Article

Tribunal de commerce Nivelles, 30/05/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/5, p. 488-493

Tribunal de commerce de Nivelles 30 mai 2011

CONTINUITÉ DE L'ENTREPRISE
Réorganisation judiciaire - Réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice - Partage du prix de vente - Huissier de justice
La durée limitée du sursis rend impossible de confier au mandataire de justice le partage du prix de vente. La répartition du prix de vente doit se faire par un huissier de justice.
La mission de l'huissier de justice de répartir le prix de vente ne peut pas être révoquée lorsque la procédure de transfert sous autorité de justice est clôturée et lorsque le mandataire de justice a été déchargé de sa mission. Cette mission est opposable au curateur d'une faillite qui suit.
La masse qui résulte du transfert sous autorité de justice est différente, et autonome à l'égard, de la masse de la faillite, et elle ne peut pas être absorbée par cette dernière.
CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMING
Gerechtelijke reorganisatie - Gerechtelijke reorganisatie door overdracht onder gerechtelijk gezag - Verdeling verkoopprijs - Gerechtsdeurwaarder
De beperkte duur van de opschorting maakt het onmogelijk om de verdeling van de verkoopprijs toe te vertrouwen aan de gerechtsmandataris. De verdeling van de verkoopprijs moet door een gerechtsdeurwaarder gebeuren.
De opdracht van de gerechtsdeurwaarder tot verdeling van de verkoopprijs kan niet worden herroepen wanneer de procedure tot overdracht onder gerechtelijk gezag is afgesloten en wanneer de gerechtsmandataris werd ontlast van zijn opdracht. Deze opdracht is tegenstelbaar aan de curator van een navolgend faillissement.
De boedel die tot stand komt ten gevolge van de overdracht onder gerechtelijk gezag is te onderscheiden van, en autonoom ten opzichte van, de faillissementsboedel, en kan niet door deze laatste worden opgeslorpt.

ING Belgique SA, P. Vranck, Me M.-A. Speidel et SCA Warehouse De Pauw

Siég: Schaar (président), Pietquin et De Keyzer (juges consulaires)
Pl.: Mes M. Grégoire, E. Bellis loco N. Crochelet, Ph. De Somer, B. Vanham

Vu:

- le jugement prononcé par ce tribunal le 13 septembre 2010;

- le procès-verbal de comparution volontaire déposé le 14 février 2011;

- la requête en intervention volontaire déposée le 14 février 2011;

- l'ordonnance de fixation du 14 février 2011;

- les conclusions déposées les 7 et 28 mars 2011 ainsi que les 11 et 15 avril 2011;

- la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Entendu à l'audience du 20 avril 2011, le curateur q.q. ainsi que les conseils des parties et de l'intervenant volontaire.

Après délibéré, le tribunal prononce le jugement suivant:

1. L'objet du débat

La question soumise au tribunal est relative à la distribution des fonds recueillis dans le cadre d'une procédure de réorganisation judiciaire à laquelle a été admise la SPRL Link2biz International par jugement de ce tribunal du 14 juin 2010.

Cette société a sollicité et obtenu du tribunal par jugement du 1er septembre 2010 l'autorisation de vendre à la société de droit hollandais BV ABC Mail Group une partie de ses activités dans le cadre d'un transfert d'entreprise.

Le tribunal a désigné un huissier de justice pour recueillir le produit de ces transferts et les répartir conformément aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire.

La faillite de la SPRL Link2biz International a été déclarée ouverte sur aveu par jugement de ce tribunal du 13 septembre 2010.

Le débat porte sur la désignation de la personne qui sera chargée de la répartition et la distribution des fonds: le curateur ou l'huissier de justice?

2. Les antécédents

Le 3 juin 2010, la SPRL Link2biz International a déposé auprès de ce tribunal une requête en réorganisation judiciaire par accord collectif en application de la loi du 31 janvier 2009 sur la continuité des entreprises (ci-après 'la loi').

Elle a été admise à cette procédure par jugement du 14 juin 2010.

La SPRL Link2biz International a, peu après ce jugement, modifié l'objet de la procédure et s'est orientée vers une procédure de réorganisation judiciaire par transfert d'entreprises.

Par jugement du 28 juin 2010, le tribunal a autorisé la modification de l'objet de la procédure et appelé aux fonctions de mandataire de justice monsieur M. Janssens, avocat au barreau de Nivelles.

Celui-ci a sollicité l'autorisation de vendre à la société de droit hollandais BV ABC Mail Group une partie des activités de la SPRL Link2biz International.

