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Le caractère autolimité de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, R.D.C.-T.B.H., 2012/3, p. 241-246

INTERMEDIAIRES COMMERCIAUX
Agence - Agent établi en Suisse - Contrat renvoyant au droit belge - Inapplicabilité de la loi du 13 avril 1995
Le choix de la loi belge opéré dans un contrat d'agence commerciale conclu entre un commettant belge et un agent établi en Suisse doit se comprendre comme renvoyant au droit commun belge en matière d'agence commerciale et non aux dispositions de la loi du 13 avril 1995 sur le contrat d'agence commerciale, celle-ci ne profitant qu'aux activités de l'agent établi sur le territoire belge.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Handelsagentuur - Agent gevestigd in Zwitserland - Contract verwijst naar Belgisch recht - Niet-toepasselijkheid van de wet van 13 april 1995
De keuze van het Belgisch recht in een handelsagentuurcontract gesloten tussen een Belgische principaal en een agent gevestigd in Zwitserland moet zo worden begrepen dat verwezen wordt naar het Belgisch gemeen recht inzake handelsagentuur en niet naar de bepalingen van de wet van 13 april 1995 betreffende de handelsagentuurovereenkomst nu deze wet enkel toepasselijk is op de activiteiten van de in België gevestigde agent.
Le caractère autolimité de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale
Aimery de Schoutheete [1] et Paul Vandepitte [2]

1.Le 1er novembre 1992, un commettant belge conclut avec un agent suisse, établi en Suisse, un contrat portant sur la représentation exclusive de certains produits sur le territoire de la Confédération helvétique.

Le contrat d'agence commerciale exclusive était conclu pour une durée indéterminée. Il prévoyait qu'il était régi 'par la loi belge' et soumettait tout différend à une procédure d'arbitrage.

Le 25 mai 2007, le commettant notifia à l'agent la résiliation unilatérale du contrat, moyennant le préavis contractuel de trois mois prenant effet le 1er juin 2007.

L'agent suisse réclama une indemnisation sur la base de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale. Le commettant belge contesta l'application de cette loi et soumit un décompte des sommes qu'il estimait revenir à l'agent.

Les parties étant dans l'impasse, l'agent lança en mai 2008 la procédure d'arbitrage.

2.Le litige devant les arbitres portait non pas sur l'applicabilité de la loi belge, mais sur sa portée.

On rappellera que l'article 27 de la loi de 1995 dispose que “(S)ous réserve de l'application des conventions internationales auxquelles la Belgique est partie, toute activité d'un agent commercial ayant son établissement principal en Belgique relève de la loi belge et de la compétence des tribunaux belges.”

Les parties ayant fait choix de 'la loi belge', l'agent concluait à l'application de la loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale. Selon l'agent, la loi de 1995 constituerait le droit commun belge du contrat d'agence et serait immédiatement applicable aux contrats d'agence commerciale soumis au droit belge, quelle que soit, par ailleurs, la domiciliation géographique de l'agent.

Le commettant, au contraire, rejetait l'applicabilité de la loi de 1995 au motif qu'elle aurait un caractère 'autolimité' et n'aurait donc pas vocation à s'appliquer à un contrat d'agence conclu avec un agent établi en Suisse et prospectant le marché suisse.

Le commettant se reposait, pour l'essentiel, sur une argumentation par analogie avec la loi du 27 juillet 1961 sur la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. Un bref détour s'impose donc.

1. Caractère autolimité de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation des concessions de vente exclusive

3.La question de la détermination du champ d'application territorial de la loi de 1961 a connu une indéniable fortune, singulièrement depuis une vingtaine d'années.

Initialement, la doctrine dominante considérait que lorsque les parties faisaient le choix du droit belge, la loi du 27 juillet 1961 en tant que loi d'application immédiate trouvait à s'appliquer, même si la concession ne produisait aucun effet sur le territoire belge [3].

L'idée était que, comme le droit belge ne connaît en matière de concession de vente exclusive que la loi du 27 juillet 1961, le choix exprès par les parties du droit belge suffisait à ce que leurs relations contractuelles se trouvent soumises à cette loi.

4.Dans les années '80, certains auteurs commencèrent à émettre des doutes quant à la justesse de cette solution.

