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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 12/07/2012, R.D.C.-T.B.H., 2012/9, p. 941-942

Cour de justice de l'Union européenne 12 juillet 2012

DROIT JUDICIAIRE EUROPEEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement (CE) n° 44/2011 - Brevet européen - Connexité - Mesures provisoires
EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Executie en bevoegdheid - Verordening (EG) nr. 44/2011 - Europees octrooi - Samenhang - Voorlopige maatregelen

Solvay SA / Honeywell Fluorine Products Europe BV, H­oneywell Belgium SA & Honeywell Europe SA

Aff.: C-616/10

Le 12 juillet 2012, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt particulièrement attendu dans son affaire Solvay / Honeywell. Dans cette affaire, la Cour était amenée à se prononcer sur la conformité, au regard du règlement n°44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, des mesures transfrontalières ordonnées à titre provisoire dans un litige en matière de brevets.

L'affaire, tranchée sur renvoi préjudiciel, opposait la société belge Solvay à trois sociétés faisant partie du groupe Honeywell (une société néerlandaise et deux sociétés belges). Solvay, titulaire d'un brevet européen, avait introduit contre ces trois sociétés une action en contrefaçon des parties nationales de ce brevet, tel qu'en vigueur dans une dizaine de pays européens, devant le tribunal d'arrondissement de 's-Gravenhage. Solvay se fondait à cet égard sur l'article 6, 1. du règlement qui prévoit qu'afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément, plusieurs défendeurs peuvent être attraits devant le tribunal du domicile de l'un d'entre eux à la condition que les demandes soient connexes, c'est-à-dire qu'elles soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et les juger en même temps.

Dans le cadre de son action en contrefaçon, Solvay introduisit une demande incidente visant à faire interdiction à ces sociétés de commettre des actes de contrefaçon dans l'ensemble des pays couverts par les parties nationales de son brevet européen, jusqu'à ce que le litige au fond soit tranché. Dans le cadre de cette demande incidente, les sociétés Honeywell soulevèrent la nullité des parties nationales du brevet de Solvay, sans toutefois en demander formellement l'annulation.

Selon la Cour de justice, il existe bien un risque de solutions inconciliables, au sens de l'article 6, 1. du règlement n° 44/2001 lorsque deux ou plusieurs sociétés établies dans différents Etats membres sont accusées, chacune séparément, dans une procédure pendante devant une juridiction d'un de ces Etats membres, de contrefaçon à la même partie d'un brevet européen, tel qu'en vigueur dans un autre Etat membre, en raison d'actes concernant le même produit. Dans un tel cas, un titulaire de brevet européen peut donc attraire devant un juge d'un Etat membre deux ou plusieurs sociétés établies dans différents Etats membres en vue d'obtenir à leur encontre des mesures de cessation transfrontalière.

Par la deuxième question préjudicielle, la Cour était amenée à se prononcer sur la manière de concilier les articles 22, 4 et 31 du règlement n° 44/2001. D'une part, l'article 22, 4 prévoit qu'en matière de validité d'un brevet, seules les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel le brevet est enregistré sont compétentes. D'autre part, l'article 31 prévoit que des mesures provisoires peuvent être demandées aux autorités judiciaires d'un Etat membre même si une juridiction d'un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond.

En l'espèce, l'affaire avait ceci de particulier que dans le cadre de sa demande incidente, les sociétés Honeywell faisaient valoir, à titre de défense, la nullité du brevet pour faire échec à la demande de mesures provisoires, mais ne demandaient pas que le juge se prononce à titre définitif sur la validité du brevet invoqué et, le cas échéant, prononce sa nullité. Dans le cadre d'un tel litige au provisoire, le juge évalue en effet seulement comment le juge compétent au fond (en vertu de l'art. 22, 4 du règlement) statuerait et refuse ainsi la mesure provisoire s'il estime qu'il existe une chance raisonnable et non négligeable que le brevet invoqué soit annulé par le juge compétent au fond.

Sur ce point, la Cour décide que dans le cadre d'un litige en matière de brevets, l'article 22, 4 ne s'oppose pas à l'application de l'article 31 du règlement. Le juge au provisoire peut ainsi statuer sur la validité de différentes parties nationales d'un brevet européen dès lors que sa décision ne préjugera pas de la décision à prendre au fond par le juge compétent en vertu de l'article 22, 4.