Article

Cour de cassation, 07/05/2010, R.D.C.-T.B.H., 2011/6, p. 550-554

Cour de cassation 7 mai 2010

PRIVILEGES
Privilèges particuliers - Vendeur non payé - Réserve de propriété
Il n'existe pas de principe général du droit de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de concours. L'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire dispose que la décision d'admissibilité fait naître une situation de concours entre les créanciers.
La clause par laquelle les parties conviennent de retarder le transfert de propriété d'un effet mobilier est licite. Toutefois, cette clause, valable entre les parties, n'est pas opposable aux créanciers de l'acheteur en cas de concours avec le vendeur lorsque l'acheteur a été mis en possession de la chose vendue. Le vendeur ne peut pas se prévaloir sur le droit de revendication.
VOORRECHTEN
Bijzondere voorrechten - Niet-betaalde verkoper - Eigendomsvoorbehoud
Er bestaat geen algemeen rechtsbeginsel volgens hetwelk het beding van eigendomsvoorbehoud in geval van samenloop geldt ten aanzien van derden. Artikel 1675/7, § 1 van het Gerechtelijk Wetboek bepaalt dat de beschikking van toelaatbaarheid een toestand van samenloop tussen de schuldenaars doet ontstaan.
Het beding waarbij de partijen overeenkomen om de eigendomsoverdracht van een roerend goed uit te stellen, is geoorloofd. Dat beding, dat tussen de partijen geldige gevolgen teweegbrengt, geldt echter niet ten aanzien van de schuldeisers van de koper in geval van samenloop met de verkoper, wanneer de verkochte zaak in het bezit van de koper is gesteld. De verkoper kan geen beslag tot terugvordering instellen.

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Siég.: Ch. Storck (président), D. Batselé, A. Fettweis, Ch. Matray et M. Regout (conseillers)
MP: Th. Werquin
Pl.: Me H. Geinger
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mars 2009 par la cour d'appel de Liège.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:

Dispositions légales violées

- articles 10, 11 et 159 de la Constitution;

- articles 1462 et 1675/7, § 1er du Code judiciaire;

- article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites;

- articles 544, 1101, 1108, 1134, 1165, 1185, 1186, 1582, 1604, 1650 et 1651 du Code civil;

- article 20, 5°, 7ème et 8ème alinéas de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, formant le titre XVIII du livre III du Code civil;

- article 1er, 9° de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation;

- principe général du droit de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de concours, consacré notamment par l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt confirme l'ordonnance entreprise, ayant dit la requête non fondée et délaissé à la demanderesse ses dépens, aux motifs que:

“Par la requête reçue le 16 février 2009, la [demanderesse] interjette appel de l'ordonnance rendue le 2 février 2009 par le juge des saisies de Namur qui refuse d'accueillir la requête en saisie-revendication que lui présentait (la demanderesse) pour obtenir [la récupération de] la voiture Opel Corsa dont elle a assuré le financement au profit de J.-F.C., tout en se réservant la propriété du véhicule jusqu'au complet paiement du prix global, y compris les intérêts et frais (point II, f, des conditions particulières annexées au contrat à tempérament du 18 février 2008).

Bien que la décision ne soit pas produite, il est certain que, le 3 novembre 2008, l'acquéreur a été admis au règlement collectif de dettes par le tribunal du travail de Namur.

Le 4 novembre 2008, (la demanderesse) écrivait au médiateur de dettes, désigné en application de l'article 1675/6, § 2 du Code judiciaire, pour réclamer le respect de la clause de réserve de propriété et la remise volontaire du véhicule pour qu'il puisse être vendu, le produit de la vente étant affecté au paiement du solde restant dû sur le financement. Cette demande a été rejetée au motif que la clause n'est pas opposable lorsqu'elle est invoquée après l'ouverture du concours provoqué par la décision d'admissibilité.

Dans le cadre de la procédure de règlement collectif de dettes, la décision d'admissibilité fait naître une situation de concours selon l'article 1675/7 du Code judiciaire.

