerciële structuur in België die kosten draagt voor deze activiteit.

EMD Music / Klotz Audio Interface Systems

Siég.: H. Mackelbert (conseiller f.f. président), M.-F. Carlier et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes F. Snijkers et E. Hoffmann, L. Roscini
I. Décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement le 17 février 2006 par le tribunal de commerce de Bruxelles.

(...)

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Klotz & Co. Elektronik est une société allemande spécialisée dans la fabrication de câbles pour instruments de musique (marché MI) et appareils de sonorisation et de vidéo (marché ProAudio/Vidéo).

EMD est un distributeur d'instruments de musique et d'accessoires de musique.

Par courrier du 2 novembre 1995, Klotz & Co. Elektronik concède à EMD la distribution exclusive pour la Belgique de ses câbles, en vue de la revente à des détaillants spécialisés en musique (marché MI).

Le 30 novembre 1995, Klotz & Co. Elektronik concède à la société EMD France, 3 avenue de l'Epi à 77540 Rozay-en-Brie, la distribution exclusive du marché MI (magasins de musique) pour la France.

2. Le 16 janvier 1996, la société Klotz a.i.s. diffuse un communiqué de presse, aux termes duquel elle annonce sa constitution au sein du groupe Klotz, assumant, pour le monde entier, la responsabilité des ventes des produits Klotz par l'intermédiaire des distributeurs, détaillants et dealers.

Le 24 janvier 1996, elle adresse une lettre circulaire à tous [ses] distributeurs - dont EMD - dans laquelle elle précise qu'elle procédera à la livraison des ordres reçus au cours de la sixième semaine et que tous les paiements doivent être effectués à son nouveau numéro de compte bancaire. Elle annonce que les distributeurs recevront dans les deux semaines un nouveau contrat de distribution équivalent à celui qui existe.

Les relations commerciales se poursuivent normalement entre EMD et Klotz a.i.s. qui lui adresse du matériel de démonstration pour son bureau français et entretient avec elle une correspondance commerciale.

Le 20 novembre 1996, Klotz & Co. Elektronik est déclarée en faillite.

Le 28 août 1997, Klotz annonce à un revendeur néerlandais qu'elle a décidé de concéder à EMD la distribution de ses produits MI, pour les Pays-Bas. Dans ce courrier, elle précise qu'EMD est un partenaire très sûr qui a opéré d'une manière hautement satisfaisante en Belgique et en France depuis quelques temps. Par courrier du 29 août 1997, Klotz a.i.s. concède effectivement la distribution de ses produits MI à EMD pour les Pays-Bas.

En mars 2000, Klotz a.i.s. diffuse une circulaire aux termes de laquelle elle annonce que la société EMD International Ltd. a été désignée comme distributeur des câbles MI pour le Royaume-Uni. Elle y précise qu'EMD est un partenaire de Klotz depuis longtemps, en Belgique, en Hollande et en France.

3. Par courrier du 31 mai 2001, Klotz a.i.s. fait part à EMD de sa stratégie commerciale pour la France qu'elle veut identique à celle qu'elle a développée pour le Royaume-Uni. Elle entend segmenter les marchés MI et ProAudio/Vidéo, faisant ainsi une différence entre les magasins de musique et les professionnels de la sonorisation. Elle envisage donc d'engager une personne en France, dépendant directement d'elle et qui sera spécifiquement chargée de prospecter ce second marché. Elle estime qu'une expansion de ce marché amènera des perspectives positives pour EMD en tant que partenaire sur le marché MI. C'est un ancien employé d'EMD France, M.B., qui entre au service de Klotz a.i.s.

Le 17 juin 2002, Klotz a.i.s. se plaint auprès de EMD d'une baisse du chiffre d'affaires en France et lui demande ses prévisions pour l'année, à propos desquelles les parties s'échangent des courriers et des mails, Klotz a.i.s. raisonnant en termes de volume d'achats et EMD de ventes aux clients finals. Dans un courrier du 26 mars 2003, EMD dresse le tableau suivant de ses ventes et de ses achats dans les différents pays:


Pays 2000 % 2001 % 2002 %
Bel. + Lux. 47.370 12 57.663 14 63.794 16
P.-B. 36.555 9 36.585 9 45.756 12
France 174.397 43 155.977 37 121.830 31
UK 150.754 37 170.098 40 165.871 42
Total ventes 409.075 420.323 397.251
Total achats 278.181 264.919 194.323

EMD explique la chute du chiffre d'affaires en France par la création par Klotz a.i.s. d'une société de distribution directe pour certains de ses produits.

