Article

Tribunal de commerce Bruxelles, 25/10/2010, R.D.C.-T.B.H., 2012/4, p. 367-374

Tribunal de commerce de Bruxelles 25 octobre 2010

TITRES
Titres de créance 'perpétuels' et subordonnés - Nature - Obligations (oui)
Même si leurs caractéristiques les rapprochent des actions, les instruments financiers 'perpétuels' et subordonnés sont des obligations, qui ne peuvent être assimilées à des actions. A tout le moins deux éléments les distinguent des actions: les intérêts, préalablement convenus, et le caractère subordonné, qui permet à l'investisseur, en cas de faillite de l'émetteur, d'être remboursé avant les actionnaires.
INSTITUTIONS ET INTERMÉDIAIRES FINANCIERS
Gestion de fortune et conseillers en placement - Conseil en placement
Gestion de portefeuille - Mandat du gestionnaire - Obligation de fournir des informations avant chaque opération (non) - Rapport périodique de gestion - Obligation de prévoir une classe spécifique pour les obligations 'perpétuelles' et subordonnées (non)
Dans le cadre d'un contrat de gestion de portefeuille, le gestionnaire dispose d'un mandat de gestion discrétionnaire. Il doit certes respecter le profil de gestion défini et la limite contractuellement fixée pour chaque catégorie d'instruments financiers, mais non fournir au client, lors de chaque opération, les informations nécessaires pour apprécier l'opportunité de cette opération.
Le client ne peut faire grief au gestionnaire de ne pas avoir prévu, dans les rapports trimestriels de gestion, une classe spécifique pour les obligations perpétuelles et subordonnées. Si le client l'avait souhaité, il lui appartenait de le préciser.
EFFECTEN
Eeuwigdurende en gesubordineerde schuldeffecten - Aard - Obligaties (ja)
Zelfs indien hun kenmerken gelijken op die van aandelen, zijn de eeuwigdurende en gesubordineerde financiële instrumenten obligaties die niet met aandelen kunnen worden gelijkgesteld. Tenminste twee elementen onderscheiden hen van aandelen: de interest, die voorafgaandelijk overeengekomen is, en het gesubordineerde karakter, dat de belegger toelaat, in geval van faillissement van de uitgever, om vóór de aandeelhouders te worden terugbetaald.
FINANCIELE INSTELLINGEN EN TUSSENPERSONEN
Vermogensbeheer en beleggingsadviseurs - Beleggingsadvies
Beheer van portefeuille - Lastgeving van de beheerder - Verplichting om informatie te verstrekken voor elke verrichting (nee) - Periodiek beheersverslag - Verplichting om een specifieke categorie te bepalen voor de 'perpetuele' en gesubordineerde obligaties (nee)
In het kader van een overeenkomst van vermogensbeheer, beschikt de beheerder over een discretionnair beheersmandaat. Hij moet het bepaalde beheersprofiel en de voor elke categorie van financiële instrumenten contractueel bedongen limiet respecteren, maar niet, bij elke verrichting, de informatie aan de klant verschaffen die noodzakelijk is om de opportuniteit van die verrichting in te schatten.
De klant kan de vermogensbeheerder niet verwijten dat deze, in zijn trimestriële beheersverslagen, geen specifieke categorie heeft voorzien voor de eeuwigdurende en gesubordineerde obligaties. Als de klant dit had gewenst, dan behoorde het hem toe dat te bepalen.

M. G. / SA Etablissement de gestion

Siég.: S. Frankignoul (juge), J.-P. Chaineux et R. Brachwitz (juges consulaires)
Pl.: Mes M.-F. Dubuffet et J.-P. Buyle, A.-P. André-Dumont, G. Dejemeppe

(…)

I. Objet des demandes

1. Attendu que la demande de M. G. tend à entendre:

- à titre principal, condamner l'établissement de gestion à reprendre:

* 25.000 titres (ISIN = DE000A0DTY34), “Deutsche Bk/CAP TIER1/PERP NC5 CMS Note” au prix unitaire de 100 EUR;

* 50.000 titres (ISIN = DE000A0D24Z1), “Deut. Posbk CMS Tier1 Var 05 perp” au prix unitaire de 100 EUR;

* 90.000 titres (ISIN = NL0000116150), “Aegon (EUR) Var 04-49 15.07” au prix unitaire de 100 EUR; et

* 100.000 titres (ISIN = NL0000116127), “ING Groep (EUR) Var 04-49 30.06” au prix unitaire de 100 EUR;

à majorer des intérêts au taux légal depuis le 28 janvier 2009, date de la citation introductive d'instance;