Le projet d'acte de transfert prévoyait un prix de cession et les modalités de paiement suivantes:

- une partie fixe de 75.000 EUR payable le jour du transfert sur le compte du mandataire de justice;

- une partie variable de prix fixée à 2% du chiffre d'affaires réalisé entre le 1er septembre 2010 et le 31 août 2012 au moyen de la clientèle résultant des activités transférées.

Par jugement du 1er septembre 2010, le tribunal autorise le mandataire de justice à procéder au transfert d'actifs sollicité, et ce conformément au projet d'acte.

Ce jugement désigne en outre l'huissier de justice P. Vranckx, de résidence à Braine-l'Alleud, pour recueillir le produit de ces transferts et les répartir conformément aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire.

La convention de cession d'actif est signée le même jour.

Le 8 septembre 2010, le mandataire de justice verse sur le compte de l'huissier désigné le montant du prix fixe.

Par jugement du 13 septembre 2010, le tribunal clôture la procédure de réorganisation judiciaire et donne décharge au mandataire de justice.

Par jugement du même jour, le tribunal déclare ouverte sur aveu la faillite de la SPRL Link2biz International et désigne en qualité de curateur monsieur M.-A. Speidel, avocat au barreau de Nivelles.

La question de la répartition et de la distribution des fonds se pose aussitôt.

Le curateur considère que ces fonds doivent lui être versés, ce à quoi s'oppose la SA ING Belgique.

La SCA Warehouse De Pauw, créancière de la SPRL Link2biz International à concurrence de 436.995,37 EUR, intervient volontairement à la cause en sa qualité de bailleur du bien industriel qui était situé A. Deconincklaan, 2/4 à 3070 Kortenberg et soutient la thèse du curateur.

Par la voie de son conseil, l'huissier de justice P. Vranckx s'en est référé à justice.

3. Les arguments développés par les parties

La curatelle considère que:

- les sommes payées par l'acquéreur aux mandataires de justice et actuellement détenues par l'huissier de justice P. Vranckx doivent lui être versées afin qu'il puisse procéder à leur répartition dans le cadre de l'exercice de son mandat et conformément à la mission d'ordre public qui lui a été confiée lors de sa désignation;

- l'effet conjugué des articles 16 et 25 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites arrête et met fin au mandat de justice de distribution de fonds conféré à l'huissier de justice par le tribunal dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire;

- le paiement des sommes restant dues par le cessionnaire des actifs doit être effectué par les soins de la curatelle pour compte de la masse en exécution de la mission d'ordre public découlant du jugement déclaratif de faillite.

La SA ING Belgique conclut à la compétence exclusive de l'huissier de justice pour la distribution des fonds pour les motifs suivants:

- la référence claire faite par l'article 65 de la loi aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire tout comme aux articles 1639 et suivants du même code;

- la portée du mandat de justice initialement attribué pour réaliser le transfert, et du mandat substitué qui y succède au bénéfice de l'huissier (ou du notaire);

- l'épuisement de la saisine du tribunal de commerce lors de la désignation de l'huissier (ou du notaire) comme agent répartiteur.

L'intervenant volontaire se rallie à la thèse défendue par la curatelle et analyse les conséquences pratiques des thèses en présence.

Il souligne que:

- la thèse de la curatelle présente l'avantage de réunir le produit du transfert d'entreprise avec les autres actifs de la société faillie et de gérer toutes les contestations éventuelles dans le cadre d'une seule procédure (la faillite en l'occurrence);

- la thèse d'ING a pour conséquence de faire naître dès l'ouverture de la faillite deux procédures collectives de répartition des fonds avec des masses actives et passives distinctes avec l'insécurité juridique que cette situation est susceptible d'engendrer;

- l'application sur la masse active répartie par l'huissier de justice des tarifs d'huissier de justice plutôt que du barème des curateurs n'est pas nécessairement plus favorable aux créanciers.

4. Décision du tribunal
4.1. Le régime de distribution des fonds dans le cadre d'un transfert d'entreprise

La SA ING Belgique examine d'abord, dans ses conclusions de synthèse, la question des fonctions du mandataire de justice, de l'huissier de justice ou de notaire dans le cadre de la loi et fait état d'une controverse dans la perception et la répartition du prix du transfert.

Ces missions incombent-elles au mandataire de justice désigné dans le cadre du transfert ou à l'huissier de justice en cas de vente de meubles et au notaire en cas de vente d'immeubles?

Le jugement du 1er septembre a désigné l'huissier de justice P. Vranckx, de résidence à Braine-l'Alleud, “pour recueillir le produit de ces transferts et les répartir conformément aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire”.

