FAILLISSEMENT
Beheer van het faillissement - Voortzetting handelsverrichtingen - Ontslag werknemers door de curator - Willekeurig ontslag
Uit het faillissementsvonnis volgt eensdeels dat de economische reden tot het ontslaan van alle werknemers, ook van de beschermde werknemers, vaststaat, en, anderdeels, dat het ontslag door de curator van alle werknemers ten gevolge van het faillissement, hetzij onmiddellijk na het faillissement, hetzij geleidelijk naargelang de vereisten van de vereffening, in de regel niet discriminatoir is.
Artikel 3, § 3 wet ontslagregeling personeelsafgevaardigden, die het bewijs regelt dat door de werkgever moet worden geleverd in de in artikel 3, § 1, vastgestelde procedure tot erkenning van de economische of technische redenen tot ontslag, is niet van toepassing wanneer de beschermde werknemer die ten gevolge van het faillissement van de werkgever door de curator is ontslagen, tegen zijn ontslag opkomt omdat de curator discriminerend zou zijn opgetreden.
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FAILLITE
Administration de la faillite - Poursuite des opérations commerciales - Licenciement des travailleurs - Licenciement abusif
Il suit du jugement de faillite, d'une part, que la raison d'ordre économique justifiant le licenciement de tous les travailleurs, y compris les travailleurs protégés, existe et, d'autre part, que le licenciement de tous les travailleurs par le curateur pour cause de faillite, soit immédiat, soit progressif en fonction des opérations de liquidation, n'est en règle pas discriminatoire.
L'article 3, § 3 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel, qui règle l'administration de la preuve incombant à l'employeur au cours de la procédure de reconnaissance des raisons d'ordre économique et technique justifiant le licenciement visée à l'article 3, § 1er de la loi, n'est pas applicable au travailleur protégé licencié par le curateur à la suite de la faillite de son employeur qui conteste son licenciement en raison du comportement discriminatoire du curateur.
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1.La faillite de la Sabena a été prononcée par le tribunal de commerce de Bruxelles le 7 novembre 2001 [2]. Dix ans après ce jugement, au-delà des images d'anciens pilotes ou hôtesses diffusées à l'occasion de l'anniversaire de la faillite, le sort réservé aux travailleurs de l'entreprise fait encore jurisprudence. Chacun n'a cependant pas connu un sort identique, et c'est précisément cette distinction entre les membres du personnel de la compagnie et leurs délégués dont eut à connaître la Cour de cassation dans l'arrêt commenté.
Les faits sont relativement simples, et classiques en pareille occurrence. Avant la faillite, et dans le cadre de son mandat de représentant du personnel, un délégué a semble-t-il dénoncé les conditions dans lesquelles les dirigeants de la Sabena avaient, selon lui, organisé la faillite à leur profit. Au lendemain de la décision précitée du tribunal de commerce de Bruxelles du 7 novembre 2001, il est licencié par les curateurs. Ayant connaissance d'une 'liste noire' précédant la faillite, il s'estime discriminé par rapport aux autres travailleurs dont le contrat de travail a été maintenu dans le cadre des opérations de liquidation menée par les curateurs avec l'autorisation du tribunal. Il entame une procédure, devant le tribunal du travail de Bruxelles, qui lui donne tort. La cour du travail de Bruxelles, aux termes d'un arrêt excellemment motivé, prononcé le 7 juillet 2010, confirme la décision d'instance. Cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation, pourvoi déclaré non fondé.
2.Pour bien comprendre la portée de la décision, il faut rappeler brièvement le régime de licenciement applicable aux travailleurs protégés [3]. Inspiré par le souci de protéger spécialement les travailleurs qui, dans l'exercice de leur mandat, s'exposent particulièrement aux risques de représailles de la part de leur employeur, le législateur a prévu un régime de licenciement spécifique. Comme tous les régimes protecteurs, il s'articule autour de deux techniques.