Par son courrier du 8 avril 2003, Klotz a.i.s. conteste que sa prospection en France dans le marché ProAudio/Vidéo ait pu avoir quelque influence sur le marché MI qui est sous la responsabilité d'EMD. A défaut d'expansion de ce dernier marché, Klotz a.i.s. propose qu'EMD se concentre davantage sur les clients qui achètent déjà des produits Klotz et qu'elle-même s'occupe des nouveaux clients.

Le 12 mai 2003, EMD répond en ce sens à la proposition de Klotz a.i.s.:

Nous comprenons votre désir d'augmenter vos ventes dans certaines gammes de produits qui sont peu ou pas vendus par notre clientèle traditionnelle, les magasins d'instruments de musique. Monsieur K. nous signalait par ailleurs que nombre de magasins ont des activités mixtes, 'MI' et sonorisation. Il a évoqué en ce sens la possibilité pour Klotz de visiter des non-clients et même des clients d'EMD avec la gamme des produits Klotz. Selon nous, cette éventualité n'est envisageable que pour autant qu'il y ait une nette démarcation entre les produits représentés. A défaut, nous nous trouverions dans un scénario irréaliste conduisant à des tensions contraires aux intérêts de la marque (guerre de prix, démotivation, ...). Une telle situation est évidemment inacceptable.

Néanmoins, EMD entend votre appel du pied et par souci d'être constructif pourrait envisager une modification de son exclusivité de distribution auprès du marché des dealers d'instruments et d'accessoires de musique. Il y aurait lieu, dans ce dessein, d'établir une séparation très nette entre les deux futurs catalogues Klotz.

Le 19 mai 2003, Klotz a.i.s. soutient que les parties collaboraient sur une base libre et sans contrat et que si EMD souhaitait une exclusivité pour certains groupes de produits spéciaux et pour certains pays, il serait nécessaire d'établir une base contractuelle. Elle propose que les parties se rencontrent pour mener la discussion à son terme.

Le 26 juin 2003, EMD maintient que l'activité déployée par un représentant de Klotz a.i.s. sur le marché ProAudio/Vidéo auprès de ses clients, sous prétexte d'activités mixtes, a impacté négativement ses chiffres. Elle souligne que par respect de l'accord intervenu, elle ne visite plus des sonoristes et assimilés, rappelle la nécessité de séparer les catalogues et réaffirme qu'elle entend rester le distributeur exclusif pour le marché MI en France, au Royaume-Uni et au Benelux. Elle considère comme inacceptable le fait qu'elle doive envisager la diminution de l'assiette de son exclusivité et s'engager, à moyen terme, sur des quotas d'achats.

Le 28 juillet 2003, Klotz a.i.s. reste sur ses positions en ce qui concerne l'absence d'exclusivité et réaffirme qu'il est de son propre intérêt de s'occuper elle-même de l'obtention de nouveaux clients qui ne peuvent pas être touchés par EMD.

Le 1er septembre 2003, EMD conteste les termes de cette lettre qui nie ses droits acquis. Dès lors que Klotz a.i.s. y confirme sa décision de travailler en direct la clientèle MI dans les territoires qui [lui] ont été concédés, elle considère que son attitude relève de la rupture unilatérale de concession avec effet immédiat. Elle lui réclame une indemnité correspondante à sa marge brute pendant une période de 12 mois, soit 158.089 EUR, ainsi que la reprise du stock.

Les parties se rencontrent à Bruxelles le 10 septembre 2003 et ne parviennent pas à se mettre d'accord, chacune maintenant sa position sur l'existence ou non d'une exclusivité.

Il résulte des pièces 36 à 41 que Klotz a.i.s. a encore facturé à EMD des marchandises les 22 septembre, 27 octobre, 20 novembre et 17 décembre 2003, cette dernière facture faisant l'objet d'une commande du 1er octobre 2003.

(...)