Les prises de position nouvelles, et plutôt isolées, ne trouvèrent cependant guère d'écho dans la jurisprudence, au demeurant très rare, portant sur le sujet. Au contraire, dans un arrêt du 4 janvier 1989, la cour d'appel de Bruxelles opta clairement, quoique de manière plutôt lapidaire, en faveur du courant dominant et décida que “le droit belge ne connaît en matière de contrats d'exclusivité, que la loi du 27 juillet 1961, de sorte que, dès lors que les parties ont stipulé expressément dans les conventions que le droit belge était applicable, leurs relations contractuelles s'en sont trouvées nécessairement soumises à la loi précitée” [4].

L'arrêt du 4 janvier 1989 de la cour d'appel de Bruxelles fut publié au Journal des Tribunaux en 1990. Dans une note l'accompagnant, les auteurs du présent commentaire critiquèrent la solution retenue par la cour d'appel et proposèrent une théorie fondée sur le caractère 'autolimité' de la loi de 1961 [5]. En substance, ce caractère autolimité se déduit du libellé de l'article 4 de la loi de 1961 et des travaux parlementaires: le juge belge n'est tenu d'appliquer la loi de 1961 que “lors d'une résiliation d'une concession de vente produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge”.

Dès que ce facteur de rattachement territorial est présent, la loi du 27 juillet 1961 régit impérativement, et indépendamment du choix de la loi applicable, la concession de vente résiliée. Cette application impérative trouve toutefois sa limite dans ce facteur de rattachement: la loi de 1961 s'applique si et dans la mesure où la concession litigieuse produit ses effets sur tout ou partie du territoire belge [6].

Bien que la loi du 27 juillet 1961 soit une norme autolimitée, cela ne l'empêche pas d'être éventuellement applicable à titre supplétif. En effet, les parties peuvent librement décider de soumettre leur relation contractuelle à la loi de 1961, alors même qu'elle ne présenterait aucun lien avec le territoire belge.

En revanche, à défaut de référence expresse à la loi de 1961, un simple renvoi au droit belge ne suffit pas à rendre la loi de 1961 applicable à une concession ne s'exécutant pas en Belgique. En pareil cas, c'est le droit commun belge des obligations qui trouvera à s'appliquer, singulièrement si le contrat contient en outre des clauses incompatibles avec les dispositions de la loi de 1961.

La loi de 1961 perd par conséquent son caractère de loi impérative lorsque la situation ne présente aucun lien avec le territoire belge et plus précisément lorsque la concession ne produit aucun effet sur le territoire belge.

Assez rapidement, la doctrine majoritaire rejoignit cette opinion [7].

Après quelques hésitations, la jurisprudence ne tarda pas à suivre.

Ainsi, la cour d'appel de Bruxelles jugea dans son arrêt du 30 janvier 2004 que, “à défaut de stipulation contractuelle explicite faisant référence à la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, celle-ci n'est pas applicable à la concession qui ne s'exécute pas dans tout ou partie du territoire belge. Seul le droit commun s'applique” [8]. La cour d'appel de Liège statua dans le même sens, dans des arrêts des 4 mai 2006 et 17 décembre 2007 [9].

La cour d'appel de Bruxelles, confirma également, dans un arrêt du 27 avril 2004, que la loi du 27 juillet 1961 ne s'applique pas à une concession de vente désignant le droit belge lorsque l'activité s'exécute en dehors du territoire belge, et ce, même si les parties contractantes ont leur siège social sur le territoire belge [10].

La consécration vint d'un arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2006. Le pourvoi avait été introduit contre un arrêt du 28 février 2005 de la cour d'appel de Gand aux termes duquel la cour d'appel décidait que, pour les concessions dont l'exécution se déroule intégralement en dehors du territoire belge, le choix du droit belge par les parties n'entraîne pas automatiquement l'application de la loi du 27 juillet 1961. A défaut d'une clause contractuelle expresse qui renvoie à la loi du 27 juillet 1961, celle-ci ne gouverne par conséquent pas la concession visée [11].

Dans son arrêt du 6 avril 2006, la Cour de cassation rejette le pourvoi en décidant que: “Il ressort de l'article 4 lu dans son intégralité, ainsi que des travaux préparatoires de la loi du 27 juillet 1961 que lorsqu'il est mis unilatéralement fin à une concession de vente produisant ses effets exclusivement en dehors du territoire belge, les dispositions impératives de la loi précitée ne sont en principe pas applicables. Les dispositions impératives de cette loi ne sont susceptibles de s'appliquer en pareil cas que lorsque la convention entre le concessionnaire et le concédant rend cette loi expressément applicable à la convention entre parties. Une référence générale dans la convention de concession au droit belge comme étant le droit régissant la convention ne suffit pas pour rendre ces dispositions impératives applicables” [12].