D'une part, le droit de licencier suppose un motif particulier, qui doit être étranger à la raison d'être de la protection. Petit plus pour les délégués du personnel: ce motif doit en outre être reconnu préalablement au licenciement. Aux termes de l'article 3, § 1er, 1er alinéa de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel (ci-après la loi), l'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour des raisons d'ordre économique ou technique doit saisir préalablement la commission paritaire compétente. A défaut de commission paritaire ou si la commission paritaire ne fonctionne pas, il doit saisir le Conseil national du travail. Le régime légal prévoit ainsi une reconnaissance préalable des raisons d'ordre économique ou technique justifiant le licenciement.
D'autre part, la charge de la preuve des motifs du licenciement est renversée: alors qu'en principe, un travailleur jugeant que son licenciement est irrégulier doit en apporter la preuve, les dispositifs légaux de protection contre le licenciement de certains travailleurs instaurent un renversement de cette charge. En l'espèce, selon l'article 3, § 3 de la loi, il incombe à l'employeur de prouver qu'en aucun cas, la qualité de délégué du personnel ou de candidat délégué du personnel revêtue par le travailleur a eu une incidence sur sa décision de licencier et qu'en conséquence, les travailleurs protégés ne sont pas discriminés par rapport aux travailleurs concernés par la reconnaissance des raisons d'ordre économique ou technique invoquées.
L'objectif de cette disposition est clair: le législateur a voulu éviter que le travailleur protégé ne soit désavantagé en raison de sa qualité. Cela est par ailleurs confirmé par la disposition de l'article 3, § 2 de la loi précitée, en vertu de laquelle, en aucun cas, ni la qualité de délégué du personnel ou de candidat délégué du personnel ni le fait que sa candidature a été introduite par une organisation représentative des travailleurs déterminée ne peuvent avoir une incidence sur la décision de l'employeur de licencier le travailleur.
3.Qu'en est-il en cas de faillite de l'entreprise? Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2001 [4], il est admis que si le législateur a entendu prévenir toute discrimination préjudiciable au travailleur protégé, cette discrimination est exclue lorsque la cessation d'activité ou la fermeture d'entreprise, allant de pair avec le licenciement simultané ou dans un temps très proche de tous les travailleurs, constitue l'exécution d'une décision judiciaire. Le jugement de faillite est cette décision judiciaire, supposant en principe la cessation de toute activité commerciale.
Dans le même arrêt, la Cour évoquait déjà le cas de la continuation d'activités: “il ne saurait se déduire de l'existence de ces exceptions que le jugement déclaratif de faillite perd sa nature intrinsèque de décision judiciaire imposant la cessation des opérations commerciales”.
Cette interprétation est partagée par la Cour constitutionnelle [5].
Dans l'arrêt annoté, prononcé le 20 juin 2011 [6], la Cour de cassation reprend cette idée: “Par la condition de la reconnaissance des raisons d'ordre économique ou technique justifiant le licenciement, le législateur tend, sans vouloir instaurer une discrimination favorable aux travailleurs protégés, à faire contrôler si la raison invoquée existe réellement et à éviter plus spécialement qu'une telle raison soit invoquée à l'égard de travailleurs protégés en raison de leur mandat de délégué du personnel ou de candidat délégué du personnel, ce qui discriminerait ceux-ci défavorablement par rapport aux autres travailleurs.” La Cour énonce que le régime protecteur mis en place revêt ainsi un double objectif: il doit éviter que le travailleur protégé soit licencié en raison de son mandat de délégué du personnel, certes. Mais il ne pourrait à l'inverse justifier un traitement plus favorable au profit du travailleur protégé. La jurisprudence de nos cours et tribunaux témoigne en effet de certains excès rencontrés justifiant qu'il soit rappelé que le statut de représentant du personnel ne pouvait certes pas être à l'origine d'une discrimination négative, mais qu'il ne pouvait à l'inverse justifier un traitement plus favorable du travailleur protégé [7].
La Cour retient qu'il en va de même lorsque le curateur a poursuivi les contrats de travail dans le cadre des opérations de liquidation. En effet, dans les circonstances visées à l'article 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites [8], la poursuite provisoire des opérations commerciales peut être autorisée par le tribunal de commerce même si cette décision n'affecte pas la nature essentielle de décision judiciaire ordonnant la cessation de toute activité commerciale revêtue par le jugement de faillite.
