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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 06/11/2012, R.D.C.-T.B.H., 2013/1, p. 61

Cour de justice de l'Union européenne 6 novembre 2012

Aff.: C-551/10P, C-553/10P et C-554/10P
CONCURRENCE
Droit européen de la concurrence - Concentrations


MEDEDINGING
Europees mededingingsrecht - Concentraties


En 2002, Vivendi Universal (VU) a décidé de céder ses actifs d'édition de livres détenus en Europe par sa filiale Vivendi Universal Publishing (VUP), un des principaux éditeurs francophones. Lagardère s'est portée candidate à l'acquisition de ces actifs. VU ambitionnait de réaliser rapidement la vente, sans attendre les décisions des autorités de concurrence compétentes. Une opération de portage a, dès lors, été mise en place. Lagardère a ainsi demandé à une banque de se substituer à elle-même et d'acquérir par le biais d'une de ses filiales spécialement créée à cette fin (Investma10) les actifs concernés et de les détenir provisoirement. Un établissement financier peut, en effet, acquérir une entreprise en vue de sa revente dans un délai d'un an à compter de cette date d'acquisition sans devoir obtenir l'autorisation de la Commission - une telle opération n'étant pas considérée comme une concentration. Le même jour, Lagardère a conclu un contrat de cession avec les sociétés mères d'Investma10 lui permettant, après autorisation par la Commission de l'opération de concentration envisagée, d'acquérir la totalité du capital d'Investma10. Le prix d'acquisition des titres d'Investma10 avait été payé d'avance par Lagardère. En 2003, Lagardère a notifié à la Commission son projet de rachat des actifs d'édition de VUP. La Commission a déclaré la concentration compatible sous réserve de certains engagements souscrits par Lagardère, parmi lesquels la rétrocession d'une partie de ces actifs. Lagardère avait sélectionné la société Wendel comme acquéreur, ce que la Commission a approuvé dans une deuxième décision. Odile Jacob, un candidat-repreneur non retenu par Lagardère, a saisi le Tribunal afin d'obtenir l'annulation des deux décisions de la Commission. Le Tribunal a rejeté le recours formé contre la première décision (autorisation de la concentration) mais a, par contre, annulé la deuxième décision de la Commission (agrément de Wendel). La Cour vient de confirmer les deux arrêts rendus par le Tribunal.

Les Editions Odile Jacob avançaient que l'opération de portage aurait permis à Lagardère d'acquérir le contrôle des actifs concernés avant l'approbation par la Commission de la concentration. La Cour rejette ce moyen en confirmant qu'à supposer même que l'opération de portage ait permis à Lagardère d'acquérir, dès 2002, un tel contrôle, cette circonstance ne saurait entacher la légalité de la décision autorisant la concentration. Cela aurait uniquement pu aboutir à la constatation d'un retard de notification ou de réalisation prématurée, non autorisée, d'une opération de concentration. Bien qu'une telle constatation puisse entraîner une amende, elle n'a aucune incidence sur la compatibilité avec le marché intérieur de l'opération de concentration en cause.

La Cour confirme également l'arrêt du Tribunal ayant annulé la décision d'agrément de Wendel. Un des engagements pris par Lagardère stipulait qu'elle devait désigner un mandataire afin de garantir l'exécution satisfaisante de ses engagements. Ce mandataire devait être indépendant de Lagardère et d'Investma10 (devenue Editis). Or, le mandataire désigné était membre du directoire d'Editis. Le rapport d'évaluation de la candidature de Wendel au rachat des actifs rétrocédés aurait donc été élaboré par un mandataire qui ne répondait pas à la condition d'indépendance. Ce manque objectif d'indépendance suffit, selon la Cour, pour annuler la décision d'agrément. Le Tribunal n'était pas obligé de vérifier si le mandataire avait agi in concreto d'une manière qui attesterait de ce manque d'indépendance.