La limitation dans le temps de la mission du mandataire de justice à celle du sursis rend impraticable la thèse de confier au mandataire de justice désigné pour opérer le transfert la mission de la répartition et de la distribution des fonds en lieu et place de l'huissier de justice (ou du notaire en cas de vente d'immeuble).

L'application des dispositions prévues aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire, en particulier en ce qu'elles soumettent le traitement des contredits éventuels à un débat judiciaire, est incompatible avec le couperet assigné à la mission du mandataire de justice, liée à la fin du sursis.

Le sursis ne peut excéder dix huit mois en application de l'article 38, § 1 et 2 de la loi.

En l'espèce, le sursis - ordinaire et exceptionnel - prenait fin au plus tard en décembre 2011.

Or, les opérations liées au transfert se terminaient par le paiement de la partie variable du prix à une époque qui dépassait cette date, soit le 31 août 2012.

A cette date, la mission mandataire de justice avait immanquablement pris fin vu la disposition de l'article 38 précité.

Aussi longtemps que l'article 65, 2ème et 3ème alinéas de la loi comporte un renvoi exprès au Code judiciaire, la réunion des trois étapes de transfert, emportant la vente purgeante des actifs cédés, à savoir la vente elle-même, la perception du prix et la répartition entre les créanciers, n'est pas réalisable par le seul mandataire de justice (M. Grégoire, “Trop de répartiteurs tue les répartitions”, Strada Lex Larcier, mars 2011, pp. 243 à 250).

4.2. Le régime de distribution des fonds suite à un transfert d'entreprise mais après survenance d'une faillite
4.2.1. Dans le contexte général d'une faillite

L'article 16 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dessaisit de plein droit le failli de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite et rend inopposables à la masse les paiements, opérations et actes faits par le failli et tous paiements qui lui sont faits, et ce à compter du jour du jugement déclaratif.

L'article 24 de la même loi ne permet l'exercice ou la poursuite des voies d'exécution sur les meubles et immeubles du failli qu'à l'encontre des curateurs.

L'article 25 de celle-ci arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège général.

La vente forcée des meubles ou immeubles saisis fixée et publiée par les affiches a lieu pour compte de la masse, sans préjudice du droit pour le juge-commissaire, sur la demande des curateurs, d'autoriser la remise ou l'abandon de la vente.

La Cour de cassation, dans un arrêt prononcé le 23 avril 2010, a décidé que (Cass. (1ère ch.) 23 avril 2011, JLMB 2011, p. 148):

“En vertu de l'article 16, 1er alinéa de la loi sur les faillites, le failli est, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens et tous paiements, opérations et actes faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse.

Aux termes de l'article 25, 1er alinéa de la même loi, le jugement déclaratif arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège spécial.

Il suit de ces dispositions que le curateur à la faillite est en droit de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.

Le moyen, qui soutient que les fonds ne doivent plus être remis au curateur lorsque, avant l'ouverture de la faillite, le projet de répartition est devenu définitif par l'expiration du délai prévu à l'article 1629 du Code judiciaire pour former un contredit, manque en droit.”

En conséquence, l'huissier de justice ou le notaire chargé de la réalisation forcée d'un bien appartenant à une personne déclarée en faillite entre la vente et la distribution du prix doit remettre au curateur de faillite les fonds afin que celui-ci procède à leur répartition.

Ceci résulte de l'application conjointe des articles précités de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

4.2.2. Dans le contexte spécifique du transfert d'entreprise organisé par la loi

Dans le cadre d'un transfert d'entreprise autorisé par justice avec clôture de la procédure de réorganisation et décharge du mandataire de justice chargé du transfert, les sommes non encore réparties doivent-elles être versées au curateur par l'application des articles 16, 24 et 25 de la loi sur les faillites?

Il résulte de l'arrêt précité de la Cour de cassation qu'un actif échappe à l'emprise du curateur de faillite s'il peut être considéré que les sommes ont véritablement été remises aux créanciers bénéficiaires de la distribution, ce qui suppose qu'elles aient définitivement quitté le patrimoine du failli.

Il convient donc d'examiner, dans le cadre du mécanisme du transfert d'entreprise organisé par les articles 59 et suivants de la loi, si le transfert réalisé par le mandataire de justice a eu pour effet de distraire du patrimoine du débiteur ce qui a été réalisé dans le cadre du transfert.

4.2.2.1. L'effet du transfert sous autorité de justice

Le transfert sous autorité de justice entraîne un quasi dessaisissement du débiteur dès l'autorisation du transfert vu que le mandataire de justice organise et réalise le transfert au nom et pour compte du débiteur.

Le transfert de justice sous autorité de justice provoque un dessaisissement conditionnel du débiteur lié à l'issue de la mission confiée au mandataire de justice.