Par conséquent, la Cour de cassation rappelle ce qui suit:
“Il suit du jugement de faillite, d'une part, que la raison d'ordre économique justifiant le licenciement de tous les travailleurs, y compris les travailleurs protégés, existe et, d'autre part, que le licenciement de tous les travailleurs par le curateur pour cause de faillite, soit immédiat, soit progressif en fonction des opérations de liquidation, n'est en règle pas discriminatoire.
Ainsi, la circonstance que la liquidation de la faillite nécessite le maintien en service de certains travailleurs n'implique pas que la raison d'ordre économique ou technique doive encore être reconnue par la commission paritaire avant le licenciement des travailleurs protégés.”
Cette motivation s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure de la Cour [9], [10].
4.Bien entendu, une telle règle est applicable nonobstant le droit du travailleur protégé de néanmoins contester son licenciement en cas de discrimination par le curateur.
Dans cette hypothèse, se pose alors la question suivante: le mécanisme probatoire instauré par l'article 3, § 3 de la loi s'applique-t-il? En d'autres termes, incombe-t-il au curateur de prouver qu'en aucun cas, la qualité de délégué du personnel - ou de candidat délégué du personnel - n'a eu d'incidence sur sa décision de licencier et qu'en conséquence, le travailleur protégé n'est pas discriminé? Ou est-ce au contraire à ce dernier, licencié par le curateur alors qu'il était occupé dans le cadre des opérations de poursuite d'activité, à démontrer qu'il est victime d'une discrimination de la part du curateur?
La disposition légale impose à l'employeur de prouver qu'en aucun cas, la qualité de délégué du personnel - ou de candidat délégué - n'a eu d'impact sur sa décision de licencier, mais il subsistait un doute quant au point de savoir si elle s'appliquait ipso facto au curateur.
Pour l'arrêt attaqué, rendu par la cour du travail de Bruxelles et reproduit par extraits dans le moyen de cassation, “le renversement de la charge de la preuve prévu à l'article 3, § 3 [de la loi] ne peut être dissocié de la condition de la reconnaissance préalable du licenciement” et “la contestation des parties quant à la question de savoir si le curateur est censé être l'employeur au sens de cette disposition, est dénuée de pertinence.”
Cette décision était critiquée par le délégué, selon lequel “le renversement de la charge de la preuve prévu à l'article 3, § 3 [de la loi ] est lié non seulement à la disposition du § 1er de cet article mais aussi, et même explicitement, à la disposition du § 2 du même article… [E]n conséquence, la circonstance qu'en cas de faillite, le curateur n'est pas tenu de respecter la procédure de la reconnaissance préalable des raisons d'ordre économique ou technique invoquée ... ne fait pas obstacle à l'application du renversement de la charge de la preuve à l'article 3, § 3 de la [l]oi au cas où le travailleur protégé conteste son licenciement en raison du comportement discriminatoire du curateur.”
Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation rejette cette thèse et considère que l'article 3, § 3 de la loi - qui règle la preuve incombant à l'employeur au cours de la procédure de reconnaissance des raisons d'ordre économique et technique justifiant le licenciement visée au § 1er du même article -, n'est pas applicable en cas de licenciement par le curateur. S'il conteste son licenciement et invoque un comportement discriminatoire du curateur, il appartiendra au travailleur protégé de prouver que le licenciement dont il fit l'objet par le mandataire de justice est motivé par sa qualité de délégué du personnel et, partant, est discriminatoire.
En théorie, donc, les travailleurs protégés pourraient encore prétendre à une indemnité spéciale de protection, mais pour autant qu'ils démontrent en pratique que, dans le processus de licenciement, les curateurs ont eu à leur égard un traitement discriminatoire, ce qui ne sera pas forcément chose aisée.