La clause de réserve de propriété, valable entre les parties contractantes, n'est pas opposable aux créanciers de l'acheteur en concours avec le vendeur d'objets mobiliers lorsque l'acheteur a été mis en possession de la chose vendue: 'en effet, l'article 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 détermine quels sont les droits du vendeur d'effets mobiliers en concours avec des créanciers de l'acheteur' (Cass. 22 septembre 1994, RG n° C.92.9517.F), le droit de revendication du vendeur qui s'est dessaisi des biens n'étant maintenu 'que (si) la revendication (est) faite dans la huitaine de la livraison et qu'ils se trouvent dans le même état que lors de la livraison' (art. 20, 5°, 7ème al. de la loi hypothécaire). Or, 'l'article 20 précité est d'ordre public en tant qu'il règle les rapports entre le vendeur et les créanciers de l'acheteur; il n'appartient pas, dès lors, aux parties de déroger par des conventions spéciales aux règles qu'il établit sur ce point; notamment, elles ne peuvent, par la clause de réserve de propriété, rétablir le droit de revendication que cette disposition légale n'a laissé subsister que dans les limites rigoureuses qu'elle précise et en remplacement duquel elle a créé le privilège du vendeur' (Cass. 22 septembre 1994, précité).

Certes, cette situation a conduit le législateur à intervenir dans le cadre de la faillite en permettant 'la reconnaissance, dans certaines limites, de l'opposabilité aux tiers de la clause de réserve de propriété' (Doc.parl. Chambre 1995-96, n° 330/2, amendement n° 5, introduisant un article 101bis dans le projet de loi sur les faillites), telle qu'elle a été consacrée aux conditions de l'article 101 de la loi sur les faillites. Mais, 'pour légitimes que soient les raisons qui plaident en vue de la reconnaissance de principe de l'opposabilité de la réserve de propriété aux tiers en cas de concours, elles ne suffisent pas à permettre une application extensive de la loi sur les faillites' (B. Deconinck, “La clause de réserve de propriété et son opposabilité en cas de concours”, RGDC 2005, 250).

Le législateur n'a par ailleurs pas modifié l'article 20, 5° de la loi hypothécaire, qui demeure d'application, de sorte que, 'eu égard à ce texte, le règlement collectif de dettes, la liquidation de la personne morale ou la simple saisie du bien paraissent empêcher toute invocation ultérieure de la réserve de propriété' (F. Georges, “Réserve de propriété et règlement collectif de dettes” (note sous Civ. Namur 8 octobre 2007), JLMB 2008, 81; dans le même sens, voir E. Balate, P. Dejemeppe et F. Domont-Naert, Le règlement collectif de dettes; F. T'Kint, Droit des sûretés, CUP, volume XX, p. 122, n° 36).

Lors des travaux préparatoires de la loi sur les faillites, le ministre de la Justice a exposé que 'la réglementation proposée se situe dans le contexte des faillites et du concordat mais est muette quant aux autres formes de concours. On s'attend à ce que la pratique du droit évolue à la lumière de la réglementation élaborée dans le projet de loi sur les faillites' (Doc.parl. Chambre, 329/17, pp. 157 à 159) mais, outre le fait que ce voeu se heurtait par ailleurs au maintien de l'article 20, 5° de la loi hypothécaire, le législateur ne l'a pas concrétisé ultérieurement lors de l'introduction de la loi sur le règlement collectif de dettes puisque aucune disposition particulière n'a été prévue à cet égard.

Le premier juge a dès lors décidé à juste titre que la clause de réserve de propriété invoquée après la décision d'admissibilité est inopposable aux tiers, même si, de lege ferenda, une modification des règles applicables au règlement collectif, envisagée par la doctrine, peut apparaître souhaitable (voy. F. Georges, déjà cité; Fr. Davreux, Le point sur les sûretés. Développements récents à propos de la clause de réserve de propriété, CUP, octobre 2000, vol. 41, p. 297).”

