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Meurtre de l'assuré: la fin définitive de la controverse?, R.D.C.-T.B.H., 2012/3, p. 295-296

VERZEKERINGEN
Algemeen - Verzekeringsovereenkomst - Schuldsaldoverzekering - Opzettelijke doodslag op de verzekerde - Opzettelijk schadegeval - Verval van dekking en geen uitsluiting - Draagwijdte van het begrip 'fraus omnia corrumpit'
Schendt niet artikel 16 verzekeringswet van 11 juni 1874 het arrest dat het beding in een schuldsaldoverzekering uitlegt in de zin dat enkel de begunstigde die betrokken is bij de opzettelijke daad die leidde tot de dood van de verzekerde het voordeel van de begunstiging verliest en beslist dat genoemd vervalbeding geldig is.
Het algemeen rechtsbeginsel 'Fraus omnia corrumpit' verbiedt elk bedrog of oneerlijkheid met het oogmerk om te schaden of winst te behalen. Het sluit niet in alle gevallen uit dat degene die een opzettelijke fout begaat onrechtstreeks voordeel kan halen uit die fout op grond van de wet of van contractueel bedongen clausules.
ASSURANCES
Généralités - Contrat d'assurance - Assurance solde restant dû - Homicide volontaire sur la personne de l'assuré - Sinistre intentionnel - Cause de déchéance, et non d'exclusion - Portée du principe 'fraus omnia corrumpit'
Ne viole pas l'article 16 de la loi du 11 juin 1874, l'arrêt qui interprète une clause d'un contrat d'assurance solde restant dû en ce sens qu'elle déchoit du bénéfice de l'assurance le seul bénéficiaire impliqué dans le fait intentionnel ayant provoqué le décès de la tête assurée, et qui considère que cette clause de déchéance est valable.
Le principe général du droit 'Fraus omnia corrumpit' prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain. Il n'exclut pas de façon générale que l'auteur d'une faute intentionnelle puisse tirer indirectement profit de cette faute en application de la loi ou de dispositions contractuelles.
Meurtre de l'assuré: la fin définitive de la controverse?
Jean-Marc Binon [1]

La question de savoir si le fait intentionnel de l'un des bénéficiaires du contrat d'assurance vie qui a provoqué le décès de la tête assurée doit être interprété comme une cause d'exclusion privant également les autres bénéficiaires, innocents, du droit à la prestation de l'assureur, ou, au contraire, comme une cause de déchéance ne frappant que le seul auteur de ce fait intentionnel, a longtemps nourri la controverse.

En confirmant, dans une affaire d'homicide volontaire de la tête assurée (dans une assurance solde restant dû) commis par son épouse, la solution retenue, en faveur de la seconde interprétation, par la cour d'appel de Liège dans un arrêt du 24 novembre 2006 [2], l'arrêt commenté devrait en principe clore définitivement le débat, d'autant que, si l'article 16 de la loi du 11 juin 1874, en vigueur au moment des faits de l'espèce, pouvait effectivement laisser place à la discussion, il en va aujourd'hui différemment, ainsi que l'a judicieusement souligné l'arrêt de la cour d'appel de Liège, avec l'article 8, 1er alinéa de la loi du 25 juin 1992, qui exonère l'assureur de sa prestation “à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre”, mais non vis-à-vis du ou des autres bénéficiaires éventuels qui seraient étrangers à ce sinistre intentionnel.

Dans sa communication n° D 198 du 14 mai 2001, l'autorité de contrôle des assurances (à l'époque, l'Office de contrôle des assurances) a, d'ailleurs, recommandé aux entreprises d'assurance vie de renoncer à la solution de l'exclusion, en soutenant que, “[s]'il est manifeste que le bénéficiaire qui a causé intentionnellement le décès de l'assuré ne peut se prévaloir d'une quelconque prestation, […] il est abusif de ne pas payer le capital décès dans sa totalité aux autres bénéficiaires.”

Si, dans l'absolu, l'interprétation retenue tant par la cour d'appel de Liège que par la Cour de cassation ne heurte pas l'ordre public ou les bonnes moeurs dans la mesure où il n'y a finalement rien d'immoral à ce que l'assureur soit tenu de s'exécuter à l'égard du ou des bénéficiaires qui n'auraient aucunement été impliqués dans le fait intentionnel à l'origine du décès de la tête assurée, la présente affaire montre néanmoins que cette interprétation peut aboutir à un résultat interpellant lorsque, comme en l'espèce, l'auteur de ce fait intentionnel, bien que déchu du droit à la prestation de l'assureur, voit en définitive l'une de ses dettes (une dette d'emprunt) totalement éteinte par l'effet de l'intervention de cet assureur en faveur du bénéficiaire innocent en raison du décès de la tête assurée (l'organisme prêteur).

Ni la cour d'appel de Liège, ni la Cour de cassation ne trouvent cependant rien d'illicite à cela, estimant, en substance, que le principe 'Fraus omnia corrumpit', s'il prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain, n'exclut, en revanche, pas de façon générale que l'auteur d'une faute intentionnelle puisse tirer indirectement profit de cette faute en application de la loi ou de dispositions contractuelles.

Ecartant l'application de ce principe général de droit, la Cour de cassation paraît, de même, fermer la porte à la théorie de l'enrichissement sans cause et à l'éventualité d'une actio de in rem verso de l'assureur à l'égard de l'épouse coupable, lorsque, reprenant à son compte les termes de l'arrêt de la cour d'appel de Liège, elle souligne que l'enrichissement de cette épouse, à savoir la disparition de sa dette, trouve sa cause “dans l'application légale des règles de la compensation [3] suite à l'exécution de dispositions contractuelles dont il a été précisé […] qu'elles n'étaient pas contraires à l'ordre public”.

La voie de la responsabilité non contractuelle n'apparaît pas davantage ouverte à l'assureur. En effet, s'il est vrai que, abandonnant la théorie de la rupture du lien causal par une cause juridique propre, la jurisprudence de la Cour de cassation enseigne, depuis plusieurs années maintenant, que l'existence d'une obligation contractuelle (en l'occurrence, celle consistant pour l'assureur à fournir sa prestation en cas de décès de la tête assurée) n'exclut pas l'existence d'un dommage dont la réparation peut être sollicitée auprès de l'auteur de la faute, cette solution ne vaut cependant pas lorsque, en fonction des termes ou de la portée de la loi, la prestation doit demeurer définitivement à charge de celui qui est tenu de l'exécuter [4]. Or, l'on sait que, dans les assurances vie au sens de l'article 97 de la loi du 25 juin 1992, l'article 98 de cette même loi interdit catégoriquement la subrogation de l'assureur dans les droits du preneur ou du bénéficiaire de l'assurance. Au final, l'assureur semble donc bien démuni dans un cas de figure tel que celui qui a conduit à l'arrêt commenté.

[1] Référendaire à la Cour de justice européenne, maître de conférence U.C. Louvain.
[2] RGAR 2008, n° 14.345.
[3] En l'occurrence, l'assureur, débiteur de la garantie d'assurance, et l'organisme prêteur, créancier de celle-ci, relevaient d'une seule et même entité juridique.
[4] Sur cette évolution, voy. B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence 1996-2007, vol. 1, Le fait générateur et le lien causal, Dossiers JT, n° 74, Bruxelles, Larcier, 2009, 387-412.