5.Au terme d'une jurisprudence évolutive mais désormais constante, la Cour de cassation met un point - final? - aux errements et derniers doutes soulevés par certains litiges initiés par des travailleurs protégés désireux de maximiser l'étendue de leur protection en cas de faillite. La tendance est claire, et semble aboutie: les délégués du personnel - et les candidats - bénéficient d'un statut protecteur, certes, mais celui-ci ne peut leur servir d'appui à des prétentions exorbitantes. Si ce régime protecteur constitue une exigence légitime dans le chef de travailleurs qui, par leur mandat, s'exposent au risque de sanctions injustes de la part de leur employeur, il ne peut se transformer en régime d'exception, notamment à l'occasion d'une faillite.
[1] | Conseiller à la cour d'appel de Mons, maître de conférences invitée à l'Université catholique de Louvain. |
[2] | Comm. Bruxelles 7 novembre 2001, JT 2001, p. 833, note G.-A. Dal, TRV 2001, p. 625. |
[3] | Voy., e.a. L. Eliarts et J. Buelens, “Ontslag bescherming en vertegenwoordiging van werknemers” in M. Rigaux et W. Rauws (eds.), Actuele problemen van het arbeidsrecht, 8, Actualia van het ontslagrecht, Antwerpen-Oxford, Intersentia, 2010, pp. 571-693; J. Clesse, S. Cornelis, V. Vannes, S. Remouchamps, J. Lacomble, M. Comblen, F. Bpuquelle, H. Deckers, A. Mortier, V. Busschaert, M. Glorieux, J. de Wilde d'Estmael, S. Gilson, L. Dear, H. Barth, D. Barth et L. Cappellini, La protection des représentants du personnel. 20 ans d'application de la loi du 19 mars 1991, (H. Deckers et L. Dear (dirs)), Liège, Anthémis, Edition du Jeune Barreau, 2011, 392 p. |
[4] | Cass. (3ème ch.) 25 juin 2001, RG n° S.00.0041.N, Pas. 2001, n° 396, p. 1228, RW 2001-02, n° 14, p. 485, note W. Rauws, JTT 2001, p. 362. |
[5] | C.A. 28 mars 2002, n° 58/2002, MB 1er juin 2002, p. 24.357, JLMB 2002, p. 80: “Dès lors que le jugement déclaratif de faillite a un caractère exécutoire et implique en principe la cessation de l'activité de l'entreprise, la mesure qui consiste à obliger le curateur à consulter la commission paritaire avant de licencier les travailleurs protégés, alors qu'il entend licencier l'ensemble du personnel à dater de ce jugement, n'est pas raisonnablement justifiée par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur de la loi du 19 mars 1991” (arrêt, § B.9.1.), la Cour soulignant que le risque de représailles auquel pouvaient être soumis les travailleurs protégés, était exclu dans le chef du curateur. La Cour souligne également le caractère absolu de ce principe, qui ne peut nullement être remis en cause par son exception, à savoir la poursuite de l'activité au sens de l'art. 47 de la loi sur les faillites (arrêt, § B.10.). |
[6] | Cass. (3ème ch.) 20 juin 2011, RG n° S.10.0159.N, Pas., 2011-6/7/8, n° 413, p. 1721 et dans ce numéro, p. 894. |
[7] | Pour une illustration, par exemple, dans le cadre de la faillite des Forges de Clabecq, C.trav. Bruxelles (6ème ch.) 24 novembre 2005, JTT 2006, n° 946, p. 198. |
[8] | Sur cette disposition, voy. e.a. I. Verougstraete, J. Lebeau, M. De Wolf, B. Inghels, L. Bihain, O. Bertin, W. David, Ph. Jehasse, L. du Jardin, J.-P. Renard et V. Renard, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2011, nos 3.4.2.24 et s., pp. 483 et s. |
[9] | Cass. (3ème ch.)19 avril 2004, RG n° S.03.0078.N, Pas. 2004, n° 205, p. 650. |
[10] | Pour une analyse complète, H. Van Hoogembemt, “De werknemers en de insolventie van hun werkgever” in H. Braeckmans, H. Cousy, E. Dirix, B. Tilleman et M. Vanmeenen (eds.), Curatoren en vereffenaars: actuele ontwikkelingen, Antwerpen, Intersentia, 2006, pp. 657-702. |