- à titre subsidiaire, condamner l'établissement de gestion à lui payer la somme de 106.731 EUR à titre de dommages et intérêts, à majorer des intérêts au taux légal depuis le 28 janvier 2009, date de la citation introductive d'instance;

- condamner l'établissement de gestion aux dépens, à savoir: 256,65 EUR de frais de citation et 5.000 EUR d'indemnité de procédure (montant de base);

- déclarer le jugement à intervenir exécutoire;

Que lors des plaidoiries, le conseil de M. G. précise que ce qui est demandé n'est pas de reprendre les titres “au prix unitaire de 100 EUR” mais à une valeur de 100% de leur prix d'achat;

Que l'Etablissement de gestion demande de déclarer cette demande non fondée et fixe l'indemnité de procédure à 5.000 EUR.

II. En faits

2. Attendu que l'Etablissement de gestion est une société de gestion de portefeuille disposant d'un panel de nombreux clients dont les avoirs sont déposés auprès de la banque.

Qu'en date du 2 avril 2001, les parties ont signé un contrat de mandat de gestion par lequel M. G. donnait mandat à l'Etablissement de gestion de gérer les avoirs qui lui avaient été confiés et qui étaient placés sur les comptes de la banque.

Que ce contrat prévoit:

“Par gestion, il convient d'entendre l'analyse et le suivi permanent du portefeuille ainsi que le pouvoir pour le gestionnaire de disposer des avoirs de la fortune mis à disposition en vue du maintien et si possible de l'accroissement de ceux-ci.” (art. 1A du contrat de gestion);

“Préalablement à la signature du présent mandat, le client a informé le gestionnaire de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés.” (art. 2A du contrat de gestion);

“Après en avoir délibéré avec le gestionnaire et conscient des risques et returns potentiels des différentes gestions, le client demande au gestionnaire de privilégier une gestion axée sur la recherche de revenus (maximum 10% en actions).” (art. 2B du contrat de gestion);

“Le client est conscient que le gestionnaire est soumis à une obligation de 'moyens' et non de résultat.” (art. 2D du contrat de gestion)

“Outre le fait que le dépositaire informera immédiatement le client de toute opération, le gestionnaire remettra au client, trimestriellement et, le cas échéant, au moment où la convention prend fin, un rapport reprenant l'ensemble des avoirs en gestion, leur valorisation sur base des cours disponibles les plus récents et les prorata d'intérêts. Un aperçu de la répartition des risques, le montant de la rémunération de gestion décomptée et une mesure de performance seront également remis au client.” (art. 4 du contrat de gestion);

Que sur l'exemplaire produit par M. G., il est indiqué: “pour l'achat d'action le client désire être consulté préalablement”; que sur l'exemplaire produit par l'Etablissement de gestion la mention “pour les transactions sur action, je désire être consulté” a été barrée;

Que l'annexe 1 reprend les instruments de placement sur lesquels l'Etablissement de gestion n'était pas autorisée à opérer; qu'il résulte de ce document que l'Etablissement de gestion était autorisé à opérer sans restriction en ce qui concerne les placements monétaires, les obligations, les actions, l'immobilier et les warrants;

Qu'était également joint au contrat un document définissant les instruments de placement et risques y afférents: que, parmi les placements à revenu fixe, étaient repris les placements monétaires, les obligations et les obligations convertibles; que, parmi les placements à revenu variable, étaient repris les actions, les organismes de placement collectif, les certificats immobiliers et les warrants.

3. Attendu que le 2 juin 2004, l'Etablissement de gestion a acheté 100.000 titres “ING Groep (EUR) Var 04-49 30.06” pour un montant de 100.000 EUR;

Que le 13 juillet 2004, l'Etablissement de gestion a acheté 90.000 titres “Aegon (EUR) Var 04-49 15.07” pour un montant de 90.000 EUR;

Que, par e-mail du 9 septembre 2004, M. G. demandait à l'Etablissement de gestion de lui donner des explications entre autres sur les positions suivantes:

- “ING Groep. Quelle est son échéance? Pas 2049 je suppose. Le taux semble variable (comment)

- Aegon. Quelle est son échéance? Pas 2049 je suppose”;

Que l'établissement de gestion affirme avoir répondu verbalement que le libellé des obligations devait se comprendre comme sans échéance, à savoir perpétuelles et donc subordonnées.

4. Attendu que le 5 janvier 2005, l'Etablissement de gestion a acheté 25.000 titres “Deutsche Bk/CAP TIER1/PERD NC5 CMS Note” pour un montant de 25.000 EUR;

Que le 25 mai 2005, l'Etablissement de gestion a acheté 50.000 titres “Deut. Posbk CMS Tier1 Var 05 perp” pour un montant de 50.000 EUR.

