Article

Actualité : Cour de cassation, 02/11/2012, R.D.C.-T.B.H., 2013/1, p. 50-51

Cour de cassation 2 novembre 2012

Aff.: C.09.0436.N
PRATIQUES DU MARCHE
Techniques de vente - Ventes ou soldes - Périodes d'attente


MARKTPRAKTIJKEN
Verkoopstechnieken - Solden of opruiming - Sperperiode


L'article 32, § 1 de la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection du consommateur (LPMC) interdit expressément aux entreprises actives dans les secteurs de l'habillement, des articles de maroquinerie et des chaussures, d'annoncer, pendant les quatre semaines précédant les soldes (périodes dites 'd'attente' ou de 'pré-soldes'), des réductions de prix qui produisent leurs effets pendant ces périodes d'attente. Une disposition quasiment identique se retrouvait à l'ancien article 53 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur (LPCC).

La compatibilité de la réglementation des pré-soldes (comme celle d'autres types de promotions commerciales) avec le droit européen a fait couleur beaucoup d'encre. Plusieurs auteurs ont en effet remis en cause la compatibilité de la réglementation des pré-soldes avec la directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.

Cette directive, qui vise à “éliminer les entraves résultant de la disparité des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales”, est en effet une directive d'harmonisation maximale, ce qui ne laisse pas de réelle marge de manoeuvre aux Etats membres lors de la transposition en droit national. La directive contient une liste dite 'noire' de pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, considérées comme déloyales. Or, nulle part dans cette liste ne figurent les annonces de réduction de prix faites durant les pré-soldes. Certes, les pratiques qui n'y sont pas reprises peuvent encore être sanctionnées comme trompeuses, agressives ou déloyales, mais uniquement en tenant compte des circonstances de l'espèce et en appliquant les critères généraux définis dans la directive.

La question pertinente, dans ce cadre, est de savoir si la réglementation des pré-soldes poursuit un objectif de protection du consommateur et, par conséquent, relève bien du champ d'application de la directive 2005/29.

C'est cette question qui fut déférée à la censure de la Cour de cassation.

Par un arrêt du 21 février 2011, la Cour décida toutefois de solliciter l'éclairage de la Cour de justice sur cette question, non sans avoir relevé au préalable que selon elle, cette réglementation tendait à régler la concurrence entre commerçants et non pas réellement à protéger le consommateur (contrairement à ce que prévoyaient pourtant les travaux préparatoires de la loi).

Sans surprise, la Cour de justice décida, dans le prolongement de ses décisions précédentes, qu'“une disposition nationale telle que celle en cause au principal n'est pas susceptible de relever du champ d'application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales si elle se limite seulement, comme le considère la juridiction de renvoi, à réglementer les relations concurrentielles entre commerçants et ne poursuit pas des finalités tendant à la protection des consommateurs. En revanche, si l'article 53, § 1er de la LPCC vise, parmi ses finalités, à protéger les consommateurs de telles pratiques, il y a lieu de considérer que les annonces de réduction de prix et celles suggérant une telle réduction, objet de l'interdiction en cause au principal, constituent des pratiques commerciales au sens de l'article 2, sous d), de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et sont, dès lors, soumises aux prescriptions édictées par cette dernière” (CJUE 15 décembre 2011, C-126/11, Inno / Unizo).

Compte tenu des considérations émises par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 février 2011, on eût légitimement pu s'attendre à ce qu'elle décide que la réglementation des périodes de pré-soldes ne tombait pas dans le champ d'application de la directive et était donc compatible avec celle-ci.

C'est cependant tout le contraire qui se produisit. Dans son arrêt rendu ce 2 novembre 2012, la Cour décide en effet que l'article 53, § 1 LPCC tend bel et bien à protéger le consommateur et relève dès lors du champ d'application de la directive 2005/29.