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Tribunal du travail Mons, 16/09/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/5, p. 522-524

Tribunal du travail de Mons 16 septembre 2011

CONTINUITÉ DE L'ENTREPRISE
Réorganisation judiciaire - Réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice - Homologation du plan social
L'article 61 de la loi du 31 janvier 2009 érige, en principe, le transfert au cessionnaire des droits et obligations qui résultent pour le cédant des contrats de travail existant au moment du transfert de l'entreprise.
Cette disposition prévoit la possibilité de négociations collectives et individuelles. Ainsi, le cessionnaire et le cédant ou le mandataire de justice, d'une part, et toutes les organisations représentées au sein de la délégation syndicale, d'autre part, peuvent convenir, dans le cadre d'une procédure de négociation collective, de modifier les conditions de travail pour préserver l'emploi.
L'accord social conclu, hors la présence des organisations représentées au sein de la délégation syndicale et modifiant les conditions de travail des travailleurs de l'entreprise, ne peut, pour ce seul motif, être homologué. Le fait que cet accord social soit approuvé par les employés ne saurait couvrir cette absence.
CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMING
Gerechtelijke reorganisatie - Gerechtelijke reorganisatie door overdracht onder gerechtelijk gezag - Homologatie van sociaal plan
Artikel 61 van de wet van 31 januari 2009 beoogt in beginsel de overdracht van de onderneming met behoud van de rechten en verplichtingen welke voor de vervreemder voortvloeien uit de op het tijdstip van de overdracht van de onderneming bestaande arbeidsovereenkomsten.
Deze bepaling voorziet echter in de mogelijkheid van collectieve en individuele onderhandelingen over de arbeidsvoorwaarden. Bijgevolg kunnen de verkrijger en de vervreemder of de gerechtsmandataris enerzijds en alle in de vakbonds­afvaardiging vertegenwoordigde organisaties anderzijds, in het raam van een collectieve onderhandelingsprocedure overeenkomen om de arbeidsvoorwaarden te wijzigen met het oog op het veiligstellen van de werkgelegenheid.
Het overeengekomen sociaal akkoord, gesloten zonder tussenkomst van de in de vakbondsafvaardiging vertegenwoordigde organisaties, waarbij de arbeidsvoorwaarden worden gewijzigd, kan louter omwille van voornoemde afwezigheid niet gehomologeerd worden. Het feit dat het sociaal akkoord werd goedgekeurd door de werknemers, kan dit gebrek niet tenietdoen.

SPRL C.

Siég.: Ph. Lecocq (vice-président), J. Luchem (juge social au titre d'employeur) et A. Foti (juge social au titre de travailleur ouvrier)
Pl.: Mes L. Marnette loco O. D'Août, M. Petre
1. Procédure

Le dossier de la procédure contient, notamment, les pièces suivantes:

- la requête de la SPRL C. déposée au greffe le 26 août 2011;

- le dossier joint à cette requête;

- les conclusions et les pièces de Me Petre reçues au greffe par fax du 8 septembre 2011.

La cause a été, conformément à l'article 61, § 5 de la loi du 31 janvier 2009, fixée à l'audience du 8 septembre 2011 au cours de laquelle les parties ont été entendues.

Mr. G. Mary, substitut de l'auditeur du travail, a donné un avis oral (non homologation), auquel les parties ont répliqué.

Il a été fait application de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

2. Objet de la demande

La SPRL C., agissant pour compte de la SA T. Europe en cours de constitution, sollicite l'homologation du transfert d'entreprise projeté entre la SA T. et elle-même dans la mesure où ce transfert concerne des droits visés à l'article 61 de la loi sur la continuité des entreprises.

3. Contexte de la demande & position des parties

a. La demande se situe dans le cadre de l'application de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

Par jugement du 7 mars 2011, le tribunal de commerce de Mons prononce la modification de la procédure en réorganisation judiciaire de la SA T. et ordonne le transfert, sous autorité de justice, de l'universalité du fonds de commerce de l'entreprise. Me Francart est désigné mandataire de justice.

La SPRL G. a fait une offre de reprise. Une convention de cession est signée le 13 juillet 2011. Préalablement, le candidat repreneur et les organisations représentatives des travailleurs présentes dans l'entreprise ont convenu d'une convention collective de travail. Par jugement du 2 septembre 2011, le tribunal accorde l'homologation du transfert d'entreprise projeté.

La SPRL C., se portant fort pour la SA T. Europe en cours de constitution, fait également une offre de reprise. Le 18 août 2011, une 'offre - projet de convention' est signée avec le mandataire de justice. Le 1er août, un 'accord social négocié' est convenu entre le candidat repreneur et le représentant du personnel employé.

b. La SPRL C. demande l'homologation, en vertu de l'article 61, § 5 de la loi du 31 janvier 2009, du projet de transfert d'entreprise.

