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Actualité : Tribunal de première instance Bruxelles, 29/04/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/1, p. 103-104

Tribunal de première instance de Bruxelles 29 avril 2011

Aff.: RG 2010/2761/A
INSOLVABILITÉ
Faillite - Droit des créanciers


INSOLVENTIE
Faillissement - Rechten van de schuldeisers


Les demandeurs étaient, en l'espèce, clients de la SCS Binard-Lienart & Cie, société de bourse déclarée en faillite par jugement prononcé le 4 octobre 1990 par le tribunal de commerce de Bruxelles. Leurs titres et valeurs ayant été détenus par cette société, chacun d'eux a introduit une déclaration de créance auprès de la faillite et a sollicité l'intervention du Fonds de protection des dépôts et instruments financiers (jadis Caisse d'intervention des sociétés de bourse) pour obtenir l'indemnisation de leur créance respective. La Caisse d'intervention des sociétés de bourse a procédé, dans le courant des années 1992, 1994, 2003, 2004 et 2006, à l'indemnisation partielle des demandeurs. En outre, en raison de transactions conclues en mai 2005 entre certaines banques et le curateur à la faillite, ce dernier était en mesure de réserver un dividende aux créanciers de la société faillie.

In casu, le litige portait sur l'attribution de ce dividende, soit aux demandeurs pour la portion de leur créance respective, soit au Fonds de protection des dépôts et instruments financiers ayant indemnisé partiellement les demandeurs et ayant été subrogé, à raison des paiements effectués, dans leurs droits à l'égard de la société faillie.

L'article 1252 du Code civil dispose que: “La subrogation établie par les articles précédents a lieu tant contre les cautions que contre les débiteurs: elle ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie; en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel.”

L'article 62 de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et ayant créé la Caisse d'intervention des sociétés de bourse, déroge à cet article 1252 du Code civil et instaure le concours à rang égal entre le créancier partiellement désintéressé et la Caisse d'intervention subrogée, à la suite du paiement, dans les droits du créancier à l'égard du failli. Par application de cette disposition, en cas d'attribution d'un dividende dans le cadre de la faillite, ce dividende doit être réparti à rang égal entre le créancier partiellement indemnisé et la Caisse ayant procédé à cette indemnisation.

Par la loi du 17 décembre 1998, le Fonds de protection des dépôts et instruments financiers a succédé à la Caisse d'intervention des sociétés de bourse et en a repris l'ensemble des droits et obligations.

Le tribunal rappelle qu'en application de l'article 2 du Code civil et du principe de la non-rétroactivité des lois, la loi nouvelle ne s'applique pas aux situations nées et définitivement accomplies sous l'empire de la loi ancienne. En revanche, cette loi nouvelle s'applique immédiatement aux situations qui naissent à partir de son entrée en vigueur ainsi qu'aux effets futurs de situations nées sous le régime de la loi antérieure. Conformément à ce principe, le paiement, fait extinctif de l'obligation, est régi par la loi en vigueur au moment où il se produit et, lorsque ce paiement intervient après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la subrogation, qui constitue un incident du paiement, est également régie par cette nouvelle loi.

Le tribunal a dès lors considéré, qu'en l'espèce, la subrogation au profit du Fonds de protection des dépôts et instruments financiers est régie par l'article 62 de la loi du 4 décembre 1990, loi ne comportant pas de disposition transitoire.

Le tribunal a également rejeté la 'théorie des droits acquis' invoquée par les demandeurs, cette théorie étant actuellement abandonnée car considérée comme 'fausse au point de vue scientifique' (de Page, Traité élémentaire de droit civil belge, éd. 1962, n° 229).

Il a ainsi été jugé que, par dérogation à l'article 1252 du Code civil, le Fonds de protection des dépôts et instruments financiers, ayant indemnisé partiellement les demandeurs suite à la faillite de la société de bourse Binard-Lienart, est subrogé dans les droits de ces derniers, a rang égal avec eux, à l'égard de la faillite de sorte que le dividende dégagé de cette faillite doit lui être attribué.

I.V.d.M.