Le premier juge avait décidé quant à lui:

“Que monsieur C., qui a été mis en possession du véhicule, a néanmoins été admis en règlement collectif de dettes le 3 novembre 2008;

Qu'il ne ressort pas des explications de la [demanderesse] et des pièces déposées qu'elle aurait, avant cette admissibilité, invoqué la clause de réserve de propriété;

Que l'admissibilité du débiteur en règlement collectif de dettes fait naître une situation de concours;

Que, nonobstant la jurisprudence et la doctrine citées par la [demanderesse], il doit être considéré qu'une clause de réserve de propriété invoquée après la naissance d'un concours est inopposable aux tiers (Cass. 22 septembre 1994, RDC 1995, 546; Civ. Namur 8 octobre 2007, JLMB 2008, 73).”

Griefs
Première branche

Il ressort de l'article 1462 du Code judiciaire que, dans les cas où il y a lieu à revendication de la propriété, de la possession ou de la détention d'un objet mobilier, le revendiquant peut, moyennant l'autorisation du juge, saisir cet objet, en quelques mains qu'il se trouve.

Partant, le vendeur d'un bien meuble qui a stipulé une clause de réserve de propriété pourra, en cas de non-paiement du prix convenu, saisir l'objet en l'attente de la résiliation du contrat.

La clause de réserve de propriété retarde en effet conventionnellement le transfert de la propriété du bien vendu jusqu'au moment où le prix convenu aura été payé intégralement, affectant ainsi l'obligation du vendeur de transférer la propriété du bien vendu d'un terme suspensif.

Il s'ensuit qu'avant l'échéance du terme, l'acheteur n'est que le détenteur du bien; il n'en devient le propriétaire que lors du paiement complet du prix.

Lorsque le prix reste impayé, la clause de réserve de propriété autorise le vendeur ou la personne subrogée dans ses droits à revendiquer le bien vendu.

Cette saisie-revendication reste possible, même après la décision d'admissibilité à la procédure en règlement collectif de dettes dont fait état l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, aux termes duquel celle-ci fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour conséquence la suspension du cours des intérêts et l'indisponibilité du patrimoine du requérant. Font partie de la masse tous les biens du requérant au moment de la décision, ainsi que les biens qu'il acquiert pendant l'exécution du règlement collectif de dettes.

Si, selon le troisième alinéa de ce même paragraphe, l'effet des cessions de créance est suspendu jusqu'au terme, au rejet ou à la révocation du plan de règlement et si, de même, et sauf en cas de réalisation du patrimoine, l'effet des sûretés réelles et des privilèges est suspendu jusqu'au terme, au rejet ou à la révocation du plan, cette disposition ne s'oppose nullement à l'exercice de la saisie-revendication, ayant pour objet le retour d'un bien appartenant au revendiquant, ni d'ailleurs au recours à la clause de réserve de propriété.

La clause de réserve de propriété constitue en effet un mécanisme conventionnel, librement consenti par les parties.

Or, si, aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent point aux tiers et ne leur profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 dudit code, les tiers sont tenus de respecter les effets qu'elles ont entre les parties.

Il s'ensuit que les tiers devront respecter l'effet qu'a la clause de réserve de propriété entre les parties, à savoir la remise du transfert de propriété à un moment ultérieur, tout comme les créanciers d'un acheteur ont à respecter l'effet rétroactif d'une condition résolutoire dont serait affectée l'obligation du vendeur, l'effet d'un cantonnement à l'amiable réservant une certaine somme au paiement d'une dette précise à l'exclusion de toute autre ou les effets d'un crédit-bail.

L'article 1675/7, § 1er, 2ème alinéa du Code judiciaire, délimitant la masse, ne fait d'ailleurs état que des biens du débiteur, autrement dit des biens dont il est propriétaire.