2. Transposition à la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale

La question de l'éventuel caractère autolimité de la loi de 1995 n'a suscité que peu de doctrine.

Les quelques auteurs qui l'ont abordée [13] ont tiré une parallèle entre les lois régissant les concessions de vente exclusive ainsi que les contrats d'agence, en concluant que la solution retenue pour l'une pouvait également être adoptée pour l'autre.

Il ne fait guère de doute que la plupart des dispositions de la loi de 1995 présente un caractère impératif. La volonté du législateur fut très clairement exprimée au cours des travaux préparatoires: “Le groupe de travail conclut donc que toutes les dispositions sont de droit impératif sauf celles où il est expressément mentionné que des dérogations sont possibles” [14].

Le caractère de loi d'application immédiate résulte de l'article 27 de la loi du 13 avril 1995: “Sous réserve de l'application des conventions internationales auxquelles la Belgique est partie, toute activité d'un agent commercial ayant son établissement principal en Belgique relève de la loi belge et de la compétence des tribunaux belges.” Il en découle l'obligation pour le juge belge, saisi par un agent lésé lors de la résiliation d'une agence commerciale et dont l'établissement principal se trouve sur le territoire belge, d'appliquer exclusivement le droit belge, et ce nonobstant la loi choisie par les parties.

L'article 27 de la loi du 13 avril 1995 contient également un facteur de rattachement territorial: celui de la localisation en Belgique du principal établissement de l'agent.

L'agent dont le principal établissement est établi en Belgique pourra donc revendiquer (devant le juge belge) l'application de la loi de 1995 à la relation contractuelle avec le commettant, même s'il exerce son activité d'agent également, voire exclusivement, en dehors du territoire belge [15].

Faut-il en conclure qu'à défaut d'un tel rattachement au territoire belge, et par analogie avec la loi du 27 juillet 1961, la loi du 13 avril 1995 perd son caractère de loi d'application immédiate et n'a plus vocation à s'appliquer, à moins que les parties l'aient expressément prévu?

C'est ce que décida le tribunal arbitral dans l'espèce commentée: “La loi de 1995 ne profite toutefois qu'aux activités de l'agent établi sur le territoire belge. Or, [le demandeur] n'est pas un agent établi en Belgique.”

L'agent faisait valoir que même s'il fallait considérer que le 'droit belge' s'appliquait à défaut de la loi de 1995, le tribunal arbitral devait avoir égard à la directive 86/653, le 'droit belge' devant s'interpréter conformément au droit communautaire. Le tribunal arbitral rejette l'argument, au principal motif que la directive 86/653 vise uniquement les agents actifs à l'intérieur de l'Union européenne, ce qui n'était pas le cas de l'agent qui, rappelons-le, était établi en Suisse et prospectait exclusivement le marché suisse. Or, la Suisse n'a pas transposé la directive 86/653 ou ne l'a pas rendue 'équivalente' en droit suisse.

Ce faisant, le tribunal arbitral confère indéniablement un caractère 'autolimité' à la loi de 1995, à l'instar de ce que la jurisprudence belge a décidé à propos de la loi de 1961.

3. L'arrêt Ingmar: limite au caractère autolimité de la loi du 13 avril 1995?

Même si le tribunal arbitral, dans les brefs attendus qu'il consacre à la question [16], adopte une position plutôt générale, il convient de garder à l'esprit que l'agent non seulement était établi en Suisse, mais exerçait également ses activités d'agent exclusivement dans ce pays. Il ressort de la sentence même que le commettant contestait l'applicabilité de la loi de 1995 “parce qu'elle aurait un caractère autolimité et n'aurait pas vocation à s'appliquer à un contrat d'agent conclu avec un agent établi en Suisse et prospectant le marché suisse [17].

On peut dès lors se demander quelle aurait été la position du tribunal arbitral dans l'hypothèse où l'agent commercial, établi en Suisse, exerçait tout ou partie de son activité à l'intérieur de l'Union européenne.