Elle expose vouloir reprendre 9 employés et 13 ouvriers, le choix des travailleurs repris étant uniquement lié à des critères techniques, économiques et organisationnels, sans différentiation interdite.

c. Me Francart, mandataire de justice, signale que la cause est fixée - pour examen de la reprise - à l'audience du 19 septembre du tribunal de commerce.

Il attire l'attention du tribunal sur le fait que l'accord social a été signé par un mandataire des employés et non les délégués du personnel.

d. La FGTB et la CSC s'opposent à l'homologation du transfert projeté dans la mesure où elles n'ont pas été impliquées dans la négociation de l'accord social. Les deux organisations estiment également le projet de reprise irréaliste.

Enfin, la FGTB soutient que son délégué syndical n'est pas repris en raison de sa qualité de représentant du personnel, ce qui constitue une discrimination interdite.

e. Mr. L. - directeur de la SA Technic Gum ayant obtenu mandat des employés pour négocier - approuve le volet social du projet de reprise de la SPRL C.

4. Position du tribunal

a. Il convient de rappeler la nature de l'intervention du tribunal du travail dans le cadre de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

La procédure de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du tribunal de commerce, la continuité de tout ou partie d'une entreprise en difficulté ou de ses activités. A cette fin, elle permet le transfert sous autorité de justice de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités en vue d'assurer leur maintien (art. 16 et 59 de la loi du 31 janvier 2009).

L'article 61 de la loi règle la question du transfert entre cédant et cessionnaire des droits et obligations résultant des contrats de travail. La loi prévoit la possibilité pour le cessionnaire de solliciter l'homologation, par le tribunal du travail, du transfert projeté dans la mesure où la convention de transfert concerne les droits établis en cet article.

L'intervention du tribunal du travail n'est nullement obligatoire. L'absence d'homologation (soit en raison de l'absence d'une demande soit en raison d'un refus d'homologation) n'exclut nullement un transfert, question relevant de la compétence exclusive du tribunal de commerce.

L'intervention du tribunal du travail est limitée au 'volet social' du transfert projeté. L'intérêt de l'homologation réside avant tout dans les effets qu'elle produit à l'égard du cessionnaire. En effet, lorsque l'homologation est accordée, le cessionnaire ne peut être tenu à des obligations autres que celles figurant dans l'acte dont l'homologation a été demandée (art. 61, § 5 de la loi).

b. L'article 61 de la loi du 31 janvier 2009 érige, en principe, le transfert au cessionnaire des droits et obligations qui résultent pour le cédant des contrats de travail existant au moment du transfert de l'entreprise.

Cette disposition prévoit en son 2ème paragraphe la possibilité de négociations collectives et individuelles. Ainsi, le cessionnaire et le cédant ou le mandataire de justice, d'une part, et toutes les organisations représentées au sein de la délégation syndicale, d'autre part, peuvent convenir, dans le cadre d'une procédure de négociation collective, de modifier les conditions de travail pour préserver l'emploi en assurant en tout ou partie la survie de l'entreprise ou de ses activités.

L'accord social du 1er août 2011 et son addendum du 3 août - présentés par la SPRL C. - modifient les conditions de travail des travailleurs de l'entreprise. Il y est en effet question de modifier le lieu de travail, d'établir un nouveau règlement de travail ou encore de modifier ou d'adapter l'horaire de travail.

Dès lors, la convention devait être négociée et conclue avec les organisations représentées au sein de l'entreprise.

Il existe au sein de la SA T. une délégation syndicale constituée de deux délégués (un CSC et un FGTB). Diverses conventions collectives d'entreprise ont d'ailleurs été conclues entre l'employeur et les représentants des travailleurs.

L'accord social conclu, hors la présence des organisations représentées au sein de la délégation syndicale, ne peut, pour ce seul motif, être homologué. Le fait que cet accord social soit approuvé par les employés ne saurait couvrir l'absence des FGTB et CSC.

c. Le tribunal n'accorde pas l'homologation du transfert projeté par la SPRL C.

Il est inutile d'examiner les autres moyens des parties, ceux-ci ne permettant pas d'accorder l'homologation ou de la refuser davantage.

Compte tenu de la nature de la cause, le tribunal délaisse à chacune des parties ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement,

Dit la demande recevable mais non fondée.

Dit n'y avoir lieu à homologation du projet de transfert présenté par la SPRL C.

Délaisse à chacune des parties ses dépens.

(…)