Le principe de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété après la naissance d'un concours est d'ailleurs consacré par l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, qui dispose que les biens meubles vendus avec une clause suspendant le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral du prix peuvent être revendiqués, mais qui soumet cette opposabilité à des conditions spécifiques en cas de faillite, dont l'obligation d'un écrit et l'exercice de l'action en revendication, à peine de déchéance, avant le dépôt du premier procès-verbal de vérification des créances.

L'arrêt, qui rejette l'opposabilité de la clause de réserve de propriété aux tiers après la naissance du concours à la suite de la décision d'admissibilité à la procédure en règlement collectif de dettes, alors que tout tiers est tenu de respecter les effets qu'ont les contrats légalement conclus entre parties, statue en violation de la règle selon laquelle les tiers ont à reconnaître les effets que le contrat a entre les parties (violation des art. 1101, 1108, 1134 et 1165 du Code civil), méconnaît le principe général du droit de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de concours, consacré notamment par l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, méconnaît l'effet du terme suspensif dont est affectée l'obligation du vendeur de transférer la propriété du bien vendu, retardant le transfert de la propriété jusqu'au moment du paiement du prix intégral (violation des art. 544, 1101, 1108, 1134, 1185, 1582 et 1604 du Code civil), décide illégalement que le concours né de la décision d'admissibilité empêche le vendeur de biens meubles impayés ou la personne subrogée dans ses droits de se prévaloir encore de cette clause (violation de l'art. 1675/7, § 1er du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites et 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 formant le titre XVIII du livre III du Code civil) et, partant, n'a pu décider légalement qu'il y avait lieu de rejeter la requête en saisie-revendication (violation de l'art. 1462 du Code judiciaire).

Deuxième branche

Aux termes de l'article 20, 5°, 7ème alinéa de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, le vendeur peut, si la vente a été faite sans terme, revendiquer les objets vendus tant qu'ils sont en possession de l'acheteur et en empêcher la revente, pourvu que la revendication soit faite dans la huitaine de la livraison et qu'ils se trouvent dans le même état que lors de la livraison.

Il est prévu au 8ème alinéa de ce même article 20, 5° que la déchéance de l'action revendicatoire emporte également celle de l'action en résolution à l'égard des autres créanciers.

L'article 20, 5°, 7ème et 8ème alinéas de la loi hypothécaire fait explicitement état de la vente faite sans terme.

Il s'ensuit que seuls les contrats de vente qui, conformément à l'article 1650 du Code civil, prévoient explicitement que le prix est payable à la livraison, ainsi que ceux qui n'ont rien réglé quant au jour de paiement, auquel cas le paiement se fera conformément à l'article 1651 du Code civil dans le temps où doit se faire la délivrance, et plus généralement tout contrat de vente dans lequel ne figure aucun terme au sens de l'article 1185 du Code civil, retardant l'exécution de l'engagement jusqu'à l'échéance convenue ainsi qu'il est précisé à l'article 1186 du Code civil, sont visés par cette disposition.

L'article 20, 5°, 7ème et 8ème alinéas de la loi hypothécaire ne s'applique dès lors ni à la vente à terme en général, à savoir le contrat dans lequel l'engagement de l'acheteur est soumis à un terme, ni à la vente à tempérament, à savoir, aux termes de l'article 1er, 9° de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, tout contrat de crédit, quelle que soit sa qualification ou sa forme, qui doit normalement emporter acquisition de biens meubles corporels ou prestations de services, vendus par le prêteur ou l'intermédiaire de crédit, visé à l'article 1er, 3°, 2ème alinéa et dont le prix s'acquitte, par versements périodiques, en trois paiements au moins, non compris l'acompte.

Dans ces deux cas, l'engagement de l'acheteur est en effet retardé dans le temps.