Dans son arrêt Ingmar [18] du 9 novembre 2000, la Cour s'est prononcée sur l'applicabilité des articles 17 et 18 de la directive dans le cas où (i) l'agent commercial exerce son activité au Royaume-Uni, (ii) le commettant est une société constituée dans un Etat tiers et (iii) la loi expressément choisie par les parties comme loi applicable au contrat est celle de l'Etat de Californie.

La Cour de justice détermine le champ d'application spatial de la directive en fonction des objectifs poursuivis par la directive: la protection de l'agent commercial [19] et l'harmonisation des règles en vue de la suppression des restrictions à l'exercice de la profession d'agent commercial, de l'unification des conditions de concurrence à l'intérieur de l'Union et de l'accroissement de la sécurité des opérations commerciales [20]. Elle considère que le régime des articles 17 à 19 de la directive revêt d'un caractère impératif [21] et vise à protéger, à travers la catégorie des agents commerciaux, la liberté d'établissement et le jeu d'une concurrence non faussée dans le marché intérieur [22].

La Cour décide “qu'il est essentiel pour l'ordre juridique communautaire qu'un commettant établi dans un pays tiers, dont l'agent commercial exerce son activité à l'intérieur de la Communauté, ne puisse éluder ces dispositions par le simple jeu d'une clause de choix de loi. La fonction que remplissent les dispositions en cause exige en effet qu'elles trouvent application dès lors que la situation présente un lien étroit avec la Communauté, notamment lorsque l'agent commercial exerce son activité sur le territoire d'un Etat membre, quelle que soit la loi à laquelle les parties ont entendu soumettre le contrat” [23] et que les articles 17 et 18 de la directive doivent trouver application dès lors que l'agent commercial a exercé son activité dans un Etat membre, alors même que le commettant est établi dans un pays tiers et que, en vertu d'une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi de ce pays [24].

L'avocat général Léger parvint à la même conclusion en suivant un double raisonnement.

Dans un premier temps, il conclut que la directive est territorialement applicable dans le cas en l'espèce où l'agent commercial est installé dans le territoire européen et y exerce son activité [25]. Il se base notamment sur un raisonnement par analogie avec la jurisprudence concernant l'article 101 TFUE instaurant une application territoriale large des règles en matière du droit de concurrence [26]. Il résulte de cette jurisprudence que le droit de l'Union s'applique dans les “cas où les opérateurs économiques [même non européens] ont, avec le territoire communautaire, un lien tel que leur comportement est susceptible d'avoir une incidence sur les intérêts de la Communauté. En l'occurrence, le territoire communautaire était le lieu où l'entente avait été mise en oeuvre et y avait produit des effets” [27].

Ensuite, il énuméra les objectifs de la directive, telle que l'harmonisation des conditions de concurrence entre opérateurs économiques et conclut que “l'existence d'un lien territorial - soit par la présence effective de l'un des opérateurs sur le territoire d'un Etat membre, soit par l'exercice d'une activité économique sur ce territoire - impose donc une compétence communautaire sur le rapport juridique en cause” [28] qui devrait justifier l'application de la norme communautaire pertinente [29].

Dans un deuxième temps, l'avocat général analyse la question de savoir si les parties peuvent déroger au régime des articles 17 à 19 de la directive. Il répond par la négative mais, contrairement à la Cour de justice, de façon nuancée: une dérogation au régime de la directive n'est pas permise dans la mesure où les règles instituées par les parties sont moins favorables que celles prévues par la directive [30].

Il résulte du raisonnement suivi par la Cour de justice et de celui de l'avocat général que le lien de rattachement pour l'applicabilité (de la loi de la transposition) des articles 17 et 18 de la directive est le fait que l'agent commercial exerce son activité sur le territoire d'un Etat membre.

Ceci garantirait, d'une part, l'application des droits protecteurs prévus par les articles 17 et 18 de la directive à chaque agent commercial exerçant son activité dans l'Union et, d'autre part, le maintien des règles de concurrence dans chaque Etat membre où un agent commercial exerce son activité.

Il s'ensuit en outre que (les règles nationales transposant) les articles 17 et 18 de la directive prévalent sur une règle choisie par les parties au contrat.

Cette approche a été toutefois critiquée dans la mesure où les règles choisies par les parties qui seraient plus favorables pour l'agent que les articles 17 et 18 de la directive ne seraient dès lors pas applicables [31].