La loi ne fait aucune distinction dans l'exercice de cette mission selon que le transfert soit ou non volontaire.

Les travaux parlementaires ont insisté sur le caractère judiciaire du transfert ordonné par le tribunal.

“Le transfert ordonné par le tribunal est toujours une mesure qui se fait sous l'autorité de la justice, même si initialement le débiteur y a a priori consenti. Ceci permet de considérer que les transferts dont il s'agit ne sont pas des cessions volontaires” (I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Kluwer, 2011, p. 231, 2.5.6.26).

Le consentement préalable obligé ou le caractère forcé du transfert (art. 59, § 2) permettent de considérer que, même dans l'hypothèse où le débiteur n'est pas dessaisi, le processus de la vente ou de la cession des actifs mobiliers ou immobiliers (art. 62, 1er al.) débute concomitamment avec la mission du mandataire de justice chargé de solliciter des offres en respect de la priorité prévue par la loi (art. 62, 2ème al.) et d'élaborer un ou plusieurs projets de vente avec projet d'acte (art. 63, 3ème al.).

Ce processus prend fin lorsque le tribunal accorde l'autorisation sollicitée par le mandataire de justice et autorise la vente.

La cession qui intervient par l'autorisation du transfert a un caractère irrévocable (I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Kluwer, 2011, p. 241, 2.5.6.48).

La mission confiée à l'huissier de justice par le jugement désignant l'huissier de justice revêt dès lors aussi un caractère irrévocable, et ce d'autant, comme en l'espèce, lorsque la procédure de transfert est clôturée et que la décharge a été donnée au mandataire de justice chargé de réaliser le transfert.

Cette mission est de ce fait opposable au curateur.

4.2.2.2. Le caractère purgeant de la vente

En tant qu'il conduit à une vente purgeante, le transfert constitue un cas de concours dont les effets se produisent à dater de l'autorisation de transfert après la désignation du mandataire de justice (A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Anthémis, 2009, p. 148, n° 96).

La masse qui subsiste après l'autorisation de transfert et après le prononcé de la faillite est de ce fait une masse autonome et étrangère à celle de la faillite laquelle ne peut donc l'absorber.

L'actif issu de la vente échappe de ce fait au curateur et le paiement effectué entre les mains de l'huissier de justice doit être considéré comme valablement remis aux créanciers bénéficiaires de la distribution, l'huissier de justice n'étant pas détenteur des fonds en fonction des charges issues de son office mais bien du mandat qui lui a été conféré par le tribunal en application de la loi.

En toute hypothèse, les droits des créanciers sont reportés sur le prix par l'effet de la vente des meubles en application de l'article 66 de la loi.

On peut à cet égard rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation à l'époque du transfert concordataire (Cass. 13 mai 2005, RG 3032N, Pas. 2005, I, p. 1048):

“Lorsque le transfert de l'entreprise est réalisé en application de l'article 41 de la loi du 17 juillet 1997 sur le concordat judiciaire, les droits des créanciers sont censés être reportés sur le prix du transfert, celui-ci a un effet d'apurement et le notaire requis en matière immobilière agit conformément à l'article 1639 du Code judiciaire.”

La Cour de cassation avait en l'espèce été saisie d'un pourvoi qui faisait valoir qu'en cas de faillite prononcée après l'échec d'une procédure concordataire, au cours de laquelle un transfert d'actifs avait été effectué par le commissaire au sursis, le curateur, à l'exclusion du notaire, devait être chargé de la répartition du produit de la réalisation.

Le moyen avait été rejeté pour les motifs ci-dessus visés.

La Cour de cassation avait considéré que lorsque les conditions légales du transfert étaient réunies, le transfert ne pouvait être annulé par une faillite ultérieure.

Ceci s'impose d'autant plus en matière de transfert d'entreprise organisé par la nouvelle loi que la clôture de la procédure et la décharge du mandataire (tel est le cas en l'espèce) seront accordées par le tribunal si toutes les activités susceptibles d'être transférées l'ont été (art. 67 de la loi).

4.2.2.3. L'opposabilité au curateur de faillite de certaines affectations

Il convient ici de rappeler que des affectations conférées aux biens du débiteur avant le jugement déclaratif de faillite sont opposables au curateur de faillite, comme le rappelle l'enseignement de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 février 2007 (Cass. 2 février 2007, JT 2007, p. 527).

La Cour de cassation consacre ici l'opposabilité de la convention de cantonnement amiable nonobstant le concours.

Bien que rendu dans l'hypothèse d'un cantonnement amiable, l'arrêt paraît en outre pouvoir se prêter à une lecture plus large, pour viser les différents comptes d'affectation que constituent les comptes bloqués.

