DROITS D'AUTEUR ET DROITS VOISINS
Droits d'auteur - Condition de la protection du droit d'auteur - Directive 93/98/CEE - Article 6 - Protection de photographies - Directive 2001/29/CE - Article 2 - Reproduction - Utilisation d'une photographie de portrait comme modèle pour établir un portrait-robot - Article 5, 3., sous d) - Exceptions et limitations s'agissant de citations - Article 5, 3., sous e) - Exceptions et limitations à des fins de sécurité publique - Article 5, 5
Une photographie de portrait est susceptible d'être protégée par le droit d'auteur, à condition qu'elle soit une création intellectuelle de l'auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par les choix libres et créatifs de celui-ci lors de la réalisation de cette photographie. Dès lors qu'il a été vérifié que la photographie de portrait en cause présente la qualité d'une oeuvre, la protection de celle-ci n'est pas inférieure à celle dont bénéficie toute autre oeuvre, y compris photographique.
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AUTEURSRECHTEN EN NABURIGE RECHTEN
Auteursrechten - Bescherminsgvoorwaarde auteursrecht - Richtlijn 93/98/EEG - Artikel 6 - Bescherming van foto's - Richtlijn 2001/29/EG - Artikel 2 - Reproductie - Gebruik van portretfoto als model voor montagefoto - Artikel 5, 3., sub d) - Uitzonderingen en beperkingen voor citeren - Artikel 5, 3., sub e) - Uitzonderingen en beperkingen voor doeleinden van openbare veiligheid - Artikel 5, 5
Een portretfoto komt voor auteursrechtelijke bescherming mits een dergelijke foto een intellectuele schepping van de auteur is die de persoonlijkheid van deze laatste weerspiegelt en tot uiting komt door de vrije creatieve keuzen van die auteur bij de totstandkoming van die foto. Wanneer is vastgesteld dat de betrokken portretfoto de hoedanigheid heeft van een werk, geniet dit een bescherming die niet geringer is dan die waarvoor ieder ander werk, een fotografisch werk daaronder begrepen, in aanmerking komt.
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1.En 2009, l'arrêt Infopaq de la Cour de justice [2] avait surpris de nombreux observateurs en s'emparant de la notion d'originalité pour la projeter dans le domaine de l'harmonisation communautaire du droit d'auteur [3].
L'impact de cet arrêt était de taille dès lors que la notion d'originalité constitue une notion essentielle en droit d'auteur. Elle détermine, en effet, à la fois l'accès à la protection, et l'étendue de celle-ci.
2.L'irruption de la notion d'originalité au niveau communautaire était inattendue, car elle ne figure ni dans le texte ni dans les considérants de la directive 2001/29 [4] qui est censée régler les questions essentielles et transversales en la matière.
Certes, il était déjà entendu depuis les années '90 que pour les logiciels, les photographies et les bases de données, la notion d'originalité est une notion communautaire, dès lors qu'elle est inscrite expressis verbis dans des directives particulières pour ces oeuvres. Celles-ci l'ont définie comme 'une création intellectuelle propre à son auteur'. Mais jusqu'à l'arrêt Infopaq, qui y a répondu positivement, toute la question était de savoir si cette notion faisait partie du domaine d'harmonisation au-delà de ces oeuvres spécifiques [5].
3.Dans ce contexte, la décision Infopaq a non seulement créé la sensation mais aussi suscité des perspectives d'envergure. Dès l'instant où la notion d'originalité recevait l'étiquette communautaire, toute question y relative devenait du ressort de la Cour de justice. Or, il était prévisible que les questions ne manqueraient pas. De surcroît, la mission unificatrice de la Cour s'annonçait d'autant plus passionnante que les clivages entre certaines traditions nationales sur le chapitre de l'originalité étaient à la fois anciens et profonds.
Ainsi, l'originalité à l'anglaise résistait depuis longtemps à l'originalité à la française, et réciproquement. Dans le premier cas, l'originalité se limite à exiger que l'oeuvre candidate à la protection provienne effectivement de l'auteur prétendu et non d'un tiers (auquel cas l'oeuvre alléguée serait une copie et ne mériterait pas d'être protégée), ce qui correspond à une conception objective. Dans le deuxième cas, elle impose à l'oeuvre candidate de revêtir l'empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui traduit une conception subjective ou personnaliste.
4.L'arrêt Infopaq était loin d'avoir réglé la dispute entre ces deux conceptions, en tout cas d'une manière suffisamment nette.
Certes, il était possible d'y déceler quelques passages qui pouvaient suggérer une certaine sympathie de la Cour à l'égard de la conception personnaliste, mais il restait hasardeux d'en déduire une conclusion définitive.
En réalité, l'arrêt était peu prolixe. Il se limitait à énoncer, d'une part, qu'un objet est original s'il constitue “une création intellectuelle propre à son auteur” [6], et, d'autre part, que [pour réaliser une création intellectuelle propre] il appartient à l'auteur “d'exprimer son esprit créatif de manière originale”, par exemple, comme dans le cas d'espèce, à travers “le choix, la disposition et la combinaison” des éléments en cause [7].
5.Depuis Infopaq, les choses sont devenues beaucoup plus claires. La Cour de justice a en effet prononcé pas moins de quatre arrêts, dont les deux derniers ne laissent plus planer de doute sur sa décision de souscrire à la conception personnaliste.
L'arrêt BSA, rendu plus d'un an après Infopaq, n'apporte pas encore de réponse décisive à cet égard, mais cela n'empêche pas qu'il permet à la Cour d'approfondir sa réflexion [8]. Après avoir rappelé l'enseignement d'Infopaq, à savoir que l'originalité exige que l'auteur exprime son esprit créatif de manière originale, l'arrêt y ajoute que, en conséquence, l'originalité ne saurait bénéficier à des composantes “uniquement caractérisées par une fonction technique” [9].