De fait, l'article 19 de la directive dispose que “les parties ne peuvent pas, avant l'échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l'agent commercial”. Le fait que la Cour de justice et l'avocat général n'ont pas introduit cette nuance dans leur réponse à la question préjudicielle pourrait s'expliquer par les faits spécifiques de l'affaire; le droit choisi par les parties, à savoir le droit californien, ne prévoyait aucune possibilité pour l'agent de réclamer des indemnités à la fin du contrat, de sorte que l'application du droit choisi par les parties en l'espèce était de toute façon préjudiciable à l'agent.

Il faut donc en conclure que la directive prévoit une protection minimale des agents commerciaux, à laquelle on ne peut déroger sauf si les règles dérogatoires prévoient une protection plus favorable à l'agent.

Si, dans l'espèce commentée, l'agent, établi en Suisse, avait exercé ses activités dans l'Union européenne, il faut conclure, sur la base de l'arrêt Ingmar, que le régime impératif des règles transposant en droit interne les articles 17 et 18 de la directive s'applique. Eu égard au droit choisi par les parties, à savoir le droit belge, les règles de la loi du 13 avril 1995 transposant ces articles 17 et 18 devraient être appliquées [32].

Si l'agent, établi en Suisse, avait exercé ses activités en partie dans l'Union européenne et en partie en dehors de l'Union, le tribunal saisi devrait, à notre avis, départager ces activités, notamment sur le plan financier, et n'appliquer les dispositions de la loi du 13 avril 1995 transposant les règles impératives de la directive qu'à proportion ou dans la mesure de la part 'communautaire' - ou afférente au territoire de l'Union européenne concerné - de ces activités, et le droit commun belge pour le surplus [33].

De ce fait, et alors même que le facteur de rattachement fixé par la loi de 1995 (soit le fait que l'agent a son principal établissement en Belgique) n'existerait pas, le juge saisi peut être amené à devoir néanmoins appliquer les dispositions de la loi de 1995 qui transposent en droit belge les dispositions impératives de la directive. Le caractère autolimité de la loi de 1995 se trouve ainsi lui-même limité dans sa portée.