5. Attendu que les 4 titres repris ci-dessus sont les titres qui font l'objet de la présente procédure; qu'ils ont été achetés pour un montant total de 265.000 EUR;

Que selon le rapport trimestriel de l'Etablissement de gestion, la composition du portefeuille de M. G. au 31 décembre 2005 était la suivante:

- 20% actions;

- 46,4% obligations (dont 14,78% de titres litigieux);

- 1% obligations convertibles;

- 29,8% liquidités;

- 2,8% certificats immobiliers.

Qu'il faut préciser qu'au cours du contrat, M. G. a modifié à plusieurs reprises ses instructions concernant la proportion d'actions qu'il souhaitait avoir dans son portefeuille en fonction de l'évolution du marché; qu'ainsi, par exemple, par e-mail du 29 septembre 2005, il portait le pourcentage maximum en actions à 20%.

6. Attendu que suite au transfert par M. G. de son portefeuille auprès de la banque, le contrat de mandat de gestion fut remplacé par un autre qui fut signé le 6 février 2006; que ce deuxième contrat est rédigé en des termes très similaires au premier sauf que le pourcentage maximum en actions est fixé à 20% et qu'il n'est pas prévu que M. G. doive être consulté préalablement à l'achat d'actions;

Que, par e-mail du 22 février 2006, M. G. indiquait:

“Je constate que mon compte est transféré. C'est parfait. Vous m'aviez dit qu'il m'était quand même possible de suivre ce dernier par Internet. Comment peut-on faire?”;

Que, par e-mail du même jour, l'Etablissement de gestion répondait:

“Effectivement - et je l'ignorais - la banque n'offrira la consultation des comptes sur Internet qu'en avril ou mai de cette année.”

7. Attendu que, par e-mail du 8 mars 2006, M. G. demandait à l'Etablissement de gestion de lui transmettre les descriptifs des CMS de la Deutsche Bank et de la Deutsche Postbank;

Que, par e-mail du 10 mars 2006, l'Etablissement de gestion répondait:

“Les conditions de ces obligations perpétuelles sont les suivantes:

Deutsche Bank: taux de 6% du 28 janvier 2005 au 28 janvier 2010. Ensuite le taux résultant de la différence entre le CMS 10 ans et le CMS 2 ans multipliée par 4, avec un min. de 3,50% et un max. de 10%;

Deutsche Postbank: taux de 7% du 7 juin 2005 au 7 juin 2008. Ensuite CMS 10 ans + 12.5 b.p., avec un maximum de 8%.

Elles ont été souscrites à l'émission à un prix de 100% et sont soumises à des remboursements anticipés qui ne seront évidemment exercés par l'émetteur que si elles cotent au-dessus de 100%”;

Que, le même jour, M. G. écrivait:

“Merci beaucoup pour ces informations et ces placements, qui semblent très intéressants. Je ne comprends pas comment elle cote aussi bas. Comme je suis plus intéressé par le rendement sous forme de coupon, le cours ne m'intéresse pas en tant que tel.

DB: 3,5% est quand même un bon taux aujourd'hui, et 6% pendant 5 ans c'est beaucoup aussi. D'après ce que je lis elle est perpétuelle?

DP: CMS 10 - Taux intraday + 12,5 b.p.?: Est-ce qu'elle est aussi perpétuelle?”;

Que, toujours le même jour, l'Etablissement de gestion répondait:

“Oui, les deux obligations sont perpétuelles.

Par ailleurs, les 12,5 b.p. ou 0,125% sont ajoutés au taux CMS 10 ans.

Je vous adresse la semaine prochaine l'un ou l'autre document explicatif de ces baisses de cours.”;

Que, par e-mail du 13 mars 2006, l'Etablissement de gestion a transmis deux documents techniques intitulés “Mise au point sur obligations de type FRN CMS linked” et 'CMS Constant Maturity Swap'.

8. Attendu que, par e-mail du 4 avril 2006, M. G. demandait:

“Comme je n'ai plus accès au portefeuille par Internet, je me suis amusé à tout introduire dans MS money. De par ce fait j'ai encore quelques questions sur les obligations en portefeuilles:

Quelles sont les modalités de taux pour cette obligation à taux variables

1) ING Groep VAR 04-49 30.06 4,625%

2) Aegon VAR 04-49 15.07”;

Que l'Etablissement de gestion affirme avoir réitéré oralement les explications déjà données à ce sujet.