IV. Discussion
1. Sur le pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges

6. Klotz a.i.s. conteste le pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges au motif que ses conditions générales de vente contiennent une clause d'attribution de compétence aux tribunaux de Munich.

Outre qu'il n'est pas établi que ces conditions générales sont opposables à EMD (aucun original d'un document commercial les reprenant n'étant produit), il convient de rappeler que le contrat de concession a un caractère et un objet distincts des ventes inhérentes à son exécution et est régi par des règles propres. Ainsi, une clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales de vente imprimées sur les factures ou les bons de livraison sont sans effet pour déterminer le tribunal territorialement compétent pour connaître des demandes fondées sur la loi de 1961, car elle concerne uniquement les opérations de vente qui en sont l'exécution (J.-P. Fierens, A. Mottet Haugaard, Th. Faelli et S. Griess, La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. Chronique de jurisprudentiel (1997-2007), Larcier, 2008, n° 125, p. 114).

Le moyen n'est donc pas fondé.

7. Dès lors que les parties en litige sont établies dans deux pays de la Communauté européenne (la Belgique et l'Allemagne), l'article 4 de la loi de 1961 s'efface devant le règlement (CE) n° 44 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

En l'espèce, il y a lieu d'appliquer l'article 5 du règlement qui dispose que:

Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être abstraite, dans un autre Etat membre:

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est:

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées;

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis.

8. La compétence d'attribution doit être appréciée par le juge en fonction non de l'objet réel du litige à rechercher par le tribunal, mais de la demande telle qu'elle est formulée par le demandeur (Cass. 8 septembre 1978, Pas. 1979, I, p. 29; Cass. 13 octobre 1997, Pas. 1997, I, p. 401).

La demande porte sur l'exécution de différentes obligations qui pèsent sur le concédant dans le cadre d'un contrat de concession de vente exclusive.

Le contrat de concession doit être considéré comme une fourniture de services puisqu'il y a lieu de le distinguer de la succession des contrats successifs d'achat et de vente (P. Hollander, “L'arrêt Leathertex Shenavai revisité”, RDC-TBH 2000, 178; P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence 1997-2002”, RDC-TBH 2003, p. 450; M. Wagemans et C. Levy, “Concession exclusive de vente”, RPDB, T. IX, 2004, p. 967).

L'obligation de respecter un préavis raisonnable s'exécute en Belgique et fonde la compétence du juge belge (Gand 2 mai 2005, Revue@dipr.be, 2006/4, p. 64). Par ailleurs, en cas de résiliation par le concédant, celui-ci est tenu d'allouer une indemnité compensatoire de la perte que le concessionnaire subit à défaut de préavis raisonnable; l'obligation d'allouer une telle indemnité constitue non une obligation contractuelle autonome, mais une obligation se substituant à l'obligation contractuelle de respecter un préavis raisonnable qui n'est pas remplie (Cass. 4 décembre 2003, C.01.0439.N).

Dès lors qu'il est affirmé par EMD que la concession s'exécute en Belgique où seraient centralisées et facturées toutes les commandes, même si, par après, une partie des marchandises est redistribuée dans différents autres pays, il s'en déduit que le juge belge est compétent pour statuer sur la demande d'indemnité compensatoire de préavis, telle qu'elle est formulée.

Il en est de même pour les indemnités de clientèle et de reprise du stock qui sont des demandes accessoires de l'indemnité compensatoire de préavis (Bruxelles 3 avril 1997, D.A. O.R. 1997, p. 93; Mons 21 décembre 1999, JT 1999, p. 275). Il importe en effet de centraliser toutes les demandes au lieu d'exécution de la demande principale (CJCE 15 janvier 1987, C-286/86, Shenavai). Au demeurant, la question d'une éventuelle attribution de compétence à deux tribunaux différents ne se pose plus depuis l'entrée en vigueur du règlement 44/2001, puisque le désignation du lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis en exécution de l'article 5, 1°, b), valant pour n'importe quelle obligation litigieuse en rapport avec le contrat, implique que la demande d'indemnité complémentaire y sera forcément incluse (J.-P. Fierens, A. Mottet Haugaard, Th. Faelli et S. Griess, o.c., n° 124, p. 113). Quant à l'obligation de reprise du stock, elle s'exécute en Belgique.