[1] Avocat - Partner Liedekerke Wolters Waelbroeck Kirkpatrick.
[2] Avocat - Partner Liedekerke Wolters Waelbroeck Kirkpatrick.
[3] F. Rigaux, Droit international privé, T. 1, Bruxelles, Larcier, 1968, 1ère éd., 120; M. Verwilghen, “Les règles de droit limitant leur propre domaine d'application en droit international privé belge” in Rapports belges au Xème Congrès de l'Académie internationale de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 359.
[4] Bruxelles 4 janvier 1989, RW 1989-90, 20.
[5] P. Vandepitte et A. De Schoutheete, “Le champ d'application territorial de la loi du 27 juillet 1961 sur les concessions de vente exclusive” (obs. sous Bruxelles 4 janvier 1989), JT 1990, 726.
[6] J. Fierens en A. Mottet-Haugaard, “Chronique de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (1987-1996)”, JT 1998, 119; C. Verbraeken, “La loi applicable aux contrats de concessions de vente exclusive comportant un ou plusieurs éléments d'extranéité” in Hommage à Jacques Heenen, Bruxelles, Bruylant, 1994, 568; contra : M. Willemart et A. Destrycker, De concessieovereenkomst in België, Antwerpen, Kluwer, 1996, 16-17.
[7] F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, T. II, éd. 1993, n° 1342, p. 565; B. Maes, “Recente ontwikkelingen inzake alleenverkoop, concessie en franchise” in Liber Amicorum Paul De Vroede, Deurne, Kluwer, 1994, 1017; J. Erauw, F. Bouckaert, M. Claeys, K. Lambein, W. Wauters en B. Wylleman, “Overzicht van rechtspraak. Internationaal privaatrecht en nationaliteitsrecht (1985-1992)”, TPR 1993, p. 613, n° 177; C. Verbraeken, “La loi applicable aux contrats de concessions de vente exclusive comportant un ou plusieurs éléments d'extranéité” in Hommage à Jacques Heenen, Bruxelles, Bruylant, 1994, 566-567; J. Fierens en A. Mottet-Haugaard, “Chronique de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (1987-1996)”, JT 1998, 119; P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (juillet 2002 à décembre 2008)”, RDC 2009, liv. 3, 234; G. Ballon, “Toepassingsgebied alleenverkoopwet”, DAOR 2008, liv. 86, 137; P. Hollander, Le droit de la distribution, CUP 110, Anthémis, 2009, 303; contra: M. Willemart et A. Destrycker, De concessieovereenkomst in België, Antwerpen, Kluwer, 1996, 16-17.
[8] Bruxelles 30 janvier 2004, RDC 2005, 55 et RDC 2007, 969.
[9] Liège 4 mai 2006, JLMB, 49 avec obs. P. Kileste et C. Staudt; Liège 17 décembre 2007, JLMB, 1609 avec obs. P. Kileste et C. Staudt.
[10] Bruxelles 27 avril 2004, RDC 2007, 974.
[11] Gand 28 février 2005, RDC 2007, 176.
[12] Cass. 6 avril 2006, RG C.05.0290.N, Pas. 2006, I, 808, RDC 2007, 162 avec note P. Vandepitte et A. De Schoutheete, RW 2006-07, 446 avec note D. Mertens.
[13] A. Mottet-Haugaard et T. Faelli, “Chronique de jurisprudence relative à la loi du 13 avril 1995 sur le contrat d'agence commerciale (1995-2004)”, DAOR 2005, liv. 75, 242; P. Hollander, “Questions de droit international privé et d'arbitrage touchant à la distribution commerciale” in Le droit de la distribution, CUP 110, Anthémis, 2009, 307; P. Kileste, “Agence et concession: deux lois interactives?”, JLMB 2002, liv. 19, 837.
[14] Doc.parl. Sénat 1994-95, 355-3, 14.
[15] P. Hollander, l.c., Le droit de la distribution, CUP 110, Anthémis, 2009, 307.
[16] § 63 et 64.
[17] § 56; nous soulignons.
[18] CJUE 9 novembre 2000, C-381/98, Ingmar, Rec. 2000 p. I-9305. Pour des commentaires sur cet arrêt, voy. notamment: L. Idot, “X”, RCDIP 2001, 112-120; J.-M. Jacquet, “X”, JDI 2001, 511-523; J. Meeusen, “Hof van Justitie 9 november 2000”, RW 2001-02, 756-757; W.-H. Roth, “X”, CMLRev. 2002, 369-383 et A. Van Hoek, “X”, SEW 2001, 195-197; A. Nuyts, “Les lois de police et dispositions impératives dans le Réglement Rome I”, RDC 2009, 553 et s., plus particulièrement 565 et s.; P. Hollander, o.c., 302 et s.; Y. Van Couter, E. Van Parys et G. Driesen, Commentaar bij artikel 27 wet 13 april 1995, OHRA, Afd. 52.
[19] Ingmar, par. 20-21.
[20] Ingmar, par. 23. Confirmé dans CJUE 26 mars 2009, C-348/07, Turgay Semen, par. 14.
[21] Ingmar, par. 21. Confirmé dans CJUE 26 mars 2009, C-348/07, Turgay Semen, par. 17.
[22] Ingmar, par. 24.
[23] Ingmar, par. 25.
[24] Ingmar, par. 26.
[25] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 55.
[26] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 27 et 69.
[27] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 32.
[28] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 33 et 37.
[29] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 39.
[30] Concl. adv.-gén. Léger du 11 mai 2000, par. 75
[31] W.-H. Roth, “X”, CMLRev. 2002, 376 et N. Watte, “Examen de jurisprudence. Droit international privé (conflit des lois). Seconde partie (1990-2002)”, RCJB 2005, 269. Cf. le raisonnement de l'avocat général dans ses conclusions, par. 75.
[32] Sans préjudice à la faculté du tribunal d'appliquer d'autres lois de police, par exemple la loi de police de l'Etat membre (autre que la Belgique, par hypothèse) où l'agent aurait exercé son activité (art. 7.1 de la Convention de Rome). Sur l'incidence à cet égard de l'adoption du Règlement Rome I, applicable aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009, voy. A. Nuyts, o.c., p. 567; comp. P. Hollander, o.c., 293 et 311 et Y. Van Couter, E. Van Parys et G. Driesen, o.c., 13.
[33] Comp. en matière de concessions de vente: P. Vandepitte et A. de Schoutheete, o.c., JT 1990, p. 728, n° 24; B. Tilleman, E. Dursin, E. Terryn, C. Heeb et P. Naeyaert, “Overzicht van rechtspraak. Bijzondere overeenkomsten: tussenpersonen (1999-2009)”, TPR 2010, p. 1127, nr. 770 et les références à la jurisprudence.