9. Attendu que, par e-mail du 7 août 2006, M. G. disait être ravi de la bonne performance des actions mais attristé par la mauvaise performance des autres postes; qu'il citait entre autres la perte de valeur encaissée par l'investissement de 265.000 EUR à taux variables faibles avec échéance allant au-delà de 2049 dont deux perpétuelles;

Que, par e-mail du 8 août 2006, l'Etablissement de gestion confirmait que “nous ne pouvons être contents de nos investissements en obligations perpétuelles qui (...) ont vu leurs cours 'dégringoler'”;

Que, par e-mail du 11 août 2006, M. G. écrivait: “Je suis ravi de lire que vous partagez l'analyse des perpétuelles ou semi-perpétuelles. C'est quelque chose qu'il ne faut pas refaire.”

10. Attendu que selon le rapport trimestriel de l'Etablissement de gestion, la composition du portefeuille de M. G. au 31 décembre 2006 était la suivante:

- 18,9% actions;

- 37,6% obligations (dont 13,25% de titres litigieux);

- 42,5% liquidités;

- 1% immobilier.

Qu'au 31 décembre 2007, cette composition se présentait comme suit:

- 18,7% actions;

- 41% obligations (dont 11,86% de titres litigieux);

- 39,2% trésorerie;

- 1,1% immobilier.

11. Attendu que, par e-mail du 22 février 2008, M. G. écrivait:

“Je constate que les 2 obligations perpétuelles CMS qui sont dans mon portefeuille sont subordonnées. Comme ces obligations sont en plus perpétuelles, elles sont assimilables à des actions. On devrait donc les classifier comme telles. Pour ce qui est de leur rendement, vu la chute spectaculaire leur rendement futur est de l'ordre de 7,48% pour la postbank et 5,7% pour la deutsche bank. Ce qui n'est pas mal. Au prix actuel, je ne pense pas qu'il soit raisonnable de la vendre.

Y a-t-il d'autres obligations subordonnées dans le portefeuille?

Suivant le site la performance est de -3,6%? C'est très décevant pour un portefeuille aussi défensif.”;

Que, par courrier du 24 février 2008, M. G. mettait fin au contrat de gestion et remerciait l'Etablissement de gestion pour ses rapides et bons services;

Que selon le rapport de l'Etablissement de gestion au moment où la convention prend fin, la composition du portefeuille de M. G. était la suivante:

- 16,8% actions;

- 40,9% obligations (dont 10,89% de titres litigieux);

- 41,2% trésorerie;

- 1,0% immobilier.

12. Attendu que 8 mois plus tard, par courrier du 11 octobre 2008, M. G. indiquait avoir constaté que certaines lignes obligataires avaient été investies dans des obligations perpétuelles subordonnées pour plus de 15% du total portefeuille; qu'il estimait que ces obligations auraient dû être mises dans la catégorie action; qu'il ajoutait que les caractéristiques perpétuelles et subordonnées ne ressortaient pas dans les évaluations trimestrielles et qu'il a dû le découvrir à la fin du mandat; qu'il en concluait que ces caractéristiques ont été souscrites sans son accord et que l'Etablissement de gestion n'avait dès lors pas respecté les limites du mandat de gestion; qu'il demandait dès lors à l'Etablissement de gestion de lui proposer une solution équitable car ces obligations avaient fortement chuté;

Que, par courrier du 21 octobre 2008, l'Etablissement de gestion répondait que les titres litigieux ne pouvaient en aucune manière être assimilés à des actions et contestait avoir commis une quelconque faute de gestion;

Que le 28 janvier 2009, M. G. a lancé citation.

III. Discussion
A. Quant à la limite de placement contractuellement prévue

13. Attendu que M. G. affirme qu'étant donné que les 4 titres litigieux étaient des titres à revenus variables, perpétuels et subordonnés, ils présentaient des caractéristiques particulières qui les assimileraient à des actions et l'Etablissement de gestion aurait dès lors dû en tenir compte pour la limite de placement contractuellement prévue, à savoir: maximum 20% en actions.