La question de savoir si les parties sont liées par un contrat de concession de vente exclusive et si celui-ci s'étend à tous les pays pour lesquels EMD prétend disposer de droits exclusifs est une question de fondement de la demande. Il n'appartient en effet pas au juge saisi de requalifier la demande si elle entre formellement dans son champ de compétence.

L'appel incident sur l'exception d'absence de pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges n'est dès lors pas fondé.

2. Au fond
a. Sur la territorialité de la loi de 1961

9. La loi ne s'applique, en règle, qu'aux concessions qui produisent leurs effets dans tout ou partie du territoire belge (cf. art. 4, 1er al.).

La volonté du législateur était de protéger le concessionnaire opérant sur le marché belge (cf. Doc.parl. Sénat 1959-60, 172, Exposé des motifs de M. Wiard, auteur de la proposition de loi, justifiant la protection à un “agent exclusif se livrant à des efforts considérables et exposant des frais énormes pour répandre sur le marché belge (la cour souligne) des articles provenant d'une firme étrangère” notamment parce qu'il “ne se concevrait pas que l'agent exclusif pour la Belgique (la cour souligne) d'une firme établie dans un autre pays du marché commun ne soit pas protégé (...)”; idem, 426, rapport de la commission des Classes moyennes considérant qu'il “est regrettable de devoir constater que, jusqu'au moment actuel, le concessionnaire ne jouisse, en Belgique (la cour souligne) d'aucune protection légale (...)”.

Lorsqu'une concession de vente produit ses effets exclusivement en dehors du territoire belge, les dispositions impératives de la loi sur les concessions exclusives de vente ne sont applicables en cas de résiliation de cette concession de vente que lorsque la convention entre le concessionnaire et le concédant rend cette loi expressément applicable à la convention entre les parties (Cass. 6 avril 2006, RDC-TBH 2007, 162).

Si la concession porte sur un territoire s'étendant au-delà du territoire national, seules les activités menées en Belgique rentrent en ligne de compte dans le cadre de la détermination des indemnités dues en vertu de la loi belge (Liège 4 mai 2006, JLMB 2007, p. 491), la loi du 27 juillet 1961 n'ayant pas vocation à s'appliquer à une situation étrangère au territoire belge (Bruxelles 18 octobre 2007, D.A. O.R. 2008, p. 129).

10. A défaut de stipulation contractuelle explicite faisant référence à la loi du 27 juillet 1961, celle-ci n'est pas applicable à la partie de la concession qui ne s'exécute pas en Belgique.

Certes, il peut être admis, dans certains cas, que la loi puisse néanmoins s'appliquer à une activité étrangère lorsque celle-ci est déployée au départ d'une structure commerciale et administrative établie en Belgique, et que cette activité grève celle-ci de frais variables qui vont diminuer les indemnités accordées au concessionnaire sur la base de son bénéfice semi-brut (P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence 2002-2008”, RDC-TBH 2009, 233).

EMD affirme, mais ne prouve pas que toute l'activité aurait été centralisée en Belgique.

La cour observe, au contraire, qu'il résulte du tableau reproduit dans la lettre d'EMD du 26 mars 2003 que seulement 15%, en moyenne, des opérations de revente à des détaillants s'exécutaient en Belgique. Or, l'obligation de revente dans le chef du concessionnaire est fondamentale dans le contrat visé par la loi, ce qui démontre que le principal de l'activité s'exerçait à l'étranger et que, à défaut de preuve contraire, elle est également censée y être organisée, contrairement à ce que EMD a soutenu.

11. Par ailleurs - et ceci est plus fondamental - les contrats de distribution pour la France et le Royaume-Uni ont été conclus avec d'autres entités juridiques que EMD. A cet égard, EMD ne prouve pas et n'offre pas de prouver que ces sociétés lui auraient cédé les droits que Klotz a.i.s. leur a concédés ni qu'une éventuelle cession de ces contrats serait opposable à cette dernière.

