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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 20/10/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/1, p. 111-112

Cour de justice de l'Union européenne 20 octobre 2011

Aff.: Interedil (C-396/09)
INSOLVABILITÉ
Insolvabilité transnationale - Insolvabilité européenne - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Article 3, paragraphes 1 et 2 du règlement (CE) n° 1346/2000 - Centre des intérêts principaux du débiteur - Transfert du siège statutaire dans un autre Etat membre - Notion d'établissement


INSOLVENTIE
Transnationale insolventie - Europese insolventie - Verordening 1346/2000 van 29 mei 2000 - Artikel 3, lid 1 en 2 van verordening nr. 1346/2000 - Centrum van de voornaamste belangen - Overdracht van zetel van het ene land naar het andere - Begrip vestiging


Dans un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour de justice a précisé la portée de la notion centrale du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, à savoir, la notion de 'centre des intérêts principaux du débiteur'. Pour rappel, la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur sur le territoire d'un état membre donne aux juridictions de cet état, conformément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement en cause, la compétence internationale pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité. L'article 3, paragraphe 1, précise en outre que, pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. Selon le paragraphe 2 de l'article 3, du même règlement, les juridictions des autres Etats membres ne peuvent ouvrir que des procédures d'insolvabilité secondaires, limitées aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de l'état membre en cause, à condition que le débiteur possède, sur le territoire dudit Etat, un établissement.

Les questions qui ont été adressées à la Cour de justice par le tribunal de Bari (Italie) avaient pour origine les circonstances factuelles suivantes.

La société Interedil, constituée originairement comme une société de droit italien avec un siège social à Monopoli (Italie), a transféré, le 18 juillet 2001, son siège statutaire à Londres et, à cette même date, a été radiée du registre des entreprises de l'Etat italien. En même temps, Interedil a procédé à des opérations consistant en son acquisition par le groupe britannique Canopus ainsi qu'en la négociation et en la conclusion de contrats de cession d'entreprise. D'après Interedil, quelques mois après le transfert de son siège statutaire, la propriété des immeubles qu'elle détenait à Tarente (Italie) a été transférée à Windowmist Limited, en tant qu'éléments faisant partie de l'entreprise transférée. Interedil a également indiqué devant la Cour qu'elle a été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni le 22 juillet 2002.

Le 28 octobre 2003, l'un des créanciers d'Interedil, la société Intesa, a demandé au tribunal de Bari d'ouvrir une procédure de faillite à l'encontre d'Interedil. Cette dernière a contesté la compétence du tribunal de Bari pour ouvrir une procédure de faillite en raison du transfert de son siège statutaire au Royaume-Uni. Le créancier a alors fait valoir qu'Interedil possédait en Italie des biens immobiliers, qu'elle y louait deux complexes hôteliers, qu'elle était liée par un contrat conclu avec une institution bancaire italienne et qu'elle n'avait pas communiqué au registre des entreprises de Bari le transfert de son siège statutaire. Ainsi, la discussion entre les parties devant le tribunal de Bari, s'agissant de la compétence de cette juridiction pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité, s'est cristallisée autour de la question de savoir si les éléments précités étaient suffisants pour renverser la présomption établie à l'article 3 du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux du débiteur se trouve dans le pays de son siège statutaire et si, au moins, il pouvait être admis sur la base de ces éléments qu'Interedil possédait en Italie un établissement pouvant justifier l'ouverture d'une procédure secondaire.

Dans ce contexte, la Cour a donné l'interprétation suivante de l'article 3 du règlement n° 1346/2000. Elle a d'abord observé que la notion de centre des intérêts principaux du débiteur, visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement en cause doit être interprétée par référence au droit de l'Union. Ensuite, elle a précisé que le centre des intérêts principaux d'une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de son administration centrale, tel qu'il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l'hypothèse où les organes de direction et de contrôle d'une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que des décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à l'article 3, paragraphe 1, du règlement en cause, ne peut pas être renversée. Dans l'hypothèse où le lieu de l'administration centrale d'une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d'actifs sociaux et l'existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un état membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption, qu'à la condition qu'une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permette d'établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société, ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre état membre. La Cour a en outre précisé que, dans le cas d'un transfert du siège statutaire d'une société débitrice avant l'introduction d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

Enfin, selon la Cour, la notion d''établissement' au sens de l'article 3, paragraphe 2 du règlement n° 1346/2000 doit être interprétée en ce sens qu'elle requiert la présence d'une structure comportant un minimum d'organisation et une certaine stabilité en vue de l'exercice d'une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond, en principe, pas à cette définition.