1. Les similitudes avec les actions
a) Le caractère variable

14. Attendu que les intérêts d'une obligation constituent un revenu fixe généralement payable tous les 12 mois, alors que le montant du dividende de l'action dépend de la rentabilité de la société et de sa politique de distribution;

Que M. G. relève que le montant du coupon des titres litigieux est variable et soutient que le revenu n'est pas fixe vu qu'il est conditionné par les résultats de la banque émettrice ou de la société intermédiaire; qu'il précise que, dans certaines circonstances, l'émetteur doit ou peut reporter le paiement des revenus et aucun intérêt n'est dû lorsque le report est obligatoire; qu'enfin, il existe des mécanismes alternatifs de paiement donnant lieu à la conversion du revenu dû en actions de l'émetteur;

Qu'il ne faut cependant pas confondre revenu fixe et taux variable; que, comme le soulève à juste titre l'Etablissement de gestion, les revenus payés par les émetteurs ne varient pas en fonction de critères propres à la rentabilité des émetteurs mais en fonction de l'évolution des taux des bons d'Etats augmenté d'une marge ou de l'évolution des taux des 'interest rate swaps' à 10 ans ou encore de l'évolution d'un différentiel de taux;

Que le paiement des revenus sur les obligations perpétuelles subordonnées n'est donc pas conditionné, comme c'est le cas pour les actions, par les résultats de la banque émettrice ou par le fait que l'émetteur dispose de bénéfices distribuables.

b) Le caractère perpétuel

15. Attendu que le principal d'une obligation est, le plus souvent, remboursé à l'échéance finale alors qu'il n'y a pas lieu à 'remboursement' pour un actionnaire;

Qu'une obligation est dite 'perpétuelle' lorsque que son échéance est indéterminée; que M. G. soutient qu'il n'y a donc, pour l'investisseur, aucune certitude de retrouver le capital investi vu que l'émetteur n'est pas tenu de rembourser l'obligation et les porteurs n'ont aucun droit de l'exiger;

Que l'Etablissement de gestion répond qu'il était d'usage - au moment de la passation des ordres litigieux - que l'émetteur de ce type d'obligations les rembourse au pair, soit à 100% de sa valeur d'achat, à la première date de remboursement anticipé possible, habituellement cinq ou dix années à dater de l'émission; que M. G. conteste cet usage.

c) Le caractère subordonné

16. Attendu qu'en cas de faillite, le produit de la réalisation des actifs de la société sert d'abord à rembourser tous les créanciers et s'il y a un solde - un boni de liquidation - il est distribué aux actionnaires;

Qu'une obligation est dite 'subordonnée' lorsqu'elle n'est remboursée, en cas de faillite de l'émetteur, qu'après tous les autres porteurs d'obligations mais avant les actionnaires;

Que M. G. estime que les porteurs d'obligations subordonnées seraient dès lors dans une situation équivalente à celle d'un actionnaire puisque, vu qu'ils sont remboursés après tous autres créanciers, il est plus que vraisemblable qu'ils ne viennent pas en ordre utile; qu'à suivre ce raisonnement, il faudrait estimer que lorsqu'il existe des créanciers privilégiés, les porteurs d'obligations ordinaires seraient également dans une situation équivalente à celle des actionnaires; que les titres de ces porteurs n'en restent pas moins des obligations;

Que s'il est vrai qu'en cas de faillite, les porteurs d'obligations subordonnées ont moins de chances d'être remboursés que les porteurs d'obligations ordinaires, ils en ont cependant plus que les actionnaires; que leur situation est donc meilleure et non équivalente à celle des actionnaires.

2. Les aspects propres aux obligations

17. Attendu qu'il a déjà été établi ci-dessus à tout le moins deux éléments qui diffèrent entre les titres litigieux et les actions, à savoir:

(i) le titulaire des titres litigieux touche des intérêts qui auront été préalablement convenus avec l'émetteur et qui ne dépendent pas des résultats ou des bénéfices de l'émetteur;

(ii) le caractère subordonné des titres litigieux ne place pas - en cas de concours -, leurs titulaires dans la même situation que celle des actionnaires. En effet, le titulaire de ces obligations obtiendra le remboursement de son prêt avant tous les actionnaires;

Que l'Etablissement de gestion relève, par ailleurs, sans être contredit par M. G. d'autres éléments des titres litigieux qui sont à l'opposé du principe même d'une action, à savoir:

(i) les administrations fiscales taxent - en impôts des personnes physiques - les revenus produits au taux prévu pour les intérêts;

(ii) en matière d'impôts des sociétés, le régime des obligations perpétuelles subordonnées est identique à celui des obligations. Les émetteurs déduisent les intérêts payés sur les emprunts et les investisseurs diminuent leur base imposable en comptabilisant les moins-values et augmentent leur base imposable en comptabilisant les intérêts perçus et les plus-values sur les obligations perpétuelles subordonnées;

(iii) le titulaire de ce titre de créance ne dispose pas de droits politiques à l'égard de l'émetteur;

(iv) les agences de notation attribuent un rating aux titres de créance et non aux actions;

(v) les obligations perpétuelles subordonnées sont cotées sur les marchés financiers dans le compartiment des obligations;