6.Poursuivant sur la lancée d'Infopaq et BSA, la Cour énonce quelques mois plus tard, dans l'arrêt Premier League, que pour mériter la protection par le droit d'auteur, la création intellectuelle doit laisser de la place à une liberté intellectuelle. Tel n'est pas le cas de rencontres sportives, en particulier des matchs de football, lesquels “sont encadrés par des règles de jeu qui ne laissent 'précisément' pas de place à une liberté créative au sens du droit d'auteur” [10].
7.Il faudra cependant attendre l'arrêt Painer, en décembre 2011, pour obtenir une réponse cette fois claire et convaincante à la question de savoir si l'originalité relève de la conception personnaliste [11].
Dans Painer, la Cour observe d'abord que l'oeuvre dont il était question, à savoir une photographie de portrait, a permis à son auteur d'effectuer 'des choix libres et créatifs' “de plusieurs manières et à plusieurs moments” [12].
Elle constate ensuite que “à travers ces différents choix, l'auteur est ainsi en mesure d'imprimer sa 'touche personnelle' à l'oeuvre créée” [13].
Ce faisant, la Cour opte sans ambiguïté pour la conception personnaliste. Dorénavant, il ne fait pas de doute que l'originalité impose à l'oeuvre de revêtir l'empreinte de la personnalité de son auteur.
8.Prononcé en mars 2012, l'arrêt Football Dataco reproduit ci-dessous (p. 602) synthétise les enseignements des arrêts précédents.
Il en déduit que le critère de l'originalité est rempli lorsque l'auteur “exprime sa capacité créative de manière originale en effectuant des choix libres et créatifs et imprime ainsi sa 'touche personnelle'” [14].
9.Il va sans dire que la définition communautaire du critère de l'originalité s'impose au juge national.
L'arrêt du 26 janvier 2012 de la Cour de cassation, reproduit plus loin (p. 610), est particulièrement regrettable à cet égard, car il est contraire à l'enseignement de l'arrêt Painer prononcé quelques semaines plus tôt par la Cour de justice.
La Cour de cassation entame pourtant le raisonnement de manière correcte, en rappelant que l'originalité correspond à “une création intellectuelle propre à son auteur”. Elle conclut néanmoins de manière malheureuse, en estimant que cette notion n'exige pas que l'oeuvre soit revêtue de l'empreinte de la personnalité de son auteur, soit une conclusion qui se heurte de manière frontale à l'arrêt Painer.
10.L'arrêt du 26 janvier 2012 est d'autant plus malheureux qu'il s'écarte de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation qui exigeait, quant à elle, l'empreinte de la personnalité de l'auteur [15]. Cette jurisprudence-là était parfaitement conforme à la position que la Cour de justice allait adopter par la suite [16].
De surcroît, l'interprétation personnaliste ainsi rejetée avait également été intégrée par la Cour de justice Benelux [17] dans le domaine des dessins ou modèles, soit un domaine qui est évoqué dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, ce qui ne peut que contrarier davantage.
Il est donc pour le moins piquant de constater que la Cour de cassation rompt avec sa propre jurisprudence et celle de la Cour de justice Benelux au moment même où la Cour de justice décide de s'y rallier.
A n'en pas douter, cet arrêt de la Cour de cassation n'est qu'un faux pas qui, du moins peut-on l'espérer, devrait être réparé à la première occasion qui se présentera.
[1] | Avocat. |
[2] | CJUE 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq / Danske Dagblades Forening. |
[3] | Voy. B. Michaux, “L'originalité en droit d'auteur, une notion davantage communautaire après l'arrêt Infopaq”, A&M 2009, 473. |
[4] | La directive 2001/29 du Parlement et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. |
[5] | B. Michaux, o.c., 473 (479). |
[6] | Arrêt précité du 16 juillet 2009, point 37. |
[7] | Arrêt précité du 16 juillet 2009, point 45. Dans l'affaire Infopaq, il s'agissait d'une séquence de onze mots composant un court extrait d'article de presse consacré à une actualité économique. |
[8] | CJUE 22 décembre 2010, C-393/09, Bezpecnostní softwarová asociace / Ministerstvo kultury. |
[9] | Arrêt précité du 22 décembre 2010, points 49 et 50. |
[10] | CJUE 4 octobre 2011, C-403/08 et C-429/08, Football Association Premier League / QC Leisure et K.Murphy, point 98. |
[11] | CJUE 1er décembre 2011, C-145/10, Painer / Standard VerlagsGmbH. |
[12] | Arrêt précité du 1er décembre 2011, point 90. |
[13] | Arrêt précité du 1er décembre 2011, point 92. |
[14] | CJUE 1er mars 2012, C-604/10, Football Dataco / Yahoo!, point 38. |
[15] | Voy., notamment, Cass. 27 avril 1989, Pas. 1989, I, p. 908; Cass. 11 mars 2005, A&M 2005, 396, note F. de Visscher; F. de Visscher et B. Michaux, Précis du droit d'auteur et des droits voisins, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 15-16, n° 18. |
[16] | Voy. F. Gotzen, “Het Hof van Cassatie en het begrip 'oorspronkelijkheid' in het auteursrecht” (note sous Cass. 26 janvier 2012), IRDI 2012, p. 111. |
[17] | CJ Benelux 22 mai 1987, RCJB 1988, p. 568 et note L. Van Bunnen, JT, p. 569, note A. Braun. |