En déclarant la clause de réserve de propriété non opposable aux créanciers de l'acheteur en concours avec le vendeur d'objets mobiliers en cas de règlement collectif de dettes à partir de la décision d'admissibilité au motif que l'article 20, 5° de la loi hypothécaire pose comme condition que le droit de revendication soit exercé dans la huitaine de la livraison, alors que les 7ème et 8ème alinéas dudit article ne concernent que la vente sans terme, à l'exclusion de la vente à tempérament ou à terme, dans lequel le prix ne devient exigible qu'au fur et à mesure des échéances convenues, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision (violation des art. 20, 5°, 7ème et 8ème al. de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 1185, 1186, 1582, 1650, 1651 du Code civil et 1er, 9° de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation).

Troisième branche

Dans l'hypothèse où la Cour admettrait que l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, lu en combinaison avec l'article 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, s'oppose à ce que le vendeur impayé se prévale, après la naissance du concours, de la clause de réserve de propriété afin de revendiquer le bien lui appartenant, l'arrêt fait application d'une disposition inconstitutionnelle.

En effet, aux termes des articles 10 et 11 de la Constitution, les Belges sont égaux devant la loi.

Il s'ensuit que les personnes se trouvant dans des situations identiques doivent être traitées de façon identique.

Le vendeur d'un bien meuble à une personne physique dont la requête en obtention d'un règlement collectif de dettes a été déclarée recevable, ou la personne subrogée dans ses droits, se trouve dans une situation identique à celle du vendeur d'un bien meuble à une personne physique qui a été déclarée en état de faillite puisque aussi bien la décision d'admissibilité dont il est question à l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire que le jugement déclaratif de faillite font naître une situation de concours entraînant la constitution d'une masse, la suspension du paiement des dettes ainsi que la suspension de toute mesure d'exécution à partir de cette date.

Or, alors que l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites prévoit explicitement la possibilité pour le vendeur d'un bien meuble, vendu sous réserve de propriété, de revendiquer ledit bien après la naissance du concours et ce, jusqu'au dépôt du premier procès-verbal de vérification des créances, la clause de réserve de propriété, comprise dans le contrat de vente d'un bien meuble à une personne physique non commerçante, qui a obtenu une décision d'admissibilité au sens de l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, est inopposable aux créanciers concurrents du vendeur impayé, sans qu'un critère objectif ne justifie raisonnablement ce traitement différent du vendeur impayé d'un bien meuble vendu sous réserve de propriété.

Bien au contraire, le législateur a lui-même indiqué dans les travaux parlementaires de la loi du 8 août 1997 que la même solution s'imposait dans le cadre des autres situations de concours.

En excluant la possibilité de se prévaloir de la clause de réserve de propriété et, partant, de revendiquer le bien vendu sous réserve de propriété au motif que l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, qui dispose que la décision d'admissibilité fait naître un concours, lu en combinaison avec l'article 20, 5° de la loi hypothécaire, s'y oppose, alors que cette possibilité est reconnue dans le chef du même vendeur, lorsque l'acheteur est déclaré en état de faillite, l'arrêt fait application d'une disposition inconstitutionnelle (violation des art. 10, 11 et 159 de la Constitution ainsi que, pour autant que de besoin, 1675/7, § 1er du Code judiciaire, 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites et 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851). Partant, la demanderesse invite la Cour à sanctionner cette inconstitutionnalité, après avoir soumis, en application de l'article 26, § 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à la Cour constitutionnelle la question suivante:

L'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, le cas échéant lu en combinaison avec l'article 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition, interprétée en ce sens que le concours entre créanciers, né de la décision d'admissibilité à la procédure en règlement collectif de dettes, s'oppose, en l'absence de disposition spécifique en ce sens, à ce que le vendeur d'un bien meuble impayé, vendu sous réserve de propriété à une personne physique, admise à la procédure de règlement collectif de dettes, mette encore en oeuvre cette clause après la naissance du concours, alors qu'en cas de concours né de la faillite, le vendeur impayé d'un bien meuble identique, vendu sous des conditions identiques à une personne physique, déclarée en état de faillite, pourra, en application de l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, encore se prévaloir de ladite clause et exercer l'action en revendication après la naissance du concours et ce, jusqu'au dépôt du premier procès-verbal de vérification des créances?