(vi) même durant la crise systémique, les intérêts sur les obligations perpétuelles subordonnées ont toujours été payés à temps selon les conditions préalablement convenues. Les actionnaires des émetteurs - exception faite de la Deutsche Bank qui a versé un modeste dividende - n'ont d'une part, pas touché de dividendes et d'autre part, souffrent les coûts liés au renforcement de leur capital de base par les Etats et au remboursement de l'investissement de ceux-ci. Au contraire, la situation des obligataires est améliorée par un tel renforcement du capital de base. En effet, la société disposera alors davantage de fonds propres de base et donc de garanties pour les créanciers;

Que l'Etablissement de gestion conclut qu'il ne lui appartenait dès lors pas de reclassifier les obligations subordonnées perpétuelles en actions alors que ni les agences de notation, ni les marchés financiers, ni même l'administration fiscale ou la CBFA ne le font;

Qu'elle relève à ce sujet que bien que les obligations convertibles sont des instruments financiers dont les caractéristiques se rapprochent des actions en ce qu'elles peuvent être remboursées en actions, M. G. n'exige pas qu'elles soient classées dans la catégorie des 'actions', alors que le risque engendré par ce type de produit se rapproche - à certains moments - davantage du risque des actions.

3. Les définitions contractuelles

18. Attendu que la définition contractuelle donnée aux termes 'obligations' et 'actions' confirme la distinction à faire entre les titres litigieux et les actions;

Que le document joint au contrat et définissant les instruments de placement et risques y afférents stipule en effet à cet égard:

“B. Obligations.

Définition:

Une obligation est un titre représentatif d'une fraction d'un prêt d'une durée supérieure à 12 mois consenti à une société ou à une collectivité publique.

Les intérêts sont généralement payables tous les 12 mois et le principal est, le plus souvent, remboursé à l'échéance finale.

La qualité du débiteur, la durée de vie et la devise sont les éléments déterminants du choix de l'obligation.

Risques:

- risque de baisse de cours. Le cours d'une obligation varie tout au long de sa vie, en fonction de l'évolution des taux d'intérêt, et de manière d'autant plus sensible que la durée de vie restant à courir est longue.

Si les taux d'intérêt montent, le prix de l'obligation baissera jusqu'au niveau où il est équivalent d'acheter cette 'ancienne' obligation ou d'acquérir une 'nouvelle obligation' au taux du jour plus élevé. Et vice-versa, en cas de baisse des taux.

Au fur et à mesure que l'échéance se rapproche, le cours de l'obligation tend vers le prix de remboursement;

- risque de change: voir placements monétaires;

- risque de non-solvabilité du débiteur. Ce risque comprend non seulement le remboursement du principal mais aussi le paiement des intérêts.

(...)

A. Actions

Définition:

Une action est un titre de copropriété dans une société qui donne droit à participer aux résultats de cette société et le plus souvent, à exercer un droit de vote lors des assemblées générales des actionnaires. La participation aux résultats est exprimée annuellement de manière comptable par un dividende ainsi que par la mise en réserve du bénéfice non distribué. La participation aux résultats est exprimée de manière boursière par l'addition de l'éventuel dividende et des plus- ou moins-values de cours.

Risques:

- risque de baisse de cours. Le cours d'une action varie en fonction de l'appréciation portée par les investisseurs sur les résultats présents et à venir de la société ainsi qu'en fonction de l'évolution boursière du secteur et du marché boursier correspondants. Ces variations de cours peuvent être très importantes, tant à la hausse qu'à la baisse;

- risque de diminution ou suppression du dividende. Le dividende dépend de la rentabilité de la société et de sa politique de distribution;

- risque de faillite de la société. En cas de faillite, le produit de la réalisation des actifs de la société sert d'abord à rembourser tous les créanciers.

S'il y a un solde - un boni de liquidation - il est distribué aux actionnaires.”

4. Conclusion

19. Attendu qu'il résulte de ce qui précède que si les obligations subordonnées perpétuelles peuvent, pour certains aspects, se rapprocher des actions, elles s'en diffèrent fondamentalement pour d'autres aspects; que les obligations subordonnées perpétuelles sont donc une forme particulière d'obligations qui ne peuvent en aucun cas être assimilées à des actions;

Qu'en l'espèce, les titres litigieux relèvent dès lors bien de la catégorie des obligations et non de celle des actions; que l'Etablissement de gestion ne devait donc pas en tenir compte pour la limite de placement contractuellement prévue de maximum 20% en actions.

