Cour d'appel de Liège 6 mars 2012
Affaire: 2010/RG/1858 |
Le 1er juin 1994, Monsieur C. et son épouse, Madame M., se sont portés cautions solidaires et indivisibles des dettes de la SPRL Forcing Trois Frontières envers la SCRL Intersport. La SPRL Forcing Trois Frontière fut déclarée en faillite sur aveu par jugement du 8 janvier 2009 et Intersport a dès lors produit une déclaration de créance pour un montant de 781.005,88 EUR.
Monsieur C. et Madame M. ont introduit une demande de décharge de caution qui fut accueillie par jugement du tribunal de commerce d'Arlon du 14 octobre 2010 en ce qui concerne Madame M. mais qui fut par contre rejetée à l'égard de Monsieur C.
Monsieur C. interjeta appel de ce jugement du 14 octobre 2010 contre la SCRL Intersport, qui fit elle-même également appel de ce jugement à l'encontre de Madame M. Ces deux causes ont été jointes par la cour d'appel, les deux appels ayant été dirigés contre la même décision.
Recevabilité de l'appel d'Intersport à l'égard de Madame M. |
Madame M. invoquait le caractère tardif de l'appel de la SCRL Intersport, soutenant que sa déclaration de caution s'identifiait à une requête unilatérale de sorte que l'appel aurait dû être formé, en application de l'article 1031 du Code judiciaire, dans le mois de la notification par le greffe.
La cour d'appel a rejeté cette argumentation, soulignant qu'en l'espèce, bien que le mode de saisine du tribunal de commerce soit dérogatoire par rapport aux autres modes introductifs d'instance de droit commun, il ouvre néanmoins une procédure contradictoire et le jugement statuant sur la décharge dispose d'une pleine autorité de chose jugée. Ce jugement était dès lors appelable selon les principes du droit commun.
La cour a également relevé que l'erreur commise par le greffe en procédant à une notification du jugement par pli judiciaire, non prévue par la loi, et en se référant à l'article 1031 du code judiciaire, n'avait pas pour effet de modifier la nature de la décision rendue, celle-ci devant être appréciée sur base de ses caractéristiques intrinsèques. La notification n'ayant pas fait courir le délai de recours et aucune signification du jugement n'étant intervenue, la cour d'appel a jugé l'appel de la SCRL Intersport recevable.
Sûreté personnelle à titre gratuit |
Suite à l'arrêt de la cour constitutionnelle du 30 juin 2004, il est désormais acquis que le caractère gratuit de la sûreté personnelle consiste en l'absence de tout avantage économique, tant direct qu'indirect, que la sûreté personnelle peut retirer en suite de son cautionnement. Le caractère gratuit est une question de fait dont la charge de la preuve incombe à celui qui s'en prévaut.
En l'espèce, Monsieur C. était associé au sein de la SPRL Forcing Trois Frontières lors de la souscription de son engagement de caution. La cour souligne que, par ce fait, il espérait retirer de la société un avantage financier personnel, que ce soit par l'attribution de dividendes ou par la valorisation de ses parts. Il importe peu que l'investissement n'ait pas fructifié, le caractère gratuit devant s'apprécier en fonction de l'avantage potentiel qui était susceptible d'être obtenu au moment de l'engagement de caution. La cour a également précisé que le fait pour Monsieur C. d'avoir cédé ses parts dans les deux ans ayant suivi la constitution de la société n'établit pas une absence de desseins de retirer un avantage direct ou indirect au moment de la constitution de la caution. La cour a dès lors confirmé le rejet de la demande de décharge de Monsieur C.
Quant à Madame M., lors de son engagement de caution, elle était mariée sous le régime légal à Monsieur C., associé de la SPRL Forcing Trois Frontières.
Dans son arrêt, la cour d'appel dispose que le fait qu'un gérant de société et qu'un associé aient la possibilité de retirer des revenus au sens large de cette société, a un impact sur la situation financière du ménage qu'ils constituent avec leur conjoint puisque, dans le régime légal, la communauté bénéficie ou est susceptible de bénéficier de ces revenus. Ainsi, par son acte de caution, l'épouse vise à soutenir le développement de la société dont elle retire également indirectement un bénéfice. La cour a ainsi estimé, qu'en l'espèce, Madame M. ne démontrait pas le caractère gratuit de son cautionnement, a réformé le jugement dont appel et a rejeté sa demande de décharge de caution.