III. La décision de la Cour

L'arrêt constate que la demanderesse a assuré le financement de l'acquisition par J.-F.C. d'un véhicule Opel Corsa, en se réservant la propriété du véhicule jusqu'au paiement complet du prix; que J.-F.C. a été admis au règlement collectif de dettes; que la demanderesse a vainement demandé au médiateur de dettes la restitution du véhicule, et, par confirmation de l'ordonnance du juge des saisies, rejette la requête en saisie-revendication de la demanderesse.

Quant à la première branche

D'une part, il n'existe pas de principe général du droit de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de concours.

D'autre part, la clause par laquelle les parties conviennent de retarder le transfert de propriété d'un effet mobilier est licite.

Toutefois, cette clause, valable entre les parties, n'est pas opposable aux créanciers de l'acheteur en cas de concours avec le vendeur lorsque l'acheteur a été mis en possession de la chose vendue.

En ce cas, l'article 20, 5° de la loi hypothécaire détermine les droits du vendeur d'effets mobiliers en concours avec les autres créanciers: si le débiteur a été mis en possession de la chose vendue, le vendeur non payé ne dispose que d'un privilège sur le prix.

L'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire dispose que la décision d'admissibilité fait naître une situation de concours entre les créanciers.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation que le vendeur peut obtenir, après l'ouverture d'une procédure en règlement collectif de dettes, le bénéfice d'une saisie-revendication de la chose vendue avec une clause de réserve de propriété, manque en droit.

Quant à la deuxième branche

S'il relève que “le droit de revendication du vendeur qui s'est dessaisi des biens n'est maintenu que si la revendication est faite dans la huitaine et qu'ils se trouvent dans le même état que lors de la livraison”, l'arrêt ne considère pas que les 7ème et 8ème alinéas de l'article 20, 5° de la loi hypothécaire, qui prévoient les conditions dans lesquelles subsiste le droit de revendication du vendeur, s'appliquent à la vente à terme et ne rejette pas pour ce motif la demande en revendication.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisième branche

En cette branche, le moyen soutient que, si l'article 1675/7, § 1er du Code judiciaire, le cas échéant lu en combinaison avec l'article 20, 5° de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, devait être interprété comme excluant que le vendeur d'effet mobilier impayé puisse se prévaloir d'une clause de réserve de propriété, il y aurait lieu de poser à la Cour consti­tutionnelle la question s'il ne s'ensuivrait pas une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, le vendeur impayé d'un effet mobilier qui, confronté à une situation de concours résultant d'une décision d'admissibilité du débiteur à une procédure en règlement collectif de dettes, ne peut invoquer le bénéfice d'une clause de réserve de propriété et, d'autre part, le vendeur impayé d'un effet mobilier qui, confronté à une situation de concours résultant de la mise en faillite du débiteur, peut invoquer le bénéfice d'une telle clause dans les conditions prescrites par l'article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

L'article 101 exige, pour que la clause suspendant le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral du prix permette la revendication d'un bien, que cette clause ait été établie par écrit, au plus tard au moment de la délivrance du bien, que le bien se retrouve en nature chez le débiteur, que l'action en revendication soit exercée avant le dépôt du premier procès-verbal de vérification des créances et que les frais de garde ou de restitution du bien soient pris en charge par le propriétaire.

A supposer que la Cour constitutionnelle donne une réponse positive à cette question, la Cour ne pourrait que constater une lacune législative, sur les conditions dans lesquelles l'action en revendication pourrait s'exercer dans une situation de concours résultant d'une procédure en règlement collectif de dettes.

Seul le législateur pourrait combler une telle lacune.

La question préjudicielle proposée à l'appui du grief qui y est développé ne doit pas être posée à la Cour constitutionnelle.

En présence de cette lacune, seule la disposition légale existant actuellement doit s'appliquer, de sorte que la cour d'appel n'eût pu donner effet à la clause de réserve de propriété dont se prévaut la demanderesse.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de 325 EUR envers la partie demanderesse.

(…)