B. Quant au devoir d'information

20. Attendu que M. G. affirme avoir appris que les titres Deutsche Bank et Deutsche Postbank étaient perpétuels suite aux échanges d'e-mails des 8 et 10 mars 2006 et avoir appris après le 24 février 2008, date de fin des relations contractuelles, que les titres ING Groep et Aegon étaient également perpétuels et que les 4 titres prémentionnés étaient en outre subordonnés et à taux variable;

Que M. G. reproche dès lors à l'Etablissement de gestion un manquement à son devoir d'information et prétend que si cette dernière avait attiré son attention sur les risques particuliers liés au type d'instruments financiers que sont les obligations perpétuelles et subordonnées, il aurait pu apprécier, en connaissance de cause, le respect du profil de gestion qu'il avait défini et la limite contractuellement fixée relativement aux placements en actions.

1. Les termes du contrat

21. Attendu que M. G. rappelle qu'il a fait le choix de confier la gestion de ses avoirs à l'Etablissement de gestion sur la base d'un contrat discrétionnaire ce qui laissait à celle-ci toute liberté dans la disposition de ses avoirs tout en le déchargeant du contrôle constant de l'évolution de son portefeuille;

Qu'il s'avère dans les faits que M. G. a cependant témoigné d'un grand intérêt dans la gestion de son portefeuille et a consulté son compte de manière extrêmement régulière; que cette circonstance n'a cependant pas pour effet de transformer le mandat de gestion discrétionnaire en un contrat de conseil en investissements où le client participe activement à la gestion du portefeuille;

Que l'Etablissement de gestion pouvait dès lors agir sans devoir solliciter de façon ponctuelle les autorisations de M. G. pour autant qu'il n'outrepasse pas les limites et les objectifs établis par les parties lors de la conclusion de la convention.

22. Attendu qu'en l'espèce, l'objectif était le maintien et si possible l'accroissement du portefeuille et qu'il était demandé de privilégier une gestion axée sur la recherche de revenus;

Que l'Etablissement de gestion relève que les agences de notation ont établi des ratings très favorables lors de l'émission des titres litigieux et en conclut qu'il n'est pas contestable qu'au moment de leur achat, ces titres correspondaient au profil de M. G.; qu'il précise que fin 2004, début 2005, personne n'envisageait que les émetteurs des titres litigieux puissent être déclarés en faillite et donc aucun investisseur n'aurait pu mettre en doute la qualité et donc le risque de ces produits;

Que ce que M. G. reproche à l'Etablissement de gestion est en effet, non pas d'avoir fait l'acquisition des titres litigieux mais de ne pas l'avoir informé sur les risques particuliers de ces titres.

23. Attendu qu'en ce qui concerne les limites, il avait été contractuellement prévu que le portefeuille devait être composé de maximum 20% en actions et que M. G. serait consulté préalablement à l'achat d'actions; que cette exigence de consultation préalable ne fut cependant pas maintenue (selon l'Etablissement de gestion elle fut barrée dans le contrat du 2 avril 2001. Elle n'est en tous cas pas reprise dans le contrat du 6 février 2006);

Qu'il a déjà été établi ci-dessus que les titres litigieux ne peuvent pas être considérés comme des actions; que la limite de placement contractuellement prévue n'a donc pas été dépassée; que l'Etablissement de gestion pouvait, par ailleurs, acheter les titres litigieux sans devoir consulter préalablement M. G.; que ce dernier n'a d'ailleurs jamais fait de reproche à ce sujet.

24. Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement de gestion a respecté le profil de gestion défini et la limite contractuellement fixée relativement aux placements en actions; que le fait que M. G. ait ou non disposé des informations nécessaires pour apprécier la situation en connaissance de cause n'est donc pas pertinent.

2. Information systématique

25. Attendu que M. G. prétend que, vu qu'il avait expressément limité le risque quant aux placements en actions, cela impliquerait qu'une information spécifique devait lui être donnée en cas d'investissement en titres hybrides; que les titres hybrides sont définis sur le site (…) comme étant “des produits financiers qui mélangent les caractéristiques des capitaux propres et des titres de dettes. Parmi ceux-ci, on distingue les obligations convertibles, les obligations remboursables en actions, les bons de souscription, les actions privilégiées, les certificats d'investissement, les titres subordonnés à durée indéterminée”;

Que l'Etablissement de gestion relève à juste titre que ne peut être exigée, dans le cadre d'un mandat de gestion discrétionnaire, une obligation d'information comparable à celle qui est attendue dans le cadre d'un contrat de conseil en investissements où le client participe activement à la gestion du portefeuille;

Que l'Etablissement de gestion n'avait donc nullement l'obligation d'informer systématiquement M. G. sur les risques liés aux différents instruments financiers composant le portefeuille; qu'il ne l'a d'ailleurs jamais fait et que M. G. ne le lui reproche pas.