L'hypothèse est la même dans différents cas de figure: il s'agit de mettre une certaine somme, et plus précisément une créance de somme, à l'abri des poursuites des créanciers du débiteur en cas de concours frappant le patrimoine de ce dernier (C. Alter, “Cantonnement amiable, affectations de compte et concours: état de la question”, JT 2007, p. 530).

Tel est le cas en l'espèce.

En raison du caractère purgeant de la vente et de l'aspect irrévocable du mandat conféré à l'huissier de justice, l'opération intervenue dans le cadre du transfert est opposable au curateur.

Pour rappel, l'article 1404 du Code judiciaire stipule que le versement fait avec affectation spéciale de la somme à l'extinction de la créance vaut paiement lorsque le saisi se reconnaît ou est reconnu comme débiteur.

Un tel paiement est aussi opposable au curateur de faillite.

4.2.2.4. L'article 67, 2ème alinéa de la loi

Le souhait du législateur de faire échapper de l'assiette d'une faillite le produit du transfert se trouve également dans la disposition de l'article 67, 2ème alinéa de la loi qui prévoit la possibilité d'une convocation de l'assemblée générale du débiteur personne morale en vue de sa dissolution dans le jugement qui fait droit à la demande de clôture de la procédure de réorganisation judiciaire.

Cette disposition ne parle que de la dissolution et n'évoque pas la faillite alors que cette hypothèse est explicitement évoquée à la section 8 du chapitre 1er de la loi qui traite de la fin anticipée ainsi que de la clôture de la procédure.

La procédure de liquidation suggérée ainsi par le législateur est une alternative à la faillite.

Le renforcement d'un contrôle judiciaire organisé sur les procédures de liquidation et le travail des liquidateurs mis en place par la loi du 2 juin 2006 modifiant le Code des sociétés en vue d'améliorer la procédure de liquidation rend marginale l'utilité de l'ouverture d'une faillite d'une société en liquidation.

Par le mécanisme prévu à l'article 67, 2ème alinéa de la loi, le législateur opte pour le régime de la liquidation, confiant à un liquidateur la mission de liquider les actifs existants au moment de la décision de dissolution par l'assemblée générale.

Ces actifs ne comprennent pas le prix du transfert soit parce qu'il a déjà été distribué, soit par l'effet purgeant de la vente des actifs cédés encore en possession de l'huissier de justice ou du notaire.

Il en résulte que tout l'actif qui a été réalisé dans le cadre de ces perceptions échappe à l'assiette de la liquidation.

Il n'existe aucun motif qu'il n'en soit de même lorsque la personne morale, plutôt que de choisir la voie de la liquidation, opte pour celle de l'aveu de faillite.

4.2.2.5. L'accroissement du passif de la faillite

La ratio legis qui justifie le régime général exposé plus haut ne s'applique pas en matière de transfert d'entreprise pour les motifs qui viennent d'être évoqués.

Si le régime de la faillite venait à englober ce qui a été réalisé sous celui du transfert, l'accroissement de nouvelles dettes autres que celles engendrées par la procédure de réorganisation judiciaire alourdirait le passif de manière non justifiée dès lors que les frais et honoraires du mandataire de justice désigné pour réaliser les opérations de transfert - désormais terminées au niveau de la procédure de réorganisation judiciaire - ont été réglées dans le cadre de cette procédure.

4.3. Conclusions

Le tribunal, qui doit appliquer la loi ou l'interpréter dans le sens voulu par le législateur, ne peut que constater que le souhait de celui-ci a été de faire échapper de l'assiette d'une faillite ultérieure le prix perçu dans le cadre d'un transfert d'entreprise autorisé par le tribunal.

Cette assiette comprend dès lors les actifs qui subsistent après transfert, à savoir le reliquat du produit de réalisation après répartition - et ce sous réserve de la question non débattue des actifs visés par le transfert mais non réalisés au moment de l'autorisation et dont la réalisation doit intervenir dans le cadre des obligations nées du transfert mais après la survenance de la faillite.

Par ces motifs

LE TRIBUNAL

Statuant contradictoirement

Donne acte aux parties de leur comparution volontaire

Reçoit la requête en intervention volontaire

Déclare la demande principale et la requête en intervention volontaire non fondée et en déboute leurs auteurs

Dit pour droit que l'huissier de justice P. Vranckx, de résidence à Braine-l'Alleud, est seul habilité pour répartir le produit du transfert qui lui a été remis par le mandataire de justice, conformément aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire

Délaisse à chaque partie ses dépens.

(…)