Certes, une correspondance a été échangée avec le siège d'EMD en Belgique, relative au développement du marché français (pièces 13 et 17 de son dossier) et aux événements qui se sont déroulés en France au cours du premier semestre 2003, mais cette seule circonstance ne permet pas de considérer que le contrat aurait été transféré à EMD. EMD pouvait fort bien agir pour le compte de sa filiale - dont les dirigeants sont d'ailleurs les mêmes - et, comme l'explique Klotz a.i.s., ces correspondances peuvent aussi démontrer qu'elle considérait les marchés belge et français comme des marchés différents, ce qui justifierait l'adoption d'une stratégie appropriée.

Vainement EMD soutient-elle que le rapport confidentiel du 27 août 1997 (pièce 8 de son dossier) prouverait la reprise du contrat français par EMD parce que les chiffres d'achats des deux pays y sont mentionnés. La pertinence alléguée de ce document est contredite par les factures adressées directement à cette époque à EMD France (pièce 45 du dossier de Klotz a.i.s.), ce qui démontre l'existence d'un lien de droit avec cette société. Quant au lot de factures émises par Klotz a.i.s. en 2002 et versées à la pièce 39 du dossier d'EMD, rien ne prouve qu'elles concerneraient indistinctement des livraisons à effectuer à l'intérieur ou en dehors de la Belgique.

A l'exception du tableau reproduit dans la lettre d'EMD du 26 mars 2003, celle-ci ne produit aucun document comptable permettant d'apprécier le chiffre d'affaires global ou entités par entités, réalisé par la vente des câbles Klotz, la proportion de ce dernier par rapport au chiffre d'affaires total, le montant des frais incompressibles grevant la société belge et ses filiales française et anglaise, les mouvements intra-groupe entre celles-ci et la maison mère, leurs chiffres d'affaires avec les revendeurs finals.

A défaut de pièces probantes, la cour se trouve dans l'impossibilité d'apprécier si la structure commerciale était déployée à partir de la Belgique, comme EMD l'affirme, et est donc contrainte de ne prendre en considération que la lettre du 30 novembre 1995 adressée à EMD France et le communiqué de presse de mars 2000, annonçant la constitution de EMD International Ltd., documents qui démontrent qu'EMD, société de droit belge, ne détient pas de droits pour la France et le Royaume-Uni.

12. Il se déduit de ce qui précède qu'EMD ne peut revendiquer le bénéfice de la loi de 1961 - à la supposer applicable en l'espèce - que pour la partie belge de son activité.

L'appel incident, en ce qu'il fait grief au premier juge d'avoir dit pour droit que la concession de vente exclusive était globale et s'étendait aux différents territoires, est fondé.

b. Sur le manquement grave

13. Pour la France et le Royaume-Uni, EMD ne peut se plaindre d'une rupture d'un éventuel contrat de concession de vente exclusive puisqu'elle ne prouve pas qu'elle détiendrait des droits spécifiques sur ces marchés.

Eu égard à l'existence de personnalités juridiques différentes entre EMD France et EMD, cette dernière ne peut soutenir qu'il aurait été porté atteinte à ses droits personnels, en raison de l'annonce faite par Klotz a.i.s. qu'elle entendait prospecter le marché français MI, tant pour rechercher de nouveaux clients que pour vendre à la clientèle existante des produits qui n'avaient pas encore été offerts en vente par EMD France.

14. Pour les marchés hollandais et belges, tant en application de la loi de 1961 que du droit commun belge - applicable aussi au marché hollandais puisque c'est en Belgique que le concessionnaire qui fournit la prestation caractéristique a son administration centrale (cf. art. 4.2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles) - EMD ne peut se prévaloir d'une éventuelle violation de l'exclusivité du marché français, dès lors que celui-ci a été consenti à EMD France et pas à elle-même.

Le manquement grave qui est invoqué ne concerne pas les marchés belge et hollandais qui sont les seuls à propos desquels EMD apporte une preuve qu'elle y détiendrait des droits de distribution. Dès lors qu'il n'est pas contesté que Klotz a.i.s. n'a posé aucun acte sur ces marchés de nature à rendre impossible la poursuite des relations contractuelles, la demande d'EMD n'est pas fondée.

Il est donc sans intérêt de statuer sur l'éventuel caractère exclusif de la concession de vente alléguée.

15. En ce que la demande s'appuie sur le manquement allégué, elle n'est pas fondée.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris, mais pour d'autres motifs. (...)