26. Attendu que M. G. savait que des titres pouvaient être hybrides et que des obligations pouvaient avoir un caractère subordonné et/ou perpétuel: qu'il résulte en effet à suffisance des échanges de correspondance que M. G. était un homme d'affaires avisé, habitué aux placements financiers et s'intéressant à la bourse; qu'il pose ainsi des questions très pointues, utilise un vocabulaire financier précis, propose des achats de titres qui lui paraissent intéressants (exemple: M. G. écrit dans un e-mail du 26 septembre 2005: “Par ailleurs, j'ai vu un prospectus d'émission de la BEI. Ils offrent une obligation dont le taux est un écart entre le constant mature swap à 30 ans et celle de 2 ans. Le tout multiplié par 4. La durée est de 15 ans. La période de souscription est du 9 septembre au 31 octobre 2005. Peut-être que c'est une opportunité. Il y a un floar de 2% non cumulé par an.”); qu'il modifie ses instructions concernant la proportion d'actions qu'il souhaitait avoir dans son portefeuille et suggère de vendre certaines actions en fonction de l'évolution du marché (cf. fax du 26 juillet 2002: 0% d'actions, e-mails des 25 et 26 septembre 2002: il demande de vendre certaines actions, e-mail du 5 septembre 2003: 15% d'actions, e-mail du 17 mars 2005: 17,5% d'actions, e-mail du 29 septembre 2005: 20% d'actions);

Que si M. G. souhaitait être tenu informé automatiquement des risques liés aux titres hybrides et/ou aux obligations subordonnées et perpétuelles, il lui appartenait de le prévoir contractuellement, ce qui n'a pas été fait; qu'il est à ce sujet intéressant de relever qu'il ne se plaint pas d'un manque d'information concernant toute une série d'achats d'obligations convertibles subordonnées ou avec warrants auxquels l'Etablissement de gestion a procédé sans donner de détail sur les risques y afférents.

3. Information ponctuelle

27. Attendu que l'Etablissement de gestion relève qu'il ne s'est pas uniquement borné à envoyer les bordereaux d'achats ou les relevés du portefeuille M. G. mais a aussi répondu à l'ensemble des interrogations de celui-ci;

Qu'il résulte de l'exposé des faits que M. G. a posé plusieurs questions au sujet des titres litigieux; qu'il ne prétend pas que l'Etablissement de gestion n'aurait pas répondu de manière correcte et complète à ses questions, compte tenu de son degré de connaissance en matière financière;

Qu'aucun manquement au devoir d'information ne peut donc être reproché à l'Etablissement de gestion.

4. Création d'une catégorie spécifique

28. Attendu que M. G. fait ensuite griefs à l'Etablissement de gestion de ne pas avoir créé dans ses rapports trimestriels une classe spécifique pour les obligations perpétuelles et subordonnées comme il l'a fait pour les obligations convertibles;

Que le contrat ne prévoit cependant pas les catégories qui doivent figurer dans le rapport trimestriel; qu'il semble que les catégories utilisées dans le rapport soient inspirées du document joint au mandat de gestion intitulé “instruments de placement et risques y afférents” qui reprend des définitions pour les instruments suivants: les placements monétaires, les obligations, les obligations convertibles, les actions. les organismes de placement collectif, les certificats immobiliers et les warrants;

Que si M. G. souhaitait plus de catégories avec des définitions plus précises, il aurait dû le préciser; qu'à défaut, il ne peut reprocher à l'Etablissement de gestion d'avoir classé les obligations perpétuelles subordonnées dans la catégorie dont la définition leur correspond, à savoir celle des obligations.

C. Quant aux obligations MiFID

29. Attendu que M. G. reproche à l'établissement de gestion d'avoir violé les articles 15 à 17 et 22 de l'arrêté royal du 3 juin 2007 portant les règles et modalités visant à transposer la directive dite MiFID concernant les marchés d'instruments financiers, ce qui est formellement contesté par l'Etablissement de gestion.

Que M. G. ne précise cependant pas le dommage qu'il aurait subi suite à la faute alléguée et ne formule d'ailleurs aucune demande d'indemnisation à ce sujet;

Que l'examen des reproches allégués est donc inutile pour la solution du litige; qu'il n'y sera dès lors pas procédé;

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL,

(…)

Statuant contradictoirement,

Déclare la demande de M. G. recevable mais non fondée;

Par conséquent, l'en déboute;

(…)