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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 01/12/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/3, p. 328-329

Cour de justice de l'Union européenne 1er décembre 2011

Eva-Maria Painer / Standard VerlagsGmbH e.a.

Affaire: C-145/10
DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL - COMPÉTENCE ET EXÉCUTION
Pluralité de défendeurs


EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT - EXECUTIE EN BEVOEGDHEID
Pluraliteit van verweerders


Dans un arrêt du 1er décembre 2011, la Cour de justice (troisième chambre) a donné une nouvelle interprétation à l'article 6, 1. du règlement n° 44/2001 ('Règlement Bruxelles I').

L'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I permet d'attraire plusieurs défendeurs domiciliés dans les différents états membres devant la juridiction du domicile de l'un d'eux. Une telle concentration du contentieux impliquant plusieurs défendeurs devant une seule juridiction est soumise à la condition que les demandes contre ces défendeurs soient liées par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d'éviter des solutions inconciliables.

La Cour a donné, jusqu'à présent, une interprétation stricte à l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I. Elle a notamment considéré que pour qu'il y ait un risque des solutions inconciliables, justifiant la concentration du contentieux devant un seul juge, il convenait que les demandes contre les différents défendeurs s'inscrivent dans le cadre d'une même situation de droit et de fait. Cela impliquait notamment, selon la Cour, que ces demandes soient soumises au même droit applicable ou, au moins, aux législations entièrement harmonisées. Ainsi, dans l'arrêt Roche Nederland du 13 juillet 2006 (C-539/03), la Cour a déclaré que l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I ne s'appliquait pas aux actions en contrefaçon de brevet européen mettant en cause plusieurs sociétés appartenant au même groupe et établies dans différents Etats membres. Selon la Cour, ces actions en contrefaçon ne s'inscrivaient pas dans une même situation de droit, car un brevet européen, même s'il est octroyé selon une procédure centralisée, constitue en réalité un faisceau de brevets nationaux, soumis à des législations nationales diverses.

Dans l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, la Cour s'est distanciée de cette interprétation stricte des conditions d'application l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I. Par cet arrêt, la Cour a répondu à la question préjudicielle posée par le tribunal de commerce de Vienne qui avait pour origine un litige opposant une photographe autrichienne, Mme Painer, à de divers éditeurs de presse. Quatre de ces éditeurs étaient établis en Allemagne et un en Autriche. Les éditeurs de presse défendeurs ont tous publié, dans la presse papier et sur leur sites Internet, une photographie dont Mme Painer était auteur, sans lui demander son autorisation et sans citer son nom en tant qu'auteur. En invoquant l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I, Mme Painer a introduit les actions contre tous ces éditeurs devant le tribunal de commerce de Vienne et a demandé la cessation de l'infraction, le paiement d'une rémunération approprié et la réparation du préjudice subi.

Dans ce contexte, la Cour a déclaré que le seul fait que les demandes introduites à l'encontre de plusieurs défendeurs, en raison d'atteintes au droit d'auteur matériellement identiques, reposent sur des bases juridiques nationales qui diffèrent selon les Etats membres ne s'oppose pas à l'application de l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I.

Il convient d'ajouter que, si par son arrêt du 1er décembre 2011 la Cour donne un nouvel élan à l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I, elle veille néanmoins à établir les limites de son interprétation de cette disposition. En effet, tout en déclarant que la différence de fondements juridiques entre les actions introduites contre différents défendeurs ne fait pas obstacle à l'application de l'article 6, 1. du Règlement Bruxelles I, la Cour observe que cela est vrai pour autant qu'il était prévisible pour les défendeurs en cause qu'ils risquaient de pouvoir être attraits dans l'Etat membre dans lequel le demandeur a introduit son action.